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Communiqué n° 663 : Sur la Palme d'or à "Entre les murs"

Le parti de l'In-nocence, sans préjuger des éventuels mérites esthétiques et cinématographiques du film de Laurent Cantet d'après François Bégaudeau, s'inquiète d'une consécration qui paraît marquer le triomphe idéologique des forces les plus contraires à l'école telle que lui même la conçoit et souhaiterait la voir restaurée. Ne suffisent pas à le rassurer pleinement les déclarations de M. Bégaudeau, inspirateur, co-scénariste, principal interprète du film et lui-même professeur, ou ancien professeur, qui déclare aux médias, après son succès, pour expliquer son processus de création :

« J'ai tendu l'oreille à comment parlaient les mômes et puis j'en ai fait un livre. »
Voilà la citation exacte qui m'avait frappé et consterné !
Communiqué parfait.
Utilisateur anonyme
27 mai 2008, 09:08   Re : Communiqué n° 663 : Sur la Palme d'or à "Entre les murs"
Un sociologue spécialiste de l’éducation, professeur à l’université de Bordeaux et directeur à l’EHESS prend la parole...
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interview
«Bégaudeau a su sortir de l’imprécation»


"Libération" : mardi 27 mai 2008

Le sociologue spécialiste de l’éducation, François Dubet, professeur à l’université de Bordeaux et directeur à l’EHESS (Ecole des hautes études en sciences sociales), évoque l’attribution de la palme d’or à un film sur l’école alors que celle-ci est en pleine crise et que le moral des enseignants est au plus bas.



Que pensez-vous de cette récompense dans un tel contexte ?

Je n’ai pas vu le film, mais s’il décrit ce qui se passe dans une classe, je suis heureux de cette palme. Habituellement lorsqu’on parle de l’école en France, c’est tout de suite idéologie contre idéologie, imaginaire contre imaginaire. On a l’art des affrontements entre partisans et défenseurs de la sélection, de la tradition et de la pédagogie… Ce qui est agaçant, dans les débats sur l’éducation, c’est que les choses deviennent très vite idéologiques, quasi religieuses. On a une extrême difficulté à regarder les problèmes en face. A priori, ce film montre un enseignant face à sa classe, comment il tient les élèves, comment il peut y avoir dérapage, etc. C’est une bonne nouvelle.

Avez-vous lu le livre de François Bégaudeau dont le film s’inspire ?

Oui et je l’ai aimé. Trop souvent les livres d’enseignants sur l’école montrent des gens cultivés face à des barbares ou, comme ceux de Brighelli, expliquent que tout fout le camp. Dans ce livre, on voit des élèves qui ne parlent pas la même langue que leur professeur, qui n’ont pas les mêmes centres d’intérêt. Mais Bégaudeau y croit. Il n’est ni dans la nostalgie ni dans la plainte. Ce n’est pas un livre d’imprécations. Ce qu’il décrit est juste.

Ce film pourrait-il contribuer à améliorer l’image des enseignants ?

C’est une situation étrange. En réalité, l’opinion porte un regard très positif sur les enseignants. Ceux sont les enseignants qui sont persuadés que l’on a une vision très négative d’eux. Ils pensent que l’opinion les méprise, ils entendent les gens se plaindre qu’il y a de plus en plus de problèmes à l’école. En fait, dès que l’on critique l’école, les professeurs se croient visés. Or dans l’opinion, c’est plutôt la critique de l’école qui est forte.

Pourquoi cette autodévaluation ?

Les enseignants français se sont tellement identifiés à l’institution qu’ils prennent pour eux toute critique dirigée contre elle. Je fais des conférences où je critique l’école. Souvent à la fin, des professeurs viennent me demander : «Mais pourquoi nous critiquez-vous tellement ?» Quand on dit que l’école n’arrive pas à réduire les inégalités, par exemple, ils se sentent visés. Alors que les médecins ne le prennent pas pour eux lorsqu’on critique l’hôpital. En fait, la crise de l’école est planétaire. Partout on a beaucoup investi et les résultats n’ont pas suivi. En Finlande, qui est aujourd’hui un exemple, il y a vingt ans, on s’est aperçu que cela ne marchait pas. Et on a revu tout le système. En France tout de suite cela prend des allures très polémiques. Car c’est un pays qui, plus que les autres, s’est fait par l’école. Quand elle va mal, on croit que c’est la société qui agonise.

Depuis le succès de Etre et avoir, assisterait-on à une vogue des films sur l’école ?

Il y a des séries télés mais en réalité elles traitent de l’adolescence : l’apprentissage est anecdotique. Les télévisions - c’est le media qui veut cela - ne peuvent filmer un cours de maths où les élèves s’ennuient, il leur faut un professeur extraordinaire, ou qu’il se passe quelque chose. C’est très difficile d’avoir le ton juste sur ces sujets. Le documentaire Etre et avoir est un film quasi ethnologique. Il a été un gros succès car il y a en France une formidable attente et une anxiété au sujet de l’école. Entre les murs pourrait avoir un succès comparable. Il y a d’abord l’effet palme d’or. Il y a aussi les 12 millions d’élèves, 24 millions de parents, 1,5 million d’enseignants. Ce ne sera pas les Ch’tis, mais il y aura du monde.
Enfin moi j'dis qu'le principal dans l'histoire c'est qu'la maman de Boubacar elle a eu ses papiers. C'est c'que j'ai envie d're't'nir, moi.
Comme toujours, on cite la Finlande (ou la Suède, etc.) dont la situation historique, démographique et économique n'a rien à voir avec la nôtre. N'oublions pas que c'est un pays globalement sans mémoire, ou avec une mémoire si proche qu'elle ne pèse pas trop. C'est en suédois que les Finlandais pourraient avoir une mémoire profonde, or les finnophones font très peu d'effort pour apprendre cette langue qu'ils parlent rarement à la sortie de l'école (l'inverse n'est pas vraie : les svenophones parlent finnois), si bien qu'ils n'ont aucune maîtrise de l'histoire littéraire en suédois...
Un pays modèle : le Luxembourg où la scolarité se fait en deux langues, d'abord en allemand, puis en français, sachant que tout le monde parle luxembourgeois (un dialecte germanique ressemblant à l'alsacien). Les Luxembourgeois peuvent ensuite faire leurs études en France, en Belgique ou en Allemagne (ou en Autriche).
On nous fait, avec le film de Cantet, le même coup que celui de la France black-blanc-beur quand celle-ci avait gagné la coupe du monde de foot. Même enthousiasme de rigueur, y compris dans le le Figaro. La classe filmée montrerait , du moins d'après ce que j'en ai entendu dire, une jeunesse certes turbulente et récalcitrante mais qui ignore toute intimidation communautaire, toute récupération islamique, toute violence misogyne, harmonieusement, donc, métissée. Autrement dit ce film qui se donne presque comme un documentaire éluderait tous les vrais problèmes de cette nouvelle France en marche. D'autre part la leçon de cette palme d'or et de la façon dont ont été accueillis les élèves qui ont participé au film, est que, désormais, la seule récompense prestigieuse pour un "jeune" c'est de faire du cinéma ou de la télévision. Or pour cela nul besoin de culture ni même de maîtriser correctement le français mais seulement d'avoir un certain culot, ce qu'ils sont nombreux à avoir à revendre. Ce n'est certes pas le rêve d'intégrer un monde inculte qui ne cesse de rabaisser la France qui va favoriser l'intégration de cette jeunesse. De plus que vont devenir ces adolescents une fois l'effervescence médiatique retombée ? Vont-ils se tourner davantage vers l'étude? Il est permis d'en douter.
Justement, non, chère Cassandre, et vous avez pleinement raison. Hier, sur France Inter, on pouvait entendre certains de ces enfants dire qu'ils allaient désormais faire du cinéma. Je me suis alors dit que ce film était tout pour eux sauf un cadeau, car ils n'ont plus aucune raison d'étudier, s'ils n'en ont jamais eu.
27 mai 2008, 17:31   Tellement sympa
Un acteur d'"Entre les murs" palmé... mais sans-papiers
LEMONDE.FR | 27.05.08 | 17h12 •

En ouvrant la 61e édition du festival de Cannes, le président du jury, l'acteur et réalisateur Sean Penn, avait promis un palmarès "politique". La Palme d'or décernée à la fiction documentaire Entre les murs, de Laurent Cantet, est sans doute allée au-delà de ses espérances. Un des acteurs primés à Cannes est aujourd'hui sans papiers, tout comme la mère d'un de ses partenaires à l'écran, rapporte France Info. Selon Réseau éducation sans frontière (RESF), en pointe sur le dossier des régularisations, d'autres proches de membres de l'équipe du film pourraient être dans la même situation.
Le retour triomphal, lundi 26 mai, des vingt-quatre acteurs du film a plongé le collège Françoise Dolto, dans le 20e arrondissement de Paris, dans une hystérie digne de la montée des marches. La magie de Cannes et les rêves de cinéma ont, pour une journée, remplacé les heures de cours. Mais cette rentrée des classes a aussi été un dur retour à la réalité pour certains des acteurs primés sur la Croisette, rapporte France Info.

COUP DE PALME

Aïssata, d'origine malienne, vit ainsi dans la plus parfaite illégalité depuis plusieurs années : son fils Boubakar, de nationalité française, a reçu la Palme d'or dimanche. C'est donc un véritable "conte de fée" que vit cette mère de famille depuis deux jours, un "miracle" même puisqu'elle devrait bientôt être régularisée, selon RESF. Un autre acteur du film, âgé de 17 ans et d'origine congolaise, est lui monté sur la scène du palais des festivals rejoindre Sean Penn et Robert de Niro alors qu'il est toujours sans papiers. Comme pour Aïssata, sa situation devrait être réglée dès que possible.

En prenant connaissance de la situation administrative de certains membres de son équipes en novembre dernier, soit après le début du tournage, Laurent Cantet n'avait pas hésité à les parrainer ou certains de leurs proches. Un premier coup de pouce, suivi d'un important coup de palme, qui ont permis de faire avancer les choses.

Une militante de RESF, chargée du collectif 20e arrondissement, résume ainsi au micro de France Info la portée de la Palme du film de Laurent Cantet : "Dans un monde où on parle de paillettes, de stars et de Cannes, tout le côté américain de Cannes, la réalité c'est autre chose. La réalité a eu un prix. La réalité, c'est une ZEP (zone d'éducation prioritaire) et des enfants sans papiers."
Utilisateur anonyme
27 mai 2008, 18:37   Re : Communiqué n° 663 : Sur la Palme d'or à "Entre les murs"
Cher Petit-Détour merci !, désormais tous les ingrédients sont réunis pour faire de ce grand film citoyen une oeuvre in-con-tour-nable !
Tous les autres sans-papiers savent ce qu'il leur reste à faire : contribuer à un projet primé à Cannes. Si ce n'est pas du cas par cas !
Utilisateur anonyme
27 mai 2008, 18:48   Re : Communiqué n° 663 : Sur la Palme d'or à "Entre les murs"
"Si ce n'est pas du cas par cas !"


C'est même mieux que ça, c'est du palme par palme !
Utilisateur anonyme
27 mai 2008, 18:58   Re : Tellement sympa
Je lis dans le Figaro que les élèves qui jouent dans le film ont reçu le tarif de la grille Ddass, qui ne doit pas être très élevé. Les producteurs du film précisent qu'il n'y aura pas d'intéressement sur les entrées pour les enfants. Etant donné le grand succès prévisible du film, je me demande s'il ne va pas y avoir très bientôt du contentieux dans l'air...
Ils furent payés par les papiers... faut pas pousser ! Et puis Cantet a déjà beaucoup fait pour eux : papiers, hébergement, visibilité (le fameux quart d'heure) avant le retour à l'obscurité et à l'insignifiance.
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