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Un poème de P. Muray lu par Fabrice Luchini

Envoyé par Gérard Rogemi 
Ceux qui ne connaitraient pas Philippe Muray se doivent de visionner cette vidéo car dans ce poème lu par Luchini il y fait flèche de tout bois.




Utilisateur anonyme
25 octobre 2010, 18:08   Re : Un poème de P. Muray lu par Fabrice Luchini
Grandiose ! Merci !
N'empêche que les vidéos du PI sont techniquement bien mieux réussies.
Utilisateur anonyme
26 octobre 2010, 07:11   Re : Un poème de P. Muray lu par Fabrice Luchini
Ah ! Quel bonheur d'écoute. Merci cher Rogemi.
Je me joins, che rRogemi, au remerciements. Ce genre de vidéos vous redonne de l'énergie pour la journée !
Paru hier dans l'Opinion Indépendante !


Philippe Muray : un mort très vivant

Quatre ans après sa mort, l’auteur d’Après l’Histoire et d’Exorcismes spirituels accède à une nouvelle notoriété grâce au spectacle de Fabrice Luchini qui lit certains de ses textes.

Depuis le printemps dernier (voir notre édition du 19 mars) et jusqu’en décembre, Fabrice Luchini propose au Théâtre de l’Atelier un spectacle construit autour de lectures de morceaux choisis de l’écrivain disparu en mars 2006. L’aventure avait commencé de manière encore plus confidentielle quelques semaines plus tôt lorsque le comédien avait fait une première lecture à la Société des Gens de Lettres à l’invitation de la veuve de Muray. Le succès public du spectacle vaut depuis quelques semaines une reconnaissance posthume à cet irrésistible pourfendeur d’une «époque honteuse et fière de l’être», y compris de la part de gazettes qui l’ignorèrent de son vivant. De Libération au Nouvel Observateur (deux titres dont le prêt-à-penser et le discours moderniste lui fournissaient des sources inépuisables d’indignation ou de rire), tout le monde – ou presque – se lève pour Muray.

«L’enthousiasme des plus grasses canailles de notre époque en faveur de Guy Debord devrait être raisonnablement le début de la démolition de celui-ci», écrivait-il à propos du pape du situationnisme dont il estimait l’œuvre parfaitement adaptée à l’ordre festif contemporain. On peut ne pas partager cette analyse, mais il est évident que Debord et son concept de «société du spectacle» ont été transformés en pin’s intellectuels par des gens qui ne l’ont pas lu et par tous «les mutins de Panurge» (ainsi que Muray nommait les faux rebelles défiant les tyrannies éteintes) de notre temps. Un tel destin guette-t-il à son tour l’œuvre de Philippe Muray ? Risque-t-il de devenir un totem devant lesquels les «incorrects», les «mal-pensants», les «réacs» (anciens ou nouveaux) et autres antimodernes vont se prosterner en compagnie des nouveaux convertis ?

Il y avait eu des signes avant-coureurs. Lors de la polémique lancée à l’automne 2002 par Daniel Lindenberg avec son opuscule Le rappel à l’ordre, l’auteur d’Après l’Histoire fut rangé en compagnie de Maurice G. Dantec, Alain Finkielkraut, Michel Houellebecq ou Paul Yonnet dans le camp des «nouveaux réactionnaires» au cœur une liste noire d’écrivains ou intellectuels ennemis du Bien. Ce qui s’annonçait comme un procès gagné d’avance tourna à la fable de l’arroseur arrosé. Même Le Monde, pourtant dirigé à l’époque par Edwy Plenel, prit ses distances avec le procureur Lindenberg. À propos de ces «nouveaux épurateurs», Muray avait écrit : «ils ne se risquent à monter leurs procès que depuis que la notion même de procès, jusque-là inséparable de la méthode dialectique, est devenue obsolète. De la machine à procès, il ne leur reste que le meilleur : la condamnation.» Cependant, l’opération échoua et Muray, ainsi que les autres, s’en sortit avec les honneurs et une nouvelle notoriété qui lui valut déjà quelques articles bienveillants dans Libération ou Le Nouvel Observateur…

Ce retournement n’échappa point à Michel Houellebecq dans un formidable texte intitulé Philippe Muray en 2002 saluant la visibilité acquise par l’intéressé, mais relevant aussi le fait qu’il devenait malgré lui acceptable par le système : «L’année 2002 restera, aussi, celle où la machine Muray a, pour la première fois, connu quelques ratés. Son fonctionnement, pourtant, n’est nullement en cause ; on peut même dire qu’il n’a jamais été aussi brillant (…) Ma thèse en réalité est que ce n’est pas Philippe Muray qui va de travers, mais le monde ; que le monde, autour de lui, commence à produire quelques phénomènes aberrants, dont on ne peut assurer qu’ils soient non Muray-interprétables, mais qui sont au moins Muray-ambivalents ; qu’en somme la bonne pensée unique, et la terreur molle qui en procède, commencent à laisser entendre de légers craquements.»
Ordre «pénaliste-moraliste planétaire»
Dans les années quatre-vingt, Muray avait publié deux œuvres essentielles, Céline et Le XIXème siècle à travers les âges, sous l’égide de Philippe Sollers (avec lequel il rompra un peu plus tard), mais c’est durant la décennie suivante qu’il se lança dans une série d’essais (L’Empire du Bien, Exorcismes spirituels I & II, Après l’Histoire I & II) posant son art et sa manière tandis qu’il signa en 1997 un dernier roman : On Ferme. Dans ces livres à l’indéfectible couverture bleu-gris, aujourd’hui repris dans un gros volume (1), le grand imprécateur consigna et décortiqua les catastrophes en cours à travers des petits faits vrais relayant les discours et images de l’ordre «pénaliste-moraliste planétaire» dont la fureur festive se marie à la rage d’interdire. Du spectacle des rues ou de la lecture des journaux déroulant leur pensée gramophone, des crétins à roulettes aux Prides de tout poil, d’une techno parade à Paris Plage en passant par un Printemps des poètes ou des campagnes de «bombardements humanitaires» : rien ne lui échappa. Pour notre plus grand bonheur, sa prose goûteuse ridiculisa les nouveaux tartuffes taraudés par «l’envie du pénal» et brandissant une tolérance «qui ne tolère plus rien auprès d’elle-même».
Quand les slogans de la marchandise conquérante et les nomades technophiles assénaient «Nous allons vous faire aimer l’an 2000» ou «Le monde sans fil est à vous», Muray dévoilait leurs objectifs : «Se débarrasser de l’Histoire, donc du mémorable autant que du raisonnement, du sens de la comédie et de la possibilité de comparaison ainsi que de jugement.» Muray refusait cette grande solderie sachant par ailleurs que le Mal, la part maudite de l’homme, et le tragique n’étaient pas non plus solubles dans le monde du «zéro défaut» et du principe de précaution. Dans son remarquable Céline, il soulignait : «En ce temps-là, donc, Céline existait. Je veux dire qu’il existait comme existait aussi l’Histoire, horreur et beauté mêlées ; comme existait également la littérature ; comme existaient enfin les individus. L’opération magique consistant à vouloir trier le bon grain de l’ivraie n’avait pas encore tout envahi. La certitude que la mauvaise herbe ne s’arrache qu’au prix de l’arrachage simultané de la bonne, et qu’à la fin c’est tout le champ qui est pelé, retenait certains enthousiasmes. Céline, faut-il le redire, était coupable évidemment ; mais cette évidence n’était pas devenue l’impasse de la raison au fond de laquelle on voit aujourd’hui se pavaner la tuante vertu en sa traîne de terreur.»
Comédie humaine
Une civilisation entrée dans la fin de l’Histoire, ayant donné naissance à un nouveau type humain («Homo festivus») pratiquant la fausse subversion subventionnée et chassant le négatif au nom du moralisme, de l’indifférenciation des genres ou du politiquement correct : le tableau n’était que trop ressemblant avec le théâtre d’ombres et le jeu de rôles masquant le réel pour ne pas faire de son auteur un éveilleur autant qu’un antidote à l’horreur contemporaine. Si son style flamboyant et son souffle pamphlétaire évoquaient Léon Bloy, c’est chez le Flaubert traquant la bêtise de son temps ou le Balzac s’attelant à décrire les désastres induits par l’évolution des mœurs qu’il faut aller chercher les plus profondes filiations de Muray.

Ainsi, la féroce et désopilante «comédie humaine» qu’il a signée en trempant sa plume dans une encre noire lui assurera une postérité plus certaine que le spectacle (certes brillant) de Luchini piochant souvent dans des textes mineurs («Le sourire de Ségolène», des poèmes), mais à l’efficacité dévastatrice. Que son propos soit raboté ou livré à des exégètes (un voire deux recueils de textes consacrés à Muray sont attendus en 2011), qu’il soit désormais adoubé par ses ennemis d’hier (même Daniel Lindenberg a déclaré récemment son admiration !), que la société hyper-festive fasse son miel de quelques-unes de ses formules : peu importe. Le rire grinçant et sauvage de Philippe Muray n’a pas fini de renvoyer au bel aujourd’hui un miroir sans concessions.

Christian Authier
Utilisateur anonyme
31 octobre 2010, 09:26   Re : Je débute
Dites-moi, cher Rogémi, de quel ouvrage de Muray recommanderiez-vous la lecture en premier lieu ? Merci d'avance de votre réponse.
31 octobre 2010, 09:39   Re : Je débute
Cher Côme,
Voilà ma réponse à votre question.



31 octobre 2010, 11:19   Re : Je débute
Pour un premier contact, je recommande Festivus festivus.
Utilisateur anonyme
31 octobre 2010, 11:43   Re : Un poème de P. Muray lu par Fabrice Luchini
Les poèmes se trouvent dans le livre Minimum respect, dont la préface est remarquable. On peut d'ailleurs y lire ceci :

"Et c'est alors qu'à la "lutte à mort" se substituent, pour finir, les "journées de la lutte", lesquelles conservent à l'idée de lutte un souvenir post mortem. "Je ne veux pas mourrir la craie à la main", hurlait il y a quelques temps un professeur qui processionnait et protestationnait précisément contre la réforme des retraites. Et ce cri du coeur semblait devenir celui de toute l'époque. L'Idéal de ne pas mourrir la craie à la main, mais sans doute plutôt sur une planche à voile, ou encore avec de grosses chaussures de marche et un sac à dos sur un chemin de randonnée de Dalmatie, est une de ces caractéristiques où se reconnaît, sinon la fin, du moins le dénouement de quelque chose: et si ce n'est pas celui de l'Histoire c'est peut-être, tout simplement, celui de la vie nécessaire."
Formidable tout de même ce «dénouement de la vie nécessaire»! Merci, cher Deffalai.
J'ai découvert Muray lors de la parution de son livre Le XIXème siècle à travers les âges, comme mise en forme, c'est pas mal.

Une présentation
Citation
Le XIXème siècle à travers les âges

Attention cher Florentin ce livre est à mon avis le plus déroutant et le plus difficile d'accés bien qu'à mon avis le meilleur qu'il ait jamais écrit. La critique que JGL en fait est d'ailleurs excellente.
31 octobre 2010, 13:42   De la vie nécessaire
"Dénouement de la vie nécessaire", jolie formule, en effet, et qui donne à réfléchir.

Comment l'entendez-vous ? Vie nécessaire, ce serait vie "non-distraite" ?
Personnellement, je recommanderais Après l'histoire, puis les Exorcismes spirituels. Le XIXe siècle seulement ensuite, parce, tout excellent que soit ce livre, c'est du Muray d'avant Muray, si je puis dire, le socle sur lequel se bâtissent ses livres ultérieurs, de loin les plus intéressants à mes yeux. Et en aucun cas ses romans, assez nettement manqués.

En fait, la meilleur “traduction romanesque” de l'univers de Muray se trouve peut-être dans La Grande Intrigue, la “pentalogie” de François Taillandier.
C'est cela, cher Orimont, la vie à laquelle on ne peut échapper ( mais à laquelle Festivus festivus tente désespérément d'échapper) Pour ma part, un ami de référence m'avait conseillé de commencer par Désaccord parfait ; je transmettrais volontiers le conseil. Ici une bibliographie de Philippe Muray ( pour le plaisir de la réplique: «-La littérature sert-elle encore à quelque chose ? - Oui. À nous dégoûter d'un monde que l'on arrête pas de nous présenter comme désirable.»)
Quelle est la position de Philippe Muray à l'égard de la technique ? Peut-être fais-je entièrement fausse route, mais j'ai l'impression que son propos est surtout de nature, disons, satirique, comme si, pour lui, il n'y avait aucune raison matérielle à ce que la "vie nécessaire" soit "dénouée", comme si l'abaissement moral de l'homme contemporain était un choix qu'il pourrait ne pas faire. Il est vrai que ce fameux "festivus festivus" offre un inépuisable sujet de sarcasmes ; on n'en finirait pas de le moquer - et à juste titre. Mais pourquoi apparait-il aujourd'hui ? Ou encore, comment ne pourrait-il pas apparaître ?

Cette "vie nécessaire" enfuie, ne cache-t-elle pas, aussi, l'inutilité grandissante de l'homme comme être nécessairement agissant ?

Houellebecq, dans son entretien avec Finkielkraut, déclarait que, d'après lui, la France n'avait d'autre avenir que le tourisme. Des visiteurs et des gens qui font visiter, chacun à tour de rôle, est-ce une des modalités du "dénouement de la vie nécessaire" ? N'est-ce pas constater qu'il n'y aurait plus que ça à faire, que ce serait là la seule activité "récupérable" du "monde d'avant" ? Hélas, il y en a une autre, et plus que toute autre marquée du sceau de la "nécessité" : c'est la guerre.
Suis-je le seul à me rencogner dans mon fauteuil quand j'entends Luchini déclamer à tue-tête ?
Non, vous n'êtes point seul, cher Alain ; nous sommes au moins deux (peut-être est-ce là l'amorce d'une régularité qui débouchera, qui sait, sur une loi ?).
Je vous assure en tout cas, cher Francmoineau, que pour ma part la cause Luchini produit un effet de rencoignement avec une régularité exemplaire.
Vous êtes trois. Luchini fait du Luchini encore et toujours, une certaine variation sur le thème cabot. Il m'agace mais il m'agace encore plus lorsque je dois lui reconnaître un vrai talent et une certaine exigence dans le choix de ses sujets. Rendre (relativement) populaires Céline, La Fontaine, Muray, c'est risqué et réussi. Reste la térébrante* question : les spectateurs viennent-ils entendre l'auteur ou voir l'acteur? Luchini sert-il le texte ou se sert-il du texte ?

*Ce mot n'est pas de moi, il est d'ici ! Je fait mon Luchnini...
En effet, cher Éric, il fait de bons choix, c'est pourquoi souvent aussi l'on reste dans son fauteuil, même un peu crispé...
Il faut admirer chez Luchini l'athlète: essayez de l'imiter chez vous, sans trébucher, ne serait-ce qu'une minute, livre en main ou pas, et vous verrez. La prouesse vocale et dictionnelle est indéniable; Luchini sert ces auteurs mais il sert aussi la langue, dans une époque où la plupart des "acteurs" en vue ne savent que marmonner.
"En fait, la meilleur “traduction romanesque” de l'univers de Muray se trouve peut-être dans La Grande Intrigue, la “pentalogie” de François Taillandier" (Didier Goux).

Oui, et Muray a d'ailleurs préfacé Les Nuits Racine du même auteur. Je suis d'accord avec vous pour ce qui concerne ses romans. J'ai acheté récemment Roues Carrées, un recueil de nouvelles qu'on trouve assez facilement ; si l'humour est toujours aussi féroce que dans les articles et les essais, j'ai été déçu en revanche par la difficulté du romancier à créer des personnages qui ne soient pas des concepts.
Utilisateur anonyme
01 novembre 2010, 17:46   Re : Un poème de P. Muray lu par Fabrice Luchini
Merci de ces nombreux conseils de lecture ! Même si le programme me semble un peu ambitieux, je vais mettre à profit les longues soirées d'hiver (libérées de toute télévision) qui s'annoncent dans ma campagne perdue.
Plus il y a de chaines, plus c'est nul. Heureusement je capte Mezzo et c'est bien.
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