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Mur du son syntaxique

Envoyé par Pierre-Marie Dangle 
02 novembre 2010, 17:23   Mur du son syntaxique
Il y a quelques instants, sur France Culture, émission "A plus d'un titre" : Jacques Munier s'entretient avec Olivier Christin, professeur d'histoire moderne à l'Université de Lyon II et directeur d'études à l'École pratique des hautes études, spécialiste de l'histoire des XVIe & XVIIe siècles, qui vient de publier un "Dictionnaire des concepts nomades en sciences humaines". Ce qui se dit là n'est pas inintéressant. Mais voici un aperçu de la langue que ce monsieur emploie pour nous exposer ses idées (idées qui tournent en grande partie autour de la langue et des langues) :
"C'est quelque chose auquel on réfléchit."
"C'est un plaidoyer pour faisons attention aux langues européennes." (Là, à mon humble avis, record battu...)
Etc.
02 novembre 2010, 17:44   Re : Mur du son syntaxique
On n'est pas loin de l'aphasie...
02 novembre 2010, 17:53   Re : Mur du son syntaxique
Il manque un "sur comment" à mon goût.
02 novembre 2010, 18:16   Re : Mur du son syntaxique
Qui donc écrivait l'autre jour que JGL exagérait en attribuant ce style à France Culture ?
Utilisateur anonyme
02 novembre 2010, 18:22   Re : Mur du son syntaxique
Citation
"C'est un plaidoyer pour faisons attention aux langues européennes."

Le « pour faisons » est inédit à ma connaissance. Quelle créativité ! Quelle vitalité ! Merci, France Culture, de nous donner la primeur de telles audaces linguistiques.
02 novembre 2010, 20:19   Re : Mur du son syntaxique
Allons, c'est une parataxe.
Utilisateur anonyme
02 novembre 2010, 20:42   Re : Mur du son syntaxique
Citation
Alain Eytan
Allons, c'est une parataxe.

Le « pour » en trop dans ce cas...
Utilisateur anonyme
02 novembre 2010, 21:09   Re : Mur du son syntaxique
La parataxe est une figure de style, autrement dit, c'est une construction syntaxique parfaitement acceptable. Ce n'est pas le cas de la phrase en question qui, pour tout style, présente une bien drôle figure.
02 novembre 2010, 21:58   Re : Mur du son syntaxique
Ne peut-on dire que l'ajout d'une proposition de style direct dans le corps d'une phrase en omettant toute marque signifiant le rapport entre les deux, comme ce semble être le cas ici — « C'est un plaidoyer pour : " Faisons attention aux langues européennes." » — ne soit une forme d'asyndète ?

Cher PhiX, n'est-ce pas plutôt la figure de style elle-même qui autorise la tournure considérée, et donc la rend correcte ?
Utilisateur anonyme
02 novembre 2010, 23:01   Re : Mur du son syntaxique
Je ne pense pas qu'il puisse s'agir d'une asyndète, car il n'y a pas suppression d'un terme de liaison (conjonction).

« C'est un plaidoyer pour : " Faisons attention aux langues européennes." » est également incorrect, puisque après « un plaidoyer pour », on attend un nom et pas une phrase au style direct.
Pour faire passer la tournure, il est un ingrédient infaillible, le "effectivement" en incise, façon Guillaume Durand, comme un plâtre sur une fracture, un baume de soldat en campagne sur une plaie ouverte, qui permet au discours de claudiquer encore quelques lieues : "C'est un plaidoyer pour, effectivement, faisons attention aux langues européennes, car, effectivement, ....".

"C'est un plaidoyer pour faire attention aux langues européennes" en retirant au locuteur sa botte douloureuse, lui aurait écorché le pied; celui-ci a donc préféré traîner la patte et maudire son propre discours jusqu'à la halte suivante dans cette Bérésina du langage. "C'est un plaidoyer pour faisons attention" a quelque chose de tragique-héroïque, de queue de Grande Armée; cela est déséquilibré comme le dernier coup de feu d'un soldat en perdition, en arrière-garde dans un champ enneigé de retraite russe, qui défouraille pour couvrir ses camarades avant de périr...
02 novembre 2010, 23:37   Re : Mur du son syntaxique
Francis, votre "Queue de la Grande Armée" me fait penser à la marquise de la Trémoille.
03 novembre 2010, 10:10   Re : Mur du son syntaxique
Bah ! Anacoluthe, parataxe, asyndète, même involontaires...c'est surtout un bon gros solécisme, un énoncé agrammatical à quoi l'on fait trop d'honneur en cherchant à le parer de noms délicats.
03 novembre 2010, 10:30   Re : Mur du son syntaxique
Francmoineau,

Solécisme, anacoluthe, parataxe... je suis submergé !

Ne serait-il pas plus simple de dire "faute contre la syntaxe" ?

Je me permets par ailleurs d'appeler à l'indulgence, sachant que le français parlé n'est pas le français écrit (je me place sous la protection du Littré et de d'Alembert : "Tant pis pour qui ne fait pas de solécisme en parlant ; on pourrait dire que ces personnes-là lisent toujours et ne parlent jamais").

Le français étant la langue de Molière, je vous invite à méditer cet extrait des femmes savantes :

"Le moindre solécisme en parlant vous irrite ;
Mais vous en faites, vous, d'étranges en conduite".
03 novembre 2010, 10:46   Re : Mur du son syntaxique
Il ne s'agit pas de prétendre qu'on ne fait pas de solécismes - pardon, de fautes contre la syntaxe - en parlant, cher Jean-Marc ; il s'agit de considérer l'échelle qui les caractérise : cet exemple me paraissait suffisamment illustratif pour présenter un certain intérêt à cet égard. Je trouvais également ironique le fait qu'il provienne de quelqu'un de très qualifié et dont le centre d'intérêt était précisément la langue.
Libre à vous de juger qu'il ne convient pas de s'en formaliser - après tout, sur Skyrock, c'est pire, n'est-ce pas.
03 novembre 2010, 10:54   :
Ce sont des parlures de gens qui lisent plus de paperasses que de livres et s'expriment en "points qui seront abordés", un style "ordre du jour de la réunion".
03 novembre 2010, 11:32   Re : Mur du son syntaxique
Oui, sur Skyrock, c'est pire. Le professeur Christin n'est pas, à ma connaissance, un spécialiste de la langue, mais un spécialiste de l'histoire religieuse (et, si on entre davantage dans les détails, un spécialiste de l'iconographie religieuse).

Voyez-vous, Francmoineau, il y a quelques rares Élus qui maîtrisent la langue, j'en conviens. Il y a une piétaille de gens qui, comme moi, ont soit un style peu élégant, soit une syntaxe approximative (ou alors les deux). Il se trouve que la piétaille est par définition plus nombreuse que le Petit troupeau. Je n'ai pas entendu cette émission, je ne sais si ce qui y a été dit était intéressant. Je puis cependant vous dire que j'ai écouté bon nombre d'émissions au cours desquelles des fautes contre la syntaxe ou des fautes tenant à l'introduction de formes qui existent dans des langues étrangères mais non en français étaient souvent commises. Libre à vous de voir si le plaisir de s'instruire (chose dont je ne me lasse pas, je devrais écouter davantage d'émissions consacrées au style, me direz-vous) doit céder devant la crainte d'avoir les oreilles écorchées.
03 novembre 2010, 11:34   Re : Mur du son syntaxique
Orimont,


Le style "Ordre du jour" est tout de même ce qu'on a trouvé de mieux pour ne pas parler de n'importe quoi.
03 novembre 2010, 12:03   Re : Mur du son syntaxique
Citation
Alain Eytan
Ne peut-on dire que l'ajout d'une proposition de style direct dans le corps d'une phrase en omettant toute marque signifiant le rapport entre les deux, comme ce semble être le cas ici — « C'est un plaidoyer pour : " Faisons attention aux langues européennes." » — ne soit une forme d'asyndète ?

Il me semble que cela relève davantage d'une confusion entre le discours direct et le discours indirect. J'illustrerai cela par un exemple :

Je me demande : « Qu'est-ce que c'est ? » (discours direct)
Je me demande ce que c'est. (discours indirect)

Or, à l'oral, on entend de plus en plus la formule bâtarde et fautive (qui, personnellement, m'insupporte) : Je me demande qu'est-ce que c'est.

Je suis d'accord avec vous quand vous interprétez la phrase de la façon suivante : "C'est un plaidoyer pour : « Faisons attention aux langues européennes »." Je ne sais pas si cette tournure est fautive ou non, mais elle ne me paraît pas choquante tant que l'on respecte, à l'écrit, la ponctuation qui marque le discours direct (les deux points et les guillemets qui encadrent la proposition rapportée).

Le problème est qu'à l'oral, ces marques de ponctuation ne s'entendent pas, et que l'on est tenté de transcrire "C'est un plaidoyer pour faisons attention aux langues européennes.", ce qui est effectivement fautif et choquant à l'écrit. La transcription au discours indirect serait alors : "C'est un plaidoyer pour inciter à faire attention aux langues européennes."
03 novembre 2010, 12:04   Re : Mur du son syntaxique
Bien sûr. Mais il n'y a pas que le n'importe quoi, cher Jean-Marc, il y a aussi le n'importe comment. N'oubliez pas que l'attachement aux formes, aux manières, aux apparences, au style est une des valeurs cardinales de l'in-nocence.
03 novembre 2010, 12:27   Re : Mur du son syntaxique
"C'est un plaidoyer pour inciter à faire attention aux langues européennes."

Inciter est un verbe transifif, non ?
03 novembre 2010, 12:47   Re : Mur du son syntaxique
Oui, que ce soient des vertus (et non point des valeurs) cardinales, j'en suis conscient. J'aime beaucoup, ceci dit, le terme cardinal, pris au sens du cardo romain.

Vous noterez, Marcel, que la première des vertus cardinales est la prudence, qui suppose le fait d'avoir un but ultime (la réalisation du Salut). "L'homme prudent, qui s'engage pour tout ce qui est vraiment bon, s'efforce de mesurer toute chose, toute situation et toute son activité à l'aune du bien moral." Il ne faut pas être prisonnier d'une règle, mais considérer plutôt la finalité, sinon vous êtes un pharisien, non un chrétien.

Je dirais cela autrement : il faut respecter les formes, cela me parait évident, mais ce respect des formes ne doit pas se faire au détriment du but qu'on recherche. Je suis un incorrigible jésuite au petit pied : entre le parfait éblouissant et le n'importe quoi uniformément noir bleu, il y a le couci-couça et ses couleurs chatoyantes. La lumière du soir, hésitante et moins directe, est plus propice aux photographies, Marcel, que l'éclat de midi.
03 novembre 2010, 12:54   Re : Mur du son syntaxique
Est-ce la transitivité d'inciter qui est en cause ou la construction absolue (déjà présente chez Bourdaloue : Celui qui fait pécher, celui qui incite au péché, celui qui conseille le péché, celui qui enseigne le péché) ?
03 novembre 2010, 13:10   :
"Le style "Ordre du jour" est tout de même ce qu'on a trouvé de mieux pour ne pas parler de n'importe quoi."

On aimerait vous croire, Jmarc. Cependant, à l'heure où, dans n'importe quel "secteur d'activité", la réunion est devenue exercice obligé et quelquefois hebdomadaire, les "ordres du jour" servent bien souvent, précisément, à classer points par points la riche matière du "n'importe quoi". Qui n'a jamais connu, au sortir de ce type de réunion avec "ordre du jour", le sentiment étrange, presque irréel, que rien n'avait été dit ? Ou bien, autre éventualité, que ce qui avait été dit de vraiment important l'avait été, justement, hors réunion et "ordre du jour", pendant les pauses ou au moment de se quitter ?
03 novembre 2010, 13:25   Re : Mur du son syntaxique
Je m'incline devant Bourdaloue, mais la phrase que j'ai citée ("C'est un plaidoyer pour inciter à faire attention aux langues européennes") me paraissait (sauf votre respect, Félix) un peu bancale et inélégante ; peut-être que l'emploi absolu du verbe "inciter" doit être utilisé à bon escient, c'est-à-dire avec parcimonie. Il y a aussi le fait que "faire attention" n'a pas de sujet dans cette phrase, que tout y flotte...
03 novembre 2010, 14:00   Re : Mur du son syntaxique
Cher Félix, il aurait certainement mieux valu dire un plaidoyer pour une attention renouvelée aux langues européennes, par exemple.

Cher Jean-Marc, vous m'agacez. Vous faites souvent, lorsque cela vous arrange, un peu mine de ne pas comprendre exactement ce qu'on vous dit, ce qui vous permet de prendre la tangente et d'embrayer sur quelque autre lubie qui vous conviendra mieux ; pire, vous accompagnez cela d'une fausse modestie pateline face à quoi l'on pourrait, s'il advenait qu'on fût mal luné, commencer à se fâcher. Votre histoire de piétaille, d'Elus et de Petit troupeau me paraît assez mal venue. D'autre part, je vous incite, immodestement j'en conviens, à relire le petit message initial de ce fil, où vous pourrez constater que je ne niais nullement l'intérêt de l'entretien qui contenait ces perles. Ne soyez pas si partialement oublieux !

(No hard feelings...)
03 novembre 2010, 14:56   Re : Mur du son syntaxique
Ah, Cher Francmoineau, qu'est-ce que vous faites vendredi soir ?
03 novembre 2010, 15:02   Re : Mur du son syntaxique
Lisant le titre de cet ouvrage, je redoute que des réalités autres que la syntaxe aient à subir les effets du mur du son - et d'abord la pensée. Il est possible de concevoir ce qu'est un concept ou de se faire une représentation à peu près cohérente du concept de "concept", mais faire du "nomadisme" un des traits définitoires de ces concepts (on voit où l'auteur veut en venir : au métissage conceptuel - c'est-à-dire à n'importe quel mélange érigé en concept - j'ai failli lire d'abord les "concepts monades"), c'est ajouter de l'obscurité à ce qui est déjà assez peu clair. Sont-ce des concepts qui, élaborés pour rendre compte d'un objet donné, sont transférés à des objets contigus, voisins ou éloignés, même hétérogènes par rapport à l'objet initial ? Sont-ce des concepts propres à la sémiologie ou à la sociologie ou à l'histoire ou à tout autre science "humaine" qui sont transférés à une autre science ? Auquel cas, il n'y a rien de nouveau sous le soleil. C'est ce que les hommes ont toujours fait, depuis qu'il y a des hommes et qui pensent. Le nomadisme - le vrai, celui du monde réel - a une raison d'être : conduire ses troupeaux d'un pâturage à l'autre et délaisser un pâturage tondu ras pour un autre qui nourrira mieux le troupeau, puis revenir au point de départ et donc tourner en rond. Les concepts nomades sont-ils à l'image du nomadisme réel ou bien les concepts sont-ils ces pâturages que viennent paître les chercheurs en sciences humaines et sociales, qui sont plus réputés (jusqu'à présent du moins) pour faire de l'écobuage ou une politique de terre brûlée (après nous, l'herbe du savoir, de la culture, de la pensée ne repoussera pas) que du nomadisme, à moins que le concept de concept nomade ne cache la vraie nature de ces concepts : volages, et non nomades - la volagitude et non le nomadisme ?
03 novembre 2010, 15:59   Re : Mur du son syntaxique
Francmoineau,

Je vais être direct.

Je répondais à votre phrase : "Libre à vous de juger qu'il ne convient pas de s'en formaliser - après tout, sur Skyrock, c'est pire, n'est-ce pas".

Nous gagnerions tous -et moi le premier- à ne pas nous prendre à partie à l'aide de nos citations.

J'aurais mieux fait de m'abstenir de rebondir sur la seconde partie de la phrase, et de rester concentré sur la première.
03 novembre 2010, 16:27   Re : Mur du son syntaxique
Cher JGL, vous savez le plaisir que j’ai à lire vos trop rares interventions et le profit que j'en tire. En signe d’amusement et de remerciement, je me permets de vous rappeler que l’écobuage est une façon ancestrale de fertiliser la terre, rien à voir donc avec la pratique dite de la terre brulée. Respectueusement dit.
03 novembre 2010, 16:36   Re : Mur du son syntaxique
JGL,

Je pense (mais je n'ai pas écouté l'émission) que l'auteur nous parle des "concepts nomades" au sens d'Isabelle Stengers, c'est à dire des concepts qui passent d'une science à l'autre. Je crois me souvenir qu'un des exemples de Stengers est l'emprunt par la linguistique de certains concepts mathématiques.

Correction : plus que concepts nomades, il s'agit d'une propagation des concepts, si j'ai bien compris.
03 novembre 2010, 17:11   Re : Mur du son syntaxique
Un exemple, JGL : l'utilisation du concept de valence par la linguistique, alors qu'il est du domaine de la chimie.
03 novembre 2010, 18:22   Re : Mur du son syntaxique
Vous avez raison de me rappeler que l'écobuage n'a rien en commun avec la pratique de la terre brûlée; j'en conviens volontiers.
Outre le plaisir de faire un bon mot (le nomadisme conceptuel m'ayant mis de très bonne humeur), je me référais implicitement (ce qu'il ne faut jamais faire) aux désastres (dont je ne sais s'ils sont ou non fondés, n'ayant aucune lumière sur la question) auxquels l'écobuage donnerait lieu (au conditionnel) en Amazonie et en Afrique : épuisement rapide des terres fertilisées qui, après trois ou quatre récoltes, en constante diminution d'une année sur l'autre, sont abandonnées et qui, sans "tapis" végétal, se transforment en latérite, impropres pendant des siècles à toute (agri)culture. A l'opposé, il y a une quinzaine d'années, le dernier agriculteur éleveur de mes montagnes brûlait une fois tous les deux ans, à la fin de l'été, les prairies autour du village. Ainsi, il détruisait, expliquait-il, les mauvais herbes et plantes ligneuses qui commençaient à pousser, ébauches d'une future forêt, et qui, si elles se mettaient à proliférer, toujours au détriment de la bonne herbe, diminuaient la valeur nutritive de ses prairies.
03 novembre 2010, 18:48   Re : Mur du son syntaxique
Vous avez tout à fait raison de faire le distinguo entre l'écobuage traditionnel et celui pratiqué à échelle gigantesque en Amazonie et en Afrique et qui cause les ravages que vous rappelez. Mais peut-on encore parler d'écobuage dans ce dernier cas ? Peut-être s'agirait-il plutôt pour le coup d'une pratique se rapprochant de celle de la terre brulée.
03 novembre 2010, 21:45   La philosophie à l'état-major
» Je pense (mais je n'ai pas écouté l'émission) que l'auteur nous parle des "concepts nomades" au sens d'Isabelle Stengers, c'est à dire des concepts qui passent d'une science à l'autre. Je crois me souvenir qu'un des exemples de Stengers est l'emprunt par la linguistique de certains concepts mathématiques

Cela me fait penser à ce général israélien, très fier de lui et porté sur ce qu'il appelait "la philosophie continentale", se targuant d'avoir mis en application sur le terrain l'un des "concepts" de Deleuze en faisant progresser les soldats non par les rues et ruelles du camp de réfugiés (je pense qu'il s'agissait de Jenine), mais à travers les habitations en perçant les murs, évitant ainsi les snipers et les passages piégés.
À n'en pas douter, c'est Deleuze, fervent défenseur des Palestiniens, qui aurait été content.
Bien que le général ne précisât pas de quel "concept" il s'agissait exactement (modèle rhizomatique du combat en zone urbaine ?), j'eus la déconvenue d'apprendre un peu plus tard que le Che avait utilisé la même méthode exactement à Cuba.
03 novembre 2010, 21:49   Re : Mur du son syntaxique
Alain,

Julien Coupat (ou ses amis) développent cette thèse de l'officier israélien passant à travers les murs, en l'actualisant à ces récentes années, dans l'ouvrage "L'insurrection qui vient". D'après eux, l'idée originale est de Blanqui.
03 novembre 2010, 21:53   « celui pratiqué »
On était parti sur la langue...
Sinon, cher Jean-Marc, j'avais également pensé à Marcel Aymé, hein...
Justement, ces "rhizomes", ça vous a le chic de tout mettre sens dessus dessous...
03 novembre 2010, 21:57   Re : Mur du son syntaxique
Vérification faite, l'idée est bien de Blanqui, Deleuze n'y est pour rien, c'est dans "Instructions pour une prise d'armes".

L’officier chargé de défendre le débouché d’une rue, fait occuper, en arrivant, les maisons des deux angles par le tiers de son monde, les hommes les mieux armés, détache en avant quelques vedettes pour éclairer les rues et prévenir une surprise, et commence les travaux du retranchement avec les précautions et dans l’ordre indiqués plus haut.
Si une attaque survient avant l’achèvement du mur simple, d’un mètre et demi de haut, l’officier se retire avec tout son monde dans les maisons des deux angles, après avoir mis en sûreté dans une cour intérieure, voiture, chevaux, matériel de toute espèce. Il se défend par les feux des fenêtres et les pavés lancés des étages supérieurs. Les petits pavés rectangulaires des grandes voies macadamisées sont excellents pour cet usage.
L’attaque repoussée, il reprend et presse sans relâche la construction de la barricade en dépit des interruptions. Au besoin des renforts arrivent.
Cette besogne terminée, on se met en communication avec les deux barricades latérales, en perçant les gros murs qui séparent les maisons situées sur le front de défense. La même opération s’exécute simultanément, dans les maisons des deux côtés de la rue barricadée jusqu’à son extrémité, puis en retour à droite et à gauche, le long de la rue parallèle au front de défense, en arrière.
Les ouvertures sont pratiquées au premier et au dernier étage, afin d’avoir deux routes; le travail se poursuit à la fois dans quatre directions.
Tous les îlots ou pâtés de maisons appartenant aux rues barricadées, doivent être percés dans leur pourtour, de manière que les combattants puissent entrer et sortir par la rue parallèle de derrière, hors de la vue et de la portée de l’ennemi.
Dans ce travail, la garnison de chaque barricade doit se rencontrer à mi-chemin, tant sur le front de défense que dans la rue de derrière avec les deux garnisons des deux barricades voisines, de droite et de gauche.



Plus loin :

Exemple de barricades sur un front de défense, reliées entre elles par le percement des maisons des îlots adjacents.
Le boulevard Sébastopol étant supposé front de défense, on a pris sur ce front une étendue d’environ 140 mètres, qui comprend les débouchés de trois rues et un peu au-delà, savoir les rues Aubry-le-Boucher, de la Reynie, et des Lombards.
Les trois rues sont fermées à leur issue sur le boulevard, par des barricades avec contre-gardes. Les dimensions et les distances sont rigoureusement exactes sur le plan.
La garnison du retranchement La Reynie, après avoir complété les constructions de la rue et simultanément même percé des maisons le long du boulevard, vers la rue Aubry-le-Boucher, à droite, et vers la rue des Lombards, à gauche.
Elle fait la même opération des deux côtés de la rue de la Reynie, en gagnant la rue des Cinq-Diamants, et parvenue à l’extrémité, tourne à gauche, vers la rue Aubry-le-Boucher, à droite vers la rue des Lombards, en continuant son travail.
De leur côté, les garnisons des barricades Aubry-le-Boucher et Lombards vont à la rencontre des travailleurs La Reynie, d’après la même méthode, et la jonction s’opère à mi-chemin.
Les maisons ont été indiquées au hasard sur le boulevard Sébastopol, mais dans les rues de La Reynie, Aubry-le-Boucher, des Lombards et des Cinq-Diamants, le nombre des maisons ou plutôt des gros murs qui les séparent a été relevé avec exactitude sur un ancien plan très détaillé.
La Garnison La Reynie aurait donc à percer, entre la moitié des maisons du boulevard, entre les deux rues latérales, douze murs dans la rue de La Reynie, cinq d’un côté, sept de l’autre, plus sept autres dans la rue des Cinq-Diamants, cinq à droite, deux à gauche.
En admettant dix maisons sur le front Sébastopol, ce qui ne donne à chacune que neuf mètres de façade, il y aurait donc en tout 24 murs à percer, six pour chaque escouade de travailleurs, puisqu’on procéderait dans quatre directions à la fois.
Du reste, si on est en nombre, on peut percer en même temps toutes les maisons de la rue barricadée et de la rue de derrière, puisqu’on a ses communications libres, en arrière du retranchement.
L’intérieur des îlots consiste généralement en cours et jardins. On pourrait ouvrir des communications à travers ces espaces, séparés d’ordinaire par de faibles murs. La chose sera même indispensable sur les points que leur importance ou leur situation spéciale exposent aux attaques les plus sérieuses.
Il sera donc utile d’organiser des compagnies d’ouvriers non-combattants, maçons, charpentiers, etc., pour exécuter les travaux conjointement avec l’infanterie.
Lorsque sur le front de défense, une maison est plus particulièrement menacée, on démolit l’escalier du rez-de-chaussée, et l’on pratique des ouvertures dans les planchers des diverses chambres du premier étage, afin de tirer sur les soldats qui envahiraient le rez-de-chaussée pour y attacher des pétards. L’eau bouillante jouerait aussi un rôle utile dans cette circonstance.
Si l’attaque embrasse une grande étendue de front, on coupe les escaliers, et on perce les planchers dans toutes les maisons exposes. En règle générale, lorsque le temps et les autres travaux de défense plus urgents le permettent, il faut détruire l’escalier du rez-de-chaussée dans toutes les maisons de l’îlot, sauf une, à l’endroit de la rue derrière le moins exposé.
03 novembre 2010, 22:47   Re : Mur du son syntaxique
Eh bien, voilà une bonne chose d'établie.
Cela n'empêche du reste pas nécessairement que notre général ait cru faire un heureux emprunt à Deleuze, ignorant tout de Blanqui... Après tout, nous ne voulons pas de hauts gradés plagiaires et faussement philosophes par-dessus le marché...
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