Tenez-le pour vrai, mon cher Jean-Marc, l'opus miraculeux de Brahms, l'opus 77, et toutes les fameuses arias de la Flûte enchantée, plus belles, plus vigoureuses musiques du monde, sont des invites à l'accouplement, à l'orgasme par-delà les hauteurs embrumées de notre vieille Europe montagnarde. Tout le Pélerinage suisse et italien de Liszt est une musique érotique, parfaitement libidinale, un
cool jazz européen. La Suisse, l'Autriche, la Tchéquie, et le vieil appendice hongrois et bavarois forment le paradis européen de l'accouplement musical incertain, miraculeux, montagnard, sternum de la musique européenne savante.
Loin de tout cela, vous avez la pesante musique des plaines et pénéplaines de l'Ouest (la France, un peu l'Angleterre) ou de l'Est (la plaine russe qui ne connaît pour montagnes que le
Printemps). Le coeur vivant, généreux, engendreur, de la musique européenne classique se situe aux contreforts (Verdi, Mozart) des hauteurs de la grande chaîne des séparations et des réunions que forment les vieilles Alpes, vieilles murailles qui ne demandent qu'à être abattues par la puissance vocale et contrapunctique, et qui se dispersent en éventail vers le coeur inaccessible de ce continent.