"Jean-François Colosimo, passionnément orthodoxe
Éditeur et essayiste, volontiers polémiste, il est aujourd'hui l'une des voix de l'orthodoxie en France
Jean-François Colosimo a la plume acérée et la verve volontiers provocatrice du polémiste. Deux caractéristiques qui l’ont imposé autant comme un intellectuel engagé que comme l’un des intellectuels en vogue de l’orthodoxie hexagonale.
Quitte à avoir ce zèle des convertis qui peut parfois agacer. Car cet éditeur de 48 ans est tombé sur le tard dans l’orthodoxie. Né en 1960 à Avignon, il a d’abord été élève des jésuites. « Et indiscutablement, j’ai d’abord été leur fils spirituel », reconnaît-il, avouant avoir été tenté, un temps, par une vocation religieuse.
« Mais à 14 ans tout cela est parti », raconte celui qui est alors déçu par une Église catholique de France qui « affrontait diverses tentations : la sécularisation, la désacralisation et, n’ayons pas peur de le dire, la socialisation ». « Je sentais qu’on perdait le sens de la verticalité et de la transcendance », explique-t-il.
Colosimo rencontre l’orthodoxie à travers un ermite
Le jeune homme tâte alors de l’ésotérisme chrétien et des spiritualités de l’Extrême-Orient. Autant de chemins qu’il qualifiera lui-même de « douteux ». « Ce n’est qu’à 17 ans que j’ai retrouvé le chemin de l’Église », raconte celui qui confie, en même temps, n’avoir jamais douté de Dieu.
« J’ai même du mal à comprendre qu’il faille passer par le doute pour arriver à la foi ! », signale-t-il. Le déclencheur de ce retour à l’Église sera un livre de philosophie, l’Ontologie du secret, de Pierre Boutang, volé à la bibliothèque du lycée. « Je me suis rendu auprès de lui. Il est devenu mon maître, même si la voie de réconciliation qu’il m’a proposée, le thomisme, ne m’a pas satisfait. »
Parallèlement, Jean-François Colosimo rencontre l’orthodoxie à travers un ermite vivant dans une grotte. « Je suis tombé dans une sorte de tourmente, raconte-t-il. D’un côté ma confession naturelle, de l’autre une attirance pour l’orthodoxie qui symbolisait pour moi la radicalité de la vie monastique à laquelle je croyais être appelé. » Une maîtrise de philosophie en poche, il part alors pour un long voyage initiatique. Auprès des moines du Mont Athos et du Sinaï, puis à Thessalonique et à New York, où il étudie la théologie.
En 1988, il se lance dans l’édition
En 1988, de retour des États-Unis et docteur en histoire des religions, il se lance dans le monde de l’édition. « Il fallait bien ce milieu sans foi ni loi pour ne pas être trop regardant avec un type comme moi ! », sourit-il. Stock, Lattès, Odile Jacob, La Table ronde, puis les Éditions du CNRS, qu’il dirige depuis l’an dernier. « L’édition m’a plu, car c’est un métier au croisement du service et de la parole », explique-t-il. Lui-même n’a édité que peu de livres religieux, même s’il affiche en la matière quelques belles réussites comme le Talmud d’Adin Steinsaltz ou la biographie de Jean-Paul II par George Weigel.
C’est plutôt sur le terrain de l’essai que ce professeur de patrologie à l’institut de théologie orthodoxe Saint-Serge creuse la veine religieuse, s’attachant à souligner la place essentielle de la religion dans le monde contemporain. C’est tout le sens de sa série Théologie et politique, dont le deuxième opus, consacré à la Russie, vient de sortir chez Fayard.
« La thèse de cette entreprise est que le Dieu meurtrier, que l’on dit revenir après les grandes expériences des messianismes athées et qui serait un retour à l’archaïsme, est plutôt l’accomplissement suprême de la modernité. Or, ce Dieu n’est pas le Dieu des révélations et des traditions : ce Dieu qui réinvestit aujourd’hui le champ social a été inventé au XVIIIe siècle. C’est une idole… » "