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Communiqué n° 1143 : Sur le rapport de l'OCDE à propos de l'École et sur ses commentaires

Communiqué n° 1143, mardi 7 décembre 2010
Sur le rapport de l'OCDE à propos de l'École et sur ses commentaires

Le parti de l'In-nocence estime que de nouveaux sommets de ridicule sont atteints avec les actuels commentaires médiatiques à propos du tout récent rapport de l'OCDE sur les résultats comparés des systèmes d'éducation dans les divers États développés. Plus fidèles que jamais, en effet, au système institué de l'aveuglement volontaire et obligatoire, les divers commentateurs de la presse écrite ou parlée affectent tous de ne tenir aucun compte, dans leurs tentatives d'explication au rang médiocre de la France, des évidentes difficultés particulières qu'il y a pour un pays à enseigner sa langue, sa littérature et quelque connaissance que ce soit à des enfants et des adolescents qui en proportion sans cesse croissante sont étrangers à cette culture, viennent de familles qui n'en connaissent pas ou en connaissent mal la langue et qui bien souvent, même, sont ouvertement hostiles à son histoire et à ses traditions. Tout juste un ou deux exégètes se sont-ils risqués à faire allusion, un peu mystérieusement, au rôle majeur, dans ce qui décide de la réussite ou de l'échec, de la culture générale.

Le parti de l'In-nocence est certes bien éloigné d'attribuer à la seule immigration l'état de délabrement avancé de notre système d'éducation. Il pense par exemple que l'enchaînement des causes et des effets sévit aussi en sens inverse, et que l'immigration de masse et la colonisation qu'elle constitue n'auraient jamais été possibles sans la déculturation dont l'effondrement scolaire est l'un des principaux aspects : il fallait l'enseignement de l'oubli, enrobé dans l'endoctrinement idéologique, pour qu'un peuple consente à pareil effacement de lui-même. Les deux phénomènes sont inséparables en tout cas et la prétention à envisager l'un sans faire référence à l'autre est l'un des plus criants exemples du babil médiatico-prescripteur.
Ah oui alors ! J'ai attrappé une émission de France Culture, vers 11 h du matin, autour de ce rapport. Je n'ai pas coutume d'user de ces comparaisons mais ce déni de la simple réalité commence à m'apparaître comme une pathologie, une sorte de maladie mentale organisée autour de la rétention parce que je n'arrive pas à croire qu'ils ne connaissent pas la vérité. Ils ne disent même pas "c'est normal, ces pauvres enfants, ils ne maîtrisent pas la langue française, il faut des moyens pour les aider", non, non et non, cet aspect là des choses n'existe pas. Je crois que même les défunts Soviétiques sont enterrés par quatre parleurs de France Culture. Je ne vois que les Nords Coréens à leur hauteur.
On notera que l'effondrement est particulièrement net en mathématiques.
Oui, je retiens les Nord-Coréens, ils peuvent toujours servir...
Très bon et très juste communiqué mais j'ajoute que ce rapport de l'OCDE est de toute facon une vaste blague car dans la plupart des pays les tests effectués ne sont pas pris au sérieux par le personnel enseignant qui les bâclent.
Enfin tant qu'on ne connaîtra pas ou qu'on n'exigera pas de connaître la part d'enfants issus de l'immigration dans les populations scolaires de chaque génération, on n'aura aucune chance d'accéder au réel.
Citation
Enfin tant qu'on ne connaîtra pas ou qu'on n'exigera pas de connaître la part d'enfants issus de l'immigration dans les populations scolaires de chaque génération, on n'aura aucune chance d'accéder au réel.

Mais Beckford c'est un secret de polichinelle.

Ce sont les pays comme la Finlande qui ont les meilleurs résultats car dans leur écoles les taux d'enfants issus de familles d'immigrés sont très bas.

Plus l'homogénéité est élevée meilleurs sont les résultats et en plus dans ces pays ont prend les tests PISA au sérieux ce qui nullement le cas en France ou en Allemagne ou en Italie.
Je reviens de Finlande où un professeur de français vivant là-bas depuis plus de trente ans m'explique que le système finlandais serait in-exportable d'une part, fût-il réellement bon, mais surtout qu'il tire son efficacité de sa pauvreté : pas ou peu d'histoire, pas ou peu d'humanités, mais beaucoup d'apprentissages pratiques. Dans le monde moderne qui rend caduques si rapidement les situations techniques et les méthodes, connaître ce qui fut ne sert pas à grand-chose et peut même être un poids empêchant une réelle innovation.
Voilà donc un pays qui a de bons techniciens tout à fait incultes et contents de l'être. Leur capacité de travail n'est pas supérieure à celle de la France : elle est plutôt inférieure. Les Finlandais envisagèrent ainsi d'importer notre système de classes préparatoires : ayant été voir comment il fonctionnait en France, les experts finlandais conclurent qu'une telle charge de travail et un tel niveau d'exigence ne seraient pas supportés par leurs élèves, même les meilleurs...
Donc, toutes choses égales par ailleurs (ce qu'elles ne sont pas, la population finlandaise étant assez homogène socialement et ethniquement - avec la question du suédois... réglée récemment par l'abandon programmé de son caractère obligatoire pour tous), leur système produit mieux que le nôtre des employés, des techniciens divers, facilement adaptables, mais le nôtre, dans ce qui reste en lui de traditionnel, produit davantage d'excellence.
Le communiqué est excellent, mais il manque à mon sens une mention au caractère absolument dément, pour reprendre l'expression de Bolacre, des leçons que tire l'establishment sociologique (Dubet et consorts) et journalistique (Le Monde en son dernier éditorial) de la désastreuse enquête : l'école française serait malade de son élitisme. Ce diagnostic catastrophique qui permet d'éviter, ou plutôt comme le dirait Freud de scotomiser, la question du facteur migratoire africain dans les résultats brillantissimes du système scolaire français, autorise les plus grandes inquiétudes. Il est probable que la passion de la Grande éradication va se poursuivre implacablement sous la forme de la destruction de ce qui fonctionne encore (scandaleusement aux yeux des apprentis khmers rouges) dans l'éducation nationale. Après le syndrome Domenech, c'est le syndrome "Balzac", du nom du lycée évoqué par Marcel Meyer, appliqué à l'enseignement.
Ce "toujours plus du même", on pourrait l'appeler syndrome Diafoirus : le lavement et la saignée n'ont pas remis le malade d'aplomb, eh bien ! mais c'est évidemment que l'on a été trop parcimonieux avec le clystère et la lancette. Et l'on en remet jusqu'à ce que le patient crève une bonne fois. Nos pédagogologues ont du reste aussi les autres traits de caractère des médecins peints par Molière : l'amour immodéré pour les grands mots creux, une arrogance strictement proportionnelle à leur incompétence et le fermeture absolue à toute réalité contraire à leur malfaisante fantasmagorie.
08 décembre 2010, 13:37   Corneille avait pensé à tout
Comment était-ce, déjà, cette phrase (un peu ressassée) de Bossuet... "Dieu se rit de ceux qui chérissent les effets dont ils haïssent les causes", c'est bien ça ? Finkielkraut est le seul, le seul, qui ait véritablement mis le doigt sur les raisons de ce naufrage. En vue de combattre l'élitisme des "héritiers", en vue d'enrayer l'engrenage de la "reproduction sociale" par l'école, on focalise l'enseignement sur des questions techniques (en français, notamment) où ceux-ci ne sauront mettre à profit leurs avantages culturels. Cependant le moment de vérité, le concours des grandes écoles par exemple, continue d'accorder de l'importance à la culture générale qui a été négligée au collège et au lycée ; ainsi, seuls les "héritiers" passent à travers les mailles, et une part de plus en plus réduite d'enfants des classes moyennes. Ainsi les remèdes destinés à soigner le "mal" (je mets des guillemets car il me semble normal, logique, qu'une plus grande proportion d'enfants des classes cultivées, si celles-ci ont encore une existence, réussissent aux concours) ne font qu'aggraver celui-ci. Il y a ce vers dans les stances du Cid : "Mon mal augmente à le vouloir guérir..."
Utilisateur anonyme
08 décembre 2010, 13:51   Re : Corneille avait pensé à tout
(Message supprimé à la demande de son auteur)
Ce que vous dites est en train de changer. Il était auparavant admis que la culture générale était nécessaire pour être bon dans son travail. La haute finance a tout changé : on peut être un bon courtier, un bon banquier, c'est-à-dire gagner pour ses clients et soi beaucoup d'argent, sans avoir de culture générale, en parlant mal et le français et l'anglais - en mélangeant allègrement les deux - et en méprisant toute espèce de connaissance et de tradition.
Matthieu Pigasse ne défend pas la culture générale, il est ravi qu'on célèbre dans son magazine Anelka et Booba.
Le système scolaire scandinave qui réduit à la culture générale à quasi-rien, mais donne une très haute estime de soi, beaucoup d'ambition et quelques compétences techniques est parfaitement apte à former les banquiers que forme HEC - laquelle exige encore un peu de culture au concours d'entrée... mais une fois entrés, les élèves oublient presque tout.
"Ce "toujours plus du même", on pourrait l'appeler syndrome Diafoirus : le lavement et la saignée n'ont pas remis le malade d'aplomb, eh bien ! mais c'est évidemment que l'on a été trop parcimonieux avec le clystère et la lancette."

Oui, oui. Il s'agit sans doute de faire exploser le système au point que les débris n'en soient plus analysables. Une remise en cause prématurée aurait l'inconvénient de permettre, peut-être, l'identification des responsables.

- Il ne faut pas de ségrégation scolaire : celle-ci permettrait de compter les immigrés "parqués" dans les filières basses. L'impératif absolu est là : retarder la conscience de la substitution irréversible de population.

- On empile sans cesse de nouvelles matières sans contenu ou alors à contenu purement idéologique.

- Les parents des "bons élèves" veulent toutes les options dispos— surtout les options "ségrégatives honteuses", celles qui permettent d'éviter les fouteurs de souk. On voit alors des élèves qui, à 11 ans, se retrouvent avec un emploi du temps de classe prépa : 2 langues vivantes, latin etc...
Mais... c'est plutôt : « Dieu se rit de ceux qui déplorent les effets dont ils chérissent les causes. »

Suis-je bête... (et moi qui parlais de naufrage...)
C'est une belle phrase. Quand elle a commencé à circuler il y a deux ou trois ans, j'ai essayé de trouver le texte dont elle est tirée, en vain.
Citation
(scandaleusement aux yeux des apprentis khmers rouges)

Bien vu.

Mais déjà au 19 ème siècle Burckhardt écrivait à un ami son horreur des "radicaux ", des "communistes " et des " industrialistes », des philosophes et des sophistes, des fanatiques de l’Etat et des idéalistes : « Vous ne réalisez pas quelle tyrannie sera imposée sur la vie spirituelle, sous le prétexte que la haute éducation est un allié secret du capital et qu'elle doit être détruite. »
"Ce "toujours plus du même", on pourrait l'appeler syndrome Diafoirus : le lavement et la saignée n'ont pas remis le malade d'aplomb, eh bien ! mais c'est évidemment que l'on a été trop parcimonieux avec le clystère et la lancette. "
Ah, oui, cher Marcel ! C'est exactement ça !
Oui, Marcel : l'Education nationale mourra guérie.
Et, ici, une gravure représentant la "communauté éducative" : [bm.mairie-metz.fr]
Oui, il semble qu'elle soit apocryphe... En revanche, celle-ci ne l'est pas :
“Le plus grand dérèglement de l’esprit, c’est de croire les choses, parce qu’on veut qu’elles soient, et non parce qu’on a vu qu’elles sont en effet.”
(De la connaissance de Dieu et de soi-même, I, 16)
Il ne faut guère se faire d'illusions, l'immigration n'est pas la seule responsable de l'effarante baisse de l'aptitude à apprendre qui touche les nouvelles générations. Dans l'école de ma petite-fille, il n'y a presque pas de "Divers". Or le niveau y est incroyablement bas. J'ai eu eu moi-même il y a une vingtaine d'années de cela, des classes sans immigrés africains, dont le niveau était, également, affligeant. Je crois avoir lu que le QI moyen en France avait baissé ces vingt dernières années, et j'ai entendu des professionnels en pédagogie et en psychologues parler d'un phénomne, nouveau en France à cette échelle, de "débilité acquise." Et c'est, en effet, un peu l'impression que l'on a quand on voit le nombre d'enfants qui peinent à acquérir les savoirs et les apprentissages les plus simples. Si ce phénomène de "débilité acquise" s'avérait, je crois qu'il serait impératif de s'interroger sur ses causes.
Incroyable ! SOS Éducation qui parle du "gosse" ! On voit à quel point on est perdu quand les sauveteurs ont les yeux bandés...
J'espère qu'ils liront votre réaction, cher Renaud Camus, la maladresse est inquiétante.
Où voyez-vous une maladresse, Florentin ?

On peut très bien employer le mot "gosse" pour désigner un petit enfant, ce qui est le cas d'un enfant de l'âge évoqué dans le texte. Il est incorrect de dire "une mère et ses gosses". Il est peut être légèrement familier, avec une nuance affective que ne comporte pas le mot "enfant", d'écrire, comme on le voit dans le TLFI :

Les gosses criaient très fort, prenant part aux scènes, interpellant Guignol et ses créanciers (LARBAUD, Journal, 1934, p. 294).

Je serais inquiet pour un gosse qui ne serait pas un peu insupportable (MONTHERL., Fils personne, 1943, III, 3, p. 320) :

D'où vient que le temps de notre petite enfance nous apparaît si doux, si rayonnant? Un gosse a des peines comme tout le monde, et il est, en somme, si désarmé contre la douleur, la maladie! L'enfance et l'extrême vieillesse devraient être les deux grandes épreuves de l'homme. Mais c'est du sentiment de sa propre impuissance que l'enfant tire humblement le principe même de sa joie...
BERNANOS, Journal curé camp., 1936, p. 1045.

Quant à extraire de moi des pleurs... non, je ne suis plus assez gosse pour cela (GIDE, Faux-monn., 1925, p. 964).

Il n'a pas l'air de savoir ce qu'il veut. Il est très gosse et Paris lui a un peu tourné la tête (DRIEU LA ROCH., Rêv. bourg., 1939, p. 35).

Ce n'est pas incorrect ni même relâché.
M'enfin Jean-Marc, SOS Éducation n'évoque pas les gosses de la rue mais parle des enfants des écoles, des élèves en quelque sorte. Ceci étant, je ne suis toujours pas prêt à admettre que la méthode de lecture syllabique soit la panacée.
Éric, quand Georges dit : "Je serais inquiet pour un gosse qui ne serait pas un peu insupportable", il ne parle pas des enfants des rues. Bernanos non plus, d'ailleurs.
A vous aussi, Éric, et à SOS-Éducation aussi, qui a besoin de soutien.
Je ne comprends pas ce que vous reprochez à la méthode syllabique, cher Éric. Depuis qu'existent les écritures syllabaires et alphabétiques et partout où elles ont existé, c'est-à-dire un peu partout dans le monde et depuis un bon cinq mille ans, on a toujours appris à lire ainsi. Il a fallu attendre les professeurs Nimbus pédagogologues de la seconde moitié du XXe siècle qui, se touchant le crâne en criant "j'ai trouvé !", se sont plu à réinventer de travers un fil à couper le beurre qui avait parfaitement fonctionné sans eux. Et quelle a été leur idée géniale ? Observant que les gens qui savent bien lire lisent vite en reconnaissant les mots (dans leur contexte), ils se sont dit qu'on pouvait aller directement à ce stade. C'est ce qui s'appelle mettre la charrue avant les bœufs et cela a a eu les glorieux résultats que l'on sait, notamment avec les enfants, je dis bien les enfants, les moins favorisés par la nature et le hasard social de la naissance.
Tout comme Marcel, je pense que cette méthode globale est une fumisterie : il y a un juge de paix, c'est la mesure du niveau réel des élèves. Les enfants qui bénéficièrent de la méthode traditionnelle surent lire, une bonne part de ceux qui en furent privés ne le savent pas.

Le jour où les petits enfants diront comme premiers mots "père et mère", alors nous pourrons peut-être leur apprendre à lire avec la méthode globale.
C'est une vraie querelle, n'est-ce pas, que cette question de l'apprentissage de la lecture et j'allais me coucher. Mais je ne peux pas manquer de vous répondre, cher Marcel. Je note en passant —et cela en dit long— que je me vois inévitablement opposé par Jean-Marc «cette méthode globale est une fumisterie» ; or je n'ai en rien évoqué la dite méthode. Je ne suis pas un garçon théorique et je me demande souvent si j'ai une seule idée propre à moi-même mais je m'appuie sur ma modeste expérience. Je dois beaucoup, beaucoup aux bons pères qui ont participé à mon éducation mais je me revois, tout jeune gosse (allez, faisons plaisir à Jean-Marc, il est tard) avec la plaquette de multiplis trente par trente avec une grosse lettre en papier de verre collée et devant y passer mon index pendant de longs moments, j'ai senti l'entourloupe et j'ai eu envie de fuir. Lorsqu'il m'a été donné la chance de participer à l'éducation de tout jeunes enfants, voici brièvement comment j'ai procédé (selon, je crois m'en souvenir, une méthode —disons américaine pour faire bon poids— qui m'était passé entre les mains et qui m'avait plu. J'inscrivais sur des cartons, (tous de la même largeur et avec la même calligraphie) des mots. Je commençais par ceux ayant trait au corps et les plus simples et les plus reconnaissables. Nez devait être le premier. Je posais le carton quelque part dans la pièce et demandais à l'enfant d'aller me quérir nez, ce qu'il s'empressait de faire en riant. Je disposais par la suite, disons, bouche et ainsi de suite. L'idée à priori, n'est-ce pas, c'est qu'il devrait y avoir rapidement confusion parmi tous ces cartons. En bien, non pas du tout. Je reste encore stupéfait de la rapidité et du plaisir avec lesquels ces jeunes enfants assimilaient un nombre considérable de mots en une journée. Bien sûr, les albums du Père Castor et la lecture des Contes de Grimm venaient compléter l'apprentissage. Je dois dire que lorsque l'un de nos enfants s'est présenté au CP l'instituteur nous a fait savoir qu'il serait préférable que nous le gardions at home ou que nous nous arrangions avec la direction pour lui faire sauter un niveau (ce qui ne nous plaisait pas mais que nous nous sommes résolus à faire) vu qu'il lisait couramment et perturbait les autres élèves. Les enfants en questions ont suivi des études que l'on qualifierait de brillantes.
Chers amis, vous m'avez poussé alors que j'allais me coucher, j'implore votre indulgence quant à la facture de ce message.
Éric, je ne vous reprochais rien : j'appuyais simplement le propos de Marcel, et je n'ai pas pensé un instant que j'entrais en contradiction avec vous, qui évoquiez le fait que la méthode syllabique n'était pas la panacée.

Je mettais en cause le principe suivant lequel "hors de la méthode globale, point de salut".

Il me semble par ailleurs évident que vient un moment où l'enfant passe de l'une à l'autre (c'est à dire du déchiffrement à la reconnaissance du mot parce qu'il le voit dans son contexte). Le problème se pose quand, comme pourrait le dire la branche réactionnaire du parti, on fait passer l'araire avant les aurochs.

Il se trouve que, trente ans après, j'ai repris l'étude de l'arabe littéraire. Les méthodes se ressemblent toutes, sur un point. On apprend les lettres (qui sont largement des consonnes), on apprend à vocaliser les syllabes et, petit à petit, on reconnait les mots, et un jour on se surprend à lire des textes non vocalisés. Aborder une telle langue, c'est très intéressant pour comprendre le processus de lecture.

A ce propos, je serais captivé par des commentaires de Francis sur la façon d'apprendre à lire aux gosses chinois ou japonais, et de la part d'Alain en ce qui concerne les hiérosolymitains gamins (c'est pour la rime).
Cher Jean-Marc, bonjour. Nous sommes bien sur la même longueur d'ondes sur ce sujet (ce qui n'exclut pas que nous le soyons également sur d'autres mais non plus que je vous suive sur tout). En réalité, vous avez compris que je ne suis je théoricien d'aucune méthode d'autant que je ne connais vraiment ni les unes ni les autres. Je me méfie simplement, là comme ailleurs, des postures de slogans qui voudraient qu'en soulevant quelques questions quant à la méthode dite syllabique, on se trouve rejeter illico parmi les tenants de la méthode dite globale pour finir en suppôt de Méirieu avant le coucher du soleil.
La méthode globale n'est pas absurde, elle est simplement déplacée. L'idée de cette méthode vient de la méthode de lecture rapide. On a en effet constaté que pour lire vite, il faut cesser de sous-vocaliser (se prononcer les syllabes dans sa tête) et reconnaître des mots, voire des syntagmes ou des phrases entières. C'est ce que nous faisons avec des textes faciles, comme les réclames, les instructions et d'autres énoncés écrits gros et où nous nous contentons de reconnaître des choses déjà très bien connus. C'est ce que prouve le fameux test qui tourne sur internet où on change l'ordre des lettres des mots, sauf la première et la dernière. On parvient à lire le texte sans grande difficulté car on reconnaît/devine les mots ainsi mal organisés.
Mais ce test montre aussi quelque chose qu'on n'aperçoit guère : on ne parvient à lire ce petit texte que parce qu'on connaît déjà tous les mots qu'on reconnaît. Lire vite, c'est reconnaître beaucoup de mots déjà connus. C'est donc savoir déjà beaucoup de mots et être déjà très entraîné à lire.
Ce que fait la méthode globale, c'est d'appliquer directement la méthode de lecture rapide à des enfants qui ont peu de lexique et qui n'ont pas l'habitude préalable de lire. Cela ne pouvait produire que des désastres, car alors les enfants ne lisent pas, il reconnaissent les quelques mots qu'ils ont appris à photographier et qu'ils ont retenu par coeur. Ils font souvent illusion en suivant de leur doigt les mots et en récitant la leçon que leur mémoire encore très souple a tôt fait de retenir. Si on observe de près leur doigt, on découvre qu'il ne suit pas les mots récités, mais qu'ils se contentent de mimer ce que font les vrais lecteurs débutants.
La pédagogie moderne peut se résumer ainsi : la méthode de X rapide, avant la méthode de X. Ainsi, Dewey (celui du classement des bibliothèque), père de la pédagogie, grand platonicien, eut l'idée d'enseigner aux enfants avec la maïeutique, certain que les enfants (par la réminiscence) allaient tout trouver eux-mêmes (l'enfant acteur de son propre savoir). Il oublia que Socrate ne s'adresse qu'à des adultes à qui l'expérience du monde a permis de se forger quelques positions, souvent fausses certes, mais déjà là. Socrate accouche des esprits formés, pas vides : c'est la condition pour les corriger.
De la même manière, on enseigne la méthode historique avant et à la place de l'histoire - c'est ainsi du moins que l'esprit des programmes présente les choses : enseigner l'esprit critique (avant la moindre matière sur laquelle l'exercer), le scepticisme face aux documents (avant la moindre adhésion à rien), le temps long (avant le temps tout court), etc.
Enseigner la philosophie dès la seconde est une absurdité : c'est encore et toujours la même chose, on met la charrue avant et à la place des boeufs. La classe de philosophie avait pour fonction de remettre en perspective tout ce qui avait été appris jusque-là en sciences, en histoire, en littérature/rhétorique.
Mais les élèves que nous accueillons en terminale n'ont rien appris : comment remettre en perspective ce rien ? On doit chaque fois commencer par résumer ce qu'ils auraient dû apprendre, puis leur montrer comment il est possible d'interroger ces savoirs. Cela marche mal, car nous les faisons interroger des choses qu'ils n'ont pas eu le temps de ruminer. Cet rumination (le mot est de Nietzsche) est nécessaire, pourtant.
Il n'y a que les gens comme Enthoven, qui enseigne à des élèves abstraits, face à un micro, qui peuvent défendre une telle généralisation de la philosophie.
Voilà une mise au point précise autant que précieuse. Merci, cher Virgil.
Cher Virgil De La Lecture Rapide,

David Oistrach jouait du violon très vite. Si vous devez apprendre à un enfant à jouer du violon, il suffit de commencer à l'entraîner à imiter David Oistrach n'est-ce pas ? Et ne pas perdre son temps à apprendre le solfège qui ennuie tant les gamins, ou les gosses ou les minots s'ils sont de Marseille, comme Jean-Pierre Rampal, qui jouait de la flûte tout aussi vite que l'autre de son violon. Le solfège, mais pourquoi donc embêter les gamins avec ça ? Pour déchiffrer des partitions ? Allons allons, Il lisait ses partitions Monsieur Oistrach ? quand, les yeux clos, il emmenait tout l'orchestre de Moscou en semant le chef d'orchestre dans le concerto de Brahms ? Suffit de commencer à faire comme lui, pour bien jouer du violon. Et pis ch'est tout.
Ajoutons que la "sous-vocalisation" conserve son utilité au-delà des apprentissages; un exemple: dans l'apprentissage du chinois écrit, celui qui continue de sous-vocaliser à la lecture aiguise son entendement des paroles du discours du chinois vocalisé en conversation; il peut mieux participer aux conversations et aux échanges verbaux car il est mieux capable d'identifier les sons qu'il entend à des signes écrits qu'il a lu (parcourant ainsi en conversation le chemin inverse de la sous-vocalisation), d'apparier les sons à des signes dont il connaît le sens.

Si certains étudiants en langues savent lire mais n'entendent pas, c'est parce que leur lecture est précisément de la "lecture rapide", non sous-vocalisée. Sons et signes écrits se renforcent mutuellement dans la lecture mais aussi dans la conversation. Si je ne sous-vocalisait pas en lisant le chinois, j'aurais depuis longtemps perdu ma capacité à le lire.
Il me semble que si la question de la méthode d'apprentissage de la lecture est si importante c'est parce qu'apprendre à lire est le premier effort mental de longue haleine demandé au petit homme. La manière dont on le guide pour le franchissement de l'obstacle forme son esprit au moment où il ressemble encore à la cire de Descartes et lui fournit un paradigme qu'il pourra ensuite tout au long de sa vie appliquer, mutatis mutandis, à chaque fois qu'il devra dominer une nouvelle matière. La lecture syllabique habitue l'esprit à l'analyse (procédures de raisonnement : observation, déduction, classement ... ), elle le forme (les pédagogistes diront qu'elle le formate et l'empêche de s'exprimer librement ! ), elle contribue à le structurer. Elle le rend ultérieurement capable de synthèse, d'induction qui ne soit pas amalgame ou confusion entre les ordres pascaliens, et d'expression élaborée de soi, moins par elle-même, absolument, qu'en raison du moment initial où elle est mise en œuvre.
Si la méthode globale se contentait de ne pas ordonner l'esprit, le dommage serait déjà considérable. Mais elle fait plus, elle le désordonne, le déstructure durablement, elle le détruit. Quelqu'un qui n'a pas été habitué dès les premiers apprentissages aux procédures d'analyse n'est qu'exceptionnellement capable d'y recourir. Il vit dans les brumes, trop heureux lorsque par chance il ne s'est pas trompé, et pas toujours apte à reproduire les opérations mentales hasardeuses qui l'ont mené pour une fois à la solution.
Conclusion : il est à peine exagéré d'accuser les pédagogistes de génocide spirituel.
A cent pour cent de l'avis de Johannus Marcus.

Prétendre faire "reconnaître" à des enfants le mot "bouteille" comme ils reconnaissent une bouteille posée sur la table est une aberration. Les mots ne sont pas posés sur la table ni accrochés au mur ni rangés dans les tiroirs en attente d'être "reconnus" visuellement comme des objets.

Cassandre s'interrogeait sur un autre fil, et en dehors de toute considération sur les brassages de population, sur les causes de l'augmentation des débiles légers dans les classes. Je crois que l'on peut ranger sans crainte la "méthode globale" parmi l'une de ces causes, et non des moindres.
Francis, je n'avais pas pensé à cela. Je lis moins difficilement les langues que je pratique que je ne les entend. J'avais mis cela sur le compte du fait que les gens parlent moins bien qu'ils n'écrivent, mais je me rends compte de l'intérêt que la sous-vocalisation présenterait.
La sous-vocalisation est une intériorisation de la vocalisation. Apprendre à lire, c'est d'abord apprendre à vocaliser. Les enfants sachant vocaliser apprennent l'autonomie, car ils sont capables de déchiffrer n'importe quel mot nouveau et d'en demander ensuite, à l'oral le sens. Sans la vocalisation, ils sont incapables d'en demander le sens puisqu'ils ne savent pas le prononcer.
Une amie orthophoniste explique que rééduquer un enfant, lui apprendre à lire, c'est d'abord lui apprendre à reconnaître les lettres et à les prononcer. Elle avoue avoir rencontré très peu d'enfants vraiment dyslexiques - au sens d'une pathologie psychologique ou neurologique. On lui amène en revanche de nombreux enfants réputés dyslexiques qui ne sont que les victimes de méthodes aberrantes. Elle a besoin de quelques mois pour enseigner correctement la lecture aux plus récalcitrants, à condition qu'ils ne soient pas trop vieux ni vraiment dyslexiques.
Or, on sait que pour masquer le désastre, le ministère de l'éducation nationale avait conclu à une épidémie de dyslexie, un peu comme les Américains, consacrant trop peu de temps et d'attention à leurs enfants, les laissant trop devant des écrans, les gavant de sucre, se dédouanent de leur culpabilité en faisant diagnostiquer une "hyper-activité" chez leur enfant - laquelle pathologie existe bien, mais demeure normalement très rare. Conséquence : déjà drogués d'images et de sucres, ces pauvres enfants sont "shootés" de neuroleptiques.
Une bonne journée dehors dans la neige, à jouer au ballon ou à chat suffisait à nous calmer. Une véritable ascèse devant nos livres et nos cahiers nous enseignait l'attention.
Les enfants sont désormais difficilement capables de calmes et d'attention, même à 20 ans.
«C'est ce qu'on appelle une levée de boucliers.» En effet ! cher Marcel.
Cher Eric,

Ce que vous nous avez raconté de votre pratique familiale d'une sorte de "méthode globale" et du succès rencontré n'enlève rien à sa nuisance. A mon avis, dans le cadre familial - si celui-ci est harmonieux - absolument n'importe quelle méthode peut être utilisée avec succès. Tel pourra apprendre à lire à ses enfants avec un bottin téléphonique ou les étiquettes des emballages, ou n'importe quoi, parce que ce qui se joue alors, c'est la qualité du rapport entre parents et enfants, le jeu, dans tous les sens du terme.

C'est d'ailleurs exactement l'erreur qui a été faite par ces dingos des IUFM : ils ont cru pouvoir établir des liens quasi filiaux, consanguins, entre les instituteurs et les écoliers. Ils ont voulu faire "comme chez eux". Il est vrai que l'inscription à "l'école" dès l'âge de trois ans était bien faite pour les conduire à se prendre pour des sortes de "parents", de même que l'on incitait très fort les parents à "s'investir", à "être des partenaires" des maîtres. Mais l'école n'est pas une famille bis, pas plus la famille une école bis.

Ils ont globalement, très globalement, tout confondu avec obstination, acharnement, fanatisme. D'une marotte innocente qu'ils eussent pu agiter à domicile au profit de leurs seuls enfants, ils ont voulu faire un dogme.
Entièrement d'accord avec vous, cher Orimont, ainsi qu'avec Johannus Marcus.
. «A mon avis, dans le cadre familial - si celui-ci est harmonieux - absolument n'importe quelle méthode peut être utilisée avec succès. Tel pourra apprendre à lire à ses enfants avec un bottin téléphonique ou les étiquettes des emballages, ou n'importe quoi, parce que ce qui se joue alors, c'est la qualité du rapport entre parents et enfants, le jeu, dans tous les sens du terme. »

Vous avez pleinement raison et c'est pourquoi aujourd'hui l'écart se creuse, au lieu de se réduire, entre les enfants livrés à eux-mêmes et ceux que leur famille éduque. Une méthode d'instruction saine, en fait simplement de bon sens, élevait les enfants, rattrapant partiellement certaines carences familales d'éducation ; une méthode d'instruction absurde (mais le mot "méthode" ne convient pas, il faudrait dire "un délire") égare les "gosses" et n'est rattrapée que par la qualité du rapport entre parents et enfants.
Bien d'accord, cher Orimont, avec votre dernier message qui correspond tout à fait à ce que j'ai vécu et dont je cherchais à témoigner. Vous avez raison de souligner que cette notion de jeu propre à la relation familiale n'est pas transposable dans le cadre scolaire. Il est vrai aussi comme le rappelle Johannus que c'est une des raisons pour lesquelles « l'écart se creuse, au lieu de se réduire, entre les enfants livrés à eux-mêmes et ceux que leur famille éduque »
J’ai eu le bonheur de retrouver la phrase exacte de Bossuet, ou du moins une phrase de ce prédicateur qui s’approche beaucoup de celle qu’on lui attribue couramment. Elle se trouve dans l’Histoire des variation des Églises protestantes.

« Mais Dieu se rit des prières qu’on lui fait pour détourner les malheurs publics quand on ne s’oppose pas à ce qui se fait pour les attirer. Que dis-je ? quand on l’approuve et qu’on y souscrit, quoique ce soit avec répugnance. »

Agrippa d’Aubigné, dans un vers des Tragiques, avait exprimé une idée quelque peu similaire mais de façon plus laconique :

« Ils blâment les péchés desquels ils sont auteurs. »
Merci beaucoup et bienvenue à vous, Monsieur.
Vous avez aussi ces personnes en Asie, dans le monde chinois mais peut-être plus encore au Japon, qui veulent parler la langue de leur interlocuteur étranger, souvent "l'anglais d'aéroport", et qui n'entendant plus leur interlocuteur, ou plus très bien, se prennent à répéter le mot qui a été dit et sur lequel ils butent, ils le répètent en le prononçant alors très lentement, en découpant les syllabes, ils l'anônnent en regardant dans le vide (sur la face interne de leur os du front, comme j'aime à dire) pour lire le mot qui correspond à ces sons et qu'ils auront déjà rencontré sur une page et vocalisé ou sous-vocalisé en le lisant. Ce faisant, ils restituent le sens qui avait été acquis lors de la lecture vocalisée/anônnée du mot dans leurs séances d'apprentissage de la lecture. Le sens perdu dans la conversation alors, resurgit, et la personne l'accueille en général avec un grand sourire. Sens et son, ainsi, durant la lecture (sous-vocalisation de l'écrit) et dans la conversation (restitution du sens par re-vocalisation/anônnement des sons produits par l'interlocuteur ) s'épaulent, se font la courte-échelle.

La méthode globale et la "lecture rapide" opèrent un lessivage de cette dynamique de la mémoire qui repose sur les liens nourriciers qu'entretiennent sens et son.
Francis, j'ai essayé hier soir cette méthode, et les résultats en sont incroyables.
Tout à fait. Epeler (hé-peu-lê) c'est épauler. L'intérêt de la dictée des écoliers d'autrefois, outre son enseignement anecdotique de l'orthographe, était de renforcer ce lien neuronal pavlovien entre le son et l'écrit, où le sens opère son va-et-vient comme un courant alternatif, où il s'électrise, s'anime et produit sa lumière.
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