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A propos de M. Nicolas Grimaldi

Envoyé par Phil Steanby 
09 décembre 2010, 16:54   A propos de M. Nicolas Grimaldi
Je me rappelle avoir lu dans Renaud Camus que celui-ci considérait que les derniers légataires véritables de la culture française qu’ils eût entendus à la radio et dont il admirait l’obstination à faire encore des phrases qui se tiennent, hommes dont la syntaxe irréprochable attestait qu’ils connaissaient leur langue, étaient, entre autres, Marc Fumaroli et Jean-Yves Tadié (ce devait être dans le Journal, mais de quelle année ?...). (Bien sûr, il n’allait pas se citer lui-même à leur suite, bien qu’il le méritât amplement).

Eh bien, il me semble qu’il faille rajouter aux noms de ce petit cénacle celui de Nicolas Grimaldi, que j’ai toujours entendu parler une langue absolument impeccable, tant et si bien que la dernière fois (il était reçu par Alain Veinstein, le soir, sur France Culture) j’en avais presque le souffle coupé. Cet homme ne sait pas ce que signifie « chercher ses mots », encore moins bredouiller. Ses phrases, aussi longues qu’elles puissent être, qu’elles contiennent ou non un grand nombre d’incidences, sortent de sa bouche toutes prêtes à imprimer. Aussi haut qu'elles s'élèvent, elles n'en retombent pas moins sur leurs pieds et sans le moindre heurt. La moindre liaison est faite ; la syntaxe ne semble pas pour cet homme une contrainte fâcheuse imposée à son désir d’expression, mais le véhicule naturel de sa pensée.

Je ne connais pas l'oeuvre de cet homme (je crois néanmoins savoir qu'il affectionne la forme du traité philosophique), mais diable ! l'écouter m'a donné envie d'en savoir un peu plus...
J'ai également entendu cette émission et je crains de ne pas être du tout d'accord avec vous, cher S. Bily. Au contraire, le langage fleuri de M. Grimaldi m'a paru d'un ridicule achevé. Et très peu sûr de lui. Ré-écoutez donc l'émission, si vous l'avez enregistrée. Il y a nombre d'erreurs sur le genre de certains mots, et plus encore sur l'imparfait du subjonctif. Ce cher Nicolas Grimaldi, nullement tenu d'employer ce temps désormais inusité, a plusieurs fois laissé passer des troisièmes personnes du singulier en : -asse alors que la forme correcte eût été : -ât. C'est la preuve d'une très douteuse maîtrise de la langue associée à une volonté d'en mettre plein la vue bien peu in-nocente, à mon avis. J'ai mis, sur le moment, ces fautes sur le compte de l'âge du locuteur. C'est être trop indulgent. Quant au fond, n'étant pas philosophe, je ne me permettrai pas d'en juger. Il reste que les analyses développées, à grand renfort d'une rhétorique datée et artificielle, sur la jalousie chez Marcel Proust, m'ont paru dénuées de toute originalité. Non, à mon sens, Nicolas Grimaldi, c'est du toc à tous points de vue. Il ne saurait représenter un quelconque modèle de syntaxe précise ou de pensée libre et originale. Ecoutez donc Bonnefoy... ou quelques autres (il en reste)... qui ne confondent pas maîtrise de la langue et rhétorique désuète et un tantinet ridicule (émaillée de fautes élémentaires et nombreuses, par dessus le marché). La belle langue c'est aussi - et surtout - la sobriété.
J'allais conseiller d'écouter la partie que Nicolas Grimaldi consacre à la jalousie, mais Buena Vista m'a coupé la chique : et s'il avait raison ?? J'avais noté un "L'homme se vêtit" au lieu de "se vêt", mais dans l'ensemble le niveau de la langue employée par l'orateur est remarquablement élevé. B. Vista est sans doute un peu sévère, mais il a repéré chez Grimaldi, à mon avis fort justement, ce qui relevait peut-être du "toc", du m'as-tu-entendu-parler-beau et du pur pédantisme universitaire.
09 décembre 2010, 18:36   Re : A propos de M. Nicolas Grimaldi
Il me rappelle un peu Jankelévitch; je vous trouve sévères avec ce monsieur. Maintenant, parler de Proust après Maurice Bardèche et Jean-Yves Tadié me paraît périlleux.
Mon souvenir le plus marquant était un entretien où il parlait de Descartes. Le dernier, mis en ligne par M. Meyer, n'était pas mal non plus, à mon humble avis.

"J'ai mis, sur le moment, ces fautes sur le compte de l'âge du locuteur. [...] Nicolas Grimaldi, c'est du toc à tous points de vue."

Il faut être rudement sûr de soi pour écrire de telles choses, Buena Vista ; mais tant mieux pour vous. Et puis en quoi le caractère "daté" d'une rhétorique serait-il un argument contre celle-ci ? Pour ma part, la première fois que je l'avais entendu, cet homme m'avait impressionné non point tant par l'originalité de sa pensée que par sa maîtrise de la langue. C'est sans doute le grand timide que je suis qui admire chez les autres la faconde qui lui est refusée ; il y a de cela sans doute.

Quant à Yves Bonnefoy, vous avez raison ; Pierre Bergougnioux, s'il m'en souvient bien (et tiens, Pascal Quignard...), donne aussi, à l'oral, comme on dit, une grande impression.
Eh bien, il me semble qu’il faille rajouter aux noms de ce petit cénacle celui de Nicolas Grimaldi

Mon cher Stéphane Bily, je vous remercie de me donner l'occasion de soulever une petite question qui revient régulièrement me tarauder, chaque fois que je rencontre une formulation de ce genre. En effet, je me suis toujours demandé, sans jamais pouvoir trouver de réponse totalement satisfaisante, pourquoi j'éprouve un léger malaise à voir un subjonctif derrière un "il me semble". Autant la forme négative "il ne me semble pas qu'il faille" ne me choque pas du tout, autant la forme affirmative, elle, me hérisse le poil. Il semble pourtant qu'elle soit admissible (et là, je ne suis pas gêné, non plus...) — ayant consulté le Grevisse, qui y consacre un petit passage au chapitre intitulé "la proposition conjonctive essentielle" (1071 R, pour ceux que cela intéresserait), je ne m'en sens guère plus éclairé pour cela. Quelque In-nocent mieux armé que moi aurait-il ses lumières à m'apporter ?
Il semble que, dans le sens de il se pourrait que, demande le subjonctif. Tandis que s'il vous voulez dire quelque chose comme il apparaît que, alors l'indicatif s'impose.

Il semble que nous devions remettre notre promenade, car il semble que la pluie s'est mise à tomber.
Merci de me venir en aide, cher Didier Goux. Je regrette de vous avoir hérissé le poil, Francmoineau... j'ai écris cela de manière instinctive : l'indicatif et le subjonctif sont à mon avis l'un et l'autre possibles, selon le degré de certitude introduit dans la phrase.
Stéphane,

Je me permets de vous suggérer le TLFI, quand vous vous posez ce genre de question.

On y trouve le sens et l'emploi correct des termes, avec des citations remarquables.

"Il semble" admet les trois modes.

[atilf.atilf.fr];
Il semble que "il semble" fasse partie de ces verbes impersonnels tels que "il faut", "il importe", "il est temps", etc., comportant une idée de jugement, de sentiment ou de doute, et gouvernant donc le subjonctif ; en revanche son usage pronominal le classe dans une autre catégorie de verbes tels que "savoir", penser", "croire", supposer" qui sont considérés comme des verbes d'affirmation (affirmation de la façon dont on considère la chose) et sont donc suivis de l'indicatif, sauf s'ils sont utilisés interrogativement ou négativement.
L'usage du subjonctif après la forme pronominale semble donc n'être qu'un emprunt impropre à la forme impersonnelle.
C'est en substance ce que dit mon vade mecum en matière de conjugaison, l'excellent L'Emploi des temps en français de H. Sensine.
Alain, je ne vois pas bien la différence entre la forme pronominale et l'autre.

Je suis plutôt de l'avis de Didier (et du TLFI) pour lesquels la nuance qu'on introduit fait qu'on utilise tel ou tel mode.

Prenez cette nouvelle version de la phrase écrite par Didier :

Il me semble que nous devrions remettre notre promenade, car il me semble que la pluie s'est mise à tomber.

Qu'en pensez-vous ?
Cher Jean-Marc, je crois que "nous devrions" dans la phrase que vous citez est un conditionnel...
Je vois la chose de cette façon : la forme pronominale met l'accent sur la façon dont est envisagé ce qui est dit dans la subordonnée du point de vue de celui qui affirme ainsi son point de vue : "je crois que", "je suppose que", "je prétends que", qui tous gouvernent l'indicatif ; la forme impersonnelle envisage la chose en elle-même, en regard du caractère incertain en soi du fait décrit.
Oui, c'est un conditionnel, j'ai en cela modifié ce qu'avait écrit Didier, le conditionnel étant le troisième mode que le TLFI nous propose (voir le lien inséré dans un autre message). On ne citait que l'indicatif et le subjonctif, alors que le conditionnel est, dans ce cas très fréquent.

Je citais cette phrase pour cette raison.

J'en reviens à la question du subjonctif.

"Il ne me semble pas que ce soit ce cheval qui ait gagné, qu'en pensez-vous ?" me semble mieux que "il ne me semble pas que c'est ce cheval..."
Ah mais, Jean-Marc, ces verbes dits d'affirmation deviennent des verbes exprimant le doute s'ils sont employés interrogativement ou négativement, comme je l'ai noté supra, et commandent généralement le subjonctif... le premier exemple est donc le bon...
Effectivement, cela parait de bon sens.

Après vérification, le TLFI ne met de subjonctif qu'après la forme non pronominale.

Que pensez-vous du TLFI, Alain, en général ?
Le plus grand bien, mon cher Jean-Marc. Je m'en sers souvent, sinon tout le temps, avec le Littré et le CNRTL, qui reprend d'ailleurs le premier dans ses pages lexicographiques, mais en plus propose des sections synonymiques, antonymiques et de "proxémie" qui peuvent être précieuses...
(Petit correctif tout de même à ce que j'ai écrit précédemment, qui pourrait induire en erreur : lorsque je parlai (fort maladroitement) d"'affirmation de la façon dont on considère la chose", il faut bien sûr ajouter que cette affirmation fait passer au premier plan dans l'énoncé le caractère de réalité, l'actualisation du fait considéré, que l'on situe et pose ainsi dans la durée en soulignant qu'il est envisagé dans sa factualité, même s'il ne s'agit que d'un fait hypothétique, plutôt que seulement ou surtout comme l'objet d'un jugement, d'un sentiment ou d'une volonté.
Vous noterez en plus, Jean-Marc, que la phrase : "Il me semble qu'il le fasse" est pratiquement impossible...)
Merci, chers Jean-Marc et Alain, pour votre dialogue qui me permet de clarifier mon propre sentiment. Je suis en fait parfaitement d'accord avec vous, Alain, à ce détail près, tout de même, qu'il me semble que ce que vous nommez forme pronominale n'en est pas une à proprement parler — mais bien plutôt un cas d'emploi de l'objet indirect (il semble à moi) ; en effet, une forme pronominale stricte donnerait je me semble, tu te sembles, il se semble, etc. C'est d'ailleurs ce me essentiel à la question que je posais qu'omet Didier Goux dans sa réponse (pour laquelle je le remercie néanmoins).

(Quant à vous, cher Stéphane, vous ne m'avez nullement hérissé le poil, sachez-le !)
» une forme pronominale stricte donnerait je me semble, tu te sembles, il se semble, etc.

Vous avez parfaitement raison, cher Francmoineau, c'est un faux pronominal.
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