Le site du parti de l'In-nocence

Petite annonce (1)

Envoyé par Thomas Rhotomago 
13 janvier 2011, 00:18   Petite annonce (1)
Depuis décembre, je suis officiellement à la recherche d’un emploi, dûment inscrit et bénéficiant d’une allocation de trente euros journaliers, pour une période de deux ans, et d’une « référente », fraîchement débarquée de Poitou-Charente. C’est à elle qu’il appartient de suivre mes efforts en vue de retrouver du travail. Je lui ai demandé si la mutation sur la Côte d’Azur était recherchée. Elle l’est. Il y a quelques années, lors de ma dernière inscription à la défunte ANPE (qui, avant de disparaître, n’en a pas moins fourni sa subsistance à un ou plusieurs cabinets de faux-travailleurs qui lui ont facturé la conception d’un nouveau logo), on m’avait accordé une « référente » pur cru, fausse blonde en lutte avec la ménopause au moyen du maintien de ses chairs dans une paire de jean’s moulants, sa généreuse poitrine arborant un tee-shirt noir très près du corps où pouvaient se lire les mots suivants : « Jolie tigresse », elle avait dû porter des bottes à franges. J’ai pris la chose avec le sourire, sans illusion aucune sur les bienfaits de ma collaboration avec « Jolie tigresse ». La suite m’a donné raison et c’est par moi-même que j’ai trouvé un travail, et même un CDI, lequel j’ai exercé pendant deux ans et demi, avant de décider d’arrêter, pour cause d’épuisement physique (c’était un travail de nuit.)

Or donc, j’ai demandé un entretien avec le directeur de la structure sociale qui m’employait, pour lui expliquer que je ne pouvais plus continuer et alors qu’est-ce qu’on fait ? Lui de me proposer deux solutions.

La première m’a paru envisageable et porte le nom de « rupture conventionnelle », disposition que je ne connaissais pas et qui organise une sorte de divorce à l’amiable entre le salarié et son employeur. Ce dernier opine à la démission et l’autre peut bénéficier d’une allocation chômage, comme s’il avait été licencié. Deux mois d’échanges de papiers succèdent à la décision de procéder à cette « rupture conventionnelle », qui finit par prendre effet et me voici devant ma Poitevine.

La deuxième solution que le directeur a avancé pour moi m’a en revanche paru bien significative de l’époque. Cet homme, en effet, sans que j’excipe du moindre document médical ne ni m’annonce comme souffrant d’une quelconque maladie, m’a suggéré de m’y mettre, en maladie, et même en longue, trente-six mois pour être précis. Etonnement de ma part : « Mais, je ne suis pas malade, je n’arrive plus à travailler la nuit, c’est tout. Je dois faire autre chose. Qu’est-ce que je vais dire, comme maladie ? » La question était posée pour la forme. Il allait de soi et on me le fit comprendre à demi-mots que ces trente-six mois à creuser le trou-de-la-Sécu s’obtiendraient sans trop de difficultés en invoquant la fatigue mentale, la dépression, comme s’il suffisait de se déclarer dépressif et avoir mauvaise mine pour être reconnu et bénéficier d’un secours.

Que peut signifier de faire une telle proposition à un homme de 51 ans, sinon de l’évacuer définitivement de la population active ? Oh ! La belle « employabilité » que l’on présente à 54 ans, au sortir de trois ans de longue maladie pour dépression ! Au fond, ce directeur me mettait à la retraite.

A franchement parler, je n’aurais rien contre, n’était la méthode des plus déplaisantes par laquelle il faudrait en passer. Alors ainsi, si je déclarais m’engager sur l’honneur à consacrer trente-six mois à tenter de perfectionner ma présence sur terre, tendre à une attitude in-nocente dans tous les actes de ma vie, m’instruire, éventuellement m’exprimer, continuer l’éducation de mes enfants et rendre subtils mes rapports humains, ce serait trop facile, rétorqueraient, ahuris, la « référente », le directeur, l’esprit de la société, je n’obtiendrais pas un kopek, tandis qu’au contraire l’endossement hypocrite de l’habit de dingo ferait illico desserrer les cordons de la bourse, modeste rente octroyée entre tics et TOC ! Ce genre de circonstances m’empêche d’applaudir sincèrement aux prouesses techniques et je leur en veux de capter toutes les ressources du génie humain en vue de leur accomplissement. Que m’importe de marcher sur la Lune, si c’est pour y remplir une feuille de prétendue longue maladie et être environnés d’autres encombrants que l’on n’ose pas supprimer pour de bon ?
13 janvier 2011, 09:01   Re : Petite annonce (1)
Beau texte, vibrant d'humanité, c'est là votre signature, cher Orimont. Je me permets de noter que si vous exposez tés bien le désastre que constitue la seconde solution proposée par votre employeur, la première — je me réjouis que vous puissiez en bénéficier — ne me semble pas bien plus honorable notamment de la part du patron qui dans ce cas comme dans d'autres (je pense au licenciement économique) ce défausse aisément de ses responsabilité sur le dos des finances publiques.
13 janvier 2011, 14:08   Re : Petite annonce (1)
Cher Eric,

Permettez-moi de n'être pas tout à fait de votre avis, pour ce qui est de la "défausse" de l'employeur que constituerait le choix d'une "rupture conventionnelle". Cet homme n'avait aucun autre poste à me proposer dans son organisme, ni ne pouvait justifier d'un licenciement, que voulez-vous qu'il fît ?

Je ne sais pas à quel gouvernement on doit cette disposition de "rupture conventionnelle" et depuis quand elle est mise en oeuvre. Ce qui prévalait avant elle, c'était que la démission d'un salarié le privait de toute allocation chômage, ce qui, dans le cas où le salarié n'arrivait plus à exercer dans de bonnes conditions la tâche qui lui est confiée et souhaitait changer d'activité, il démissionnait et était privé de tout subsides, dans l'intervalle de temps qu'il lui faudrait pour retrouver un travail. Du côté de l'employeur, cette disposition permet d'éviter l'écueil du licenciement d'un salarié en CDI qui n'a commis aucune "faute grave" et dont, cependant, on souhaite se libérer pour des raisons budgétaires (et, d'ailleurs, si la mise en place de la "rupture conventionnelle" est assez longue, c'est pour laisser le temps à la Direction du travail de procéder à d'éventuelles vérifications sur la réalité de l'accord entre l'employeur et l'employé.) Comme on dit, chacun s'y retrouve.

Chacun s'y retrouve, direz-vous, sauf les "finances publiques". Ici, le débat s'élargit aussitôt. Dire que les "finances publiques" payent l'addition, c'est, en somme, dire qu'elles n'ont pas à supporter les conséquences personnelles de la perte d'emploi, c'est dire que, généralement, là n'est pas leur affaire. Cela suppose, en définitive, une remise en question de l'existence de toute allocation chômage. Pourquoi pas ? Mais cela ne me paraît envisageable qu'à la condition de croire au plein emploi, de croire que nous sommes dans les années cinquante où l'on pouvait choisir la couleur des yeux de son employeur. Certains rêvent au retour de cet état du marché du travail. Pour ma part, je n'en crois rien. Je crois au contraire que la logique de la technique, couplée à celle de la recherche de profits par les entreprises, détruit plus de travail qu'elle n'en crée et que les sociétés avancées auront toujours sur les bras une quantité significative de chômeurs, périodiques ou définitifs, en tout état de cause, n'appartenant plus à la catégorie du "chômage résiduel" et incompressible. Que faire de ces gens ?

On peut les livrer à l'action de "fondations" caritatives privées. On peut ne rien faire, couper les vivres, et organiser l'étripage périodique de ces populations désoeuvrées, en les dressant les unes contres les autres, ce pour quoi les conflictuelles promiscuités ethnico-religieuses semblent idéalement prêtes.

On peut, aussi - et ce serait, à mon avis, tout à l'honneur d'un parti politique d'oser cette audace suprême - admettre franchement que le plein emploi ne sera pas retrouvé et que c'est la tâche d'un pays civilisé de prendre en compte et d'organiser cet état de fait inédit, non pas, comme on le fait malgré tout, en faisant sortir des individus de la population active par la porte dégradante, hypocrite et immorale de la "maladie" mentale, prise dans un sens très large, non pas en maintenant ou créant artificiellement (à coup de subventions, comme pour la poésie), de "nouveaux métiers" la plupart du temps inutiles, mais en tentant de fixer des règles sociales à une oisiveté bien tempérée. Je ne dis pas que cela soit très simple à organiser ni que cela ne constitue une remise en question très profonde de la condition humaine, mais il me semble que c'est là le prix à payer du développement technique, puisque celui-là, on n'y renoncera pas.
13 janvier 2011, 14:52   Re : Petite annonce (1)
Oui, bien sûr, c'est même par cette petite porte que je suis entré dans les vastes domaines des oeuvres de Renaud Camus. Et cependant, je me suis laissé dire que ce petit livre n'avait plus les faveurs du président de l'In-nocence, nonobstant le fait que ce qu'est devenu le travail (et, par voie de conséquence le "temps libre") fournit son lot - et non des moindres - de nocences. La "création d'empois" n'est-elle pas le sésame incontestable, l'arme absolue, l'argument imparable, pour justifier n'importe quelle injure faite aux paysages, à l'art de vivre ? n'est-on pas prêt à tout lui sacrifier, absolument tout ?
13 janvier 2011, 15:16   Re : Petite annonce (1)
Ah, moi, j'y suis entré par le souterrain qui mène au coeur du domaine : l'Eloge du paraître, une révolution, dans son genre. C'était Alain Finkielkraut qui servait de guide.

Pourquoi faire porter le chapeau à la création d'empois, cher Orimont ? M'est avis que la fabrication de la glu cause autant de ravages...
Utilisateur anonyme
13 janvier 2011, 15:20   Re : Petite annonce (1)
L'école a également été sacrifiée au nom de l'emploi. Il n'est ainsi plus souhaitable d'enseigner la littérature anglaise en classe d'anglais sous prétexte que Shakespeare n'a jamais aidé personne à trouver un emploi, et qu'étudier ses oeuvres est de fait du temps perdu. Ainsi devrait-on se hâter d'enseigner l'anglais commercial, le CV en anglais, la lettre de motivation, la prise de rendez-vous, etc.

L'on entend sans cesse : « Mais quand le gamin y veut trouver un stage, il va quand-même pas se mettre à déclamer des vers ! Vous vivez pas dans le vrai monde, vous ! »

Et aussi « c'est vrai qu'il faut réfléchir à sur comment les gamins ils doivent communiquer ».

Voilà les propos tenus dans les IUFM et, par voie de conséquence, dans les salles des profs.
13 janvier 2011, 15:20   Re : Petite annonce (1)
Ah oui ! D'ailleurs, on crée de l'emploi, c'est dire si la chose est devenue, comme tout ce qui est désirable — et donc marchandisable — au sens moderne, une sorte de pâte uniforme, indistincte, globalisante, qu'il importe de produire dans la plus grande quantité possible, quelles qu'en soient les contreparties, comme on fabriquerait de la pâte dentifrice. (Il en va de même, naturellement, pour le fameux liensocial (on crée du).)
13 janvier 2011, 15:23   Re : Petite annonce (1)
Vous avez kèkchose contre le lien social, Francmoineau ?
13 janvier 2011, 16:24   Re : Petite annonce (1)
Hier, dans les pays socialistes, pour camoufler le chômage on confiait aux sans travail la tâche de repeindre dix fois par an les lignes blanches sur les routes et les panneaux indicateurs, ou bien on transformait les chômeurs en "plantons " qui étaient un peu l'équivalent des "référents" et autres faux métiers dont parle Orimont.
13 janvier 2011, 16:30   Re : Petite annonce (1)
Moi qui ai hor-reur, absolument hor-reur, des lignes blanches toutes neuves ! Il n'y a rien de pire pour dépareiller un carrefour. Comme j'aurais été malheureux en Union soviétique...
13 janvier 2011, 16:49   Re : Petite annonce (1)
Du liensocial à la glu sociale, il n'y a que l'espace d'un tube, cher Stéphane.
Utilisateur anonyme
13 janvier 2011, 18:13   Re : Petite annonce (1)
Un mot sur la rupture conventionnelle. C'est une loi du 25 juin 2008 qui l'a créée. Elle est entrée en application un mois après.

Elle fut, en pratique, substituée (pas complètement) à un mécanisme bien plus pervers : le licenciement pour faute, suivi d'une transaction. Pour les salariés âgés, cela remplace un mécanisme plus fâcheux encore : le licenciement avec Dispense de recherche d'emploi qui permettait dans le cas le pire d'aller au chômage pendant sept ans et demi, tout en étant dispensé de chercher un travail.
13 janvier 2011, 19:08   Re : Petite annonce (1)
Merci à Christian Michel pour ces présicions.

Je serais moins sévère que Cassandre et ne rangerais pas les "référents" dans la catégorie des faux-travailleurs. Ils peuvent rendre service et être consciencieux, imaginatifs, prendre leur rôle au sérieux (ce paraît être le cas de cette Poitevine), dans les limites, bien sûr, de l'absurdité, des "bidonnages" et de l'hypocrisie qui règne dans le cosidetto "marché du travail".

En revanche, ce qui ne fait pas l'ombre d'un doute, c'est l'intitulé de leur emploi, ce terme de "référent" sur lequel on peut s'arrêter un instant. Je ne saurais préciser la date de son apparition mais il me semble bien tout droit sorti, comme tant d'autres, du jargon psychologique, cette matrice encore plus à l'oeuvre, à mon avis que celle du pédagogisme (en réalité, les deux jargons s'alimentent l'un l'autre.)

Le "référent", à ce qu'il me parait, est un mot destiné à remplacer d'autres termes classiques qui désignent tout simplement l'autorité, mot qu'il fallait abolir, sans pouvoir en supprimer le besoin. On est donc allé chercher ce "référent", qui me semble issu de réflexions à propos des liens qui unissent parents et enfants, plus généralement adultes et parents. Nous voici donc rendus à l'infantilisation des rapports humains, telle que démontrée par Renaud Camus dans sa récente allocution et Francis Marche dans son commentaire. Avoir un "référent" à l'âge adulte, et non pas, tout simplement, un conseiller, c'est être considéré comme ayant besoin de "références", les avoir a priori perdues ou jamais possédées, ne pas ou plus savoir faire la différence entre de bonnes et de mauvaises fréquentations, de bons ou mauvais choix, comme à quatorze ans. Tu vois, petit, cette dame, eh bien, c'est ta référente, c'est elle qui s'occupe de toi, c'est celle que tu verras toujours, tu ne dois pas écouter les autres, tu as compris ?
Utilisateur anonyme
13 janvier 2011, 19:39   Re : Petite annonce (1)
Je crois que le terme référent est un substitut du mot correspondant, mais en plus distingué.

Que dire du coach, le M. Ramirez des cadres supérieurs ? Que dire de l'irruption d'une psychologie de bazar dans les entreprises, des gourous de la formation continue, sinon qu'effectivement il s'agit d'un processus égotique d'infantilisation.

Un arrêt amusant de la Cour de Cassation. Une entreprise met en place un plan pour les entretiens annuels d'évaluation, entretiens où se négocie notamment l'éventuelle augmentation de salaire. Rien de nouveau. Le code du Travail impose aux entreprises de plus de 50 salariés de déférer au CHSCT (sorte de comité d'entreprise qui se prononce sur les questions de sécurité et les conditions de travail notamment quand elles ont un effet sur la santé des salariés) tout plan qui pourrait aggraver la pénibilité d'un poste de travail.

Un syndicat attaque en justice le plan d'entretiens sur les augmentations de salaire de l'entreprise. La Cour de cassation donne raison au syndicat, au motif que ces entretiens étaient stressants pour les salariés.
13 janvier 2011, 20:35   Re : Petite annonce (1)
Citation
Orimont Bolacre

Chacun s'y retrouve, direz-vous, sauf les "finances publiques". Ici, le débat s'élargit aussitôt.

Vous m'avez bien compris, cher Orimont et je suis soulagé que vous n'ayez pas pris en mauvaise part ma remarque. Vous êtes sans doute mieux au fait de la législation du travail que je ne le suis aujourd'hui. Je ne serais pas surpris que Didier en connaisse un rayon sur le sujet et puisse nous apporter un éclairage intéressant (je me suis laissé dire que le pauvre homme était débordé ces jours-ci). En réalité je visais surtout l'irresponsabilité patronale dans certaines procédures de licenciement. Je souscris tout à fait à l'idée qu'une procédure trop contraignante puisse être un frein au développement et à la réactivité de l'entreprise mais du temps où je suivais ces choses d'un peu plus prés, j'étais partisan assez convaincu et fervent d'un système de bonus/malus sur le type de l'assurance automobile appliqué aux entreprises. Celles qui se développent sans licencier payeraient moins de charges, celles qui licencient trop facilement devraient plus de charges (sur le long terme évidemment pour éviter de leur mettre le ventre en l'air illico) Je sais, cela surprend mais je crois que cela marche déjà dans certains pays.
13 janvier 2011, 21:00   Re : Petite annonce (1)
"Celles qui se développent sans licencier (...)"

Et voilà ! Sitôt que se pose la question du travail, se présentent les casses-têtes. Le monde capitaliste étant ce qu'il est (ou, devenu ce qu'il est devenu, c'est-à-dire ayant les moyens qu'il a, les fameux outils ), les licenciements, précisément, sont impératifs au développement, connu aussi sous le nom de croissance. Dans cette affaire, le gêneur, c'est l'homme, cette bête machine à émotions mal maîtrisées et besoins physiologiques têtus.

Le "bonus" accordé aux entreprises qui ne licencient pas (et, donc, ne se développent pas), ne ressemblerait-il pas à un énième système artificiel de subventions ?
13 janvier 2011, 21:04   Re : Petite annonce (1)
Ah ! Là, cher Orimont, vous m'avez mal lu. Je disais : «Celles qui se développent sans licencier payeraient moins de charges [...]» Ceci étant : «Et voilà ! Sitôt que se pose la question du travail, se présentent les casses-têtes.» Je suis bien d'accord !
13 janvier 2011, 21:13   Re : Petite annonce (1)
La première fois que j'ai vu ce mot, c'est en 1968 ou 69, en lisant L'Aveu d'Artur London. Lors de l'instruction qui a précédé le procès de Prague (1952), chacun des dignitaires communistes accusés de trahison était chaperonné par un personnage appelé son référent qui était le seul à lui montrer un peu d'humanité, devenait son confident, son directeur de conscience (on dirait aujourd'hui son coach), qui l'encourageait à se laisser aller, à avouer avoir commis les crimes imaginaires dont on l'accusait et à coopérer avec la machinerie totalitaire qui le broyait ; il l'accompagnait ensuite jusqu'à la potence (la prison pour London).

Je ne sais pas comment on est passé des procès communistes à l'ANPE. Le Grand Robert et le TLF ne connaissent quant à eux que le sens du terme en linguistique (ce à quoi le signe linguistique renvoie).
13 janvier 2011, 21:18   Re : Petite annonce (1)
"Je ne sais pas comment on est passé des procès communistes à l'ANPE."

Merveilleuse question ! qui ferait une "réplique culte" dans un film.
13 janvier 2011, 21:27   Re : Petite annonce (1)
Elle pourrait, en attendant, faire une intéressante entrée du grand œuvre de JGL.
13 janvier 2011, 22:03   Re : Petite annonce (1)
Vous pourriez essayer "De Pol Pot à Pôle Emploi".
Soit dit en passant, le "référent" est également l'objet dénommé par le mot, le dénoté ; ainsi la "référente" tétonnière, première du lot que reçut Orimont en partage (si l'on peut dire) est effectivement le référent de l'une des façons possibles de la désigner, "Jolie tigresse" par exemple. Je rappellerai à toutes fins utiles que ces façons de désigner l'objet constituent ce que l'excellent Gottlob Frege avait appelé le "sens" de l'expression, qui est "le mode de donation de l'objet", étant entendu qu'une même référente peut avoir plusieurs sens, c'est à dire qu'on peut la considérer selon divers angles sémantiques, "blondasse marchienne", "ménopausée", etc. (certains prétendent, ce qui semble à première vue plus inattendu, qu'un même sens peut avoir des référents différents).

La prouesse technique n'est en soi, me semble-t-il, qu'un outil de transformation, un peu comme les règles de logique : ce sont de chaînes de production qui peuvent traiter et élaborer n'importe quel contenu, pourvu que vous puissiez décider des tâches auxquelles les assigner ; cela comprend bien entendu la possibilité de délivrer l'honnête homme de la nécessité, quand elle devient trop dégradante, de travailler.
14 janvier 2011, 14:23   Re : Petite annonce (1)
Peut-être, en effet, vous ais-je mal compris, Eric. Pouvez-vous préciser ce que vous entendez par "entreprises qui se développent" ? Comment se manifesterait, selon vous, le "développement" d'une entreprise ? C'est peut-être là-dessus que porte le malentendu.
14 janvier 2011, 17:05   Re : Petite annonce (1)
Tout simplement (c'est si compliqué !) cher Orimont, une entreprise qui se développe est celle qui fait du profit, investit et embauche.
Utilisateur anonyme
14 janvier 2011, 17:33   Re : Petite annonce (1)
(Message supprimé à la demande de son auteur)
Utilisateur anonyme
15 janvier 2011, 13:01   Re : Petite annonce (1)
Bonjour,

Malgré l'épisode de la Jolie Tigresse, épisode savoureux et raconté avec un beau talent, cette histoire est un peu triste. Mais le directeur était-il de bonne foi, car on passe par les Comités Médicaux, les Commissions de Réforme, les médecins conseils, les médecins experts. Suis-je naïf ? Personnellement à avoir eu à travailler pour ces comités, j'ai constaté que les cas de dépressions sont rarement faux à l'arrivée au comité médical, on a les éléments en mains. Une chose est certaine c'est que la dureté au travail s'est accrue, le harcélement moral est devenu la norme, au travail les donneurs d'ordre sont de plus en plus "beaufs", médiocres, veules. La durété des rapports au travail est peu combattue par la médecine du travail (ou par des médecins du travail un peu Don Quichotte avec les risques en bien ou en mal que cela comporte).
Dans cette affaire il est curieux que la médecine du travail n'ait pas cherché à aménager votre poste de travail.
18 janvier 2011, 16:40   Re : Petite annonce (1)
"(...) on passe par les Comités Médicaux, les Commissions de Réforme, les médecins conseils, les médecins experts."

Certainement et c'est sans doute dans ce "parcours du combattant" que me proposait d'entrer ce directeur (l'aménagement du poste n'étant pas possible), parcours à la fin duquel, en effet, il est bien possible que l'on soit dépressif pour de bon. En dehors de ma petite anecdote, je voulais simplement relever cette très fâcheuse tournure prise par la "gestion" du chômage au moyen de sa médicalisation et, encore plus généralement, de la coupable complaisance de nos sociétés à l'égard du trouble psychologique, très souvent plus payant et reconnu que les efforts entrepris personnellement pour le surmonter.

Encore une anecdote sur ce thème. Récemment, un ami célibataire racontait comment, il y a quelques années, l'appartement qu'il occupait avait été entièrement détruit par un incendie provoqué par la cheminée de son voisin. Il s'était retrouvé "à la rue", avec pour tout bagage ce qu'il avait sur lui le jour de l'incendie (découvert en rentrant du travail.) Il reçut l'hospitalité d'un ami, un secours financier d'un parent, le temps pour lui de "se retourner". Dès le lendemain, il reprit son travail. Quatre ans plus tard, les assurances ayant fini leurs tractations, il perçut une somme de 15 000 euros. Or, il apprit à cette occasion, que cette somme eût été de beaucoup supérieure si, au lieu de reprendre son travail immédiatement (c'est-à-dire de faire un gros effort pour surmonter ce coup du sort), il s'était mis ne serait-ce que quinze jours en arrêt maladie, ce qu'il n'aurait eu aucun mal à obtenir de n'importe quel médecin en arguant du désarroi psychologique profond lié à l'incendie.

Vous savez, Onuphre, passez deux nuits blanches à boire et à fumer, ne vous rasez pas, revêtez un pantalon de jogging informe assorti à un vieux veston et rendez vous chez votre généraliste pour lui dire qu'en ce moment "ça ne va pas fort", je veux être pendu si, au lieu de vous faire la morale, de vous inciter à vous ressaisir, ce praticien ne vous octroie pas séance tenante 10 jours d'arrêt maladie "pour commencer", au motif "d'état dépressif". Et si lui ne le fait pas, vous en trouverez sans peine un autre. Une telle mise en scène n'est même pas nécessaire. Il suffit d'avoir vaguement mauvaise mine et de s'avouer déprimé. L'aveu de "tendances suicidaires" est une autre arme absolu de compassion, comme si nos sociétés nourrissaient une terrible mauvaise conscience à l'égard du bonheur qu'elles ont promis et qu'elles n'ont pas tenu. Je n'écris pas cela pour nier la réalité des maladies psychiques mais pour m'élever contre la complaisance qui autorise leur diagnostic, surtout si l'on compare cette complaisance avec la fin de non-recevoir qu'obtiendrait toute demande de "prise en charge" pour d'autres raisons. Allez expliquer par exemple que vous avez besoin d'une semaine "d'arrêt familial" afin de vous rapprocher de l'un de vos enfants parce que vous avez senti qu'il a besoin de vous juste là, maintenant. Ce genre de motif n'aura aucun crédit : "ce serait trop facile !" Ce qui est facile, c'est de s'inscrire, si on le veut, aux abonnés dépressifs.
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