Déculturation (suite)

Hier soir, sur France Culture, comme chaque jour un peu après minuit, retransmission de conférences ou cours
prononcés ici ou là, Collège de France ou Bibliothèque nationale de France, par exemple. Cette fois, la gastronomie
est à l'honneur. Conférence de l'historien connu Anthony Rowley, de nationalité française semble-t-il, sur les usages
gastronomiques comparés en Grande-Bretagne et en France. Il commence par citer quelques échanges d'amabilités,
par exemple une phrase assassine sur le repas français "de la romancière britannique Evelyn Waugh".

De la romancière britannique Evelyn Waugh.

Ce samedi matin, sur la même chaîne, l'émission évidemment passionnante d'Alain Finkielkraut est consacrée à Baltasar Gracian. Un des deux invités est l'éminent Marc Fumaroli. Qui ne me paraît plus être désormais qu'un conférencier mondain suffisant, bouffi d'importance, et guetté par un cruel affaiblissement de la mémoire. Les mots les plus simples lui manquent, ce que ne compense pas le ton "gratin" sur lequel il prononce les autres, ceux qui restent. Les capacités d'invention ne lui font pas défaut, cependant. A un moment, l'Académicien ne manque pas de parler, après une hésitation,
de "péremptorialité". Presque aussi beau que du Ségolène Royal. Heureusement que l'autre invité ou Alain Finkielkraut
lui-même, propose humblement, à voix très basse, pour ne pas froisser l'Académicien : dogmatisme...

Je vous recommande les livres d'Hervé This, scientifique et gastronome : ça c'est du sérieux qui ne contredit pas le plaisir.

Citation
Buena vista
... l'éminent Marc Fumaroli. Qui ne me paraît plus être désormais qu'un conférencier mondain suffisant, bouffi d'importance, et guetté par un cruel affaiblissement de la mémoire....

C'est bien vu, Marc Fumaroli a perdu tout spontanéité, tout brio, et même ses grandes connaissances se sont dissoutes. Il n'a plus aucun esprit frondeur, plus de capacité de révolte. A fréquenter les gens de pouvoir, on devient militant de la doxa. Beau cas d'ecole. Son entrée à l'Académie a été une entrée en chambre froide, zéro degré. Marc Fumaroli un paon déplumé qui continue à faire des roues sur le paking du Quai Conty qu'il prend pour le parc de la comtesse de Noailles.

Oui, eh bien moi je vous trouve un peu acrimonieux... Les interventions de M. Fumaroli m'ont paru très intéressantes, au contraire, dans cette émission (ce qui n'était pas le cas de celles du troisième interlocuteur, qui était confus, mauvais orateur et très suiviste). Quant à un éventuel "affaiblissement de la mémoire", j'aimerais, cher Buena vista, vous lire ou vous entendre quand vous serez âgé de soixante-dix-neuf ans...

L'acrimonie est le sel que l'on doit mettre à ce monde de niaiserie qui est cette sous-culture gnan-gnan imposée par les plateaux télés !
Longue vie à l'acrimonie !
Cher Francmoineau. Vous ne me voyez pas en ce moment, mais je lève mon verre d'un superbe orange ambré qui est ni plus ni moins du Cognac vieux de 20 ans d'âge. Et je lance avec acrimonie un toast à l'acrimonie en poussant un vigoureux "longue vie à l'acrimonie !"
Ce que je rèpète, étant un peu émêché, en anglais, pour nos amis d'outre manche en "Long Live the Acrimony !"
Your most obedient servant, Onuphre.

Tout beau, cher Onuphre, tout beau, l'acool vous exalte. L'acrimonie, oui, bon, bien. Mais pour ma part, je ne vois vraiment pas le rapport qu'on peut établir entre M. Fumaroli et ce monde de niaiserie qui est cette sous-culture gnan-gnan imposée par les plateaux télés.

C'est que Fumaroli commence à être objectivement allié de cette société-là. Quand le rappeur Cortex arborera fièrement le bicorne vert, Fumaroli aura-t-il le courage de dire "trop c'est trop je quitte l'Académie !" Je crains que non, il trouvera des raisons, "Cortex est dans un sens notre nouveau Villon, notre nouveau Marot, etc.." Je connais la chanson. Vous aussi, très cher Francmoineau, ne faites pas l'innoncent !
Bon, sur ces mâles paroles, je vais rafraîchir mes papilles qui se sont asséchées le temps d'avoir le plaisir de causer avec vous. Je reste, néanmoins, votre serviteur, Onuphre.

Buena Vista,

Evelyn Waugh était un homme.

(Je crois bien que c'était l'objet même de son message, cher Francis...)

Francis Marche ? Ça va ? Vous suivez ?

L'interlocuteur de Marc Fumaroli (je suis dans le camp moineaufranquiste) parlait bien mal, avait un bien fâcheux accent et a commencé son intervention sur un superbe "de... dont" (dont j'ai oublié la substance, mais qui m'a confirmé dans mes plus antipathiques théories).

(Ooops, mon intervention sur Waugh est contemporaine à la seconde près de celle de M. de Francmoineau et dit exactement la même chose)/

Chers MM. Marche et Camus,

En effet je trouvais sidérant qu'un conférencier aussi réputé, paraît-il, que M. Rowley, puisse parler de la romancière Evelyn Waugh et c'était bien l'objet de mon message. Merci Francmoineau.

Quant à M. Fumaroli, non, il ne m'a vraiment pas convaincu ce matin. Je crois que son interlocuteur était surtout paralysé par le trac et tenait à céder la priorité au grand homme, par modestie ou par un soupçon de courtisanerie.

Oui, pardon. Il semble bien que mon éloignement géographique du forum se ressente dans mon intelligence, très amoindrie, de ses débats. Le corps est ailleurs et l'esprit le suit et, s'éloignant, le voilà qui s'épaissit pour ceux qui restent sur place. Cette expérience offre au moins l'intérêt de constater que l'écran internet, comme l'esprit qui voudrait à tort continuer de l'animer, après tout, n'est pas pas aussi indifférent qu'on le dit aux distances où on l'installe. J'offre mes excuses à Buena Vista.