Merci ostinato de ce recadrage utile. Il y a effectivement deux feminismes, l'un syndical (egalite de traitement entre tous les hommes dont les femmes, qui sont des hommes comme les autres) et un autre, qui glorifie la feminite dans une exaltation ideologico-ontologique tres particuliere. La git la troublante asymetrie evoquee ici: cette exaltation est contrecarree, neantisee par cette assymetrie de consideration du fait feminin qui est la denegation du pouvoir charismatique propre a ce dernier, pouvoir qui agit sur tous, dont les femmes - c'est un charisme transgendre, dont certains beaux exemples nous sont donnes dans certaines carrieres politiques dramatiques, epiphenomenales - Benazir Buttho, Imelda Marcos, Marie-Madeleine, Sainte-Therese, Louise Michel. Le syndicalisme feministe jette sur ce charisme un pal tres sombre, une violente censure puritaine: la femme n'existe pas, elle est sans charisme, elle n'a que des droits, aucun pouvoir propre ni particulier sur les etres ordinaires, tous genres confondus, que nous sommes.
La schizophrenie de cette assymetrie n'est jamais suffisamment relevee: la femme ne doit de ses reussites, conquetes, rien a sa nature mais tout a ses combats; en revanche, a cette meme nature elle doit toutes les barrieres, contraintes et tous les echecs qu'elle rencontre dans le social. La git le double langage, la fulgurante hypocrisie qui passe partout inapercue. Si la feminite est une si grande tare a porter, comment se fait-il que les memes qui denoncent ces tares en fassent un si fort objet d'exaltation et de gloire pour elles-memes, pour leur camp exclusif, pour leur fors interieur et guerrier (leur fort interieur) ?
J'ai soupcon que les feministes (et on vient de voir comment l'ecole syndicaliste nie la puissance charismatique et creatrice du feminin) sont affectees de ce que l'on pourrait appeler une dichotomie schizophrenique: au subjectif, la feminite est superieure et desirable, cependant qu'au social elle est une tare qu'il faut nier, combattre. Il n'y a rien dans le feminin de desirable pour autrui. Le feminin est une vertu desirable dans l'en-soi seulement. Pour tout le reste, il est une damnation, une garantie d'echec.
Celle qui echoue, echoue parce qu'elle est une femme, toujours, et sans jamais envisager la contrepartie qu'elle, ou que d'autres femmes qu'elle, puissent miraculeusement reussir au social, a la promotion et a travers le plafond de verre syndical, precisement par son fait feminin. Hypocrisie. Double langage, mauvaise foi et invraisemblance donc que cette assymetrie d'appreciation du fait feminin.
Certes oui, ostinato, en cette mauvaise foi politique-la, les femmes ne se distinguent guere encore des hommes, qui agissent ainsi mais sur d'autres plans, plus vastes et plus complexes, et en usant d'autres moyens dont ils disposent encore, enfin, pour ceux, de plus en plus rares, qui ne sont pas encore RIEN.