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Définition

Envoyé par Florentin 
11 juin 2008, 10:05   Définition
En faisant une recherche, je tombe sur une définition de l'Islam par le Père Teilhard de Chardin: "une résurgence archaïsante du Judaïsme". ("Comment je crois", tome X). Il est sous-entendu que l'Islam n'a aucun avenir et c'est bien là le danger. Le désespoir de millions de gens attisé par des fous furieux ne peut qu'inquiéter sérieusement.
Comme Pierre le Vénérable je pense qu'il ne faut pas buter les gens, surtout les gens de bonne volonté, mais les amener au débat.
Utilisateur anonyme
11 juin 2008, 10:45   Re : Débat
Comme Pierre le Vénérable je pense qu'il ne faut pas buter les gens, surtout les gens de bonne volonté, mais les amener au débat.

Oui, et pour citer une référence moins prestigieuse que la vôtre, suivons la voie tracée par le proviseur du lycée de Chelles : "il faut remotiver et sensibiliser aux valeurs du savoir-faire et du savoir-être."
11 juin 2008, 13:26   Re : Débat
Pierre le Vénérable, ce serait pas un acolyte à Habib le Maltais, qu'avait dessoudé deux condés en s'évadant de la Petite Roquette? Il est bien placé pour dire aux autres de pas buter les gens, tiens!
11 juin 2008, 14:54   Re : Définition
"Résurgence archaïsante du judaïsme", vraiment? Voilà de quoi grimper aux rideaux théologiques les plus proches. Je ne connais pas le contexte de cette citation de Teilhard de Chardin, mais elle me semble moins définir l'islam que le christianisme, qui se présente comme l'accomplissement d'une Loi juive ignorante de ses propres potientialités. Le Christ impose et révèle à ceux qui observent cette Loi une vérité latente qu'ils sont incapables de voir par eux-mêmes. Par cette révélation qui s'autorise de la foi seule et non de l'argumentation, il rend caduque l'alliance qui le précède et le préparait sans le savoir. On déduit de la caducité de la Loi un nouveau régime de relations entre Dieu et l'homme, celui de la Grâce, régime dans lequel l'émergence d'un islam légal et légaliste ne peut paraître qu'une résurgence, qu'un retour passéiste à un état des choses périmé. C'est déjà ce qu'écrit St Paul aux Galates judaïsants. Ce n'est pas la première fois qu'une réfutation de l'islam emprunte ses arguments à la polémique antique contre le judaïsme : l'important est de le savoir, et d'être conscient que le choix de pareils arguments engage à une certaine cohérence à l'égard de la notion de Loi.
D'autre part, s'il est gênant de "définir" l'islam selon des catégories qu'il ignore ou lui sont totalement étrangères, cela empêche aussi de l'appréhender dans sa singularité en le comparant trop vite avec le judaïsme, où le double devoir légal sacré est d'accomplir les commandements et de les étudier, alors que le devoir du croyant musulman se définit en termes tout autres, bien plus apocalyptiques, comme le fait sentir une lecture superficielle du Coran. La Tora est révélée et donnée au peuple rassemblé au pied de la montagne, ce qui induit une dimension collective très différente de celle de l'islam, où la conversion se fait d'abord individuellement, où la notion de peuple et de nation est d'une tout autre nature que dans le judaïsme. Il est plus intéressant d'aller voir comment l'islam se définit lui-même.
"l’objet du dialogue entre Christianisme et Islam "

Plusieurs problématiques sont abordées qui ont le mérite de développer la complexité de la situation par de multiples côtés.
Document téléchargable (17 pages) : [institut-thomas-more.org]

Quelques extraits :

("guébiste : définition= agent du KGB)

REMI BRAGUETroisièmement, le dernier conseil et le plus raide, serait tout simplement de ne pas placer le dialogue sur le plan religieux, mais d’essayer de discuter de faits concrets : du pétrole, du chômage, des transports en commun dans les banlieues, etc. Il faut qu’on arrête de discuter de choses vagues au prix des slogans sur la paix, la concorde et la bonne conscience universelle… toutes choses en vente dans les bonnes pharmacies ! Je fais sans hésiter le parallèle avec les guébistes qui nous étaient envoyés naguère par l’URSS pour chanter les mêmes salades. On faisait des congrès internationaux et on réussissait très bien à dire qu’on était tous pour la paix… à cette différence prêt que, pour le guébiste, la paix, ça voulait dire le pouvoir unique du Parti Communiste. On était tous pour la liberté et le dialogue… sauf que pour le guébiste le dialogue, ça voulait dire le pouvoir de faire de la propagande dans les pays de l’Occident. On risque d’arriver aux mêmes résultats avec le dialogue interreligieux actuel, surtout, lorsqu’il est promu par des gens qui font profession du dialogue, dont le dialogue est le fonds de commerce depuis vingt ans. Vous connaissez tous la formule : « Méfiez-vous des amateurs ! » Eh bien moi, en la matière, je vous dirai :
« Méfiez-vous des professionnels ! », méfiez-vous des gens dont le dialogue est le métier. Je le répète : je crois beaucoup plus dans la discussion sur des problèmes non religieux importants, sur le terrain, là où l’on peut arriver à s’entendre, là où tout le monde y a un intérêt. Autrement, on risque de s’évader dans des malentendus pompeux.

JEAN-FRANCOIS COLOSIMO

Je ne suis pas de ceux qui croient que les théologies politiques découlent, telles quelles, des Ecritures qui les contiendraient de facto. En ce sens, je ne crois pas que les musulmans lisent le Coran, mais je crois qu’ils lisent l’islam, et donc le Coran que leur commande leur lecture de l’islam. Je crois aussi que les fondamentalistes sont les musulmans qui lisent le moins le Coran. La théologie politique que l’on pratique ne sort pas de l’Ecriture qu’on médite, c’est plutôt la théologie politique que l’on pense qui imprime la lecture que l’on fait. Autrement dit, si vous n’avez pas le Jihad en tête, vous ne le trouverez pas dans le Coran, ou vous passerez dessus, ou vous le réduirez à une interprétation spirituelle. Vous vous débrouillerez avec – et plus exactement, sans. Mais si vous l’avez en tête, vous le trouverez partout, même là où il n’est pas, et vous ne verrez plus que lui.
Les théologies politiques sont d’abord des politiques théologiques.
Or, s’il est un problème spécifique à l’islam, en regard de l’inversion moderne entre théologie et politique que permet la déification de la société, c’est que les phénomènes de clôture, de prédestination, de répétition dont nous avons parlé, sont attisés par l’absence d’un horizon clair, d’un avenir conséquent, par l’impossibilité des possibles qui hante l’imaginaire, le sentiment, mais aussi la réalité du monde musulman. Car le véritable problème de l’islam, au fond, n’est pas qu’il est en expansion, mais qu’il est en régression – raison pour laquelle le dialogue est si compliqué. Gilles Kepel et Olivier Roy, nos meilleurs observateurs à mon sens, ont montré que l’islamisme est en train de mourir, que Ben Laden en marque le terme. Ce qui ne signifie pas l’arrêt immédiat de sa nocivité. Mais c’est bien cela qu’il faut voir : ne pas prendre pour une force, ce qui est en fait une immense faiblesse. Mieux vaut tâcher d’aider le monde musulman à dépasser cette terrible impasse historique.

REMI BRAGUE

Je voudrais prolonger un peu ce que Jean-François COLOSIMO vient de dire sur le rapport au Coran : il est de fait que les musulmans pieux lisent beaucoup moins le Coran qu’on ne l’imagine. Ils le lisent, mais ce qu’ils
comprennent, c’est souvent une musique plutôt qu’un sens. Parce que personne ne comprend – au sens rationnel du terme – le Coran, et cela pour des raisons qui seraient un peu longues à expliquer. Le Coran est plein de mots qui n’existent pas ailleurs, dont on ne sait pas le sens réel, etc.
Deux remarques là-dessus : faut-il ramener les musulmans au Coran, comme y a invité tout à l’heure Jean-François COLOSIMO ? Je dirais : surtout pas ! Parce que là nous pensons, plus ou moins consciemment, dans des cadres chrétiens, et plus précisément franciscains. Le problème, c’est que c’est dans le Coran que l’on trouve les pires des choses ! Nous, chrétiens, nous savons très bien que nous n’arriverons jamais à être aussi bien que Jésus – même le président Wilson n’y était pas arrivé, c’est dire ! En revanche, je crois qu’on peut dire qu’aucun musulman ne réussirait à être pire que Mahomet, je dirais même à être pire que l’image de Dieu qu’il se fait. On peut toujours dire à un chrétien : « Ce que vous faites est indigne. Les Croisades, ce n’est pas conforme à l’Evangile » : le chrétien répondra comme il pourra. Mais si vous dites à un musulman : « Ce que vous faites n’est pas conforme au Coran », il vous trouvera des versets pour vous démontrer le contraire. On légitime tout par le Coran.
Deuxième remarque sur le Coran : la notion « d’interprétation » est assez dangereuse à manipuler. N’oublions jamais que le statut du Livre saint n’est pas le même dans le christianisme et dans l’islam. Dans le christianisme,les Livres saints sont dans le meilleur des cas inspirés : c'est-à-dire que c’est un auteur humain qui s’exprime,mais dans ces conditions telles qu’il ne peut pas dire d’erreurs sur des questions de dogme et de morale. Dans le cas du Coran, le texte est censé avoir été dicté mot à mot par Dieu, peut être par l’intermédiaire de l’ange Gabriel, et recueilli par le Prophète avec une fidélité absolue et insoupçonnable. Donc, nous avons la « parole de Dieu » au sens non métaphorique. Le problème de l’interprétation ne peut donc pas se poser de la même façon pour des textes qui ont des statuts si différents. Un exemple : le voile. Cela fait des années que l’on trouve dans la presse bien-pensante des lettres de lecteurs qui expliquent qu’après tout le voile, il est chez saint Paul ; et il est vrai qu’il y a quelques années encore, une femme comme il faut n’allait jamais à l’Eglise sans mantille, voire ne sortait jamais « en cheveux » comme on disait. Mais la différence est de savoir qui parle. Si c’est « Monsieur saint Paul » qui parle, vous pouvez « interpréter » au sens où en droit on interprète le texte d’une loi à partir deson esprit, à partir de son intention : on fait un jugement d’équité, on se dit : « Que voulait dire le législateur ? »
Et dans le cas précis, « Monsieur saint Paul » voulait dire : « Ne sortez pas n’importe comment, habillez-vous correctement » ; ce qui est variable évidemment selon les époques et les latitudes. Mais si c’est Dieu qui parle, Dieu qui est hors du temps et de l’espace, Il sait bien ce qu’Il dit. Donc, s’Il dit « mettez un voile », ça ne peut vouloir dire que « mettez un voile ». On va interpréter les mots : la longueur et la transparence du voile, mais sur le commandement explicitement formulé, il n’y a pas à revenir.

SOPHIE MISSANA

Le problème essentiel de la « question religieuse » dans nos sociétés n’est pas tant, nous semble-t-il, le rejet des religions que le problème de leur représentation. Les rapports entre les religions sont-elles aussi linéaires et lisses qu’une alternative entre un « choc des civilisations » ou un « dialogue » constant et immuable ? Nous assistons à ce que Jean-François COLOSIMO résume en ces termes : « nous sommes au coeur des conflits d’interprétation les plus visibles, les plus vifs ». Nous sommes en effet passés d’une appréciation positive de l’Islam à « une radicale inversion des signes » qui conduit à assimiler l’Islam à l’intégrisme et au terrorisme et à concevoir l’opposition irréductible entre l’Orient et l’Occident comme la donne du contexte géopolitique actuel.

Or, les valeurs que défend aujourd’hui l’UE sont le résultat de l’histoire culturelle de l’Europe marquée dès son origine par le christianisme, et qui a vu le renforcement récent de religions non chrétiennes – principalement l’Islam –par le truchement des flux migratoires de la seconde moitié du siècle dernier. Ceci est un fait réel, c’est de lui qu’il faut partir pour penser l’identité européenne.
Cette communauté européenne n’est pas seulement « intra-religieuse » au sens d’un regroupement des communautés religieuses. Cette communauté pour laquelle le dialogue interreligieux prend sens est une communauté de « citoyenneté pleinement partagée », celle qui partage les valeurs de l’humanisme et de laïcité. En son temps, Romano PRODI soulignait à propos que, dans un monde multiculturel, les droits humains individuels doivent être complémentaires des droits garants des communautés ou des groupes qui ont leur identité culturelle et religieuse spécifique. L’horizon et l’objet du problème dialogue interreligieux sont donc politiques avant que d’être proprement religieux.
11 juin 2008, 15:59   Re : Définition
Le contexte a son importance. Il s'agit du texte intitulé "Le Phénomène chrétien", page 233 de "Comment je crois".
Je voulais, au delà de la vision christique de Teilhard, souligner l'impasse d'une idéologie politique déguisée en religion. Ce que dit Jean-François Colosimo me paraît très juste. Et ma référence à Pierre le Vénérable suggérait une attitude bien plus chrétienne face à la violence que la croisade.
Merci, Chère Ostinato, pour ce document passionnant.
11 juin 2008, 16:14   Re : Définition
Mais de rien, c'est un vrai plaisir de trouver des textes "intelligents" et de les faire connaître.
12 juin 2008, 00:09   Re : Définition
Citation
Mais de rien, c'est un vrai plaisir de trouver des textes "intelligents" et de les faire connaître.

Oui c'est un peu comme la fleur qui au bord du chemin offre son parfum aux passants sans rien attendre en retour!

Merci, chère Ostinato, pour ce texte remarquable!
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