Vu cet après-midi, à des portes d’embarquement mitoyennes dans l’aéroport de Bangkok, deux noms de destinations : Ho Chi Minh Ville, Bakou. Nous sommes en 2011. Si l’on avait endormi un témoin de son époque en 1975 pour le réveiller aujourd’hui, et qu’on l’amenât sur sa chaise roulante dans l’aéroport de Bangkok et qu’il vît cela, ces deux noms de liaisons aériennes avec Bangkok, jadis bastion du monde libre en Extrême-Orient, il se fut écrié: c’est fait ! le Communisme a gagné. Le monde a basculé dans le communisme. La Thaïlande est tombée elle aussi, la Thaïlande est asservie. Lénine avait raison ! Or le communisme a perdu, c’est le monde libre qui a gagné. Et l’on ne voit personne pour fêter cela, danser dans la rue, comme ce pauvre fou sur sa chaise roulante à qui l’on raconterait l’histoire du triomphe du monde libre, de 1975 à aujourd’hui, en le rassurant, en lui exposant par le menu que la défaite du Mal est possible, que la défaite du Mal est advenue, que ce n'est pas la Thaïlande qui a versé dans le camp des pays communistes mais que ce sont ces derniers qui ont cessé d’être communistes, avant qu’il ne laisse libre cours à sa pauvre joie. Le monde contemporain, en rien différent de l’homme contemporain, est absurde de ne pas se réjouir de ses triomphes. Que notre monde se souvienne qu’il s’est battu, que la capitulation de Bakou, de Ho Chi Ming Ville, où le communisme a fini par être enterré, est le fruit d’un combat qui, en dépit de toutes les défaites encaissées (Diem Bien Phu, Saïgon), a fini en une souple, silencieuse, discrète, pacifique victoire que nos soldats s’étaient acharnés, s’était entêtés à préparer, à rendre possible, y compris à travers leurs héroïques défaites et les funestes abandons qu’ils eurent à subir.
Il faut considérer Kaboul comme le Ho Chi Minh Ville de demain. Dans quelques années, 20 ans, 30 ans, nous nous en voudrons de n’avoir jamais organisé la moindre manifestation de soutien à nos soldats, de ne pas avoir exigé de ce gouvernement qu’il rende les honneurs à nos soldats d’Afghanistan tombés pour que le monde libre ne tombe pas, afin que leurs familles sachent que leur mort ne fut pas vaine et qu’avant de mourir ils avaient œuvré à l’avènement d’un monde débarrassé de la peur et de la crainte de son anéantissement, ô combien justifiées.
Nos soldats qui combattent en Afghanistan devraient être nos authentiques héros ; le moindre d’entre eux vaut Stéphane Hessel. Nous devrions exiger des autorités l’organisation d’une cérémonie où serait chanté le Chant des Partisans par les enfants des écoles. S’il faut encore répondre à ce vieux faiseur de Stéphane Hessel, voilà la seule réponse qui vaille !
Les malheureux soldats français, dont certains perdent la vie sans aucune reconnaissance officielle de l'Etat français qui les a exposés à pareil sort, en combattant une internationale de barbares laquelle, dans vingt pays, attache des ceintures d’explosifs à la taille de jeunes femmes et à celle d’enfants parfois âgés de douze ans à peine, sont
nos partisans de 2011 !