Je vous remercie tous deux de vos éclairages. La description chomskyenne de la langue, son épistémologie, car il semble que ce terme employé par Bruno convienne pour ramasser son enseignement, se rattachent au structuralisme (dont les dogmes, je pense à Lévi-Strauss, n'ont pas tous déteint dans le politique pour y former une tache obsessionnelle anti-occidentale). Sur le plan de l'effectivité, de l'épreuve de la vie, si vous voulez, et en réponse à François, je dirais que sans cette épistémologie, je n'aurais pu apprendre aucune langue étrangère, et surtout je n'aurais jamais su ni traduire ni probablement écrire dans aucune langue de manière qui me satisfasse, ou du moins, qui suffise à mes besoins. Ses algorithmes sont valides dans les langues
vivantes que j'ai pu aborder, et ils sont opérants dans le travail de traduction (y compris automatisée) qui s'articule nécessairement sur la distinction entre une structure de surface et une structure profonde laquelle compose la matière intéressant le traducteur, qu'il doit détacher pour l'habiller et l'apprêter dans la langue cible. Donc, sans cet enseignement, je n'aurais jamais pu exercer ma profession. Ce n'est qu'un exemple.
Celui qui s'y essayerait, par jeu, pourrait très bien décomposer une phrase de la Recherche, à l'aide des appareils à enchâssement chomskyien. Il ne s'agit donc pas d'une variante sur le S-V-C mais bien d'une combinatoire riche bien que simple. La description de la molécule d'ADN n'est pas d'une inextricable complexité, la combinatoire de ses premiers éléments est même plutôt pauvre, et néanmoins, cette molécule génère tout le vivant, aux richesses et à la diversité quasi infinies. Les travaux de Chomsky les plus importants furent contemporains à ceux menés par Crick et Watson. Et les
Structures élémentaires de la parenté de Lévi-Strauss, qui montrent comment des structures simples peuvent expliquer des phénomènes complexes, ne sont pas très éloignées non plus dans le temps.
La grammaire informe les actes, les actions, y compris les actions muettes. J'ai parlé du coup de pied aux fesses, j'aurais pu évoquer le baiser. Le baiser, le plus silencieux des actes et pour cause (même si
fait de langue !), s'inscrit dans une syntaxe amoureuse, un avant et un après habités de paroles, comme une frappe aérienne est encadrée d'un briefing et d'un debriefing, puis d'un commentaire public, puis d'un récit épique, et enfin d'une écriture ou d'un mythe. Et en amont, son briefing aura été précédé d'un plan stratégique, lui-même préparé par une doctrine, etc... C'est peu dire que sans organisation cognitive des discours et sans inscription dans une syntaxe de l'action, l'acte n'a pas sens; il est moins qu'insensé, il n'existe pas. La grammaire des actes dans laquelle il s'insère, parce qu'elle est la manifestation d'une pensée, ou d'un affect (le baiser), prend la forme d'un discours, soumis lui-même au plan de la grammaire, syntaxe du langage. Ces deux plans: syntaxe des actes et syntaxe du discours composent un système dynamique: celui-là existe par celui-ci; et celui-ci n'a de sens que par celui-là.