Le site du parti de l'In-nocence

De l'ordre public et de la religion

Envoyé par Jean-Marc du Masnau 
Chers amis,

Une exposition se déroule en ce moment à Avignon, et y est notamment représentée cette merveille :

[q.liberation.fr]

Libération ne comprend pas que les catholiques s'indignent de voir le Christ plongé dans l'urine (c'est de l'art, n'est-ce pas ?) et puis, les religions, ce ne sont que des groupes obscurantistes.

Le même journal détaille son point de vue dans l'article suivant :

[next.liberation.fr]

La perversité de la choses est démontrée par le fait qu'elle reçoit le soutien de Golias.

Il semblerait, par ailleurs, que l'exposition soit largement subventionné par l'Etat et les collectivités locales.

J'ai donc deux questions :


- ce type d'exposition heurtant les convictions d'une partie de la population, n'y a-t-il pas trouble à l'ordre public ?

- l'argent du contribuable a-t-il vocation à subventionner cette forme de culture ?
Cher Jean-Marc,

Que le torchon islamiste qui a pour titre Libération fasse le parallèle entre ce qu'il appelle l'affaire Piss Christ et l'affaire des caricatures de Mahomet, ce qui lui permet d'assimiler les catholiques aux émeutiers, aux assassins et aux terroristes musulmans, c'est dans l'ordre des choses. ("L’affaire rappelle celle des caricatures de Mahomet, en mineur. Le dessin du prophète coiffé d’un turban en forme de bombinette avait fait hurler les intégristes. La photo d’un crucifix trempant dans l’urine fait des vagues dans les milieux catholiques.") Encore faut-il éviter de donner des arguments à ces gens exquis en s'en prenant de n'importe quelle manière à n'importe quoi.

Le régime imagier occidental a été établi il y a plus de mille ans au moment de la querelle des iconoclastes (je vous renvoie là-dessus aux nombreux et excellents ouvrages de Marie-José Mondzain). Les seuls qui le remettent en cause sont les obscurantistes de l'AGRIF qui se conduisent effectivement là-dessus comme les derniers des talibans.

Tirer argument du fait que telle ou telle image choque Pierre, Paul... ou Jean-Marc, pour alléguer qu'elle trouble l'ordre public, ou qu'elle constitue un usage illégitime de fonds public, est une telle entorse au contrat imagier qui est celui de notre civilisation que je m'étonne que vous vous y risquiez. Et tirer cette salve sur le forum public d'un parti qui met l'art et la culture au-dessus de tout, cela ressemble fort à une provocation.
Écoutez, cher Chatterton, en France, chacun est libre de pisser sur un crucifix, d'en faire une photo et d'inviter ses contemporains à admirer la prouesse. Cette liberté est essentielle et doit être défendue, certes. Appeler ça de l'art et exciper de cette appellation pour réclamer des subventions me paraît tout autre chose. Je refuse quant à moi l'idée que les impôts que je paye servent à soutenir ce genre d'enfantillages de mauvais goût et terriblement ringards.
D'accord avec Marcel Meyer. Pour ma part je préfère ignorer les cancres, je lis avec admiration le deuxième volume du Jésus de Nazareth de Benoît XVI.
Cher Marcel Meyer, la colère vous égare. Personne n'a pissé sur un crucifix pour en faire une photo et réclamer des subventions. Il n'est pas question ici d'une performance au sens qu'a ce mot dans l'art contemporain, mais simplement d'une photographie. Ladite photo (qui a rapporté beaucoup d'argent à son auteur, qui n'a donc nul besoin de subventions) fait, paraît-il, partie d'une série qui montre différentes statuettes plongées dans différents liquides. On voit un crucifix dans un liquide ambré, semé de petites bulles, qui pourrait être n'importe quoi. Les spectateurs trouvent en général la lumière ainsi créée très belle jusqu'à ce qu'on leur explique qu'il s'agit d'urine (ou jusqu'à ce qu'ils lisent le cartel).

Au surplus, je me contrefiche d'Andres Serrano, de la photographie contemporaine et de la citation de l'imagerie religieuse par les artistes contemporains (qu'une moitié des catholiques va inévitablement trouver stimulante pour l'esprit tandis que l'autre moitié la jugera blasphématoire). Ce que je sais c'est qu'on ne peut pas se contenter d'une description, ou d'une paraphrase outrageante d'une œuvre plastique (Jean-Marc nous parle du "Christ plongé dans l'urine", pas moins !) pour commencer à réclamer des interdictions pour cause de trouble à l'ordre public.

Les terroristes islamistes qui veulent tuer le Suédois Lars Vilks pour ses gribouillis de prophète sous forme de rondellhund (c'est-à-dire de sculpture kitsch caniformes pour rond-points péri-urbains) racontent que Vilks a dessiné le prophète avec un corps de chien.
Utilisateur anonyme
09 avril 2011, 14:12   Re : De l'ordre public et de la religion
(Message supprimé à la demande de son auteur)
Pour les impôts, cher Didier, et l'usage que nous en ferons en ce qui concerne les arts plastiques, nous en reparlerons quand nous serons au pouvoir. Personnellement, je pense que nous pourrions remettre au goût du jour les peintures représentant des jolies dames toutes nues. C'est agréable à regarder, cela ne fait de mal à personne et cela choque des gens que nous n'aimons pas.
Voilà ce qu'il faudrait dire à cet "artiste" ; ce sont les mots de François Mauriac, dans la préface à la nouvelle édition de sa Vie de Jésus :

Pas plus que moi vous ne pouvez parler de Lui avec détachement. Vous êtes engagés dans une lutte. Vous êtes les témoins de Celui que vous essayez de détruire.
Stéphane, vous prêchez un converti. Je parle de Serrano, pas de moi. Il est catholique.

[www.communityarts.net]
Alors c'est un catholique qui a très bien compris la manière d'ameuter le gogo de service. Il connaît les ficelles du "métier", si j'ose dire.
Au fond, nous sommes à peu près d'accord. Au reste, j'aime beaucoup les femmes nues.
Cher Jean-Marc, je suis fondamentalement en accord avec votre position, votre révulsion. Pourtant, je désire vous dire, comme aurait pu vous le rappeler Pier Paolo Pasolini, que l'"homme du Golgotha" a conclu son passage parmi nous dans la bave, le sang, le juron et l'urine et toute l'immonde senteur de la fin.

Son passage chez les hommes qui avait commencé dans la myrrhe et dans l'étoile, finit dans la sciure de la chair. Rien n'est à révoquer de l'évocation du Christ et son Pardon pardonne l'artiste. En s'éloignant des hommes, dans ce qui ne fut pas Son départ mais Son mystérieux éloignement, le Christ prit tout avec lui et en lui, y compris l'urine, la sueur et le dernier des désespoirs. En bon antiquaire, en vide-grenier consciencieux, en miséricordieux ultime, Il absout l'artiste qui interroge les formes ultimes de ce départ.
Certes, certes, Francis, je comprends ce que vous dites, aussi proposerais-je une mesure de conciliation, bien dans mon caractère :

Point de condamnation, mais une absolution.

Il n'est en revanche pas nécessaire que les offrandes lors de l'Offertoire retombent dans les poches sans fond des cultureux.

Rendons à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu : on peut dire ce qu'on veut et comme on veut, mais on doit le faire sans subvention directe ou indirecte.

Le Cultureux auto-financé est sans doute promis à une efficace cure d'amaigrissement, j'ai dans l'idée que le cours du croq'tofu, sa nourriture habituelle, va s'effondrer par mévente.
Encore une fois Francis a vu juste. S'il est, comme il prétend, un artiste, l'hôte d'Avignon, il va voir dans la glace, en se rasant, celui qui crache sur un visage ensanglanté. Celui qui s'en lave les mains, c'est quelqu'un d'autre.
L'ennuyeux, avec ce genre de production à vocation provocatrice, c'est que ceux qui les promeuvent (que de pro, que de pro !) sont gagnants à tous les coups : soit vous vous en émouvez, et alors ils jubilent ; soit vous passez outre, et alors les valeurs auxquelles vous accordez du prix s'effacent encore un peu plus...
Une élue FN au Conseil régional Paca qui participait à une manifestation de catholiques traditionalistes contre l'exposition de Christ piss a déclaré :


"Ce n'est pas de l'art chrétien, c'est de l'art crétin !"
09 avril 2011, 20:17   Souvenirs
Andres Serrano ? Peut-être ne faut-il pas vraiment se formaliser, l'homme se spécialise dans les mictions...
Je vous jure qu'une dénommée Marie m'avait envoyé à la figure, sans crier gare, cette photographie qui curieusement dans l'impossible chaleur hiérosolymitaine où je la reçus produisit quelque effet de fraîcheur.

Divines mictions
Il est remarquable que Celui dont l'image est plongée dans l'urine ait eu en son temps des paroles définitives pour aider ses disciples à réagir avec esprit à ce genre de choses :

"Et Jésus dit : Vous aussi, êtes-vous encore sans intelligence ? Ne comprenez-vous pas que tout ce qui entre dans la bouche va dans le ventre, puis est jeté dans les lieux secrets ? Mais ce qui sort de la bouche vient du coeur, et c'est ce qui souille l'homme. Car c'est du coeur que viennent les mauvaises pensées, les meurtres, les adultères, les impudicités, les vols, les faux témoignages, les calomnies." (Evangile selon saint Matthieu XV : 16-19)

Je rejoins parfaitement l'avis de Francis.
William,

Vous noterez que Jésus ne dit pas du tout que les paroles qui sortent de la bouche doive être entendues sans qu'on ne manifeste aucune réaction.

Bien au contraire, ainsi que nous le rapporte Matthieu :

Mais si quelqu’un doit scandaliser l’un de ces petits qui croient en moi, il serait préférable pour lui de se voir suspendre autour du cou une de ces meules que tournent les ânes et d’être englouti en pleine mer.
Malheur au monde à cause des scandales ! Il est fatal, certes, qu’il arrive des scandales, mais malheur à l’homme par qui le scandale arrive !
Vous avez raison sur la question du scandale, et je ne voudrais pas la minimiser.

Simplement, comme le faisait remarquer Francis, le Christ est mort dans la douleur et la solitude, la sueur et le sang, la merde et la pisse, mort comme il est né... La plupart des représentations de la Nativité ou de la Crucifixion idéalisent ces moments essentiels de l'Incarnation, et en évacuent une bonne partie de sa dimension organique... Pour en revenir à ce crucifix baignant dans l'urine, le problème n'est pas l'urine, puisque le Corps du Christ a baigné dans tous ses fluides durant la Passion, mais les raisons qui ont poussé l'artiste à créer son oeuvre. Une volonté forcément provocatrice de rappeler à des croyants un peu sirupeux une dimension oubliée de la Passion ? C'est alors une démarche louable, qui n'est pas sans rappeler les représentations éprouvantes de la Crucifixion dans la peinture espagnole ou celle du retable d'Issenheim. Un volonté de moquer la foi chrétienne, d'abaisser l'image de Jésus ? C'est alors pour moi une démarche blâmable, que je dénonce mais que j'endure.

Par ailleurs, il y a quelque chose de mystérieux pour moi. C'est de voir tant d'artistes qui se disent préoccupés par la souffrance humaine et le sort des victimes ne pas revendiquer la figure de Jésus comme celle de la parfaite victime souffrante, et au moins la réinvestir pour des motifs humanitaires sûrement un peu limités, mais tout de même estimables... Au contraire, ce sont souvent les mêmes qui s'en prennent à l'image du Christ et la piétinent avec joie et délectation... Au fond, c'est bête, mais ces gens n'aiment pas les pauvres, ni les victimes, ni les gens qui souffrent... Ils ne les reconnaissent pas...
"Par ailleurs, il y a quelque chose de mystérieux pour moi. C'est de voir tant d'artistes qui se disent préoccupés par la souffrance humaine et le sort des victimes ne pas revendiquer la figure de Jésus comme celle de la parfaite victime souffrante, et au moins la réinvestir pour des motifs humanitaires sûrement un peu limités, mais tout de même estimables... Au contraire, ce sont souvent les mêmes qui s'en prennent à l'image du Christ et la piétinent avec joie et délectation... Au fond, c'est bête, mais ces gens n'aiment pas les pauvres, ni les victimes, ni les gens qui souffrent... Ils ne les reconnaissent pas..."


Oui, mille fois oui, j'espérais lire cette toute simple observation. Moi, agnostique jusqu'à plus ample informé, j'appelle pleûtres et cafards ces "artistes" de merde qui se gardent bien de pisser sur les lignes à haute tension, ces rengorgeurs de l'entre-soi qui pissent là où le courant ne passe pas, qui ne risquent pas de prendre le jus, ô les misérables pisseurs en société par qui le scandale n'arrive, justement, jamais, qu'ils aillent un peu faire une performance de pisse rue Myrha, un vendredi, ces gros bouffons.
Quand Orimont prend la mouche ça déménage !
Oui, ça déménage ; et j'aime bien la dénomination "artistes de merde" — encore une trouvaille à mettre à son actif.
Oui, ça déménage ; et j'aime bien la dénomination "artistes de merde" — encore une trouvaille à mettre à son actif.

Dans le cas d'Andres Serrano, la dénomination "artiste de merde" est tout à fait exacte, revendiquée et par conséquent non infamante. La dernière série de photos de l'artiste, promue sur son propre site, représente précisément des étrons, photographiés comme s'il s'agissait de desserts italiens.

[andresserrano.org]
Hé bien, Chatterton, la galerie qui expose cela est une galerie de merde, et les élus qui la subventionnent sont ejusdem stercoris.
Il serait aux arts plastiques ce qu'est le rap à la musique.
L'affaire rebondit. En regardant sur la Toile les photos d'excréments de monsieur Serrano, c/o la galerie Lambert, j'en découvre une qui est titrée Holy shit (littéralement "sainte merde", équivalent à peu près à "'tain d'merde"). C'est la photo 32.

[www.yvon-lambert.com]
Oui, Serrano, bien sûr, cher Chatterton, et il y a eu aussi Piero Manzoni, une sorte d'ancêtre de tous les merdographes ; ainsi que Gasiorowski (vrai artiste, celui-là, malgré ses "tourtes", ses "jus"), etc.

[upload.wikimedia.org]
Utilisateur anonyme
17 avril 2011, 18:12   Re : De l'ordre public et de la religion
"L'oeuvre" a été vandalisée.

[www.20minutes.fr]
Voilà de l'anticonformisme !
Toutes ces provocations sont tellement infantiles qu'on se demande jusqu'à quelle dose de lâcheté les politiques vont se servir de ces prétendus artistes.
Florentin,

Le tenancier de la maison d'exposition où se trouvait "Christ Piss" a refusé de procéder au décrochage de la chose, au motif qu'en France il n'y avait pas de loi contre le blasphème.

J'attends maintenant les cris gauchistes relatifs à la profanation de l'Oeuvre d'Art. Qu'on profane nos symboles religieux, ça les fait jouir, qu'on réagisse, ils hurlent.
Le relativisme a muselé les vrais artistes, à leur place nous avons des pinioufs qui terrorisent le marché de l'art. Vous avez quelques mécènes marrons qui crachent au bassinet au signal. Tout ça ne sent pas bon et j'irai jusqu'à dire :
gauchistes gaz de schiste !
Voici ce que nous en dit Liberation :


L’œuvre intitulée Immersion Piss Christ, ainsi qu’un autre cliché de l’artiste new-yorkais sous-titré Sœur Jeanne Myriam, ont été détruites dimanche vers 11h30, peu après l’ouverture du musée, par deux visiteurs munis d’un «marteau et d’un objet contondant, du type pic à glace ou tournevis».

Trois gardiens qui tentaient de s’interposer ont été menacés et molestés, tandis que les agresseurs ont réussi à s’enfuir du musée. La direction de la collection a déposé plainte et indiqué que le musée rouvrirait ses portes dès mardi matin avec les «œuvres détruites montrées telles quelles».

Dimanche soir, le ministre de la culture Frédéric Mitterrand a condamné une «atteinte à un principe fondamental, la présentation de ces œuvres relevant pleinement de la liberté de création et d’expression qui s’inscrit dans le cadre de la loi», tout en reconnaissant que «l’une des deux œuvres pouvait choquer certains publics».


On notera que M. Mitterrand se tortille quelque peu, et que le pic a glace est devenu contondant en français moderne (je suis a l'aéroport de Saïgon, et le clavier est un QWERTY, si une âme charitable pouvait corriger les problèmes d'accents...).

(Fait. D.B.)
Tout le monde a vu Piss Christ. Il n'est pas mauvais qu'on voie l'autre photographie qui a été détruite par les intrépides critiques d'art de l'AGRIF. Il s'agit de la photo du torse d'une nonne en habit, mains jointes, à qui une ombre taquine paraît donner un semblant de poitrine. On en a brûlé pour moins que ça.

[www.google.fr]
Merci Florentin pour cette merveilleuse chanson interpretée et dirigée par Madame Christina Pluhar du groupe Arpeggiata
Cette interprétation hilarante n'est pas mal non plus :


Utilisateur anonyme
19 avril 2011, 08:55   Re : De l'ordre public et de la religion
(Message supprimé à la demande de son auteur)
Ce passage de l'article de Riposte laïque est un bon résumé de la situation actuelle :
A Strasbourg, le maire affirme qu’il met de la viande hallal « pour la diversité » mais pas de poisson le vendredi « pour la laïcité »

Sinon, ce matin Zemmour sur le sujet : [www.rtl.fr]
Il me semble que porte à faux l'argument du "deux poids, deux mesures", auquel fait allusion Elisseievna, et qui est celui des intégristes (on poursuit l'internaute de Bischheim qui urine sur le Coran, mais on subventionne la photo de Serrano d'un crucifix plongé dans l'urine). Ce qui sous-tend cet argument est l'idée de la profanation, du blasphème (ou du racisme, qui est la même chose dans sa version laïque). Mais c'est là une simple interprétation plaquée sur la photo de Serrano et la vidéo de "Calimero", et au surplus une interprétation qui apparaît gratuite. Serrano a toujours répété sur tous les tons qu'il était chrétien, qu'il ne reniait nullement son catholicisme, qu'il travaillait sur l'imagerie religieuse avec les concepts de l'art contemporain. On peut trouver inepte (canulardesque, voyeuriste, de mauvais goût, etc.) la production artistique de Serrano, mais rien ne permet de mettre en accusation les intentions de l'artiste, au prétexte qu'on y voit du blasphème. Comme je l'ai écrit dans le deuxième message de ce fil, c'est une remise en cause fondamentale du contrat imagier occidental, contrat qui s'est noué au moment de la querelle des iconoclastes. Quant au Bischheimois, il ne faisait ni de la politique ni de l'art, il faisait son numéro pour les trois copains qui regardent sa web-télé. Il me paraît parfaitement sincère quand il demande ce qu'on lui veut. On a encore le droit de brûler un bouquin qu'on a chez soi.

C'est précisément la notion d'iconoclasme (et non, encore une fois, celle de blasphème) qui me paraît pertinente si on veut comparer ces deux affaires. Mais alors il faut s'intéresser à la destruction des images et, dès lors, ce qu'il faut mettre en parallèle, c'est la confiscation judiciaire de la vidéo du Bischhemois, qui risque au surplus une lourde sanction pénale, et la destruction physique de la photo de Serrano par un groupe d'émeutiers.

Ceci préfigure un nouvel ordre imagier, émergent, qui serait précisément iconoclaste, pouvoirs publics, justice ou foules vengeresses détruisant, ou exigeant la destruction, des images qui leur paraîtraient litigieuses. On aboutirait à une nocence généralisée, qui s'en prendrait aux images, doublant la nocence des atteintes aux personnes. On pourrait dire que dans la société qui se préfigure on ne respecterait plus ni les personnes ni les images.

Je crois qu’il importe de dire que ce nouvel ordre imagier est dans une large mesure une création des médias. Zemmour a tout à fait raison de dire qu'il y a émulation entre les catholiques intégristes et les islamistes. Mais ce sont bien les médias qui sont ici les premiers responsables, parce qu'ils ont purement et simplement validé l’iconoclasme islamiste, par hyper-tolérance, de sorte que la chaîne argumentative "cela me choque, donc c'est choquant, donc je suis fondé à le détruire" fait désormais partie des évidences médiatiques, et paraît parfaitement convaincante, par simple habituation, pour une grande partie de la population. C’est évidemment providentiel pour l'AGRIF et pour ses associations-sœurs, qui spéculent sur l'idée que c'est désormais le catholicisme qui est minoritaire, et qui réclament les mêmes protections contre le "racisme" ou le "blasphème" que les musulmans. Mais notez que la même chaîne argumentative, simplement laïcisée, est reprise dans l’affaire de Bischheim par un procureur qui fait des sauts de cabri dans la causalité. Selon le procureur, la vidéo enfreint la loi puisque notre Bischheimois "incite à la haine à l'égard des musulmans, car tout le monde sait que le Word Trade Center a été attaqué par des extrémistes musulmans (...). Et en urinant sur le Coran (...) c'est une incitation à la haine des musulmans contre les non-musulmans". La première phrase signifie : les musulmans vont encore se sentir visés (stigmatisés, etc.), car chacun sait que les tours jumelles ont été détruites par des musulmans ; or dès lors que les musulmans sont choqués, la vidéo est choquante. La deuxième phrase signifie : les talibans vont encore égorger des innocents pour se venger mais les talibans, eux, ne sont pas responsables, ils sont sincèrement choqués ; le responsable est notre vidéaste, qui les aura provoqués en les choquant. On débouche ici dans la maboulie complète.

Un dernier point. Zemmour a parfaitement raison de dire aussi que l’opinion (pas seulement les catholiques intégristes) est chauffée à blanc par le déni général (médiatique, politique) devant les atteintes au christianisme, à son histoire, à ses symboles (profanations quasi quotidiennes d’églises et de cimetières). Il faut faire la part ici d’un contexte. (Et de même, dans l’affaire de Bischheim, il y a un contexte qui est la multiplication d’inscriptions antisémites ou antimusulmanes dans la communauté urbaine de Strasbourg.)
Chatterton,


Je crois qu'en ces domaines il ne faut pas chercher midi à quatorze heures.


Pisser sur un Coran et filmer cela pour le diffuser, se saisir d'un crucifix pour en faire l'usage de M. Serrano, faire de même avec la Thora, cela ressort de la même logique : scandaliser les gens en les touchant au plus profond.

Que M. Serrano soit chrétien, je m'en fiche, et cela confirmerait mon idée, si cela était le cas, qu'on peut être chrétien et très con.

De la même façon, la liberté de création doit avoir comme limite l'ordre public. Que M. Serrano plonge tous les crucifix qu'il veut dans ce qu'il veut et qu'il invite ses admis à admirer cela, que le crétin de Bischeim compisse sa bibliothèque s'il veut, tout cela c'est leur problème. En revanche, diffuser de tels exploits au vu et au su de tous, c'est une autre paire de manches, avec la circonstance aggravante, pour la serranesque affaire, que les deniers du contribuables y contribuent.

Notre République est basée sur un certain nombre de règles communes. Les religions n'ont pas à dicter au pouvoir civil ce qu'il a à faire ; le pouvoir civil ne doit pas laisser les religions sans défense.
Je comprends que la réaction épidermique des milieux catholiques – disons – conservateurs ne soit pas jugée des plus appropriée par certains d'entre nous. Je crois cependant qu'elle manifeste, de manière peut-être outrée ou maladroite (il appartient à chacun d'en juger), un sentiment profond intimement lié aux sources de la culture européenne chrétienne (et peut-être de toute culture) qui tend à disparaître, à être de moins en moins compris dans notre monde technique : c'est celui qui consiste à attribuer à toute image (et, de surcroît, à celle qui représente Dieu) une puissance d'action sur le monde sensible. L'indifférence à l'égard des images et de leur charge ‘‘épiphanique’’ est certainement le produit de l'industrialisation de la culture, de la reproduction en chaîne de l'image, que sais-je ? Les représentations du Christ dans nos musées ont perdu le caractère originaire d’icônes et de supports de la prière ; mais il n’en a pas toujours été ainsi. Les chrétiens n’ont jamais été indifférents à l’égard des images, encore moins tolérants (et ce n’est pas un reproche de ma part) ; ils n’ont pas toujours cherché, comme certains le font aujourd’hui en en se targuant de ne pouvoir être choqués ni atteints par des représentations scandaleuses du Christ, à montrer patte blanche au siècle de l’indistinction et de la « perte de l’aura ».
Je ne pense pas que l'on puisse soutenir l'action des personnes qui ont usé de marteaux et de tourne-vis contre ces images, même si l'exposition d'un Christ dans l'urine me choque et que je sois en sympathie avec les réactions épidermiques de certains chrétiens. Cette offense, quand l'Eglise, en Europe, était digne et forte, l'Eglise la pardonnait. C'est à elle qu'il incombe de juger si telle offense appelle une réponse, ou si elle mérite d'être ignorée, à elle de statuer sur l'outrage qui, prétendument, la viserait. L'Eglise existe pour cela: faire en sorte que les indignés de tous ordres, les croyants de toute sensibilité ne manifestent pas, ou plus, leur foi ou leur indignation à coups de faux, de fourches de lynchage, réel ou symbolique, de bris d'icônes. L'Eglise aime l'Ordre parce que lui répugnent les lynchages et les boucs émissaires, c'est du moins ainsi que je lis Girard. Quand au siècle dernier les images du Christ étaient soumises à l'iconoclasme d'un Luis Bunuel ou de ses petits camarades surréalistes, je ne souviens pas que l'Eglise en ait pris officiellement ombrage. Le Christ n'était pas un musulman, ceux qui se réclament de Lui n'ont pas à réagir comme des musulmans lorsqu'ils voient Son image souillée.

L'Eglise enseigne le pardon aux chrétiens, de ne pas s'offusquer, de retenir le bras vengeur des icônoclastes d'icônoclastes comme le Christ lui-même avait su retenir le bras de Pierre au moment de l'outrage. Ne pas ressembler aux musulmans mais au contraire se montrer, dans la cité, dignes et dépassionnés; ne pas se comporter comme des roquets qui aboient et mordent à la première contrariété.

A Lourdes, des images de la Sainte Vierge et du Christ servent de fioles à eau bénite, qui est de la pisse du ciel et de la terre. Le corps d'un baptisé (c'est le cas de ce Serrano) n'est pas vil -- il est partie au corps sacré du Christ (*) -- et le christianisme n'est pas l'hindouisme -- il absout le corps de ses sécrétions, comme il bénit les animaux et enseigne le respect des créatures, dinguo et ver de terre compris. Si l'Eglise ne dit rien, alors, il n'y a rien à dire du Christ de Serrano.

Les images saintes n'ont pas à devenir affaire politique si l'art profane tient à les utiliser. Que les chrétiens fassent de la politique, soit. Mais qu'ils fassent une affaire politique du sort de leurs images saintes dans l'espace public, non. Ce sort, s'ils s'en préoccupent, doit être réservé aux affaires religieuses et il appartient donc à l'Eglise seule de se prononcer sur lui et d'éventuellement objecter, dans le cadre d'un dialogue avec la puissance publique, au sort qu'il leur a été réservé dans cet espace. Il en va en effet du respect de la laïcité.

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(*) Rm 6,3-4,
« 3. Ou bien ignorez-vous que, baptisés dans le Christ Jésus, c’est dans sa mort que tous nous avons été baptisés ? 4. Nous avons donc été ensevelis avec lui par le baptême dans la mort, afin que, comme le Christ est ressuscité des morts par la gloire du Père, nous vivions nous aussi dans une vie nouvelle. »
Il est vrai que ces croyants briseurs d'icônes ont réagi en l'occurrence comme une minorité outragée, c'est-à-dire de manière violente et instinctive ; les chrétiens d'aujourd'hui ne sont peut-être plus capables de cette grandiose patience dont faisait preuve l'Eglise d'avant à l'égard de ses anciens contempteurs.

D'ailleurs la mention systématique, par les protestataires, de la manière dont eussent réagi les musulmans dans des circonstances similaires, montre bien, comme vous le remarquez, que l'infernale roue de la violence mimétique s'est ébranlée et commence lentement à tourner.
Utilisateur anonyme
19 avril 2011, 15:41   Re : De l'ordre public et de la religion
Mes modestes salutations d’outre-monde. Permettez-moi seulement une petite citation, fort célèbre, d'un homme exceptionnel :
"Il y a des temps où l’on ne doit dépenser le mépris qu’avec économie, à cause du grand nombre de nécessiteux."
Francis,

Il y a cinquante ans, ce genre d'exposition n'aurait pas eu lieu car le vote catholique était suffisamment important pour décourager les élus qui dispensent les subventions.

Tout comme vous, je n'aime pas les bondieuseries, mais vous noterez qu'elles n'ont pas pour but d'offenser les autres chrétiens.

Supposons que les catholiques exercent leur liberté d'expression de la façon suivante. Soit M. Untel, docteur en médecine, qui pratique les IVG, comme on dit. Supposons qu'il soit le père de Jean-Matthieu Untel.

Estimeriez-vous que mes amis et moi exercerions notre droit à la liberté d'expression et à la créativité en brandissant de jolies banderoles polychromes comportant des photographies ad-hoc devant l'école de Jean-Matthieu avec la mention "Le papa de Jean-Matthieu est un faiseur d'anges" ?
Au même moment d’ailleurs, à Strasbourg, le maire Ries ose affirme qu’il met de la viande hallal « pour la diversité » mais pas de poisson le vendredi « pour la laïcité » [...]

J'ai lu cela également et j'aurais aimé comprendre plus précisément ce que recouvre ce « il met »
Jean-Marc,

Le fondateur de cette religion a dit, assez solennellement, mon royaume n'est pas de ce monde. Cela veut dire qu'il n'était pas un musulman. Voilà. Le Chrétien est supérieur au musulman par et dans cette parole.

Dans la cité, l'homme ou la femme qui a embrassé la foi chrétienne ou qui est né en elle se doit de respecter la cité. Si les pouvoirs publics ont jugé que l'image de M. Serrano pouvait être exposée, c'est l'affaire du Maître d'Avignon. Si le Pape, qui n'est plus en Avignon, souhaite avoir l'oreille des maîtres de la cité, qu'il l'ait, qu'il se fasse, auprès d'eux, entendre, qu'il fasse connaître, dans le cadre de la loi, par ses représentants, ses multiples échelons de vicaires, à mots chuchotés, que pareilles images NE SONT PAS POLITIQUES, mais qu'il n'aille surtout pas dire à César que ces images religieuses ne sont pas de bonne religion ou que la foi qu'il défend et propage a été souillée, car c'est là affaire de théologiens, pas de César, qui ne veut pas d'arguties théologiques; et que les ouailles du Pape, de Pierre, du vicaire du Fondateur, alors, laissent aller la cité. Que ses ouailles aillent, vite, faire de la politique, comme tout citoyen. La cité de Dieu, elle, est ailleurs.
Ce qui nous pend au nez, avec ces histoires d'outrages croisés et de réactions outragées criant au blasphème, c'est l'ordre moral imposé par une nouvelle sainte alliance des religions sous le haut patronage de l'État remplaciste qui y verra une véritable aubaine permettant d'instaurer officiellement le Respect réclamé par les néo-Français. Combien de temps survivront croyez-vous, dans le cadre de cet ordre moral, la pornographie, les gay pride, la liberté sexuelle et j'en passe ? Il s'agit en somme du même mécanisme que celui qui aboutira, au nom de la nécessaire restauration de l'ordre, à la société du flicage et de la surveillance généralisés. Les vieux soixante-huitards auront tout lieu d'être fiers d'eux.
Citation
D'ailleurs la mention systématique, par les protestataires, de la manière dont eussent réagi les musulmans dans des circonstances similaires, montre bien, comme vous le remarquez, que l'infernale roue de la violence mimétique s'est ébranlée et commence lentement à tourner.

Déja dans son très beau livre La Subversion du Christianisme Jacques Ellul défendait la thése que les croisades ne furent que la réponse mimétique aux guerres de conquête menées par les armées musulmanes.

Citation
l s'agit en somme du même mécanisme que celui qui aboutira, au nom de la nécessaire restauration de l'ordre, à la société du flicage et de la surveillance généralisés. Les vieux soixante-huitards auront tout lieu d'être fiers d'eux.

Hélas !
Mais je crois qu'il ne faut qu'en aucun cas les catholiques prennent des poses à la musulmane ou se comportent comme les membres de Ligue de défense juive.
19 avril 2011, 18:21   L'Agneau-Gorgone
Alors, Jean-Marc, interdiction ? Attaque au tournevis ?
19 avril 2011, 18:35   Diantre
I am medused.
"Ce qui nous pend au nez, avec ces histoires d'outrages croisés et de réactions outragées criant au blasphème, c'est l'ordre moral imposé par une nouvelle sainte alliance des religions sous le haut patronage de l'État remplaciste qui y verra une véritable aubaine permettant d'instaurer officiellement le Respect réclamé par les néo-Français. Combien de temps survivront croyez-vous, dans le cadre de cet ordre moral, la pornographie, les gay pride, la liberté sexuelle et j'en passe ? Il s'agit en somme du même mécanisme que celui qui aboutira, au nom de la nécessaire restauration de l'ordre, à la société du flicage et de la surveillance généralisés."

Bien de cet avis, cher Marcel.
(Le "crétin de Pischeim" serait plus approprié.)
Entièrement d'accord.
Ce que je remarque, c'est qu'il est trop facile de se servir de l'art, de la création artistique, pour emmerder le monde.
Culture piège à con !
Soit dit en passant, parcourant un peu quelques photos de ce Serrano (notamment sa série sur les morgues), je ne suis pas sûr qu'il ne soit qu'un schmuck se soulageant à peu de frais dans du plastoc, juste pour emmerder le monde et faire écumer Jean-Marc...
Florentin,

Que voulez-vous dire ? je ne comprends pas le sens de votre message.

Marcel,

Je ne vois pas ce que le parti de l'In-nocence peut avoir contre le respect au sens de "respect des religions", car, pour moi, commettre ce qu'on nomme oeuvre d'art provocatrice est par nature même nocent, puisque le but est justement d'ulcérer ceux qui ont cette religion.

Comme on dit, la liberté s'arrête là où celle des autres commence. Notre loi autorise de dire à quelqu'un "je ne vous aime pas", elle n'autorise pas à l'insulter.
Allons, allons, ne voyez-vous donc pas de quel Respect (pron. réspé) je parlais ?
Je veux dire que le discours "culturel" justifie tout et son contraire. Le marché redoute les critères, les comparaisons, les jugements. Il y a eu dans le passé des différends entre la presse et les artistes, les Impressionnistes, les Indépendants, etc, mais aujourd'hui la presse ne fait plus son boulot de critique, elle vend.
Marcel,

Il est dommage qu'à propos de cette affaire qui ne concerne que la religion catholique la question de l'islam revienne sur le tapis.
Cher Jean-Marc, vous écrivez :

Tout comme vous, je n'aime pas les bondieuseries, mais vous noterez qu'elles n'ont pas pour but d'offenser les autres chrétiens.

Voilà qui me paraît tout à fait contestable. Relisez Huysmans (Les Foules de Lourdes), relisez le Journal de Julien Green. Ces auteurs catholiques sont absolument et sincèrement offensés par la laideur de l'art religieux de leur temps et par la vulgarité des bondieuseries débitées par les marchands du temple. Ils ne sont pas moins offensés que vous ne l'êtes par Piss Christ. Même Barrès dans Les Amitiés françaises a des mots durs pour l'architecture religieuse qui pollue des sites comme Domremy. Cependant cela ne donne pas à ces auteurs le droit de commencer à tout casser et l'idée ne leur en viendrait pas.
Citation
Orimont Bolacre
"Ce qui nous pend au nez, avec ces histoires d'outrages croisés et de réactions outragées criant au blasphème, c'est l'ordre moral imposé par une nouvelle sainte alliance des religions sous le haut patronage de l'État remplaciste qui y verra une véritable aubaine permettant d'instaurer officiellement le Respect réclamé par les néo-Français. Combien de temps survivront croyez-vous, dans le cadre de cet ordre moral, la pornographie, les gay pride, la liberté sexuelle et j'en passe ? Il s'agit en somme du même mécanisme que celui qui aboutira, au nom de la nécessaire restauration de l'ordre, à la société du flicage et de la surveillance généralisés."

C'est aussi ma crainte, et depuis un certain temps.
La liberté moderne (en particulier sexuelle) pourrait n'être, n'avoir été qu'une parenthèse de quelques décennies entre le relâchement des valeurs de contrainte chrétiennes et l'imposition de nouvelles contraintes pour plaire à nos (hélas) néo-concitoyens (mal exprimé, mais je suis très pressé).
C'est pour ça que je suis favorable au "mariage gay" : profitons-en, tant que c'est encore possible.
Chatterton,

Qu'elles déplaisent, les bondieuseries, je ne dis pas le contraire. Je parle de leur but.

Je n'aime pas les bombonnes de Lourdes, mais je me souviens aussi que Pascal parlait de la foi du charbonnier, et je ne juge pas les personnes qui sont simples et n'ont pas la puissance d'un Huysmans.
Claudel notait de statues de saints dans certaines églises qu'elles semblaient avoir été sculptées à coups de langue (!)
Qu'elles déplaisent, les bondieuseries, je ne dis pas le contraire. Je parle de leur but.

Mais Jean-Marc, j'appliquais simplement votre propre critère, "scandaliser les gens en les touchant au plus profond". L'idée qu'on puisse mouler à la ressemblance du Crucifié un hideux petit morceau de plastique fabriqué en très grande série et débité dans les lieux de pèlerinage dans une vile intention de lucre scandalise un grand nombre de chrétiens en les touchant au plus profond. Je sais que ça me scandalise moi.

Maitenant si c'est, comme vous l'écrivez, le but qui compte, autrement dit l'intention sous-jacente à l'œuvre ou à l'artefact, on revient à la discussion précédente : Serrano est un bon catholique dont le vœu le plus cher est que le Vatican lui passe une commande.
"Relisez Huysmans (Les Foules de Lourdes), relisez le Journal de Julien Green."

Julien Green, oui, qui voulait mettre le feu aux marchands de bibelots. Mais il y a aussi effectivement Claudel, dans sa lettre à Cingria du 19 juin 1919 sur les causes de la décadence de l'art sacré ; et son texte sur "Le goût du fade" de 1937 que cite Francis Marche. Devant deux statues de Jeanne d'Arc et Saint Louis : "Est-ce vraiment du marbre ? Ne serait-ce pas plutôt de la mie de pain ? du camphre ? de la pulpe de panais ? de la paraffine à peine solidifiée ? On dirait que ça n'a pas été réalisé sur une matière honnête avec le ciseau et le marteau, mais obtenu à coups de langue. [...] Cette lavasse qui dégoûte Celui-là qui, sur la croix, s'est régalé du vinaigre et du fiel et qu'il rejette avec l'horreur de sa bouche (Apoc. III, 16), c'est cela dont depuis bien des années nous trempons notre soupe artistique." Et il concluait : "Un peu de sévérité, un peu de rudesse, comme cela ferait du bien après cette longue saison de saccharine, cette saturation de sirop !"

On pourrait écrire aujourd'hui un "Goût du trash".
Une oeuvre d'art contemporain vandalisée dans une église de Lyon


Selon nos informations et nos constats sur place ce matin, la "Colonne pascale", oeuvre de l'artiste camerounais Pascale Marthine Tayou, a été vandalisée mardi soir dans l'église Saint-Bonaventure de Lyon (2e arrondissement).

Un ou plusieurs individus ont fait chuter cette installation, en l'endommageant de manière très importante. Cette dégradation intervient deux jours après la vandalisation de la photographie "Piss Christ" d'Andre Serrano au musée d'art contemporain d'Avignon.

La "Colonne pascale", empilement de casseroles de 7 mètres de haut, est présentée depuis début mars à Saint-Bonaventure en partenariat avec le musée d'art contemporain de Lyon, qui expose d'autres créations dePascale Marthine Tayou dans les bâtiments situés à la Cité internationale.

Au sanctuaire Saint-Bonaventure, Nicolas Ballet.


[www.leprogres.fr]
Il ne me semble pas que les grands artistes du temps jadis aient arboré cet air de niaise autosatisfaction que l'on voit aussi bien à Serrano qu'à ce Pascale Marthine Tayou.
Chatterton,


Je ne suis en rien spécialiste de l'art ruino-hideux, mais je peux donner un conseil à M. Serrano : s'il veut que le Vatican lui passe une commande, qu'il change de style et nous présente des choses plus traditionnelles.

Pour ce qui est de cet artiste africain, je dois avouer que je suis perplexe.

Cela me confirme dans mon idée que Salvador Dali était un grand précurseur (je vais encore améliorer mon image) en se nommant Avida Dollar.

Francis,


Vous me rappelez à juste titre cette idée de Claudel. Ce qu'il dit est vrai. Cependant, il est regrettable que le Saint-Esprit ne l'ait pas inspiré au moment d'écrire cela, car il se serait souvenu qu'il y a plusieurs façons de prier, et que la prière des intelligents, des cultivés, des "gens bien" n'est pas forcément plus agréable à Dieu que celle des simples et des amateurs de bondieuseries (voir Luc 18).
Oui Jean-Marc, dans certaines contrées où la parole du Christ ne put pénétrer qu'en échappant (en "fintant") les persécutions, comme en Asie Orientale, certains chrétiens ont prié, pendant des lustres, devant des statues de la Guan Yin, la déesse bouddhique de la Miséricorde; ils ont maquillé, au Japon, des statues de la Boddhisatva en images de la Vierge, pendant des siècles, et ont adoré le Christ devant des mottes de beurre. Je sais. J'admire.

Pourtant, dans une église, en Occident, où la liberté de culte est reconnue, on aimerait voir Saint-Michel autrement que façonné en mie de pain. L'esthétique de l'art religieux en Occident, parce que l'Occident est libre, peut être un objet de discussion; et qu'elle en soit aussi objet de création !

Quel statut civil doit être celui des images pieuses en Occident cher Jean-Marc ? Quel statut pour le Piss Christ ? Je n'ai pas la réponse à cette question que je vous soumets comme je la soumets à tous: il existe en Occident une Eglise catholique non persécutée, qui peut se faire entendre à Matignon si elle a quelque chose à dire à Matignon. Ce privilège, que ne partage AUCUNE église d'Asie, est immense. Dès lors, il ne faut pas tolérer que les fidèles de cette Eglise se comportent comme s'ils étaient en Barbarie. Les Chrétiens, pardonnez-moi de me répéter, jouissent en Occident du privilège d'appartenir à la société civile et d'avoir l'oreille de César. Que l'Eglise, dont le royaume n'est pas de ce monde, en profite alors pour nous faire toucher du doigt le Royaume de Dieu, soit ici-bas, la civilisation haute, pas le coup de tournevis du dingue, ou du barbare, qui ce matin vous trouve une gueule de Satan, ou qui se trouve fondé de vous faire passer de vie à trépas parce que sa "sensibilité" aura été heurtée par votre usage d'images qui lui sont chères.

L'Eglise existe pour ce rôle, celui de canaliser la foi, la violence, et de neutraliser la folie mimétique et le coup de tournevis. Si l'Eglise, comme elle l'a longtemps fait en Italie, en Espagne et en France, veut exalter l'art comme elle le fait de la foi, alors, qu'elle ne s'en prive pas, et qu'elle nous autorise à ne pas nous gêner dans l'entreprise de l'encourager, de l'aiguiller, et, à l'occasion, de la critiquer de n'en rien faire.
Francis,

Tout cela est un débat fascinant.

Ce qui est en cause, c'est finalement la saint-sulpicerie. Vous savez ce que fut l'aboutissement de cette réflexion contre la mièvrerie, la religion populaire, les anges gardiens et "Minuit, Chrétiens !". Ce fut non pas l'heure solennelle, ce fut Vatican II, les messes en cercle, les curés guitaristes et Golias au pinacle.

Il y avait Saint Roch avec son chien, Saint Antoine avec son tronc quand on perdait un objet, Saint Christophe sur les porte-clés, Sainte Thérèse et Sainte Rita avec leurs roses, et des statues polychromes qui nous montraient que Saint Georges était le patron des cavaliers car il terrassait à cheval, et Saint Michel des parachutistes car il terrassait à pied et avec des ailes, si je puis dire (terrasser dans ce sens absolu est mis pour "terrasser les dragons passés, présents et à venir").

Maintenant, vous n'avez plus de bondieuseries, mais vous n'avez plus de religion.
"Une oeuvre d'art contemporain vandalisée dans une église de Lyon "

Un empilement de casseroles ? C'est un coup monté.
L'AGRIF a été déboutée de sa plainte contre la collection Lambert et, surtout, condamnée à verser 8000 euros à Lambert en raison du préjudice causé par la plainte. C'est une sévère raclée.

[www.la-croix.com]
Utilisateur anonyme
21 avril 2011, 01:26   Re : De l'ordre public et de la religion
Jean Clair dans son dernier ouvrage se réjouit de voir les babouchka prier devant des icônes présentées dans un musée.

Je me réjouis quant à moi de cette saine réaction des gens de l'AGRIF (c'est bien eux?).
Excellent article de Fabrice Hadjadj dans Le Figaro hier, et tout à fait dans la lignée de ce que je disais il y a quelques jours et de ce que ne cesse de répéter Francis... Dommage qu'on ne puisse le consulter librement sur le site du quotidien !
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