Le site du parti de l'In-nocence

Morin et Hessel

Envoyé par Henri Rebeyrol 
12 avril 2011, 18:39   Morin et Hessel
Dimanche, en attendant la retransmission du match de rugby, j'ai suivi sur LCP un débat ("Parlons-en") sur l'identité française ("Comment peut-on être français ?") et sur la laïcité, jugeant étrange que les journalistes et leurs invités se gargarisent de débats qu'ils interdisent aux hommes politiques, sous prétexte de "nauséabondieuseries" et que, pour des débats du type "Comment peut-on être français ?", ne soient invités que des gens qui sont devenus français et dont les parents ou les ancêtres ne l'étaient pas - comme si la question de l'être se ramenait au seul devenir...

Etaient invités M. Edgar Morin, la guest star, qui a écrit un livre, intitulé "La Voie", c'est-à-dire, en arabe, al charia, et deux faire-valoir, le député Vanneste et le joueur filmique Bohringer, qui a cru que l'on attendait de lui qu'il chantât les louanges de la star du débat, dont il n'a rien lu, si ce n'est des articles publiés dans la presse, qui, a-t-il dit, l'ont retourné ou "éclairé"....

Ce qui a retenu mon attention, ce sont les positions de M. Morin, non pas leur contenu, assez banal et fort commun (avec lui, nous nous laissons porter par les courants dominants, jamais à contre-courant), mais leur incongruité et le fait qu'elles détonnent avec ce que M. Morin se targue d'avoir, sinon inventé, du moins pensé : le complexe, la complexité du réel, la pensée complexe. La France, pour M. Morin, est double : le Bien ou même le très bien et le Mal ou même le très mal. Le Bien, c'est la France généreuse, ouverte, républicaine, laïque; le mal, c'est l'Autre, la France xénophobe, royaliste, catholique ou chrétienne, celle qui a été ou qui aurait été éliminée en 1945 (et De Gaulle, il compte pour du beurre ?) et dont il faut absolument empêcher le retour. Les positions de M. Morin sont encore moins "complexes" (lui, il est sans complexe) que celles du vieux cantonnier, mi piémontais, mi provençal, de la commune où je réside. C'est binaire, blanc ou noir, 1 ou 0, positif ou négatif; pas de nuance, pas d'entre deux, pas de gris. Par rapport à Morin, Mélenchon, Ramadan, Besancenot sont le sommet de la complexité; et la pensée de Plenel est un écheveau de complexité.

Bien entendu, M. Morin n'a jamais entendu parler de la férocité des lois de la IIIe République, des centaines de têtes tranchées, des femmes condamnées au bagne, des républicains qui se sont pieusement tus sur le génocide arménien (quand ils ne l'ont pas approuvé), de l'expulsion (de France) des congrégations (françaises), de la colonisation qui s'est faite au nom de la supériorité de la race européenne, des presque deux millions de Français sacrifiés dans les tranchées, de la complaisance envers le Goulag et le système d'extermination de peuples entiers en URSS et en Chine, du pacifisme des républicains qui les a amenés à préférer la servitude à la guerre et à se déshonorer dans la collaboration, etc. Non, en dépit de tout cela, le Bien reste le Bien. C'est le camp de M. Morin. C'est ce qui lui fait aimer la France - la demi France en fait, celle de la République (prétendument) généreuse et laïque; et c'est ainsi qu'il est français.

Le second débat portait sur la laïcité. M. Morin a feint d'avoir entendu "islam" ou n'a traité que de l'islam, ce à quoi, il est vrai, l'engageaient les premières interrogations de l'UMP. En fait, il a tout de suite évacué la question de l'islam, soupçonnant ceux qui avaient émis l'idée d'un débat de prendre pour cible les musulmans. Pour quelqu'un qui prétend faire dans le complexe, voilà une réduction qui relève d'un simplisme primaire. Bien entendu, il en a profité pour prendre la défense des musulmans, comme si les musulmans étaient visés par le débat sur l'islam (le débat porte sur une idéologie ou sur un ordre juridique et politique, et non sur des personnes; les débats sur le nazisme ne prennent pas pour cible les Allemands ou les Autrichiens), arguant que la plupart de ceux que l'on étiquète comme musulmans sont des arabes (suspicion de racisme) et qu'ils peuvent être agnostiques, athées ou sans religion... En bref, la complexité de M. Morin se ramène à deux ou trois idées (des idées ? que dis-je : tout au plus des discours tout faits) moulinées depuis trente ans ou plus et qui tiennent, comme la conversation de Charbovari, des allées de grands magasins pendant les heures d'affluence.

Il y a, évidemment, le grand âge ou même le très grand âge, le gâtisme, la momification de la pensée, le ressassement simpliste des mêmes obsessions, comme chez Hessel d'ailleurs. Mais faut-il que cette "France" républicaine et laïque, (prétendument) généreuse, (prétendument) ouverte soit vide ou déserte pour qu'elle soit représentée par deux vieillards, qui ne sont pas antipathiques certes, mais dont la pensée est morte depuis longtemps ?
12 avril 2011, 19:30   Re : Morin et Hessel
J'avais déjà été passablement irrité par Edgar Morin lors d'un de ses derniers passages à la télévision. Il avait surjoué à ce point mal l'indignation concernant je ne sais plus quel sujet (il y en a de toute façon tant qui peuvent vite provoquer les cris des dames patronnesses d'aujourd'hui), guettant du regard la caméra et lui répondant avec un petit sourire gourmand de hâbleur satisfait de voir sa sortie avoir l'effet escompté, puisque le jeune public l'avait ovationné comme il se doit, que j'ai mis un terme très vite à ma présence devant l'écran, parce que ne pouvant pas en supporter davantage en terme de servilité à l'esprit et au manières du temps de la part d'un homme d'âge plus qu'honorable...
12 avril 2011, 20:24   Re : Morin et Hessel
C'est un des révélateurs les plus significatifs et les plus désespérants de ce que sont les temps que de voir des intellectuels estimables, de fine intelligence et de grande culture, tomber dans une telle servilité médiocre. Ils ressemblent beaucoup, sur ce point et sur d'autres, aux intellectuels organiques du communisme de la haute époque, la grandeur tragique en moins.
12 avril 2011, 20:50   Le hâbleur
Je crois, cher William König, que Morin s'indignait en l'occurrence (j'ai bien souvenir de ces gesticulations et de ces glapissements de rombière outrée) contre l'affreux et infâme traitement réservé aux Roms par cette France xénophobe et raciste.
12 avril 2011, 21:33   Re : Le hâbleur
Citation
Stéphane Bily
Je crois, cher William König, que Morin s'indignait en l'occurrence (j'ai bien souvenir de ces gesticulations et de ces glapissements de rombière outrée) contre l'affreux et infâme traitement réservé aux Roms par cette France xénophobe et raciste.

Voilà, c'est cela même ! Je savais bien qu'il y avait la question de l'ontologique racisme français là-dessous, mais je ne savais plus contre qui ce Mal atavique était dirigé. Il faut dire que le pauvre monde est vaste, et ce défaut si bien ancré dans l'âme française, que nos incorrigibles compatriotes ont tout le loisir de l'exercer contre une multitude de pauvres hères...
12 avril 2011, 22:00   Re : Le hâbleur
Ce doit être ça (à partir de 2'05) :





J'avais moi aussi été indigné par l'indigné (notez, comme le fait justement remarquer M. König, le petit sourire satisfait à la fin de la tirade, sous les applaudissements).
12 avril 2011, 22:09   Villégiature
A propos :

Plus de 150 Roms roumains renvoyés de France par avion ont atterri aujourd'hui à l'aéroport de Timisoara, dans l'ouest de la Roumanie.

Ces 159 personnes venues de la région de Lille ont indiqué avoir accepté "une aide volontaire au retour" de la part des autorités françaises. "J'ai reçu 300 euros pour moi et ma femme et 100 euros pour mes enfants. Nous sommes rentrés pour fêter Pâques à la maison mais après nous reviendrons en voiture", a déclaré un des Roms de la région de Bacau.



[www.lefigaro.fr]


Je dois dire que le beau texte de JGL condense très bien ce qu'on peut dire sur le sujet.
On se demande ce que donneraient de si lisses personnalités plongées dans le bain acide JGL, en direct...
13 avril 2011, 07:08   Re : Morin et Hessel
Hypothèses :
- ou E. Morin, qui a pourtant écrit quelques bons (et beaux) livres, me semble-t-il, vieillit mal ; relisons-le donc et évitons de l'écouter dérouler ses théories de banalités bien-pensantes ;
- ou ce qu'il dit, cette doxa qui parle à travers lui, révèle et trahit ce qu'il a toujours été : un faiseur, un imposteur dont l'oeuvre et la pensée ne résistent pas à l'épreuve du temps ;
- ou il y a deux Morin : le "penseur" qui a pu, à un moment donné, être profond, intéressant ou original ; et l'homme public, tellement englué dans cette doxa qu'il raisonne comme le premier people venu - ou qui le fait par intérêt et calcul (hypothèse cynique).
13 avril 2011, 08:25   Re : Morin et Hessel
On peut se poser la même question à propose d'Emmanuel Todd par exemple.
13 avril 2011, 09:16   Re : Morin et Hessel
Tout à fait juste votre remarque cher Marcel, bien que la dernière intervention d'Emmanuel Todd dans une émission télévisée sur MLP ait été étonnement modérée vis à vis du programme économique du FN.
13 avril 2011, 11:22   Re : Morin et Hessel
La race a été longtemps définie comme désignant un ensemble d’humains ayant un origine géographique précise ainsi que des caractéristiques physiques et mentales partagées par tous les membres de l’ensemble en question, c’est-à- dire générales, et à jamais non modifiables, se transmettant par hérédité de genération en genération. La race, selon cette définition, se résumait,, en fin de comptes, à ne laisser aucun choix aux individus puisque ses caractéristiques étaient inéluctables. Si, donc, on critique les musulmans c'est que l’on suppose qu'ils peuvent changer, qu'ils ont le choix. C'est, par conséquent , non seulement tout le contraire d'une démarche raciste mais plutôt une démarche qui devrait les honorer puisqu’elle les suppose doués de la capacité de réfléchir avant un éventuel changement : il n’y a , en effet, que l’animal, le fou ou le très jeune enfant qu’il ne serve à rien de critiquer. Or l’exaltation des « différences », la sacralisation des identités culturelles, interdit aujourd’hui d’échapper au moule originel ressenti, précisément, comme sacré. Elle raréfie donc les exceptions et rétablit la rigidité des mentalités et des comportements rendant tout changement éventuel, si nécessaire soit-il, impossible. Autrement dit elle anéantit la supériorité radicale de la culture par rapport à la "race", à savoir : la faculté d'adaptation.
Elle produit, mais pour de bon, les effets que l’on reprochait, à tort, hier, à la race. L"idée de caractéristiques générales et à jamais non modifiables associées à celle-ci, idée que l’on croyait avoir chassée définitivement par la grande porte, revient par la fenêtre sous la forme de la sacralisation des identités culturelles.
C'est pourquoi le fait d'assimiler l'islamophobie au racisme est, en réalité bien plus raciste que l'islamophobie elle-même . Cela signifie, d'une part, que l'islam serait indissociable de la race arabe, qu'il ferait partie de ses gènes ( et où il y a du gène il n'y a pas de plaisir ... ), que cette race n'aurait pas d'autre possibilité que produire de l'islam comme un noir produit de la mélanine ; et , d'autre part, c’est faire bon marc hé des Arabes chrétiens. Assimiler donc tous les Arabes à des musulmans c'est tomber en plein dans cette inéluctabilité et cette généralisation abusive que les antiracistes sont pourtant les premiers à dénoncer.
13 avril 2011, 14:39   Re : Morin et Hessel
Parfaitement d'accord.
Seuls les utilisateurs enregistrés peuvent poster des messages dans ce forum.

Cliquer ici pour vous connecter