Foot - FFF
Les bi-nationaux, «pas le problème»
L'un a choisi la France (N'Zogbia), l'autre le Cameroun (Bassong), tandis que le troisième n'a pas encore fait son choix (Kana-Biyik). Leur opinion sur la polémique des «bi-nationaux» qui frappe actuellement la FFF.
Charles N'Zogbia : «Je suis né en France, je suis français»
N?Zogbia : «Je suis né en France, je suis français»
Lui a résisté aux sirènes de son pays d'origine. Dès l'âge de 18 ans, lorsqu'il a rejoint Newcastle, Charles N'Zogbia a été confronté au forcing des instances congolaises. «Dans mon club, il y avait Lua Lua, se souvient le milieu de terrain. Sa famille n'arrêtait pas de me dire : "Allez Charles, il faut que tu viennes aider le pays"». Poliment, l'ancien Havrais a refusé, préférant repousser son choix à plus tard.«Et j'ai bien fait, souligne celui qui compte une sélection chez les Bleus. J'étais passé par toutes les sélections de jeunes. C'était logique que je veuille aller en A.»
Parce qu'il s'est «toujours senti français», le joueur de Wigan ne s'est pas «senti visé» par la polémique qui a frappé la FFF. «Mais vouloir prendre dès l'âge de 12-13 ans des joueurs qui sont nés en France et qui n'ont pas d'origine, ce n'est pas une question à se poser. Quand tu es né en France, tu es français, s'insurge-t-il. Après, si ça fait quatre ans que tu joues et que tu ne reçois pas un signe qui te fait dire qu'on pense à toi, c'est normal de te tourner vers ton pays d'origine. Pareil quand tu vois des amis à toi, avec qui tu as joué, qui font la Coupe du monde alors que toi, t'es en vacances... C'est normal de s'interroger» A ses yeux, le vrai problème n'est donc pas «la bi-nationalité» des joueurs, mais «le manque de considération» des instances. «Regardez Moussa Sow, souligne-t-il. Si ça se trouve, il a attendu un signe pendant 3-4 ans, et ce n'est que maintenant qu'il est meilleur buteur qu'on se met à regretter qu'il n'ait pas choisi la France. C'est leur faute...»
Sébastien Bassong : «Un problème sociétal»
Bassong : «Un problème sociétal»
Il a fait ses classes à l'INF, porté le maillot des Espoirs et pourtant, Sébastien Bassong appartient à la catégorie des joueurs bi-nationaux à avoir choisi de défendre les couleurs de son pays d'origine. Depuis Londres, le défenseur camerounais a suivi avec attention «l'affaire du moment.» Et s'il a fait l'effort de «se placer des deux côtés, celui des instances et celui des joueurs», ce qu'il a entendu ne lui a «pas beaucoup plu.» «A partir du moment où le terme de quota a été employé, c'est choquant, souligne-t-il. Que la FFF veuille défendre certaines valeurs, d'accord, mais là, ça peut blesser.» Prenant son cas personnel en exemple, l'ancien Messin explique avoir privilégié «le coeur» aux critères «sportifs» en décidant de revêtir la tunique des Lions Indomptables. «Quand j'étais en Espoirs, j'étais fier de porter le maillot bleu, c'était une belle vitrine, mais avec le temps, ma réflexion a évolué, souligne-t-il. En grandissant, j'ai voulu en savoir plus sur mes racines, et ça s'est fait au détriment de la FFF.» A ses yeux, le problème de la bi-nationalité dépasse cependant le cadre du foot. «C'est un problème sociétal. A l'INF, tu es bien, tu écoutes, on te forme, mais quand tu es dans les quartiers, il y en a toujours pour dire que tu n'est pas français...» «Camerounais à 100% aujourd'hui», Bassong sait cependant ce qu'il «doit à la France.» «Je ne cracherai jamais dessus.»
Jean-Armel Kana-Biyik : «Ça sert à quoi ?»
Kana-Biyik : «Ça sert à quoi ?»
Le débat ne l'a «pas plus touché que ça», mais il s'est tout de même senti «concerné.» S'il n'est pas passé par les structures fédérales, Jean-Armel Kana-Biyik fait partie de ces joueurs bi-nationaux qui n'ont pas encore fait leur choix. En octobre dernier, le défenseur rennais a même refusé une convocation chez les Espoirs, prétextant «encore hésiter» avec la sélection camerounaise. «Je me suis donné une année pour réfléchir parce que ce n'est pas une décision qu'on prend à la légère», nous a expliqué l'ancien Havais. Dans le fond, Kana-Biyik dit «comprendre» les instances françaises lorsqu'elle pose le problème «des joueurs qu'elle forme pour d'autres pays que la France.» «Mais bon, quand on sait que sur 30 joueurs formés, tous n'iront pas de toute façon en équipe de France, ça sert à quoi de les garder sous la main ?», s'interroge-t-il à haute voix. Pour le Franco-Camerounais, la FFF devrait plutôt se poser le problème de «la détection.» «Ce que je trouve drôle, c'est que tout le monde se demande aujourd'hui pourquoi un joueur comme Moussa Sow a choisi le Sénégal plutôt que la France. Cette question, il fallait se la poser avant, souligne-t-il. Vouloir limiter l'entrée des joueurs bi-nationaux dans les structures fédérales est aberrant. Ça ne changera rien.» - Emery TAISNE
"L'Equipe"