Quelqu'un se souvient-il d'avoir lu "L'écriture et l'expérience des limites" de Sollers dans le tout début des années 70, à l'époque où l'on pensait qu'il était l'auteur des ouvrages de Kristeva ? Ce Sollers-là promettait beaucoup, de même qu'à l'époque, par exemple, un Jean-François Lyotard. Mais c'est que Sollers a déçu parce que l'époque a déçu. Il semble qu'il ait voulu (amour inconsidéré de la vie ?) ne pas mourir avec son époque, et muer avec elle, pour voir, comme au poker.
La dimension ludique-curieuse des écrivains et des hommes (des hommes, pas des femmes) est trop souvent mésestimée lorsqu'on juge de leur devenir: les hommes (pas les femmes) vivent souvent
pour voir, comme quand on arrondit un pot de poker par curiosité du résultat final, des conclusions du jeu.
Les femmes se foutent des résultats des courses, et des courses en général. L'excitation d'en faire partie leur suffit. (McCarthy développe ce thème dans Blood Meridian, faisant dire à son héros nietzschéen - le juge Holden - que la guerre et le jeu sont les seules passions génératrices de vérité. La guerre-jeu étant tout à la fois un moyen de divination du vrai et praxis du vrai. C'est un parti pris diabolique, certes, mais cela reste un trait commun des hommes - vieillissant, Sollers a évolué en petit diable cornu au sourire méphistophélique, on l'aura remarqué).