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Le Grand Remplacement, par E. M. Cioran

Envoyé par Thierry Noroit 
Ci-dessous, texte publié en 1979 (je dis bien 1979) par E. M. Cioran, ce "pauvre type" (dixit Jean-Marc), dans un de ses ouvrages les moins connus : Ecartèlement :

Dans le métro, un soir, je regardais attentivement autour de moi : nous étions tous venus d'ailleurs... Parmi nous pourtant, deux ou trois figures d'ici, silhouettes embarrassées qui avaient l'air de demander pardon d'être là. Le même spectacle à Londres.

Les migrations, aujourd'hui, ne se font plus par déplacements compacts, mais par infiltrations successives : on s'insinue petit à petit parmi les "indigènes", trop exsangues et trop distingués pour s'abaisser encore à l'idée d'un "territoire". Après mille ans de vigilance, on ouvre les portes... Quand on songe aux longues rivalités entre Français et Anglais, puis entre Français et Allemands, on dirait qu'eux tous, en s'affaiblissant réciproquement, n'avaient pour tâche que de hâter l'heure de la déconfiture commune afin que d'autres spécimens d'humanité viennent prendre la relève. De même que l'ancienne, la nouvelle Völkerwanderung suscitera une confusion ethnique dont on ne peut prévoir nettement les phases. Devant ces gueules si disparates, l'idée d'une communauté tant soit peu homogène est inconcevable. La possibilité même d'une multitude si hétéroclite suggère que dans l'espace qu'elle occupe n'existait plus, chez les autochtones, le désir de sauvegarder ne fût-ce que l'ombre d'une identité. A Rome, au IIIème siècle de notre ère, sur un million d'habitants, soixante mille seulement auraient été des Latins de souche. Dès qu'un peuple a mené à bien l'idée historique qu'il avait mission d'incarner, il n'a plus aucun motif de préserver sa différence, de soigner sa singularité, de sauvegarder ses traits au milieu d'un chaos de visages.

Après avoir régenté les deux hémisphères, les Occidentaux sont en passe d'en devenir la risée : des spectres subtils, des fins de race au sens propre du terme, voués à une condition de parias, d'esclaves défaillants et flasques, à laquelle échapperont peut-être les Russes, ces derniers Blancs. C'est qu'ils ont encore de l'orgueil, ce moteur, non, cette cause de l'histoire. Quand une nation n'en possède plus, et qu'elle cesse de s'estimer la raison ou l'excuse de l'univers, elle s'exclut elle-même du devenir.
Buena Vista, si vous voulez, je peux remplacer les termes "pauvre type", par "antisémite et ami des partis fascistes", ce sera plus clair. Cela ne souffrant pas discussion, je vous suggère, à votre tour, de le mettre en exergue des citations de Cioran que vous portez à notre connaissance, dès lors que ledit antisémite et ami des partis fascistes se prononce sur des sujets de ce genre.
Jean-Marc, j'apprécie vous le savez votre étonnante érudition.

Je n'ai nulle intention de polémiquer avec vous car je finirais certainement par avoir le dessous.

Il me semble cependant que dans certains cas l'abondance de votre information, comme la multiplicité de vos connaissances et centres d'intérêt, vous empêche tout simplement d'avoir du jugement.

C'est ahurissant de traiter Cioran de "pauvre type". Si vous remplacez "pauvre type" par "antisémite et ami des partis fascistes", excusez-moi, mais ce n'est pas mieux.

Car dans tous les cas vous posez une équivalence, une permanence. Cioran EST un pauvre type. Cioran EST un antisémite et un ami des partis fascistes.

Non, Jean-Marc, outre que le Christ auquel vous croyez a dit si je me souviens bien : Ne jugez pas (précepte que pour ma part je conteste, tout comme Renaud Camus), outre cette difficulté logique qui vous regarde, donc, je pense qu'il faudrait dire : "Cioran dans ses années de jeunesse roumaine a été attiré par le fascisme, a tenu des propos antisémites et s'est comporté en pauvre type".

BCJM c'est une erreur de jeunesse qui a été commune à tant d'autres écrivains et penseurs. Vous ne pouvez résumer Cioran par cette erreur de jeunesse. Ni le condamner définitivement pour cette raison.

C'est pourquoi je ne mettrais rien du tout en exergue s'il m'arrivait de citer encore des textes de Cioran ici même. Chacun est à même de se forger une opinion sans prévention.

Voyage au bout de le nuit est pour beaucoup de lecteurs (et moi-même) le plus grand roman du XXème siècle. Le Roman inachevé est pour beaucoup d'amateurs de poésie (et moi-même) un des recueils les plus émouvants de notre langue. Faut-il condamner irrémédiablement Céline et Aragon ? Prendre des gants et mille précautions si on s'aventure à les citer ? - Pourtant, comme "pauvres types", selon vos critères, ils se posent un peu là...
Buena Vista,

Vous posez de très intéressantes questions.

En premier lieu, je n'aurais rien ajouté à votre message initial s'il n'avait comporté la formule ce "pauvre type" (dixit Jean-Marc). Du moment que vous l'avait écrite, le débat était relancé.

Le problème qu'on rencontre avec Cioran est que rien, dans son comportement ultérieur, ne laisse penser qu'il ait, réellement, changé d'idées.

Bien des écrivains ont commis des erreurs, notamment dans le domaine de l'antisémitisme. Bernanos fut un de ceux là. Il se racheta (et même bien au delà) par la Résistance.

Céline, lui, est un grand écrivain. Il ne donna jamais de leçons de morale.
À Paris, entre 1941 et 1946, Cioran subit une espèce de "conversion". Il se rendit compte que non seulement il ne fallait pas reprocher aux Juifs d'avoir abandonné l'histoire (s'ils l'avaient en effet abandonnée), mais qu'il fallait en outre les admirer d'avoir su faire le seul véritable "bon choix" en refusant de participer à cette folie collective. On pourrait dire que par cette conversion, il s'exilait volontairement de l'histoire?

De façon ironique et paradoxale (encore), pour Cioran, faire un bon dans l'intemporel revenait à rejoindre... les Juifs !

Ce refus absolu de l'histoire transforme Cioran, qui, d'exilé roumain à Paris qu'il était, devient un "juif d'honneur*" en galuth, en exil ("leur" exil).

Par une ironie du sort, Cioran se transforma de son propre gré en compagnon des Juifs dans leur éternel exil. Comme eux, peut-être chercha-t-il lui aussi toute sa vie le paradis, le visage enfoui tout contre les froides pierres du désespoir.


Traduction de The Temptations of Emil Cioran, Michael Finkenthal, 1997.

* En français dans le texte.
(Dire que l’Histoire, c'est ce qui s'est passé après la Chute, et que les juifs n'ont jamais, au grand jamais, voulu en démordre, de cette déchéance dans laquelle ils furent confirmés par Élection, et procéder aux dispositions nécessaires en vue d'une quelconque réhabilitation, comme cela leur fut pourtant proposé...)
(Du point de vue de l'argumentation que j'espose, peu importe si cette observation concernant "l'intemporalité des Juifs" paraît logique ou non. Le raisonnement de Cioran était que tout ceux qui aiment leur passé sont pris au piège : quand on en revient toujours à une quelconque alliance, à un quelconque miracle en haut de la montagne, on finit forcement par se trouver face à face avec Dieu. Cela paralyse l'homme et l'empêche d'avoir sa propre destinée. En "court-circuitant" le passé et le futur, les Juifs se sont placés dans l'atemporalité. Et c'est pour cela qu'ils ont été condamnés à rester de tout temps en dehors de l'histoire).


Ibid.
Une conversion entre 1941 et 1946...

Voici qui est intéressant. Avez-vous plus de précision sur son déroulement ? une conversion du 26 août 1944 n'est pas de même nature qu'une conversion du 4 juin 1941.

Ce serait du reste la répétition d'un schéma assez largement observé. Je me suis beaucoup intéressé à l'extermination des juifs d'Europe centrale et orientale, et j'ai constaté que l'été 1944 voit enfin l'aile de la conversion frôler bien des nazis et beaucoup de leurs collaborateurs. Si l'armée rouge n'avait pas sottement interrompu ce processus, je suis certain qu'Antonescu, frappé par la repentance, serait allé spontanément s'incliner sur le site du pogrom d'Iasi.
Non, Jean-Marc, je ne vous donnerai pas plus de précision pour deux raisons.

D'abord, je rapporte ici les écrits d'un auteur qui fait ce travail de précision dans le reste de son livre, je vous invite donc à le lire.

Ensuite, pour en parler le plus justement, il est préférable de se référer aux avis des personnes qui font autorité dans ce domaine.


Pour seule réponse, voici donc un autre exemple avec ces deux lettres envoyées par Elie Wiesel à Cioran :

Le 18 mai 69

"Cher E.M. Cioran,

Votre livre est arrivé hier matin, mais je l'ai lu le mois dernier : j'achète tous vos ouvrages.
J'aime - j'admire - ce que vous faites. Je crois que nous partageons les mêmes hantises, la même angoisse.
Est-ce pour cela que je me sens si proche de votre univers, de vous ?
Portez-vous bien, je vous dis mon amitié admirative,"



Le 9 juillet 73

"Cher ami,

Vos commentaires m'ont touché plus que je ne saurais le dire.
Car vous savez l'admiration que je vous porte. Vos écrits contiennent une vérité qui fait frémir. Votre voix est celle du témoin qui vit au-delà de la peur.
Avec amitié profonde,"

Envisagez-vous sa canonisation ?
La vôtre assurément (voir même votre satellisation)
C'est tout vu ! puisque vous aimez lire, lisez ceci :

[ecx.images-amazon.com]

Lui, l'autre et l'autre, comme on disait ...
Vous tournez décidément en rond, cher ami,

Reprenons.

Personne ne nie le "délire" qu'a eu Cioran avant cette "conversion".

Je vous renvoie ici à la lecture de ses écrits politiques qui parurent en Allemagne dans les années 30.
On y découvre au passage une plume déjà polémique, même vis-à-vis de ses hôtes (à noter que les Allemands sont depuis toujours les alliés de la Roumanie).

Son parcours et son attitude pendant la guerre ont été plusieurs fois jugés, il a toujours été innocenté.

Un des points de différence avec ses anciens "amis" est peut-être décisif dans ce résultat :
-son opinion sur le communisme était favorable (il n'est d'ailleurs pas le seul à s'être "converti" suite à la rupture du pacte germano-soviétique).

Il estimait par ailleurs que les Juifs avaient contribué favorablement à remettre la question sociale au centre des principales préoccupations du politique, tout en repoussant "l'explication bon marché d'une Révolution Russe imputée aux Juifs".
Vous nous écrivez :

à noter que les Allemands sont depuis toujours les alliés de la Roumanie

En êtes-vous certain ?
"Charles Ier (en roumain : Carol I) (20 avril 1839 - 10 octobre 1914) a été élu Domnitor (souverain) de Roumanie en avril 1866 après la destitution du prince Alexandru Ioan Ier et a été proclamé roi le 26 mars 1881. Il est le premier souverain de la famille des Hohenzollern-Sigmaringen à régner sur le pays, elle restera à la tête du pays jusqu'à la proclamation de la république en 1947."

Les Hohenzollern-Sigmaringen sont d'origine allemande, et durant toute la durée de leur règne, la Roumanie fût l'allié de l'Allemagne, sauf à la fin. C'est cela que je définissais par "toujours".
Le 27 août 1916, les Roumains lancèrent la Campagne de Transylvanie et prirent Brasov. Ils s'effondrèrent rapidement, et Mackensen entra le 6 décembre à Bucarest. S'il y fut reçu en ami et allié de toujours par la population, je ne saurai vous dire.
"La Roumanie déclare la guerre à l’Allemagne en août 1916, après la contre-offensive russe victorieuse sur le front oriental laissant espérer une défaite de l’Autriche-Hongrie. Elle revendique la Transylvanie hongroise."

La Roumanie était avant tout en guerre contre l'empire austro-hongrois, allié de l'Allemagne.
L'Histoire fait des détours surprenants (rappelons-nous que plusieurs rois contre qui la France a fait la guerre étaient de noblesse française), mais il demeure qu'à la veille de la seconde guerre mondiale, l'Allemagne est perçue par les roumains comme une "alliée éternelle".

Finalement, Jean-Marc, vous avez raison : ma phrase sur la famille Hohenzollern-Sigmaringen est inexacte.
Et encore une fois, cher Jean-Marc, je ne suis pas un spécialiste, je vous renvoie vers eux pour les précisions historiques.
Je voulais simplement rapporter cette information pour comprendre la vision que pouvait avoir le jeune Cioran sur cette dictature allemande (qui "ne laisse personne tranquille", nous disait-il en 37).

Cioran a aussi pris soin de préciser que personne n'avait le droit moral d'invoquer son aventure d'extrême-droite sans rappeler qu'il avait radicalement changé d'opinion, qu'il n'était plus du tout d'accord avec ce qu'il pensait à l'époque.
Pyrrhon,

Je comprends tout à fait ce que vous me dites.

Voyez-vous, la difficulté que je rencontre avec Cioran est la même que celle que je rencontre avec Montherlant.

Ce sont de très grands auteurs, des personnes remarquables, que j'ai admirées quand je les ai lues.

Cioran... je le pensais au-dessus des compromissions, je pensais qu'il avait des idées claires, qu'il voyait juste... j'ai été abasourdi quand j'ai découvert quel était son passé (comme celui de ses amis roumains), car, de ce passé, il ne parlait guère...

Montherlant... ses idées, dans "Fils de personne", sur l'avachissement, me plaisaient beaucoup, et que le jeune homme de cette pièce était fort décevant. J'ai, un jour, découvert que le jeune homme en cause était en fait "acheté" par Montherlant à sa famille, et que s'il y avait un jeune homme un peu décevant, il y avait en face non un personnage pessimiste, mais un écrivain qui était un sacré salaud.

A l'inverse, il y a ceux qui avancent sans masque.

Céline... il s'est beaucoup trompé, mais il n'était qu'un écrivain, et il ne s'est jamais posé en modèle de ce qu'il fallait faire... il n'a jamais caché son passé et a renié ses écrits les plus odieux, sans rechercher la moindre absolution. Pour Céline, je me range à un avis indiscutable, celui de Nordling.

Bernanos... il fut antisémite, il se racheta.

Il y a enfin, ceux qui s'exposent, et se voient accusés des pires maux, alors que les deux premiers cités s'en sortent "avec honneur".

Je pense, là, à Renaud Camus, accusé à tort par ceux qui ne l'ont pas lu. Voici le type même de l'auteur sans masque : toute une carrière qui nous expose sa vie et ses doutes. Ses essais sont enrichis par son journal : on y voit le fil de sa pensée.
Cioran a un passé qui diffère de celui de Renaud Camus.

C'est pourquoi je pense que Cioran a, comme de nombreux acteurs de ce terrible épisode de notre histoire (y compris des victimes juives), décidé de ne plus en parler pendant et après la guerre. C'est à mon avis aussi en cela qu'il s'est "converti" à cette atemporalité des Juifs dont parle Michael Finkenthal.

Je vous invite vraiment à lire son livre avant de reprendre notre discussion (ceci afin de nous comprendre).

Sinon, vous avez évidemment le droit d'avoir votre opinion sur tout un chacun, pour moi sachez que Céline est dans le registre du comique qui s'autorise souvent à parler de ce qui est tu. C'est une forme d'atemporalité provoquée par le rire sur le temps.


PS: je ne connais pas suffisamment Bernanos et Montherlant pour en parler.
Pour refermer la parenthèse sur cette accusation, en lisant le Cioran de cette époque, je comprends qu'au-delà du désastre de la seconde guerre mondiale (et avec sincérité, on ne peut pas oublier que le sort des Juifs en est le point le plus accablant), il y a un désastre de la pensée européenne dont le jeune Cioran était un exemple. Et l'Allemagne était la pointe de cette pensée (il la découvre à 22 ans lors de son séjour à Berlin). Quel désastre ! Sans précédent. Des lumières à l'ombre en une précipitation du temps incompréhensible. Comment en est-on arrivé là ?
J'en tire la conclusion qu'on ne pourra pas y répondre sans nous en sentir chacun un peu responsable, comme le jeune Cioran, car finalement ce sont toutes les idées de l'Europe qui nous ont amené à l'impasse terrifiante de la barbarie nazi.
Cioran devenu "moins jeune" et "converti" décide de soumettre ces idées à la critique - sa critique. Je pense que c'est l'apport principal de son l'oeuvre : une forme d'auto-critique, la critique de tout jusqu'à l'appliquer à soi-même.
« Les Hohenzollern-Sigmaringen sont d'origine allemande, et durant toute la durée de leur règne, la Roumanie fût l'allié de l'Allemagne, sauf à la fin. C'est cela que je définissais par "toujours". »


Hummmmm...
Vous avez raison, la position des Hohenzollern-Sigmaringen sur l'Allemagne n'est pas aussi simple.

J'ai donc rectifié la réponse faite à Jean-Marc (qui me faisait la même remarque) :
Finalement, Jean-Marc, vous avez raison : ma phrase sur la famille Hohenzollern-Sigmaringen est inexacte.
Pour s'en faire une idée précise, voici quelques dates et événements :

22 mai 1866 : Arrivée à Bucarest du prince Charles de Hohenzollern-Sigmaringen, cousin du roi de Prusse Guillaume Ier, sollicité pour devenir roi de Roumanie, avec le soutien de Radu Rosetti et de I. C. Bratianu, représentants des grands agrariens.

15 novembre 1869 : Le prince Charles de Hohenzollern, chef de la branche catholique de cette dynastie allemande épouse une princesse allemande, Élizabeth de Wied.

1er mars 1871 : Un grand journal de Bucarest paraît avec sa première page encadrée en noir pour annoncer la nouvelle de l’entrée des troupes prussiennes dans Paris.

Mars 1881 : La Roumanie devient un royaume et Charles de Hohenzollern est couronné sous le nom de Carol Ier.

1883 : Le roi Carol adhère secrètement à la Triplice conclue l’année précédente entre l’Allemagne, l’Autriche-Hongrie et l’Italie.

1893 : Le prince Ferdinand, neveu du roi Charles de Hohenzollern, est reconnu comme son successeur. Il épouse Marie d’Edimbourg.

3 août 1914 : La Roumanie proclame sa neutralité en faisant valoir aux puissances centrales que l’accord secret de 1883 avec la Triplice ne devait jouer qu’en cas de guerre défensive. La classe politique est partagée mais l’opinion publique est francophile.

10 octobre 1914 : Mort du roi Carol, qui, ancien officier prussien, était naturellement favorable aux Centraux. Avènement de son neveu Ferdinand.

1915 : Le gouvernement Bratianu établit des contacts avec l’Entente mais refuse finalement de s’engager.

17 août 1916 : Le chef du gouvernement I. Bratianu signe les deux conventions politique et militaire qui placent la Roumanie dans le camp de l’Entente. C’est le succès apparent de l’offensive russe lancée en Galicie par le général Broussilov qui a encouragé la Roumanie (elle espère récupérer la Transylvanie autrichienne) à choisir le camp de l’Entente mais l’offensive russe se révèle rapidement sans lendemain.

28 août 1916 : Entrée en guerre de la Roumanie contre les Centraux. Après quelques succès initiaux en Transylvanie, les forces roumaines, qui ont dû compter avec une diversion bulgare en Dobroudja alors qu’était retardée l’offensive prévue de l’Armée de Salonique, sont écrasées par les armées allemande et austro-hongroise placées sous le commandement des généraux Falkenhayn et Mackensen.

6-20 août 1917 : Une puissante contre-offensive des Centraux répond à la tentative lancée par l’armée roumaine reconstituée en Moldavie. Les forces allemandes et austro-hongroises sont contenues au cours de la bataille de Marasesti, le « Verdun roumain ». Une mission militaire française commandée par le général Berthelot assiste l’armée roumaine mais le gouvernement roumain, réfugié à Jassy, ne contrôle plus qu’une petite partie du territoire national et sa capacité à poursuivre la lutte dépend entièrement de l’évolution de la situation en Russie, entrée en révolution depuis le mois de février précédent.

4 décembre 1917 : La Russie bolchevique ayant signé avec les puissances centrales l’armistice de Brest-Litovsk, la Roumanie doit ouvrir à son tour des pourparlers pour mettre fin aux hostilités. Les négociations ont lieu à Focsani et l’accord est signé le 9 décembre.

7 mai 1918 : La Roumanie signe avec l’Allemagne la paix de Bucarest. Le nouveau gouvernement d’Alexandre Marghiloman obtient des atténuations des clauses territoriales de Buftea mais la victoire des Centraux va leur permettre d’exploiter les ressources du pays.

Novembre 1918 : Démission du gouvernement conservateur d’Alexandre Marghiloman. Le 10 novembre, la Roumanie entre de nouveau en guerre aux côtés des Alliés. Les troupes roumaines entrent en Hongrie le 16 novembre.

Septembre 1926 : Le général Averescu, premier ministre depuis mars, se rend à Rome pour conclure un traité d’amitié avec le régime mussolinien.

Juillet 1927 : Mort du roi Ferdinand. Instauration d’une régence dirigée par le prince Nicolas et le patriarche orthodoxe.

5 juin 1930 : Retour du roi Carol II en Roumanie. L’acte de renonciation au trône enregistré le 6 janvier 1925 est annulé. Le souverain régnera jusqu’en 1940.

29 août 1936 : Le ministre des Affaires étrangères Titulesco, partisan de la sécurité collective qui dirige la diplomatie roumaine depuis 1932 et qui a condamné la formation en 1933 du « Pacte à Quatre » réunissant l’Angleterre, la France, l’Allemagne et l’Italie quitte le gouvernement.

1939 : La Roumanie rejette les propositions soviétiques (19 mars) d’un accord d’assistance mutuelle. À l’inverse, elle se rapproche en mars de l’Allemagne, à l’initiative du roi, dans la perspective d’échanges économiques (selon le système du clearing, c’est-à-dire d’un troc en nature) comparable à ceux liant le Reich à des pays comme la Hongrie ou la Bulgarie. Un traité commercial est ainsi conclu avec l’Allemagne le 23 mars.

15 avril 1939 : La France et la Grande-Bretagne « garantissent » l’indépendance de la Roumanie.

22 mai 1940 : La Roumanie conclut avec l’Allemagne un accord pétrolier qui réserve au Reich en guerre la totalité des exportations roumaines de pétrole.

26 juin 1940 : L’URSS adresse un ultimatum au gouvernement roumain pour se faire céder la Bessarabie et la Bucovine du Nord avec Cernowitz, en application des clauses secrètes du pacte germano-soviétique d’août 1939. La Roumanie cède le 27 juin.

6 septembre 1940 : Abdication du roi Carol en faveur de son fils Michel âgé de dix-neuf ans, après l'installation, le 4 septembre, du régime autoritaire du général Antonescu qui prend le titre de Conducator.

11 octobre 1940 : Les Allemands envoient des troupes en Roumanie pour « protéger » les puits de pétrole de Ploesti. Ces effectifs représenteront la valeur de douze divisions au printemps de 1941 : Cette occupation, pourtant acceptée par le gouvernement roumain, conduit le gouvernement américain à bloquer les avoirs roumains aux USA.

23 novembre 1940 : La Roumanie adhère au Pacte Tripartite conclu le 27 septembre précédent entre l’Allemagne, le Japon et l’Italie, auquel s’est jointe la Hongrie, avant que la Bulgarie n’en fasse autant le 1er mars 1941, suivie de la Yougoslavie le 25 mars – ce qui entraînera le coup d’État de Belgrade et l’intervention allemande dans les Balkans.

...
Utilisateur anonyme
23 mai 2011, 14:09   Re : Le Grand Remplacement, par E. M. Cioran
" Renaud Camus (...) . Voici le type même de l' auteur sans masque ".
C' est vrai , Renaud Camus a poussé très loin le dévoilement de lui- même , en particulier dans son livre " P.A. " .
C' est son courage , sa lucidité , son honnêteté qui en font un auteur exemplaire et précieux .
Mais il faut reconnaître qu' il a été servi par le contexte historique : il n' a pas eu à affronter la montée du nazisme ,ni la défaite de juin 40 , ni l' occupation allemande .
Les années de guerre étaient des années de mensonge et quiconque voulait survivre devait s' adapter au nouvel état de fait créé par la victoire des nazis.
Certes R.C. a affronté d' autre périls , mais subir les foudres de la bien-pensance droit-de -l'hommiste , ce n' est pas tout à fait pareil que de voir son domicile être l'objet d' une perquisition de la Gestapo, comme cela arriva à Montherlant .
En écrivant contre son époque R.C. s' attire en retour du mépris ou du silence ( qui en est la forme la plus aboutie ).
Mais les intellectuels des années 30 et 40 risquaient leur peau : il faut donc replacer leurs ambiguïtés et leurs compromissions dans ce contexte .
Pour Montherlant et l'occupation, voir ce très intéressant article (Persée est une source inépuisable).

[www.persee.fr];

Vous y verrez que la perquisition en cause avait un seul but, qui n'est pas celui qu'on croit,.

Nous approchons du solstice de juin, moment important dans les relations de Montherlant et des Allemands.
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