"Oui, il est possible que la sérénité, lorsque l'on est confronté, dans son propre pays, tout d'abord à la montée du nazisme, puis aux exactions contre les juifs, ne soit pas la qualité qui convienne"
Sûrement fallait-il qu'il affronta le nazisme frontalement, d'après vous ? Je pense au contraire que le retrait progressif du champ politique fut, pour Jünger, une conséquence logique de son incroyable trajectoire. Car n'oublions pas qu'au fur et à mesure que son aversion pour la démocratie grandissait, son refus de Hitler augmentait aussi, laissant toujours plus de place à l'esthète, et, philosophiquement parlant, à l'Anarque, qui, se retirant au plus profond de lui-même, vainc l'angoisse, la douleur, le doute (sorte de renoncement ascético-esthétique). C'est ainsi que Jünger a trouvé son identité, est devenu le diagnostiqueur de notre temps, éloigné de tout dogme dans son questionnement comme dans les réponses qu'il suggère.
Goebbels écrivait : "Aujourd'hui Jünger s'enferme et se refuse à la vie, et ses écrits ne sont plus qu'encre, littérature" (Journaux, 7 oct 1929).