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Vendre un livre en 2011

Envoyé par Mathieu 
14 juin 2011, 14:02   Vendre un livre en 2011
Voici un exemple de "plan marketing" destiné aux libraires pour la parution en français d’une trilogie américaine à succès. Ce type de planification est directement importé des Etats-Unis, où son élaboration précède l’écriture des livres, devenue simple étape du processus.
Voilà assurément un futur succès qui ravira le ministre de la Culture et le Centre national du Livre en gonflant les chiffres de ventes 2011-2012. Les jeunes lisent !


Prophétie : le maître du jeu chez Bayard en octobre 2011.
Le tome 2, Le dieu des ombres paraîtra en avril 2012.
Le tome 3, Un jour sans nom, en septembre 2012.

Résumé : Nathan, 13 ans, trouve chez lui une boîte contenant un jeu maya très ancien. Il découvre qu’il s’agit d’un cadeau du dieu maya de la Création. Remettant le sort de l’humanité en question, celui-ci propose au garçon un défi : s’il parvient à le battre au Jeu, la fin du monde, prévue en décembre 2012, n’aura pas lieu.

Auteurs :
Mel Odom écrit des livres de fantasy et de science-fiction, mais aussi des documentaires sur les jeux vidéo. Il a également créé des romans inspirés de célèbres séries télé (Roswell et Buffy contre les vampires).
Jordan Weisman est directement artistique chez Microsoft. Il a créé plusieurs jeux vidéo à succès et le concept de la trilogie Cathy’s book.

Une thématique d’actualité : le mois de décembre 2012 approchant, la prophétie maya de la fin du monde va devenir un sujet médiatique couvert par les médias.
Un objet ludique : Le maître du jeu, même objet que Cathy’s book, contient une pochette dans laquelle les lecteurs trouveront les éléments du jeu que Nathan a entre les mains.
Un livre interactif : la trilogie est augmentée d’un site accompagné d’un jeu en ligne.

J - 4 mois :
- Communication auprès des journalistes et des bloggeurs
- Visite de l’exposition sur les Mayas au musée du quai Branly et présentation du livre
J - 3 mois :
- Opération bloggeurs : trente bloggeurs influents contactés, envoi du livre en avant-première
J - 1 mois :
- Guerilla marketing : réalisation de tags à la craie aux abords des collèges
- Trailer teasing 2012 : sur Chauffeur de buzz, Minute buzz, Buzz news, Powerbuzz
- Blog officiel sur Skyrock.com et bannières publicitaires
- Présence sur Facebook : création d’une fan-page et campagne de recrutement
Octobre 2011 :
- Présentoirs grand format en librairie
- Publicités dans les magazines ados
- Guerilla marketing : street marketing événementiel le jour de la sortie (pions géants à Paris aux abords du Louvre avec distribution de leaflets)
- Concours sur jeuxvidéo.com
- Partenariat Game (200 magasins de vente de jeux vidéo)
- Campagne sur Habbo.fr (jeu vidéo social) : salle sponsorisée in game, flashmob in game
J'ai toujours dit que Powerbuzz, les fan-pages, le street marketing événementiel, le flashmob in game, étaient la clef. A propos de guerilla marketing, je vais essayer d'aller taguer J'y crois pas ! sur les murs de mon ancien collège, on ne sait jamais. Si les ventes ne grimpent pas en flèche ne soarent pas, je ne réponds plus de rien suis out.
Ce type de planification est directement importé des Etats-Unis, où son élaboration précède l’écriture des livres, devenue simple étape du processus.

Mathieu, il n'y a rien de neuf là-dedans, on faisait déjà cela à l'époque de Dickens (Pickwick est écrit à la commande, pour orner les illustrations de Robert Seymour, alors très populaire). Les livres naissent dans des conditions commerciales (dans le cas normal, un auteur vend son manuscrit à un éditeur, qui le publie dans l'espoir de gagner de l'argent). Il se trouve que, de temps en temps, un auteur a du talent (c'était le cas de Dickens), et qu'il se découvre alors, petit à petit, que l'usage qui est fait de son livre excède celui qui était initialement prévu, qui est de distraire une soirée oisive.

Quant à ce que vous reproduisez, il s'agit d'un simple rétro-planning, qui ne se caractérise ni par l'originalité ni par la force de frappe (buzzer sur facebook, ça ne coûte pas des millions, n'est-ce pas). Et je souhaite longue vie au présentoir en carton, que le libraire accablé coincera entre deux tables déjà surchargées de littérature jeunesse. Si l'éditeur a de la chance, il vendra entre 20 et 40 000 exemplaires de son chef-d'œuvre, car les adolescents, contrairement à une idée reçue, lisent, et lisent beaucoup. À comparer aux trente millions de crétins qui sont vautrés devant la télé tous les soirs et qui, eux, n'ouvrent jamais un livre.
Utilisateur anonyme
14 juin 2011, 23:00   Re : Vendre un livre en 2011
Citation
Chatterton
car les adolescents, contrairement à une idée reçue, lisent, et lisent beaucoup. À comparer aux trente millions de crétins qui sont vautrés devant la télé tous les soirs et qui, eux, n'ouvrent jamais un livre.

Hélas, vu le type de livres, il ne s'agit que d'une lecture très bête, d'un oeil qui déchiffre des phrases simples, au demeurant très laides, et qui ne permet guère aux adolescents d'être autre chose que des "crétins".

Lire ce genre de livres, écouter Lady Gaga, regarder une émission de TV réalité ou traînasser sur Facebook : tout cela se vaut, à mon humble avis. D'ailleurs, les procédés publicitaires sont exactement les mêmes.

Si bien qu'il y a quelque mauvaise foi à mettre les romans feuilletons du XIXème siècle et ce genre de production sur le même plan. Car cela revient à décréter qu'au fond, c'était pareil avant, qu'il n'y a pas eu de Grande Déculturation, bref, que le niveau ne baisse pas.
Hélas, vu le type de livres, il ne s'agit que d'une lecture très bête.

Et après ? Est-ce qu'on n'a pas le droit de lire des inepties ? Je compte dans mes meilleurs souvenirs de lecture un roman-photo, en pocket book, contenant un épisode de Star Trek. C'était certainement idiot, mais cette idée de consommer une fiction télévisuelle sous la forme d'un livre m'enchantait.

Quant à votre remarque sur le feuilleton du XIXe siècle et sur le niveau qui baisse, sans vous vexer, elle montre que vous êtes peu familier des littératures dites populaires.
Utilisateur anonyme
14 juin 2011, 23:19   Re : Vendre un livre en 2011
Citation
Chatterton
Quant à votre remarque sur le feuilleton du XIXe siècle et sur le niveau qui baisse, sans vous vexer, elle montre que vous êtes peu familier des littératures dites populaires.

Sans doute. Mais cela ne m'empêche pas d'adorer les romans de Dickens, et de savourer leur intelligence.

Ce qui me gêne, c'est la confusion systématique entre ce que populaire pouvait signifier autrefois et maintenant.
Dickens certes était abondamment lu par la classe moyenne émergente de son temps, mais cela ne signifie en rien qu'il s'adresse à la classe moyenne d'aujourd'hui : la petite-bourgeoise inculte et dominante. D'ailleurs, nous savons bien qu'elle ne le fréquente pas. Car Dickens est déjà loin : il est tout sauf "notre contemporain".

Idem pour Shakespeare ; tout un peuple pouvait se presser au Globe assister à des représentations de ses pièces, mais il appartient aujourd'hui tout entier à la culture savante.

Bref, le populaire d'hier ne vaut pas le populaire d'aujourd'hui, et Dickens ne vaut pas ces inepties que nous fourgue le marketing du livre (du "culturel" !).

On a certes le droit de lire des inepties. Et j'ai bien l'impression qu'en France, de nos jours, on le lit plus que ça.
Du coup, je ne me sens pas spécialement l'envie de défendre le droit de lire des inepties, qui triomphent bien assez sans que je leur apporte mon bruyant soutien.
Cher Chatterton, et cela dit sans défendre outre mesure le propos de M. Jack qui me paraît susceptible en effet de pouvoir être nuancé, le droit de lire des inepties est évidemment difficilement contestable, mais peut-être négligez-vous le fait que vos bons souvenirs de lectures indigentes ne sont tels et ne prennent réellement sens et valeur que parce que, sur un autre plan, vous êtes certainement un lecteur supérieur, et qu'en somme vous comprenez, dans les deux sens du terme, ce que vous lisez. Il en va probablement très autrement avec un lecteur qui reste tout entier inclus dans l'insuffisance de sa propre lecture, et qui ne sait ni ne sent qu'il en souffre.
Je réponds à la fois à Jack et à Francmoineau. Il y a eu un siècle, en gros, de 1850 à 1950, où les progrès de l'instruction et la position de la presse et de l'édition comme médias de masse ont créé une littérature populaire, médiocre dans son ensemble, mais qui, comme toute littérature, avait ses chefs-d'œuvre. Aujourd'hui, c'est vraisemblablement sous forme de fiction télévisuelle que les masses consomment leurs histoires à dormir debout. Cela signifie qu'une grande partie des adultes, y compris dans la petite classe moyenne, ne liront jamais un livre. Défendre, comme je fais, le droit de lire des âneries, c'est donc aussi militer (un peu) pour la lecture populaire.

En même temps, je ne suis pas insensible à vos arguments. Le fait est que le gros des lecteurs « populaires » d'antan s'avérait incapable de dépasser le récit du type « La pluie poissait l'asphalte quand Mike poussa la porte du bar ». Et donc on a le droit de penser que lire cela ou ne rien lire du tout (et consommer l'équivalent filmique), cela revient un peu au même. Disons que le décliniste que je suis conserve un attachement peut-être un peu superstitieux à la forme littéraire. Quand il sera devenu complètement normal qu'un membre des professions intermédiaires ne lise jamais rien, à part peut-être un « gratuit » dont tous les articles font moins de 500 signes, nous aurons définitivement changé de civilisation.
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