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Bourgeoisie

Envoyé par Henri Rebeyrol 
25 juin 2011, 09:52   Bourgeoisie
Dans Parti pris, aux pages 296 et 297, Renaud Camus oppose deux témoignages opposés sur cette classe sociale qu'est la bourgeoise, ainsi que sur ses "valeurs", ce qu'elle a fait ou n'a pas fait ou ce à quoi elle croit ou a cru : celui, tout négatif, d'Aimée Coulaudon (la bourgeoisie de Clermont - celle dont Pascal (Blaise) est issu - est ou serait un "groupe humain" "méprisable", "bête", peu "cultivé", empli de "suffisance", et bien entendu tout confit en hypocrisie) et celui, neutre ou non négatif, de Renaud Camus lui-même : "C'est possible, nous n'avons pas vu les mêmes choses, ou pas rencontré les mêmes gens, et, pour ma part, je ne fréquentais pas grand monde".

De deux témoignages aussi opposés, il n'est guère possible de faire surgir un brin de vérité. En revanche, on peut s'interroger sur le témoignage d'Aimée C..., qui représente "l'éternelle pensée progressiste" - non pas sur la sincérité de ce témoignage (évidemment sincère), ni sur sa vérité (invérifiable), mais sur le discours ou les fragments de discours dont il est composé et dont il est aisé de repérer l'origine. C'est le discours critique de ces bourgeois du XIXe siècle et de la première moitié du XXe siècle, souvent artistes ou aimant l'art, et dont les représentants les plus connus sont Baudelaire, Flaubert, Maupassant, Monet, les Goncourt, les auteurs de théâtre de boulevard, Martin du Gard, etc. - bourgeois en rupture de bourgeoisie, qui ont dénoncé les innombrables pharisiens de leur classe : "bêtes", "méprisables", peu "cultivés", suffisants, tartufes, mauvais chrétiens qui n'adhèrent à la religion que comme bouclier de l'ordre social - l'ordre qui leur est ou serait favorable et qu'ils ont institué.

Ce témoignage, tout à fait dans la ligne doxique (d'où son apparence de vérité) est démenti par les faits. D'abord, la bourgeoisie (à laquelle, précisons-le, je n'appartiens pas) est une classe sociale qui a suscité en son sein des (auto) critiques virulentes : la critique de la bourgeoisie est venue en premier lieu de la bourgeoisie elle-même. Je doute que le prolétariat qui a ou aurait exercé sa dictature en URSS ou en Chine ait jamais exprimé la moindre critique contre lui-même et je ne suis pas certain que la petite-bourgeoisie dominante et mondialisée soit capable de porter le moindre regard critique sur elle-même. Ensuite, ce sont les bourgeois qui ont financé l'art, la poésie, la littérature, la musique, la peinture, l'architecture entre 1840 et 1950-60, et ils étaient bien plus éclairés que les petits-bourgeois des DRAC, des journaux ou des maisons d'édition parisiennes. Le bourgeois Caillebotte a financé ses amis impressionnistes; sans Clemenceau, Monet n'aurait sans doute pas connu la prospérité et la gloire qui ont été les siennes; sans les parfumeurs et les couturiers, les surréalistes n'auraient rien publié, etc. Au début du XXe siècle, des bourgeois se sont ruinés ou ont dépensé des fortunes pour aider et protéger des artistes; les petits-bourgeois de la fin du XXe siècle, Lang et alii, n'ont pas dépensé un moindre de leurs centimes pour favoriser les arts. S'ils l'ont fait, et pour déconstruire les arts ou les rabaisser, c'est avec l'argent des autres. Là est la grande différence entre De Gaulle et Mitterrand. Pendant près d'un siècle, de 1840 à 1940, la bourgeoisie triomphante a financé les recherches et les nouvelles techniques : photographie, cinéma, aviation, automobile, peinture, littérature, etc. et a inscrit la liberté d'expression (bien malade aujourd'hui) dans nos lois. Si l'on compare ce bilan à celui de la petite bourgeoisie, depuis trente ans, objectivement, le bilan de la première est cent, mille, dix mille fois plus important ou riche que le pauvre bilan de la seconde, qui s'évertue depuis trente ans ou plus à défaire ou déconstruire ce que la première a établi. Quant à la maîtrise de la tartuferie ou à la dissimulation que l'on peut en faire, je crains que les classes sociales dominantes aujourd'hui ne soient des maîtres et que les bourgeois de jadis ne soient de pauvres apprentis.

Il est une expérience littéraire à faire : réécrire Maupassant ou Mirbeau, qui, il y a plus d'un siècle, ont passé la bourgeoisie de leur époque au vitriol, en conservant les histoires, mais en les "actualisant", les situant, non plus en 1880, mais en 2010; transformer les bourgeois de leurs nouvelles et romans en petits-bourgeois socialos ou écolos ou bobos, communicants ou publicitaires ou journalistes; et asperger tout ça de vitriol. Au bout de quelques années, on entendrait sur cette classe sociale dominante les témoignages entendues sur la bourgeoisie de Clermont : un groupe humain bête, méprisable, suffisant, inculte, etc...
25 juin 2011, 13:09   Re : Bourgeoisie
Je suis entièrement d'accord avec vous , che JGL. Aujourd'hui ce qui distingue les prolos de la caste petitebourgeoise au pouvoir n'est plus la culture - ils ont la même - ni les manières, mais l'argent et lui seul.
25 juin 2011, 13:11   Re : Bourgeoisie
Oui, d'accord aussi.
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