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Les moutons ne reviendront plus

Envoyé par Thomas Rhotomago 
Bêê....
Utilisateur anonyme
03 juillet 2011, 20:15   Re : Les moutons ne reviendront plus
(Message supprimé à la demande de son auteur)
Personnellement, à part une forme de protectionnisme et surtout, le rétablissement de la banque de France dans son rôle de prêteur au trésor public pour financer les projets d'une "nouvelle donne", je ne vois pas d'autres solutions.
Pourquoi dites-vous que "du travail, il y en a de moins en moins à offrir" ?

Il ne me semble pas que ce soit du tout le cas.

Il y a beaucoup moins de travail de production, beaucoup plus de travail, comme on dit, à la personne.
Des travaux de domestiques ? Comment fait donc une nounou pour faire garder son propre enfant quand elle va garder celle d'un autre ?

Les travaux "à la personne" sont une belle fumisterie... Des mini-contrats, toujours précaires, qui ne payent rien du tout.

Le travail, en tant que principal agent de transformation du monde, est l'instrument politique par excellence. Mais comme nos politiciens ont abdiqué tout pouvoir, construire le pays de demain, ils s'en moquent. Ils laissent donc des millions de gens sans travail. Et le pays voit ses équipements (ou sont patrimoine historique) pourrir peu-à-peu.

Du travail, il y en a beaucoup, et il n'est pas limité. Ce qui le rationne, c'est que l'Etat a laissé aux banques privées le soin de le financer, tout en ouvrant bien grand les frontières pour être certains que les grosses boîtes délocalisent.
Bel démonstration par l'histoire de l'ineptie du libéralisme polémergisme.





Le système va-t-il s'effondrer faute de combattants ?
Les personnes âgées dépendantes, en avez-vous entendu parler ?


L'augmentation de la durée de la vie, pour prendre ce seul exemple, fait qu'il y en a à ce jour à peu près 800 000, et qu'il y en aura à peu près 1 200 000 dans trente ans. Une famille ne peut que très difficilement garder de telles personnes à domicile.

De la même façon, l'évolution de notre système de soin fait qu'il y a de plus en plus de personnels de "nursing" (je ne trouve pas le terme en français).
J'entends bien, Jean-Marc. Mais comment sont-ils payés ces "auxiliaires de vie" ? Par la sécu ? Mais s'il n'y a plus d'industrie ? Par la dette ?

Les familles devraient garder ces personnes à domiciles. Un pépé de 95 ans peut bien être gardé par une mami de 65 ans. C'est un simple renvoi d'ascenceur.

Les parents torchent les enfants quand ils sont jeunes.
Les enfants torchent les parents quand ils sont vieux.

Mais comme les familles se sont éparpillées aux quatre coins du pays, faute de travail en proximité, ça se complique.
Vous plaisantez, j'espère ?

Avez-vous entendu parler de ce qu'on nommait justement autrefois la "démence sénile" ? il est quasi-impossible de garder un tel malade à domicile, à moins de vouloir offrir un aller simple pour le cabanon à la dame de soixante-cinq ans qui le garderait.
Merde alors, privés de barbecue ! C'est encore la faute de Heidegger té, avec ses yeux toujours plus gros que le ventre, peut pas s'empêcher de fourrer ses grosses pognes de teuton lourdingue dans l'assiettée du voisin.
Vous voulez dire de méchoui ?
Ici on dit plutôt "mengel", qui est l’équivalent du barbecue. Le méchoui est l'animal entier cuit à la boche.
N'importe ! Heidegger le subtilisera aussi bien.
Heidegger en tenue de Raimu, prêt à jouer le pique-assiette au "mengel".



Et après :




Ach ! huit côtelettes, c'est tout de même légèrement écoeurant...
03 juillet 2011, 23:44   L'invitation à la philosophie
En tenue de Raimu, ach ! Le béret lui va bien, n'empêche, il offre ainsi une ressemblance frappante avec mon marchand de café de la Veille Ville, un chaleureux Arabe qui me reçoit toujours avec une moue d'exquise hospitalité, en français :
-Veuillez...
Utilisateur anonyme
03 juillet 2011, 23:48   Re : L'invitation à la philosophie
(Message supprimé à la demande de son auteur)
Didier, les odeurs qui règnent dans cette officine sont proprement affolantes !...
Didier,


Je comprends qu'avec vos deux saisons des pluies nantaises (la grande, qui va du 15 août au 14 juillet, et la petite, qui va du 17 juillet au 13 août), vous jalousiez les contrées où l'on peut "faire griller", comme on dit à Perpignan.

Tout n'est pas perdu : d'ici quelques années, grâce au non-réchauffement in-anthropique, le Marais poitevin sera une sorte de Sahara, et vos chevaux seront remplacés par des dromadaires (à propos desquels j'ai appris ce jour à la radio qu'ils avaient en fait deux bosses, comme quoi tout fout le camp).
Utilisateur anonyme
03 juillet 2011, 23:57   Re : L'invitation à la philosophie
(Message supprimé à la demande de son auteur)
Utilisateur anonyme
04 juillet 2011, 01:08   Re : Les moutons ne reviendront plus
Citation
Orimont Bolacre
Voici en résumé ce que je continue de supposer : oui, je continue à croire que la faim est l'aiguillon, pour ne pas dire le dard, du travail humain.

Orimont, dire que l'on travaille pour assouvir sa faim est, selon moi, du même ordre que dire que l'on vit pour respirer. Cela me semble absurde.

On ne peut travailler sans manger, de même que l'on ne peut vivre sans respirer. L'homme n'habite pas en gueux sur cette terre : il ne cherche pas qu'à boire et manger.

Donnez à manger à la plupart des hommes : ils travailleront encore. Acceptez-vous cela ?
Peut-être travaillent-ils aussi pour la gloire ?

Est-ce le désir de consommer qui guide l'homme, où sa recherche d'immortalité (au sens du banquet de Platon) ?

Pensez-vous que la concurrence soit l'alpha et l'oméga d'une économie fonctionnelle ?
Pensez-vous que la concurrence permette le plein-emploi ?
Un vieil homme est un homme qui a dîné et qui regarde les autres manger. - H. de Balzac

(Quand on n'a plus rien à lire, que l'on ne veut plus lire: se remémorer Balzac, se souvenir ainsi de l'ordre ordinaire du monde)
Personne, dans les pays développés, ne travaille "pour manger", en France, au Japon ou en Angleterre, ou dans cent pays, l'on se fait fort de travailler pour mille raisons autres que celle-là: le statut social, la fierté, le goût de voir du monde, d'aller dans le monde, l'appât d'une consommation superflue, la socialisation qu'elle induit, à quoi s'ajoute très souvent ce mal assez peu étudié: on travaille parce que le travail l'exige, d'une part, et par l'acceptation de cette exigence, parce que l'on ne peut ni ne veut s'abstenir de travailler car le travail est un bouclier, une arme pour combattre la dépression, la totale absence de goût de vivre pour vivre. L'on travaille parce que l'on ne peut pas faire autrement, parce que l'on est assujetti à cet éventail de raisons où le besoin alimentaire est absent. Les travailleurs mangent peu, c'est le travail qui les dévore. Et du reste, ceux qui ne travaillent pas sont nourris quand même par les autres, d'où l'on voit bien que des deux côtés l'alimentaire a été découplé du besoin de travailler.
Le mobile du travail est négatif: les gens travaillent parce qu'ils ne supportent ni l'existence ni le monde tel qu'il est. Le travail aliéné et aliénant permet l'abolition de celle-là, accessoirement l'amélioration relative et subjective de celui-ci. Le dégoût de la vie telle qu'elle s'offre dans la passivité, son caractère inacceptable rendent le travail indispensable.

Les incitations les plus puissantes à l'effort sont presque toujours négatives; plus personne ne fait d'effort pour un gain positif différé. Cela n'a plus cours. Dans la plupart des grandes métropoles asiatiques que je connais un peu, les travailleurs du tertiaire (hommes et femmes) trainent au bureau jusqu'en milieu de soirée pour ne pas regagner une vie de famille dans un logement exigü, surpeuplé, bruyant, mal climatisé; aussi, travaillent-ils pour ne pas rentrer chez eux; comme d'autres font la fête pour fuir la solitude d'un logement désert, eux travaillent, souvent seuls, pour échapper à la promiscuité de leur logement. Tout Hong-Kong fonctionne sur ce modèle. L'abrutissement rémunéré est bon pour faire passer la pilule de la vie. Plus les gens sont dans l'inconfort, plus ils travailleront dur, et cela certainement pas pour la carotte du confort différé, comme cela pouvait encore avoir lieu dans les sociétés en développement véritable il y a un demi-siècle, mais parce que la souffrance de l'effort est moins amère, mille fois moins que ne l'est la souffrance dans la passivité, dans l'inaction, l'insatisfaction subie dans l'immobilité. La mobilité, celle qui brasse du vent, a au moins le mérite d'aérer un peu son malheur.

Je ne comprends pas ce que font les gens quand ils ne travaillent pas disait Coco Chanel... Ce qu'ils font quand il ne travaillent pas ne mérite pas même d'être dit. Leurs amusements, tous leurs amusements sont envahis d'un dégoût si contagieux que pour y échapper, la bouée de sauvetage du travail offre un recours si évidemment salutaire qu'il ne resterait au-delà d'elle que le suicide pour la dépasser en efficacité.
Personnellement, je supporte très bien l'existence sans travailler : l'étude suffit à mon bonheur.
Si je travaille, c'est surtout pour offrir un avenir à ma descendance.

Le travail doit être fondé sur le concept de convivialité productive. C'est un dispositif ingénieux, une façon de convivre en société, qui doit être à la fois plaisante, pour une société sans stress, mais aussi productive, de manière à assurer les moyens de subsistance pour chacun. De plus, le travail est politique par excellence : toute transformation de la société nécessite le travail de ses membres. Par exemple, la création des réseaux d'eau et d'électricité a changé la vie de manière extraordinaire (plus besoin d'aller au puits, au lavoir, ou d'aller chercher l'huile pour alimenter la lampe). Ces transformations sociales bénéfiques n'ont pu être réalisées que grâce au travail et le fait qu'il fut orienté politiquement dans ces buts.

Las, le travail contemporain est fondé sur la concurrence, du fait du libéralisme polémergisme, ce qui produit un malaise social regrettable (suicides au travail). De plus, la politique s'est interdit de s'intéresser à son contenu, et se défend donc de l'orienter dans un sens qui porte la société à progresser, d'où la stagnation sociale actuelle.
Utilisateur anonyme
04 juillet 2011, 09:08   Re : Les moutons ne reviendront plus
(Message supprimé à la demande de son auteur)
L'invention du travail est Bénedictine (on a l'expression : un travail de bénédictin). C'est l'un des trois piliers de la règle de Saint-Benoît : la prière, le travail et la vie fraternelle.
Utilisateur anonyme
04 juillet 2011, 09:30   Effort de lecture
Citation
Orimont Bolacre
Citation
Henri Lesquis
(...) dire que l'on travaille pour assouvir sa faim est, selon moi, du même ordre que dire que l'on vit pour respirer.

Ah bon ? Vous mangez comme vous respirez ? Mes compliments.

[...] et que cela [se nourrir] n'a aucune espèce de rapport avec le fait de respirer...

Orimont, ai-je écrit que le fait de se nourrir avait quelque rapport avec le fait de respirer ? Ai-je comparé ces deux actions ou ai-je comparé deux affirmations ?

Orimont, si vous ne savez pas lire, en effet, nous ne nous accorderons jamais. Faites un effort de lecture, s'il vous plaît, et je poursuivrai cette discussion.

Puisque, visiblement, vous ne comprenez que les phrases excessivement simples, je reformule plus simplement ce que j'ai dit :

L'homme travaille, dès l'origine, pour bien d'autres choses que le simple fait d'assouvir sa faim — et ces choses ne se hiérarchisent pas !
Si je travaille, c'est surtout pour offrir un avenir à ma descendance.

Et si votre descendance refuse cette offre ? Vous verrez que vous continuerez à travailler, pour noyer ce déboire ordinaire et les mille autres qui s'agglutineront à celui-là, ou qui lui feront cortège. Personne ne sait véritablement pourquoi il travaille, personne n'ose se le dire. Les arguments que chacun avance sont des mythes, tel celui que vous venez d'énoncer.
L'expression "travail de bénédictin" vient du monument entrepris au XVIIIe siècle par les Bénédictins de la congrégation de St Maur, L'Histoire Littéraire de la France, continuée au XIXe siècle par l'Académie des Inscriptions et Belles Lettres.
Citation
Francis Marche
Francis,
Si je travaille, c'est surtout pour offrir un avenir à ma descendance.

Et si votre descendance refuse cette offre ?
Au moins, j'aurais fait ce qu'il faut et je n'aurais pas de regrets au crépuscule de ma vie.

Le seul vrai but, celui que la sagesse indique, celui qui fait sens, car la vie a un sens - de la naissance à la mort voire après -, est nécessairement au futur, et l'immédiat, cet continuel présent insaisissable n'a aucun intérêt.

Je travaille pour ma descendance, que je souhaite nombreuse (je vous souhaite de même, car c'est la seule parade au grand remplacement), je l'assume tout-à-fait.

Cela n'a rien d'un mythe. C'est l'amour et c'est très concret.

Florentin,
Merci pour la précision
Utilisateur anonyme
04 juillet 2011, 10:15   Le démon de la puissance
Citation
Francis Marche
Personne ne sait véritablement pourquoi il travaille, personne n'ose se le dire.

« Le démon de la puissance. Ce n'est pas le besoin, ce n'est pas le désir — non, c'est l'amour de la puissance qui est le démon des hommes. Qu'on leur donne tout, la santé, la nourriture, le logement, l'entretien, — ils demeureront malheureux et capricieux, car le démon attend et attend toujours, il veut être satisfait. Qu'on leur prenne tout et qu'on satisfasse le démon et ils seront presque heureux, — aussi heureux que peuvent l'être des hommes et des démons. Mais pourquoi répéterais-je cela ? Luther l'a déjà dit, et mieux que moi, dans les vers : « S'ils nous prennent corps et bien, honneur, femme et enfants : laissez-les faire, — le Royaume nous restera quand même! » Oui ! oui ! le « Royaume » ! »

Nietzsche, Aurore, 262

Qu'on l'appelle amour de la puissance, désir de gloire, de reconnaissance, de notoriété, d'estime, d'amour, désir de plaire, égoïsme, narcissisme, amour-propre, etc. — c'est une seule et même force qui pousse l'homme à « ne pas rester seul dans une chambre », pour paraphraser la célèbre pensée de Pascal.

L'Éden serait pour l'homme un enfer !!! — il faut sentir cela...
Le vrai démon, c'est l'amour, cupidon et la convoitise qu'il suscite. C'est la raison pour laquelle l'amour doit être pris en compte et assagit autant que possible. D'où la philosophie, la sagesse de l'amour (avant toute critique : l'islamophobie n'est-il pas la peur de l'Islam ?). La sophophilie, l'amour de la sagesse, qui est désir d'acquérir la puissance par la sagesse, c'est Faust.

L'Eden était bien un enfer pour l'homme, car il ne pouvait laisser libre-court à sa convoitise. C'est là la raison de sa chute, paraît-il.
Je connais, et je ne suis pas la seule, beaucoup de retraités qui ont des moyens très suffisants pour vivre sans rien faire mais qui ne le supportent pas. Certains font de la déprime et d'autres se flattent de travailler encore plus que du temps où ils étaient en activité. Beaucoup, cherchent, comme ils disent, à se rendre utiles.
Je ne sais quelle conclusion en tireraient les les principaux intervenants de ce fil.
Recherche d'une convivialité productive, source de contentement ?

Tendre fréquemment à faire, permet d'appliquer ses capacités créatives à des tâches concrètes, évite de rester dans l'abstraction, seul face à ses illusions.

Pour se sentir être, il faut faire. Ne plus faire, fait craindre de ne plus être.

Le retraité peut enfin être qui il veut, il en profite donc pour faire comme il veut.

Sommes-nous ce que l'on fait ?
Cassandre, j'en tire la conclusion que pour les retraités des classes aisées, il serait en fait beaucoup mieux qu'ils prissent la retraite plus tard : ils sont très souvent dans une excellente forme physique et intellectuelle, et la retraite à soixante ans est, dans ces conditions, un vrai gâchis.

J'ai assisté, voilà un an, à une réunion des chefs d'unité de l'organisme auquel j'appartiens pour la région sud-est. Cela s'est tenu dans une sorte d'hôtel varois (par sorte je veux dire quelque chose à mi-chemin de l'hôtel et du club de vacances). L'âge moyen des membres de notre groupe était vers les cinquante-cinq ans, avec bon nombre de personnes au-delà de soixante (les postes du sud sont en général occupés par des personnes relativement âgées).

Nous étions dans une vaste salle de réunion et, à la sortie, nous vîmes un groupe de retraités (mettons entre soixante et soixante-quinze ans) auquel des animateurs proposaient des "animations" bêtifiantes.

J'ai noté la surprise dans le regard des employés voyant que des gens de plus de soixante ans ressemblaient fortement aux personnes que la direction générale de leur groupe mondialisé expédie "sur le terrain" pour leur demander des comptes.

Quand j'ai commencé ma carrière, la limite d'âge pour les ingénieurs généraux était de soixante-douze ans, avec une augmentation possible si l'intéressé avait eu à soixante plus que je ne sais combien d'enfants dans je ne sais quelle situation.

En revanche, pour ce qui est des ouvriers, des employés à tâches pénibles (typiquement la caissière de supermarché), on devrait leur permettre de partir à soixante ans avec une retraite décente.
Les déboires n'attendront pas le crépuscule de votre vie pour en disperser le sens et vous obliger à en reconstituer un qui vous sera propre et qui remplacera celui qui vous est descendu, presque dès votre naissance, du collectif inter-social, mytologique et intertextuel, soit celui dans lequel vous êtes venu au monde, comme un "default setting", au sein duquel "travailler pour sa descendance" serait, en quelque sorte, un "réglage d'usine". L'héritage des pères, des anciens, de tous ceux qui nous ont précédés en modèle ou pour faire notre admiration n'est pas constitué de ce que l'on reçoit d'eux mais il advient dans et par que l'on fait à partir de ce que, d'eux, l'on a reçu. L'héritage se fabrique, seuls les ingrédients de cette fabrication nous sont légués. Vous en êtes encore à considérer que la boîte vide des mythes ("travailler pour sa descendance") est tout l'héritage. Vous ne connaissez pas encore votre propre mort, laquelle se vit à petit feu, et vous oblige à repenser le sens chaque jour un peu plus, chaque jour autrement, afin qu'au bout du chemin, si vous y parvenez, vous ayiez quelque chose, quelques ingrédients, modestes et épars, à "offrir" à vos fils. Le crépuscule de votre vie sera un outre-crépuscule: ce que vous êtes aujourd'hui, ce que vous croyez être votre vie, sera éteint bien avant.
Le sens de la vie, c'est mourir. Et je m'accroche à l'espoir d'y voir Dieu. C'est un pari que je tiens de Pascal !
Utilisateur anonyme
04 juillet 2011, 11:40   Re : Les moutons ne reviendront plus
(Message supprimé à la demande de son auteur)
Citation
Cassandre
Je connais, et je ne suis pas la seule, beaucoup de retraités qui ont des moyens très suffisants pour vivre sans rien faire mais qui ne le supportent pas. Certains font de la déprime et d'autres se flattent de travailler encore plus que du temps où ils étaient en activité. Beaucoup, cherchent, comme ils disent, à se rendre utiles.
Je ne sais quelle conclusion en tireraient les les principaux intervenants de ce fil.

L'art de ne rien faire était autrefois un privilège réservé à l'aristocratie. Tout le monde n'est pas aristocrate dans l'âme. Mais j'en connais, et je ne suis pas le seul, qui vivent bien de leur retraite d'inactif.
05 juillet 2011, 05:49   Goscinny et la métaphysique
Eh bé, en voilà un être-pour-la-mort, on va finir par se poser des questions...
» N'est-ce pas plutôt l'accès au monde comme possiblement "utilisable", qui caractérise un des aspects fondamentaux de "l'être-au-monde" humain ?

Cher Didier, on pourrait résumer cela en disant que ce qui caractérise l'humain est tout ce qu'il peut faire, tout ce qu'il a la capacité de faire... Dans un sens aussi élargi et général, c'est entendu, mais je crains que cela n'engage pas à grand-chose. parce que ces potentialités sont extrêmement diverses, non arrêtées, et parfois contraires entre elles : serait caractéristique de l'humain une singulière disposition à la paresse, à l'oisiveté etc., aussi bien, finalement.

Mais il y a surtout que l'accent mis sur de certaines potentialités définitoires réintroduit en douce, ou pas si doucement que cela, l'idée problématique de prédestination, et somme toute d'essentialisation de l'être, essence dont l'absence de réalisation produirait des "ratés", des manquements à quelque authentique vocation, témoin votre pénultième phrase sur la "perte".
Mas comment adhérer à cela sans croyance ?? Et l'on ne peut convaincre les gens de croire...

« Le triste savoir dont j'offre ici quelques fragments à celui qui est mon ami concerne un domaine qui, il y a maintenant bien longtemps, était reconnu comme le domaine propre de la philosophie ; mais depuis que cette dernière s'est vue transformée en pure et simple méthodologie, il est voué au mépris intellectuel, à l'arbitraire sentencieux et, pour finir, à l'oubli ; il s'agit de la doctrine de la juste vie (das richtige Leben). »

Adorno, Minima moralia


« Voyons maintenant ce que nous pourrions bien entendre pas l'expression : "la route absolument correcte". Je pense que ce serait la route que chacun devrait prendre, mû par une nécessité logique, dès qu'il la verrait, ou sinon il devrait avoir honte.
Similairement, le bien absolu, si toutefois c'est là un état de choses susceptible de description, serait un état dont chacun, nécessairement, poursuivrait la réalisation, indépendamment de ses goûts et inclinations, ou dont on se sentirait coupable de ne pas poursuivre la réalisation. Et je tiens à dire qu'un tel état de choses est une chimère. Aucun état de choses n'a, en soi, ce que j'appellerais volontiers le pouvoir coercitif d'un juge absolu. »

Wittgenstein, Conférence sur l'éthique

Quoi que vous en disiez, Didier, je ne peux me départir de l'idée que Heidegger est exactement écartelé entre ces deux termes, et qu'il s'est donc attelé à la tâche d'esquisser la possibilité (impossible possibilité) de la prédestination à la place vide, comme on dit d'un concept qu'il est vide.
Le creux entre "est déjà tout ce qu'il est" et "a toujours à être ce qu'il est" est cette place vide.
Utilisateur anonyme
05 juillet 2011, 20:50   Re : Goscinny et la métaphysique
(Message supprimé à la demande de son auteur)
Alors là, bien sûr que non... Bonne promenade cher Didier...
Utilisateur anonyme
05 juillet 2011, 22:40   Re : Goscinny et la métaphysique
(Message supprimé à la demande de son auteur)
» car il n'y a pas "Rien", là, ou alors un Rien qui est Tout, donc "Autre chose", mais c'est aller beaucoup trop vite en besogne, oublions cela pour l'heure.

Cher Didier, c'est la balle qui va très vite, et qu'il s'agit d'attraper au vol ; mais voilà, comment se saisir d'une chose dont il nous est répété à l'envi qu'elle ne se donne que par son retrait même ?
Finalement, vous me replacez dans mes petits souliers : le tour de main, le bonneteau, ".. la constatation de la récurrence d'un motif qui court tout au long du l'histoire de la pensée, schème intellectuel que l'on retrouve ici parfaitement optimisé, si j'ose dire : la positivation du creux par la ronde-bosse qu'il imprime dans le plein. "

Et toujours les escamotages ; il faudra bien qu'on se rende une fois sur place, et qu'on entreprenne enfin de saisir, à pleines mains, ce qui fait défaut, plutôt que de montrer ("l'homme est le montrant") la présence du défaut...
(Ce ne sont que quelques remarques à la volée, petit coup de mou...)
Utilisateur anonyme
08 juillet 2011, 09:57   Re : Goscinny et la métaphysique
(Message supprimé à la demande de son auteur)
Utilisateur anonyme
08 juillet 2011, 10:18   Re : Goscinny et la métaphysique
(Message supprimé à la demande de son auteur)
Utilisateur anonyme
08 juillet 2011, 12:53   Re : Goscinny et la métaphysique
Ô Didier, « le rassemblement des Quatre, comme lieu du Quadriparti », cela me rappelle de si beaux souvenirs de lecture du "dernier Heidegger" que je me dois de vous remercier de cette évocation quasi mystique...
Utilisateur anonyme
08 juillet 2011, 12:59   Re : Goscinny et la métaphysique
(Message supprimé à la demande de son auteur)
Utilisateur anonyme
08 juillet 2011, 13:09   Re : Goscinny et la métaphysique
Il n'y avait aucune trace d'ironie dans mon remerciement, Didier. Sachez-le.
Utilisateur anonyme
08 juillet 2011, 13:10   Re : Goscinny et la métaphysique
(Message supprimé à la demande de son auteur)
Citation
Didier Bourjon
P.S., en mode amusant : n'ayez crainte pour votre balle ! La seule dif-férence c'est qu'au lieu de "s'en saisir, à pleines mains", ou plutôt d'être tout entier saisi et requis par son mouvement apparent, il suffit de la "laisser être" comme telle, soit comme le rassemblement des Quatre, comme lieu du Quadriparti, et prolégomène d'une habitation repensée.

Ah mais, cher Didier, je n'ai aucune crainte pour la balle, mais bien plutôt pour le malheureux qui entreprendrait de la vouloir suivre et attraper.

« Ce que nous avons vu et pris, nous le laissons,
Ce que nous n'avons ni vu ni pris, nous l'emportons. »

Héraclite, Fragment LIX


(Peut-être n'est-il pas inutile de préciser que "les escamotages" et "les tours de main" ne visaient pas votre façon de faire, mais bien la conception des choses qui est en jeu, et qui précisément me paraît essentielle, dans l'effort d'une élucidation et d'une description aussi réaliste que possible de certaines structures fondamentales de la condition humaine, ou de "l'être-au-monde" si vous préférez. Autrement dit la citation de votre phrase n'avait rien d'évasif, c'était exactement le contraire, elle voulait centrer le débat.)
Utilisateur anonyme
09 juillet 2011, 02:40   Re : Goscinny et la métaphysique
Citation
Alain Eytan
« Ce que nous avons vu et pris, nous le laissons,
Ce que nous n'avons ni vu ni pris, nous l'emportons. »

Héraclite, Fragment LIX

Ah, ces vieux sophistes grecs... Ils tirent de leur sac deux ou trois antinomies et v’là t’y pas qu'ils vous pondent une vérité ! Je comprends maintenant pourquoi Nietzsche les aimait tant : ces sophistes avaient le pied léger, si léger... qu'ils se jouaient même des évidences !
À vrai dire, Henri, c'est d'après le même le jeu même qui se joue...

« Le temps est un enfant qui s'amuse, il joue au trictrac. À l'enfant la royauté. »
Fragment LII

Qu'on ne nous demande pas de prendre cela au sérieux, d'y voir du sens.

Il est vrai que mon état d'esprit, par ces chaleurs commençantes, est héraclitéen en diable, c'était un marrant, aussi :

« Un sot à chaque mot paraît hébété. »
Fragment LXXXVII
Utilisateur anonyme
09 juillet 2011, 07:34   Re : Goscinny et la métaphysique
(Message supprimé à la demande de son auteur)
Mais bien sûr, Didier, mal traduit, mal compris.
Et comment pourrions-nous ne serait-ce que le citer, en pensant avoir saisi quelque chose de ce qu'on lit, après tout ?
Bigre, vous ne doutez de rien.
Utilisateur anonyme
09 juillet 2011, 09:29   Re : Goscinny et la métaphysique
(Message supprimé à la demande de son auteur)
"αἰὼν παῐς ἐστι παίζων πεσσεὐων· παιδὸς ἡ βασιληίη."

Une autre traduction, peut-être un peu plus juste (toute traduction qu'elle soit...) : Le Temps est un enfant qui joue en déplaçant les pions : la royauté d'un enfant.
Utilisateur anonyme
09 juillet 2011, 11:25   Re : Goscinny et la métaphysique
(Message supprimé à la demande de son auteur)
Que voulez-vous dire, Didier ?
Utilisateur anonyme
09 juillet 2011, 11:49   Re : Les moutons ne reviendront plus
(Message supprimé à la demande de son auteur)
« Was sagt Heraklit vom αἰὼν ? Das Fragment 52 lautet: αἰὼν παῐς ἐστι παίζων πεσσεὐων· παιδὸς ἡ βασιληίη. Seinsgeschick, ein Kind ist es, spielend, spielend das Brettspiel; eines Kindes ist das Königtum - d. h. die ἀρχή, das stiftend verwaltende Gründen, das Sein dem Seienden. Das Seinsgeschick: ein Kind, das spielt.
Somit gibt es auch große Kinder. Das größte, durch das Sanfte seines Spiels königliche Kind ist jenes Geheimnis des Spiels, in das der Mensch und seine Lebenszeit gebracht, auf das sein Wesen gesetzt wird.
Warum spielt das von Heraklit im αἰὼν erblickte große Kind des Weltspieles ? Es spielet, weil es spielet.
Das «Weil» versinkt im Spiel. Das Spiel ist ohne «Warum ». Es spielt, dieweil es spielt. Es bleibt nur Spiel: das Höchste und Tiefste.
Aber dieses «nur» ist Alles, das Eine, Einzige.
Nichts ist ohne Grund. Sein und Grund: das Selbe. Sein als gründendes hat keinen Grund, spielt als der Ab-Grund jenes Spiel, das als Geschick uns Sein und Grund zuspielt.
Die Frage bleibt, ob wir und wie wir, die Sätze dieses Spiels hörend, mitspielen und uns in das Spiel fügen. »
Utilisateur anonyme
09 juillet 2011, 14:50   Re : Les moutons ne reviendront plus
(Message supprimé à la demande de son auteur)
Petit interlude à propos d'Héraclite.


LE MARCHAND. Et toi, mon cher, pourquoi pleures-tu, car je préfère causer avec toi ?

HÉRACLITE. Je regarde toutes les choses humaines, ô étranger, comme tristes et lamentables, et rien qui n'y soit soumis au destin : voilà pourquoi je les prends en pitié, pourquoi je pleure. Le présent me semble bien peu de chose, l'avenir désolant : je vois l'embrasement et la ruine de l'univers : je gémis sur l'instabilité des choses ; tout y flotte comme dans un breuvage en mixture ; amalgame de plaisir et de peine, de science et d'ignorance, de grandeur et de petitesse : le haut et le bas s'y confondent et alternent dans le jeu du siècle.

LE MARCHAND. Et qu'est-ce que le siècle ?

HÉRACLITE. Un enfant qui joue, qui jette des dés, qui saute à l'aventure.

LE MARCHAND. Et les hommes, qui sont-ils ?

HÉRACLITE. Des dieux mortels.

LE MARCHAND. Et les dieux ?

HÉRACLITE. Des hommes immortels.

LE MARCHAND. Tes discours sont des énigmes, mon cher, de vrais logogriphes : probablement, ainsi que Loxias [surnom d'Apollon] tu ne dis rien de clair [l'obscurité d'Héraclite était proverbiale : on lui donnait le surnom de skoteinñw, ténébreux].

HÉRACLITE. Je me soucie peu de vous.

LE MARCHAND. Aussi faudrait-il être bien sot pour te prendre.

HÉRACLITE. Moi, je vous ordonne à tous de pleurer à chaudes larmes, petits et grands, acheteurs ou non.

LE MARCHAND. Son mal se rapproche beaucoup de l'humeur noire ; je n'achèterai ni l'un ni l'autre.


EXTRAIT DE ZEUS TRAGÉDIEN * - LES SECTES À L'ENCAN ** - DE LUCIEN ***



(*) il s'agit d'un petit chef-d'oeuvre d'ironie, traduit ici par le poète Philippe Renault.
(**) saynète avec pour titre original Bion prasis - littéralement «Vies à vendre» -, dans laquelle Zeus confie à Hermès le soin de brader sur l'agora les grands noms de la philosophie qui, à ses yeux, se disqualifient tous à vouloir faire accroire aux humains qu'ils sont les maîtres de la vie heureuse et vertueuse. En les présentant à un marchand non prévenu, Hermès éprouve grand peine à en faire l'article.
(***) «le grand rieur de Samosate» comme le nommait Ernest Renan.
09 juillet 2011, 22:00   Wishful thinking
Mais après tout, sait-on seulement ce qu'est véritablement le temps, lorsqu'on emploie en français le mot "temps" pour en parler ?
Certainement pas. Le sens plénier, ultime, parfaitement originaire du mot nous échappe aussi bien dans notre propre langue ; pourtant en l'utilisant correctement dans des phrases bien construites, on fait mouche du premier coup.
La théorie de la signification de Quine soutient que nous apprenons notre langue maternelle comme une langue étrangère, sans que personne n'ait jamais pris soin de nous instruire sur le sens ultime des mots, parce que celui-ci n'existe tout simplement pas, tout le monde ayant appris à parler ainsi.
Aussi la question qui se pose est de savoir si, les équivalences de base étant données, la distance séparant le "temps" d'Héraclite du nôtre (ou l'une de ses "valeurs" ainsi rendue) est significativement plus grande que celle existant entre la plénitude de sens fictive de tel terme dans notre propre langue et la façon dont nous l'employons effectivement.

Comme la réponse à une telle question semble être indécidable, je propose de traduire "αἰὼν" par "temps" de façon tout à fait spontanée, et de faire mouche du premier coup.
Utilisateur anonyme
09 juillet 2011, 22:14   Re : Wishful thinking
(Message supprimé à la demande de son auteur)
Alain,

C'est comme cela que je voyais la traduction : soit on sait le grec, et on le sait suffisamment pour lire Héraclite dans le texte ; soit on ne le sait pas assez, et entre deux mots choisir le moindre : une traduction qui n'est peut être pas parfaite mais qui vaut mieux que pas de traduction du tout.

Les textes bibliques en grec utilisent aiónios dans le sens d'éternel, et aion pour des périodes comme celle couverte par le Nouveau testament, sauf erreur de ma part.
Jean-Marc, je pense que même si on sait le grec suffisamment, la compréhension que l'on aura du mot grec ne sera pas plus "parfaite" que sa traduction autorisée.
Parce qu'il n'existe pas de "compréhension parfaite".
Oui, c'est exactement ce que je veux dire. Je peux concevoir que quelqu'un de bilingue (anglais / français, mettons) "comprenne" directement. Pour le grec, je ne pense pas cela possible, celui qui sait le grec pourra tout juste faire des rapprochements avec d'autres lectures.
Utilisateur anonyme
09 juillet 2011, 23:13   Re : Les moutons ne reviendront plus
(Message supprimé à la demande de son auteur)
Eh bien moi, l'assentiment de Jean-Marc m'est précieux...
Utilisateur anonyme
10 juillet 2011, 09:14   Re : Les moutons ne reviendront plus
(Message supprimé à la demande de son auteur)
10 juillet 2011, 10:26   Vieille contrepèterie
Vous pratiquez les mots grecs, cher Jean-Marc ?
Utilisateur anonyme
10 juillet 2011, 12:09   Re : Vieille contrepèterie
(Message supprimé à la demande de son auteur)
Nintendo, cher Didier.

de /Nintendo Koppaï/ qui peut se traduire en français par "Laissons la chance au ciel".
Plus sérieusement :

« Ne te presse pas en déroulant le volume d’Héraclite l’Ephésien : ses accès sont escarpés. Son obscurité, ses ténèbres sont dépourvues de lumière. Pourtant, si un initié te guide, le livre te paraîtra plus clair que le plein soleil. »

Après avoir cité ces vers, Lucien Jerphagnon écrit que "nul n’est jamais si sûr de comprendre Héraclite qu’il s’estimerait fin prêt à endosser le rôle du guide".
Utilisateur anonyme
10 juillet 2011, 16:13   Re : Les moutons ne reviendront plus
(Message supprimé à la demande de son auteur)
Ombrageux.
Utilisateur anonyme
10 juillet 2011, 20:35   Re : Vieille contrepèterie
Citation
Didier Bourjon
A paraître bientôt : "Héraclite pour les Nuls" par Alain Eytan, préface de Henri Lesquis.
Traduction des fragments révisée par Jean-Marc.

Extrait :

"Contrairement à une légende tenace, Héraclite n'était pas surnommé "l'ombreux", mais le "comique involontaire" ; en effet, il n'était pas sérieux. Un exemple entre mille : il pouvait déclarer à qui voulait bien l'entendre "La météo est comme un gamin avec sa Nitendo ; un roi du jeu"

Utilisateur anonyme
10 juillet 2011, 21:12   Re : Vieille contrepèterie
Quelques scrupules m'assaillent maintenant... Je me souviens que Jean Clair déclara lors d'un entretien : « Je n'aime pas les jeux de mots ». Il dit là quelque chose qui me parle... En m'autorisant trop souvent ce genre de divertissement, je participe malgré moi au Grand Spectacle. La majesté et la hauteur en pâtissent. — Il me faut cesser ces amusements.
Citation
Francmoineau
À l'enfant la royauté » (« αἰὼν παῐς ἐστι παίζων πεσσεὐων· παιδὸς ἡ βασιληίη »), fragment qui peut être interprété comme l'affirmation de l'indéterminisme fondamental de l'Histoire, au sens où elle obéirait au caprice d'un enfant inconscient des conséquences de ses gestes chaotiques et immaitrisés.

Inconscient l'enfant, oui, peut-être, chaotiques et immaîtrisés ses gestes, possible, mais cette inconscience, ce chaos et cette non-maîtrise sont eux-mêmes aussi fondamentalement déterminés que les essais aberrants et infinis du "singe dactylographe" qui finira par écrire la Bible, et qui me paraît une autre illustration de l'enfant d'Héraclite...

Mais c'est un enfant qui joue. Vous en connaissez, des jeux sans règles ?
Utilisateur anonyme
10 juillet 2011, 22:49   Re : La diversitude est obligatoire
Citation
Alain Eytan
Citation
Francmoineau
À l'enfant la royauté » (« αἰὼν παῐς ἐστι παίζων πεσσεὐων· παιδὸς ἡ βασιληίη »), fragment qui peut être interprété comme l'affirmation de l'indéterminisme fondamental de l'Histoire, au sens où elle obéirait au caprice d'un enfant inconscient des conséquences de ses gestes chaotiques et immaitrisés.

Inconscient l'enfant, oui, peut-être, chaotiques et immaîtrisés ses gestes, possible, mais cette inconscience, ce chaos et cette non-maîtrise sont eux-mêmes aussi fondamentalement déterminés que les essais aberrants et infinis du "singe dactylographe" qui finira par écrire la Bible, et qui me paraît une autre illustration de l'enfant d'Héraclite...

Mais c'est un enfant qui joue. Vous en connaissez, des jeux sans règles ?

Cher Alain, je pense, cette fois, malgré votre lucidité certaine et souvent infaillible, que vous ne faites pas mouche. Il me semble que l'aspect fondamental du jeu dans le fragment d'Héraclite réside dans la liberté qui s'y joue, en tant qu'elle s'oppose aux règles.

Un enfant qui joue ne se soucie pas plus de ce qu'il fait que la rose ne se soucie d'elle-même : il est innocent (sans trait d'union) dans toute la grâce de ses gestes libres.

Faites-moi plaisir, écoutez Le badinage de Marin Marais [ ici ] — vous sentirez sans difficulté, délicat comme vous êtes, que ce qui fait l'essence du badinage, du jeu, est ce je-ne-sais-quoi de relâchement, de retrait, d'ivresse et de liberté qui se joue des règles elles-mêmes, les surpasse ou les anticipe (soyez attentif au rythme du badinage).
Pourtant, Henri, je ne vois réellement pas comment l'on pourrait dire d'une activité qu'elle est un jeu, si elle n'est pas constituée de règles. Ne pensez-vous pas que ce soient les règles qui définissent le jeu, qui le créent en tant que tel ?
Quel est cet "air de famille" commun à tous les jeux, dont parlait Wittgenstein dans les Investigations ?...
Comme il dit : "Ne pensez pas, mais voyez !" (c'est pour faire mouche encore une fois...)... Jeux de damier, de cartes, de balle, échecs, marelle : ils sont tous tributaires de règles bien précises, qui en font la spécificité. Ils délimitent une aire de jeu, temporelle et spatiale, et l'ordonnent.
Mais l'enfant est absolument jaloux des règles de son jeu, sinon ça ne va plus du tout... or que fait-il exactement là, à quel jeu se livre-t-il ? d'après les différentes traductions, trictrac, dames, pettie ; à mon sens, rien à voir avec le n'importe quoi et l’indétermination.
Mais de là à vouloir que ces règles soient en elles-mêmes sensées, que l’organisation nécessaire des choses soit elle-même orientée, c'est évidemment une autre question...

C'est une bonne idée, je vais de ce pas écouter Le Badinage...
Utilisateur anonyme
10 juillet 2011, 23:58   Re : La diversitude est obligatoire
Alain, que Wittgenstein s'intéresse au noyau de tous les jeux, à savoir les règles, cela ne m'étonne pas... Les logiciens n'aiment pas beaucoup choisir : la liberté les fait frémir... Croyez-moi, je les connais d'assez près. (Ils ont même inventé un axiome dit du choix qui leur évite de décider (je plaisante, la nécessité de cet axiome est ailleurs... mais passons.))

Tout jeu possède des règles — mais le jeu (en tant que pure action) en possède-t-il ? Mon chat s'amuse avec une balle en aluminium que je lui ai fabriquée : hormis les règles physiques auxquelles tout objet obéit, nulle règle pourtant. L'essence du jeu est là : la liberté d'agir ; la liberté d'agir en dehors des règles de la collectivité, même. C'est sur ce dernier point qu'insiste Roger Caillois dans l'appendice Jeu et sacré de L'homme et le sacré. Le jeu est un espace, certes réglé, mais situé hors du cours habituel des choses : c'est un espace où l'action ne porte pas (directement) à conséquence dans la collectivité. En ce sens aussi, la liberté est définitoire du jeu.

Enfin, faisons confiance à l'art français : que nous dit Marin Marais ? Écoutez l'ensemble des compositions du disque dont j'ai donné le lien. Qu'est-ce qui différencie Le badinage de toutes les autres compositions ? L'écart rythmique, l'anticipation, l'insaisissabilité du mouvement de l'archet fuyant le motif de la composition, etc. N'avez-vous pas senti l'ivresse dominer les règles ?
Le fait est, cher Henri, que la phrase : jouer en toute liberté est pour moi un oxymore. Vous ne jouez pas au jeu ! Cela ne veut pas dire grand-chose... vous jouez à tel jeu, et tous, comme vous l'avez dit, ont des règles particulières qui les définissent, les distinguent les uns des autres, et de toute activité hors jeu.
Il faudrait séparer ici la pratique régulée, qui est le jeu, de l'état d'esprit qui l'accompagne, éventuellement, l'amusement, etc.

À vrai dire, je me demande si l'aire de jeu et le comportement qui y est indiqué, selon les règles en vigueur justement, ne soit pas en fait bien plus astreignants que ce qui a lieu dans ce que vous nommez "le cours habituel des choses" ; ne pourrait-ce être justement cette contrainte nécessaire, dont la nécessité faisant corps avec les règles constitue le sens, qui rende le jeu sacré, car alors recelant sa nécessité et son sens en soi, ce qui est une des caractéristique du sacré : qui est cause de soi, conditionné par soi, et non par un élément extérieur ?

Pour en revenir à Wittgenstein, en tout cas, la notion de "jeu de langage" s'adosse effectivement à la notion de règle, et forme la colonne vertébrale de sa seconde philosophie : car c'est l'incorrection de qui est hors jeu que celle-là a pour tâche de relever, et peut-être de corriger, et il est impossible d'être incorrect sans règles.

Ce que vous décrivez avec Marais, n'est-ce pas l'art de donner l'illusion de la liberté ?... Tout un travail.
Utilisateur anonyme
11 juillet 2011, 02:27   Re : La diversitude est obligatoire
Citation
Alain Eytan
Le fait est, cher Henri, que la phrase : jouer en toute liberté est pour moi un oxymore.

Alain, vous, qui aimez Wittgenstein, ne pouvez balayer le bon sens d'un revers de main. Or le jeu d'un enfant est-il libre avant d'être contraint, ou contraint avant d'être libre ?

Qu'est-ce qui dérange dans le jeu, parfois trop insistant, des enfants ? — Les conséquences imprévisibles de l'exercice libre du jeu. Vous ne pesterez jamais contre un enfant qui joue calmement aux échecs, jeu totalement réglé. En revanche, vous pesterez contre l'excès ou les dérapages de son jeu : l'évenementialité qui heurte suppose la liberté.

Le fragment d'Héraclite, par le fait qu'il mentionne l'enfance du joueur, insiste sur l'aspect immaîtrisé, donc libre, de l'exercice du jeu.

L'enfant diffère de l'adulte en ceci que sa liberté n'est pas encore bridée par la médiation culturelle et l'assimilation de l'interdit, fruits de l'éducation — ce qui en dit long, soit dit en passant, sur "l'âge" de nos contemporains. Héraclite, choisissant l'enfant, surdétermine son concept de jeu par l'être-au-monde de l'enfant : innocent, libre et imprévisible.

« Arrête de jouer ! Concentre-toi maintenant ! » — c'est en ce sens de jouer qu'Héraclite compose son fragment, il me semble. Le jeu non bridé, libre, celui d'un chat, rapide, surprenant, instinctif, vif, innocent, animal — « poste, guet, bond ». C'est aussi le jeu des grands enfants, les maîtres de la guerre, qui imitent le jeu des fauves, comme l'a saisi Quignard : « Nous ne savons plus rien d'Amantius sinon que César lui adressa ces trois petits mots dissyllabiques – veni, vidi, vici – pour l'avertir de sa victoire sur Pharnace. Trois verbes qui disent la prédation pour ainsi dire muette des fauves : poste, guet, bond. » (Sur le jadis, Chapitre XLVII)

Citation
Alain Eytan
Ce que vous décrivez avec Marais, n'est-ce pas l'art de donner l'illusion de la liberté ?... Tout un travail.

Alain, ce n'est pas tant « l'illusion de la liberté [du jeu] » que Marais donne dans son Badinage*, que l'essence de la liberté du jeu, une allégorie faite musique, l'eidos musical de la liberté du jeu. La représentation musicale d'une détermination humaine — ici, la liberté du jeu — est selon moi bien plus qu'une illusion : c'est quasiment une définition musicale de la liberté du jeu, voyez-vous ? C'est en tout cas ainsi que je l'entends (l'amphibologie du terme est à propos). — Pour vous qui aimez la logique, c'est la différence entre l'instanciation (le dictum de omni... de la bonne vieille syllogistique aristotélicienne) et la généralisation : vous voyez la première lorsque je vois la seconde ; vous voyez, dans Le badinage de Marais, un exemple de liberté du jeu, une tentative d'expression illusoire de liberté du jeu, lorsque j'y vois une compréhension générale de cette même liberté du jeu, exprimée par une allégorie musicale.

* Une des compositions de Marais, dans ce disque, peut être comparée au Badinage, par l'audacieuse et périlleuse frivolité qu'elle exprime : il s'agit du Caprice ou sonate [ ici ] — le caprice "apparaissant" à partir de 2:12. Liberté du jeu et caprice ne sont que des variantes d'une même détermination de l'être-au-monde de l'enfance.
» Qu'est-ce qui dérange dans le jeu, parfois trop insistant, des enfants ?

Le bruit !

S'il s'agit de cache-cache, par exemple, il ne manquerait plus que le compteur commençât de chercher avant d'avoir consciencieusement fini de compter, ou alors c'est un petit vaurien de tricheur, tenu en piètre estime par ses camarades.
Et d'ailleurs on recommence alors...


» Le fragment d'Héraclite, par le fait qu'il mentionne l'enfance du joueur, insiste sur l'aspect immaîtrisé, donc libre, de l'exercice du jeu.

J'aime à le croiser avec le : Life is a tale... ; le côté atroce de la chose : un détestable morveux, capricieux, pervers et cruel intime sa loi, son ordre des choses, d'autant plus inepte qu'absolument contraignant. Impossible d'échapper à la contrainte de tels décrets inanes.

L'adulte, Henri, qui est le véritable enfant retrouvé, essaie péniblement de recouvrer un peu de liberté, en tentant de se hisser par-dessus la mêlée des nécessités.

Mais je ne balaye rien d'un revers de main, hein ; chacun son sens, soit-il bon ou pas...
Utilisateur anonyme
11 juillet 2011, 08:23   Re : Les moutons ne reviendront plus
(Message supprimé à la demande de son auteur)
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