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L’échec du multiculturalisme révèle les impasses du progressisme

Envoyé par Félix 
Voici un article que j'ai écrit pour le site Enquête et Débat, texte dans lequel j'ai repris certaines idées que j'avais déjà développées sur ce forum.


Les sociétés européennes traversent actuellement ce qu’on pourrait appeler une “crise du multiculturalisme” résultant d’un manque d’intégration de certaines populations extra-européennes (en particulier musulmanes) arrivées massivement et récemment sur le sol européen, ce qui occasionne de profonds bouleversements. Au-delà de la constatation des faits directement visibles, il est intéressant de comprendre les mécanismes qui ont d’abord permis la fragilisation des sociétés européennes de l’intérieur, et en quoi ils sont révélateurs des travers d’une certaine mentalité dite “progressiste”.

Le propre des diverses cultures humaines a toujours été d’introduire dans les rapports humains et les événements sociaux une part de symbolique. Se serrer la main, applaudir (ou siffler) à la fin d’un spectacle, respecter une minute de silence sont par exemple autant d’attitudes qui n’ont pas de signification intrinsèque mais uniquement symbolique dans une culture donnée. De la même manière, les événements collectifs (rencontres sportives, célébrations religieuses, fêtes) comportent également une part de symbolique, dont la portée dépasse souvent l’événement en lui-même : en se réunissant au même moment pour un même motif, on perpétue une tradition, on se rencontre, on partage des mêmes valeurs. L’ensemble de ces traditions, rites, usages que l’on connaît sans les avoir jamais appris explicitement constitue justement la culture, et est propre à chaque peuple, société ou groupe.

Dans toutes les civilisations et, à plus petite échelle, dans toute société, ethnie ou groupe (et c’est particulièrement visible dans les sociétés primitives), ces diverses usages aboutissent à la formations d’éléments structurés et institutionnalisés dont l’usage principal, bien qu’il ne saute pas forcément immédiatement aux yeux, est d’assurer la pérennité de la société en question, sa cohésion ainsi que sa protection face aux influences extérieures. Ces structures sont généralement mises à l’abri de la critique par un système de tabous, c’est-à-dire une censure interne que les membres du groupe ont inconsciemment intériorisée et qui fait que l’on s’interdit de remettre en cause ces symboles, car si on le fait, on contribue à mettre en péril l’édifice sociétal. Dans les sociétés européennes traditionnelles, c’était par exemple l’armée, l’Eglise, la police, la famille, le mariage, les traditions culturelles enracinées, le roman national, qui permettaient cette cohésion, et dont la critique était souvent difficile. Songeons qu’il y a quelques dizaines d’années, des artistes comme Georges Brassens ou Boris Vian avaient eu des ennuis pour des chansons raillant la police ou prônant la désertion, qu’avoir un enfant hors mariage était synonyme d’opprobre, qu’on pouvait interdire un journal (en l’occurrence l’hebdo Hara-Kiri) qui s’était moqué de la mort du général de Gaulle, ou qu’on faisait apprendre aux écoliers français une version idyllique de l’Histoire de France.


Une inversion des valeurs qui fragilise et transforme la société

Au fil des ans, le progressisme a, lentement mais surement, bouleversé en profondeur cet état de fait en lui faisant faire un virage à cent-quatre-vingt degrés. Tout ce qui fondait la société traditionnelle (religion, identité nationale…) est désormais soumis au feu nourri de la critique, dénigré, présenté non plus comme unifiant ou assimilateur mais au contraire comme étant excluant, discriminateur, désuet ou synonyme d’étroitesse d’esprit et de haine de l’Autre : le nationalisme est guerrier, la police est fasciste (“CRS-SS !“), l’Eglise est inadaptée à la modernité, l’assimilation est néo-colonialiste, l’identité nationale est raciste. Le progressisme a également évacué toute signification symbolique des rites sociaux au profit d’une analyse purement objective et rationaliste : par exemple, puisque le mariage n’est pas obligatoire pour vivre en couple et procréer, pourquoi se marier ? Or le mariage est également un symbole, un lien, l’occasion d’une cérémonie, c’est-à-dire de choses qui n’ont pas un apport immédiatement visible mais qui contribuent à créer un petit maillon de lien social ; cela, le progressisme semble l’ignorer complètement…

Dans le même temps, le tabou, c’est-à-dire ce à propos de quoi tout le monde a intériorisé l’interdiction absolue de formuler la moindre critique, protège désormais non plus ce qui pérennise la société, mais au contraire ce qui la transforme et contribue à l’abolir, en particulier tous les éléments d’origine extérieure à celle-ci (religion musulmane, cultures minoritaires, immigration, homosexualité, etc.). L’immigration est forcément une richesse, l’islam forcément une religion de paix, le métissage généralisé un horizon à atteindre, le multiculturalisme une harmonie, etc. Et gare à vous si vous osez dire que vous êtes contre, car vous vous exposez alors, au pire des cas, à des procès et une opprobre généralisée, et au mieux à une mise au placard, une ignorance polie, une discrimination de fait, même elle ne se définie pas officiellement comme telle.

Les progressistes (du moins certains) n’ont en effet pas pour seul but de défendre les groupes minoritaires ou discriminés (juifs, homosexuels, immigrés, femmes…) et les idées humanistes (laïcité, féminisme…) pour leurs valeurs propres : dans leur inconscient, il s’agit également d’abattre les sociétés traditionnelles occidentales et l’ordre ancien afin d’en construire de nouveaux, de faire table rase du passé (on rejoint là l’utopie marxiste), car ces sociétés ont tous les torts à leur yeux : elles sont archaïques, élitistes, machistes, homophobes, racistes, antisémites, intégristes, etc. Défendre le parti adverse permet donc de contribuer à renverser ces sociétés : être pour la laïcité est une façon d’être contre l’Eglise, être féministe permet de contester la société patriarcale, encourager l’immigration permet de transformer la population (à défaut d’avoir pu changer l’Homme, on change les hommes), défendre les pauvres est un moyen de lutter contre la bourgeoisie, etc. C’est dans ce cadre qu’il faut également voir la promotion du mariage homosexuel par les gens de gauche : c’est a priori incongru pour un progressiste de défendre une institution traditionaliste comme celle du mariage, sauf dans le cas du mariage homosexuel, car cela constitue une façon de désacraliser le mariage traditionnel en le mettant au même niveau, tout comme le multiculturalisme entend désacraliser la culture du pays d’accueil en la mettant au même niveau que les cultures étrangères venues s’implanter sur le territoire, ou que les expositions d’art moderne (Takashi Murakami, Jeff Koons, Bernar Venet) au château de Versailles permettent de désacraliser la culture classique en la mettant face au modernisme le plus provocateur et le plus désinvolte : souillure symbolique par contagion, désacralisation, subversion intégrale.

Dès lors qu’on a repéré cet état d’esprit sous-jacent, il est facile de comprendre pourquoi des laïcards virulents contre l’Eglise catholique se révèlent bien timorés face à l’islam, pourquoi des “vigilants” contre l’antisémitisme néo-nazi deviennent aveugles face à l’antisémitisme d’origine maghrébine, pourquoi des antiracistes refusent obstinément de voir en face le racisme anti-blanc, pourquoi des féministes restent silencieuses devant la condition des femmes musulmanes : tout simplement parce que ces atteintes aux droits qu’ils prétendent défendre proviennent cette fois-là non pas de la société traditionnelle qu’ils haïssent, mais au contraire des nouveaux peuples ayant vocation à la remplacer, et donc forcément meilleurs selon les progressistes, puisqu’ils sont les éléments contribuant à la transformation radicale de la société qu’ils appellent de leurs vœux.

Cette inversion complète des mentalités imposée aux individus ne peut que contribuer à fragiliser très grandement la cohésion de la société en question, puisqu’on est face à une idéologie qui favorise la critique de tout ce qui peut maintenir l’ordre ancien en place, et en même temps qui sanctuarise tout ce qui contribue à le mettre à bas en en interdisant toute remise en cause. Si, en plus de cela, vous mettez en place de façon concrète les éléments nécessaires à cette transformation (en s’ouvrant à l’immigration massive, en favorisant et glorifiant l’implantation de cultures et de religions minoritaires au nom de la “diversité”), vous ajoutez à l’ébranlement psychologique un délitement bien réel, les deux s’auto-alimentant puisque toute critique de ce changement est immédiatement réprimé par la police de la pensée. Les individus sont alors soumis à une sorte de dissonance cognitive (état désagréable entre la réalité et la perception qu’on en a) par exemple lorsqu’ils éprouvent une gêne légitime au vu de l’érosion de leur culture ou au remplacement de leur peuple et que dans le même temps, la pensée dominante leur a fait intérioriser l’idée selon laquelle émettre une telle idée était assimilable au mal absolu. Dans ce cas, le cerveau va tenter de sortir de cette situation désagréable par divers procédés : en relativisant, biaisant le réel, voire s’enfermant dans un déni généralisé (ce qui ne peut qu’accroître le problème au lieu de contribuer à le régler) ou, dans les pires des cas (heureusement assez rares), en basculant dans la violence aveugle (comme ce fut hélas le cas en Norvège).


Des valeurs de remplacement qui ne font pas vraiment leurs preuves

Cela dit, les apôtres du progressisme ont quand même prévu diverses créations destinées à pallier la destruction de tout ce qui structurait autrefois la société, mais ces créations ex nihilo proviennent presque toujours “d’en haut”, des élites, et sont imposées au peuple, tandis que celles des sociétés traditionnelles s’étaient lentement créées d’elles-mêmes au fil du temps, émanaient des individus et étaient enracinées dans une tradition, un terroir, une culture, ce qui leur donnait leur caractère unique. Les créations modernes, au contraire, sortent tout d’un coup de nulle part, n’ont pas d’enracinement et se fondent avant tout sur des idées abstraites.

Dans le cas des manifestations sociales, la vague de “festivisme” dénoncée par Philippe Muray à la fin des années 90 dans Après l’Histoire (comme par exemple la Fête de la Musique, originaire de France et exportée dans le monde entier, ce qui montre bien que ce genre de manifestation provient de la culture mainstream qui plaît à tout le monde quelle que soit sa culture) est censée servir de nouveau point de ralliement suite à la disparition des fêtes traditionnelles (bals populaires, etc.) ou religieuses. Le “Paris-plage” montre bien encore l’idée de subversion qui irrigue le progressisme (mettre la plage à la ville, ou faire se côtoyer les deux extrêmes opposés). Si les tentatives de manifestations comme les apéros “saucisson-pinard” ont suscité tant de haine chez les bien-pensants, ce n’est pas seulement parce qu’elles mettaient en lumière la veulerie des politiciens qui fermaient complaisamment les yeux sur les prières musulmanes illégales dans les rues (et qui continuent d’ailleurs à le faire), c’est aussi parce que le saucisson et le vin sont des symboles d’une identité culturelle traditionnelle française et non pas du modernisme comme le sont par exemple la Gay Pride Parade ou la Techno Parade, seuls genres de thèmes adoubés par le progressisme pour les rassemblement festifs.

Quant aux systèmes de valeurs proposés (multiculturalisme, “vivre-ensemble”), ils ont bien du mal à séduire étant donné qu’ils se basent avant tout sur des idées naïves et théoriques qui n’ont par définition, jamais été mis à l’épreuve des faits et dont on ne peut garantir les résultats. Ce n’est pas parce qu’on pense qu’il serait bien que différentes cultures puissent cohabiter harmonieusement que c’est ce qui se passe quand on met sur le même territoire plusieurs peuples très différents, dont certains n’ont parfois aucune velléité à tolérer la culture des autres ! Il ne faut pas confondre la société telle qu’elle est et telle qu’on voudrait qu’elle soit. Or la caractéristique de ceux qui implantent ces systèmes d’idées est justement qu’ils pensent qu’ils constituent un bienfait dans l’absolu et que toute critique à leur encontre ne peut émaner que de gens ayant des opinions haineuses ou un esprit fermé, ou que tout échec n’est pas dû au système en lui-même mais au fait qu’il aurait été mal ou insuffisamment appliqué.

On évoque à tort et à travers et on applique à tout et n’importe quoi des mots-concepts — qui semblent séduisants a priori — comme “citoyen”, “tolérant”, “métissé”, “valeurs républicaines”, “respect de l’autre”, mais sans jamais dire en quoi ils consistent concrètement, sans savoir comment ils s’appliquent sur le terrain ni quels en sont les tenants et aboutissants. Prenons par exemple le cas du “vivre-ensemble”. Dans un contexte assimilateur, cela signifie que c’est aux nouveaux venus de se plier aux règles de la société d’accueil. Dans un contexte multiculturel, “vivre-ensemble” signifie que c’est à la société d’accueil de tolérer tous les particularismes des cultures minoritaires (les “accommodements raisonnables”). Deux conceptions totalement différentes que l’expression “vivre-ensemble” en elle-même ne détaille pas, ce qui montre bien l’ambiguïté et la faiblesse de ces mots-concepts.

Mais cela aussi, et surtout, un système de valeurs qui est bien peu attractif et unifiant. Autrefois, on était prêt à mourir pour défendre sa culture, sa patrie, sa civilisation. Qui, aujourd’hui, serait prêt à mourir pour le multiculturalisme, c’est-à-dire pour défendre un système dans lequel sa propre culture ne vaudrait pas mieux qu’une autre ? La simple énonciation de cette question en forme de lapalissade suffit bien à mettre en évidence son absurdité…

Une société comme celle des Etats-Unis parvient à unifier des communautés très diverses grâce au rêve américain (liberté d’entreprendre, possibilité de s’élever rapidement dans l’échelle sociale) et a un fort nationalisme, deux choses qui existent assez peu dans les sociétés européennes, ou le multiculturalisme et les slogans bonasses sur la “tolérance” ne parviennent pas à créer du lien, bien au contraire, puisqu’ils entretiennent les peuples autochtones dans un autodénigrement systématique tout en incitant les nouvelles communautés à revendiquer leur identité et à se placer dans un statut de victimes perpétuelles, ce qui fait qu’on observe un manque d’intérêt de la part des nouvelles communautés pour la culture du pays d’accueil entraînant une disparition rapide de toute identité nationale, corrélée à la substitution démographique engendrée par les flux migratoires.


Savoir garder un équilibre et regarder la réalité en face

Loin de moi l’idée de vouloir revenir à l’ordre moral, au christianisme en tant que religion d’État, à la censure de ceux qui critiquent la police ou l’armée ou à la négation des valeurs universelles. Je pense simplement que certaines structures traditionnelles sont comme l’autorité : il n’en faut ni trop (sous peine d’étouffer), ni trop peu, sous peine de voir la société se déliter (d’autant plus que les nouvelles valeurs de remplacement n’arrivent pas vraiment à créer de liens solides). Or les progressistes négligent trop souvent ce second point, en ne voyant dans les structures traditionnelles qu’un symbole à abattre pour le bien de l’humanité sans penser aux effets pervers de cette disparition, et en pensant qu’une idée généreuse et tolérante sur le papier engendrera forcément un résultat harmonieux dans la réalité. Ils feraient bien de méditer ce que disait Claude Lévi-Strauss : « On a mis dans la tête des gens que la société relevait de la pensée abstraite alors qu’elle est faite d’habitudes, d’usages, et qu’en broyant ceux-ci sous les meules de la raison, on pulvérise des genres de vie fondés sur une longue tradition, on réduit les individus à l’état d’atomes interchangeables et anonymes. La liberté véritable ne peut avoir qu’un contenu concret : elle est faite d’équilibres entre des petites appartenances, de menues solidarités : ce contre quoi les idées théoriques qu’on proclame rationnelles s’acharnent ; quand elles sont parvenues à leurs fins, il ne reste plus qu’à s’entre-détruire. »

Le grand ethnologue qui, contrairement à ce qu’on pourrait croire, n’allait pas forcément dans le sens du vent qui souffle aujourd’hui à sens unique, déclarait également : « Sans doute nous berçons-nous du rêve que l’égalité et la fraternité régneront un jour entre les hommes sans que soit compromise leur diversité. Mais si l’humanité ne se résigne pas à devenir la consommatrice stérile des seules valeurs qu’elle a su créer dans le passé, capable seulement de donner le jour à des ouvrages bâtards, à des inventions grossières et puériles, elle devra réapprendre que toute création véritable implique une certaine surdité à l’appel d’autres valeurs, pouvant aller jusqu’à leur refus sinon même à leur négation. Car on ne peut, à la fois, se fondre dans la jouissance de l’autre, s’identifier à lui, et se maintenir différent. »

Là se trouve bien l’écueil des sociétés européennes actuelles (ou plutôt de leurs élites), qui tendent à penser que l’on pourrait s’ouvrir, se fondre totalement dans l’Autre jusqu’au reniement de soi. Les réactions des peuples européens à cet état de fait ne sont pas des preuves de racisme ou de fermeture d’esprit mais des signes d’inquiétude légitimes face à la perte de leur identité et à l’instabilité intrinsèque des sociétés multiculturelles qui sont en train de mener à des tensions sans cesse croissantes, résultat des utopies naïves de politiciens inconséquents.
"Dans le même temps, le tabou, c’est-à-dire ce à propos de quoi tout le monde a intériorisé l’interdiction absolue de formuler la moindre critique, protège désormais non plus ce qui pérennise la société, mais au contraire ce qui la transforme et contribue à l’abolir, en particulier tous les éléments d’origine extérieure à celle-ci (religion musulmane, cultures minoritaires, immigration, homosexualité, etc.).

Mettre sur le même plan "religion musulmane", "immigration" et "homosexualité" me paraît aberrant.

Quant à affirmer que ladite homosexualité est "extérieure à la société (européenne)"... Gide, Proust, Yourcenar, Genet, Cavafy, Cernuda, Lorca ou R. Camus etc. doivent être des écrivains mandchous.
Citation
Quant à affirmer que ladite homosexualité est "extérieure à la société (européenne)"... Gide, Proust, Yourcenar, Genet, Cavafy, Cernuda, Lorca ou R. Camus etc. doivent être des écrivains mandchous.

L'homosexualité-identité de la modernité tardive est absolument extérieure à la société européenne, du moins jusqu'au début des années soixante et est un phénomène, de toute facon, totalement inconnue dans toute l'histoire humaine.

Comme je l'ai dit à plusieurs reprises l'homosexuel n'existait pas en tant que tel puisqu'il s'agissait d'hommes et de femmes qui se mariaient et qui avaient des enfants et vivaient normalement comme le reste de la population ( à quelques exceptions près, dans les couvents et cloîtres, p.e.) et qui en aucun cas se considéraient eux-mêmes comme différents.

On notera d'ailleurs que tous les gens que vous nommez, cher Kiran, sont quasiment nos contemporains.
"Comme je l'ai dit à plusieurs reprises l'homosexuel n'existait pas en tant que tel puisqu'il s'agissait d'hommes et de femmes qui se mariaient et qui avaient des enfants et vivaient normalement comme le reste de la population ( à quelques exceptions près, dans les couvents et cloîtres, p.e.) et qui en aucun cas se considéraient eux-mêmes comme différents."

Sans souci de polémique, et sans m'aligner sur toutes les positions des universitaires spécialisés dans les gender studies, c'est bien l'intérêt de ces études de montrer qu'il y a eu, au cours de l'histoire des sociétés européennes, des sous-cultures "homosexuelles" (voir les livres de Boswell sur le moyen âge), qu'il est possible de lire dans des oeuvres antérieures au 20ème s. l'expression d'une différence ou d'une singularité "homosexuelles" (ou homophiles), donc que cette différence a bien été perçue même si aucun mot précis ne la nommait encore.

Je me suis beaucoup intéressé à la poésie dévotionnelle de l'Inde. Un poète du XVIème s. comme Chatainya qui a vécu de longues années avec un autre poète plus jeune que lui, Jagannath Das, et qui a même formé avec lui une sorte de couple, n'était évidemment pas "homosexuel" au sens moderne, encore moins gay. Il n'en est pas moins vrai qu'il a eu conscience de sa "différence" et que la société de l'époque a eu aussi cette conscience puisque les deux amis et presque à coup sûrs amants ont du mener assez longtemps une vie d'errance.
Cher Kiran,

Je ne veux pas pour ma part polémiquer mais rester à l'intérieur d'un cadre clair et bien défini.

Je n'ai pas dit que l'homosexualité n'existait pas mais je prétends qu'elle n'était pas reconnue socialement comme une forme spécifique de mode de vie..

Par contre je suis à cent pour cent d'accord avec ce que Christian Combaz écrivait ici même le 21 janvier 2011.


Citation
En outre et c'est sans doute là que l'argumentation érudite de Renaud (sans parler de son expérience) serait la plus raffinée et la plus pertinente, un contrat social clandestin existe dans l'Occident chrétien entre les homosexuels et la population générale, ils sont depuis des siècles à la croisée des chemins, des influences, ils ont décoré les églises, levé des armées (Eugène de Savoie, Lyautey) composé les hymnes, tenu les orgues à la Madeleine, dirigé le Philarmonic de Berlin ou le Metropolitan de New York, composé West Side Story, la Recherche, etc, tous les gens de goût et d'honneur le savent...
Je crois que Combaz se trompe ou plutôt simplifie et exagère, ou pèche par optimisme. Oui, des homosexuels ont "décoré des églises, levé des armées, composé des hymnes, etc." Mais beaucoup aussi ont été pourchassés, arrêtés, emprisonnés, torturés, brûlés. Beaucoup, pas tous.

Dire que l'homosexualité "vécue comme un mode spécifique de vie", parce que c'est une nouveauté en Occident, est un fait extérieur à la culture européenne est enfermer cette culture dans une définition figée, "essentialiste".

De toute façon, chacun peut se rassurer : la nuit revient.
N'allez pas si vite en besogne car la nuit n'est pas encore revenue.

Citation
Mais beaucoup aussi ont été pourchassés, arrêtés, emprisonnés, torturés, brûlés. Beaucoup, pas tous.

Cher Kiran,

Vous êtes vraiment génial et merci de me livrer clefs en main l'argumentation qui annihile votre allégation comme quoi l'homosexualité n'aurait pas été extérieure "socialement" à l'occident.
Merci, cher Rogemi, de reconnaître ma génialité. Vous me faites trop d'honneur.

L'homosexualité, en effet, a pu paraître socialement "extérieure" à certaines des valeurs (religieuses d'abord) de l'Occident ; mais, cet Occident, elle l'a en même temps profondément nourri à travers une multitude d'oeuvres ; et c'est de cet Occident qu'est sortie au XXème s. sa reconnaissance sociale progressive ; c'est donc qu'elle ne lui était pas, qu'elle ne lui est pas si étrangère que cela.
Les Juifs ont été longtemps opprimés ou persécutés en Occident. Oserait-on affirmer que le judaïsme, la culture juives sont extérieures à l'identité européenne ?
Citation
Les Juifs ont été longtemps opprimés ou persécutés en Occident. Oserait-on affirmer que le judaïsme, la culture juives sont extérieures à l'identité européenne ?

Lentement vous aggravez votre cas cher Kiran. Vous faites des comparaisons totalement indûes.

De toute facon les juifs furent trés longtemps considérés comme extérieurs, comme étrangers à l'Europe et ils en furent chassés.
Non, mon cher Rogemi, je n'"aggrave" pas mon cas. Juifs et homosexuels sont à la fois en position de marginalité par rapport au courant majeur de la culture européenne et au coeur de celle-ci. Que serait le patrimoine artistique de la Renaissance sans les fresques de la Chapelle Sixtine et les Esclaves de Michel-Ange, le Jean-Baptiste de Léonard ou l'Ange du Matthieu du Caravage ? Et que seraient ses oeuvres sans les goûts particuliers de leurs auteurs ? Je n'ai pas le temps d'en dire plus, je dois partir travailler.

Je partage pour l'essentiel l'avis de Florentis. Définir rigoureusement l'identité d'une culture nationale ou continentale est presque impossible et au fond assez peu intéressant. Toute culture est multiple et contradictoire. Tout dépend du point de vue que l'on adopte. Oserait-on dire qu'Allen Ginsberg était moins "américain" que Ronald Reagan ?
Cher Kiran,

Je vous trouve vraiment fascinant.

Comme disait l'autre: "Le pire sourd est celui qui ne veut pas entendre".

Entre votre passion pour la victimisation des homosexuels et les anachronismes avec lesquels vous discourez sur l'histoire le dialogue avec vous est difficile. Mais ce n'est pas nouveau.

Comment pouvez-vous mettre sur le même plan Allen Ginsberg avec Michel-Ange ?
Mon très cher et éminentissime Rogemi,

Grand merci de me trouver fascinant. C'est aussi mon avis.

Le problème, c'est que, pour certains hétérosexuels (je ne vous y range pas et d'ailleurs vos propres préférences ne me regardent pas !), dès qu'un achrien ou même un non-achrien ose rappeler certaines vérités, certains faits du passé, certaines oppressions ou humiliations subies, c'est nécessairement un discours victimaire. C'est en fait une sorte d'intimidation, d'injonction au silence. Et s'il fait des propositions pour que ces oppressions ne reviennent pas (rassurez-vous, elles reviendront ; tout au plus peut-on les retarder) , il tient un discours totalitaire.

Loin de moi de mettre "sur le même plan" Michel-Ange et Ginsberg.

Je voulais juste dire : toute identité nationale est multiple et contradictoire. Il y a peu de points communs entre Ronald Reagan et Allen Ginsberg. Or ils représentent l'un et l'autre un aspect de la civilisation américaine du XXème siècle, et il serait absurde de dénier, au nom de l'autre, l'"américanité" de l'un.
Citation
C'est en fait une sorte d'intimidation, d'injonction au silence. Et s'il fait des propositions pour que ces oppressions ne reviennent pas (rassurez-vous, elles reviendront ; tout au plus peut-on les retarder) , il tient un discours totalitaire.

Allons, allons pas de paranoia car pour l'instant on est très loin d'un retour des oppressions, bien au contraire, et qui d'ailleurs ont été en France assez douces.
dès qu'un achrien ou même un non-achrien ose rappeler certaines vérités, certains faits du passé, certaines oppressions ou humiliations subies, c'est nécessairement un discours victimaire. C'est en fait une sorte d'intimidation, d'injonction au silence. Et s'il fait des propositions pour que ces oppressions ne reviennent pas (rassurez-vous, elles reviendront ; tout au plus peut-on les retarder) , il tient un discours totalitaire.

Voyons, Kiran, vous faites allusion à un article [www.lemonde.fr] qui fait le constat que le vieil argumentaire homophobe n'a plus cours (« les vieux raisonnements homophobes (chute de la natalité, dépravation, diffusion de maladies…) ne sont quasiment plus utilisés. »), qui en déduit de façon paradoxale qu'oppression il y a quand même, mais que le combat se porte désormais sur un autre front, celui de l'essentialisme (« cette représentation ancestrale que les femmes et les hommes disposeraient chacun d'une essence propre »), et qui conclut que la libération passe par l'indistinction obligatoire, la différence sexuelle (la différence biologique) devant être abolie (« depuis des millénaires, cette différenciation permanente entre le masculin et le féminin, entre les hommes et les femmes, a toujours servi à l'oppression de ces dernières »)

Et vous vous étonnez que vos interlocuteurs trouvent à une proposition aussi radicale, bâtie sur des fondations aussi frêles, des relents totalitaires ?

C'est à la lettre l'argumentaire des anti-racistes dogmatiques (et le parallèle est fait explicitement par Mme De Haas : « la question essentialiste se pose aujourd'hui pour le sexe mais elle n'est pas très éloignée de celle que l'on pouvait se poser il y a un siècle ou deux sur la couleur de peau»). Aucune étude empirique ne permet de mettre en lumière une recrudescence du racisme (l'histoire des CV anonymes a même révélé un déséquilibre systémique en faveur des populations allochtones). Mais cela ne fait rien, le racisme existe quand même. Simplement, il est caché. Le cas échéant, il se confondra avec le simple constat de la différence (si vous la constatez, vous faites de l'essentialisme), cette différence qui, en toute contradiction, sera revendiquée par les intéressés. Résultat, vous vous retrouvez devant une femme strictement voilée, qui refuse de serrer la main aux hommes, mais vous n'avez pas le droit de le relever, si vous le relevez, vous êtes raciste. L'attitude qui vous est prescrite, la seule attitude permise, c'est que vous fassiez semblant de ne pas voir qu'elle est voilée (elle s'habille comme elle veut, c'est sa  « liberté »), et que vous mettiez honteusement dans votre dos, ou dans votre poche, cette main que vous lui avez tendue et qu'elle a refusé de serrer. C'est vous le salaud, vous êtes dans une situation suffisamment fâcheuse, n'aggravez pas votre cas.

C'est du totalitarisme.
Mon cher Florentin, j'y cours de ce pas.
"Allons, allons pas de paranoia car pour l'instant on est très loin d'un retour des oppressions..."

Rêvé-je ou y a-t-il dans cette phrase l'ombre d'une ombre d'une nostalgie ?
«Rêvé-je ou y a-t-il dans cette phrase l'ombre d'une ombre d'une nostalgie ?»

Rêvé-je ou y a-t-il dans cette phrase l'ombre d'une ombre d'une paranoïa ?
Kiran,


Vous allez être surpris, mais ayant été un jeune homme dans les années 70, et sortant de ma province natale pour vivre à Paris, j'avais trouvé dans cette vie un peu "opprimée" au sens actuel bien des charmes.

Je me demande si la libéralisation à tout crin est réellement une bonne chose. Il se peut que le soleil de midi ne soit pas le meilleur éclairage pour des activités lucifuges.
Citation
Francmoineau
C'est l'armée des ombres !...

Et dans la quatrième à Belmont, entrainée par Bourjon et montée par Veron, "L'Ombre" gagne ! (voir Journal).
Citation
Je me demande si la libéralisation à tout crin est réellement une bonne chose. Il se peut que le soleil de midi ne soit pas le meilleur éclairage pour des activités lucifuges.

Tiens ca me rappelle un texte dans lequel Philippe Muray regrettait le temps où les homosexuels vivaient dans le négatif.
N'est-ce pas Ahmanidejad qui affirmait, naguère, qu'il n'y a pas d'homosexuels en Iran ? Le chiasme est intéressant et mérite qu'on s'y arrête :
Le politiquement correct défend à la fois l'Islam en Europe et les identités fluides ; le politiquement incorrect est plutôt islamophobe et identitairement rigide...
(Message supprimé à la demande de son auteur)
Ce chiasme est formulé par Richard Millet, en termes d'islamophobie assumée :
"Tout en haïssant l’islamisme, j’abhorre à peu près les mêmes choses que lui." ("L'Opprobre")
"Identité fluide", "identité rigide", sont pour moi des termes descriptifs, et non normatifs. Ils désignent assez précisément les philosophies ou les idéologies (à vous de choisir) de l'identité qui s'opposent aujourd'hui.
Je croyais que nous étions d'accord là-dessus. Le terme d'islamophobe est une supercherie, un piège mal ficelé. Le suffixe phobe connote des états pathologiques. Claustrophobe, agoraphobe, phobie des serpents, des araignées, des souris... l'Islam serait-il une créature du diable ? En réalité, l'Islam a la phobie de toute critique, historique, politique, théologique, morale, littéraire... ça fait beaucoup !
"Tout en haïssant l'Islam..." écrit Millet. Ne jouons pas sur les suffixes grecs, je vous en prie. On a le droit, en démocratie, de haïr un corps de doctrine religieuse, non ? Et il est aussi légitime d'appeler cette haine "islamophobie".
Cher Bruno, le recours à l'étymologie n'est pas pertinent, l'usage répandu se prête à la supercherie que je ne suis pas le premier ni le seul à dénoncer. Faut pas prendre des enfants du Bon Dieu...
Quel suffixe utiliseriez-vous pour dire la détestation ?
(Message supprimé à la demande de son auteur)
Bruno,


Pourquoi vouloir un suffixe ?

Dites-vous des enfants qu'ils sont épinardophobes ?

Celui qui n'aime pas les imbéciles est-il un conophobe ? un socialiste est il sarkophobe ?

Sinon, comment nommez-vous un chaud partisan de l'islam ? un islamophile ? vous voyez bien que non...
Cher Bruno,
je peine à comprendre l'expression "identité fluide".
En effet, il me semble que :
- parler de l'identité de deux choses, désigne le fait qu'elles soient identiques.
- parler de l'identité d'une chose, désigne les caractères qui restent identiques à travers le temps pour cette chose.

Par exemple, l'on vérifiera l'identité d'une personne par ses empreintes digitales, car elles ne changent pas avec le temps.

Cher Florentin,
Le suffixe -phobe est aussi abondamment employé en science pour désigner une substance qui ne se mélange pas à une autre.

Par exemple, l'huile est une substance hydrophobe. Elle ne se mélange pas à l'eau. Tenter de mixer eau et huile produit une émulsion temporaire, qui finit par tourner : les deux substances se séparent naturellement.

Islam et christianisme sont mutuellement phobiques. Les populations tendent à vivre séparées, et le mixage-métissage ne semble pas pouvoir produire une substance nouvelle (un syncrétisme).

Il faut partir des faits historiques. Au Liban, par exemple, les communautés sont restées séparées malgré des siècles de coexistence.

Il n'y a donc aucun piège, à mon avis, dans le terme islamophobe. Celui-ci est bien construit. Après tout pourquoi devrait-on contraindre les gens à vivre selon une culture qu'ils n'aiment pas ?

Cependant, j'admets que ce terme d'islamophobe est lourd à porter. La torture en place publique de tous ceux affublés de cette étiquette, en version moderne, à savoir être ridiculisé et diabolisé sur les plateaux de télévision devant quelques millions de spectateurs, n'est pas pour rien dans cette crainte d'être désigné ainsi.
Alors selon vous, Florentis, quand on aime une vénus callipyge on est un chien enragé, car le lipophile est souvent hydrophobe ?
Mais je n'assume pas "identité fluide" du tout... Je trouve qu'ils s'agit là d'une désignation toute idéologique. Mais entre guillemets, elle est tout à fait exacte. De même "identité rigide" ou "unique". Un Edouard Glissant parlerait de "l'identité-rhizome" et de "l'identité-racine", ou quelque chose de ce genre... Je ne penche ni pour l'une, ni pour l'autre, car le débat sur l'identité est tout ce qu'il y a de plus idéologique dans le contexte actuel. Si l'on voulait faire preuve d'un minimum d'intégrité intellectuelle, il faudrait se lancer dans une exploration philosophique des techniques sur le concept d'identité. Ce n'est pas "le métissage" d'une part ou la "France de souche" de l'autre qui nous y aideront. L'identité n'est ni "rigide" ni "fluide". Je ne sais pas ce qu'elle est.
Le fanatisme a la phobie de l'esprit critique, il préfère accuser au lieu de répondre.
Le fanatique, crisimophobe ? (κρίσιμο = critiques).
Mais, au temple, le blasphème est prohibé !
"Tout en haïssant l’islamisme, j’abhorre à peu près les mêmes choses que lui." ("L'Opprobre")

Tournure d'esprit inconfortable et retournable à merci.

D'autres en seraient à la souffrir en ces termes : "Tout en haïssant le pétainisme, je dis à peu près les mêmes choses que lui."
Et pourtant, ne trouve-t-on pas d'intimes connivences entre certaines positions, notamment vis-à-vis de l'homosexualité, et l'islamisme ? Rogemi évoquait une sorte de gêne à l'idée que l'homosexualité soit, depuis les années soixante, un phénomène reconnu. N'est-ce pas la même gêne qu'éprouve un islamiste ?
(Message supprimé à la demande de son auteur)
Pour ma part, j'ai adopté islamofuge.
(Message supprimé à la demande de son auteur)
Didiers,

Effectivement, islamofuge, c'est très bien.

L'homosexualité promue de fil en aiguille, je n'y avais pas pensé... à la réflexion, l'un dans l'autre, c'est possible.
(Message supprimé à la demande de son auteur)
Oui. Il est vrai que ce nouveau sujet des transgenres permet d'élargir le cercle étroit de nos participants.
Citation
"N'est-ce pas la même gêne qu'éprouve un islamiste ?" : je ne peux pas parler pour Rogemi (à sa place je serais fâché...), mais je suis assez stupéfait par ces parallèles que l'on veut faire à toute force, qui représentent d'incroyables facilités, et entraînent un écrasement de la vérité insupportable.

Oui Didier j'ai été choqué par cette comparaison mais il m'a semblé que Bruno n'était pas au meilleur de sa forme car il ne m'a pas bien lu et et en plus j'ai ce samedi des artisans à la maison et mon esprit vadrouille dans d'autres sphères.

Citation
une passion revendicative et une envie du pénal afférentes, une volonté paradoxale d'être plus normal que le normal, ce qui est autre chose, et ne relève pas que du simple retour de balancier bien compréhensible.

Oui le renoncement complet au négatif...
Mais le parallèle est établi par Richard Millet, qui déteste ce que déteste l'islamisme. Richard Millet est à bien des égards une voix amie du P.I., le nieriez-vous, cher Didier Bourjon ? Relisez "Chers djihadistes", de Muray, vous verrez que, comme Millet, Muray condamnait le déclin de l'Occident (il n'en justifiait pas pour autant l'islamisme, loin de là !) mais pouvait conclure son pamphlet par "Nous vaincrons parce que nous sommes les plus morts." Certes, il renvoyait islamisme et hyperdémocratie dos à dos...
Je relevais simplement un chiasme, un paradoxe à résoudre, car je m'y retrouve moi-même, plus souvent qu'à mon tour, cher Didier Bourjon et cher Rogemi. Pourquoi ai-je tendance, sinon à "détester", du moins, comme un Muray ou un Millet, à diagnostiquer un déclin de la culture dans nos hyperdémocraties, et pourquoi ce diagnostic se trouve être proche de celui des extrémistes religieux, islamistes, Juifs orthodoxes, ou chrétiens ? Alors que je ne suis rien de tout cela... Je ne faisais que solliciter les lumières des intervenants. Il n'y avait rien de piégé dans mes remarques, et je regrette que vous les ayez interprétées comme des sarcasmes.
(Message supprimé à la demande de son auteur)
D'accord avec vous, cher Didier Bourjon, sur la notion d'identité. J'aime tout particulièrement la manière dont Renan définissait la nation, à savoir comme un récit commun et une volonté commune. Cela vaut pour l'identité, bien que la question de l'identité sexuelle ne relève pas seulement de la narration (à moins de tomber dans les travers de la théorie du genre à la Butler, justement), et qu'il y va, là, précisément, d'un donné irréductible (il me semble) et non facultatif.
Citation
Bruno Chaouat
Pourquoi ai-je tendance, sinon à "détester", du moins, comme un Muray ou un Millet, à diagnostiquer un déclin de la culture dans nos hyperdémocraties, et pourquoi ce diagnostic se trouve être proche de celui des extrémistes religieux, islamistes, Juifs orthodoxes, ou chrétiens ? Alors que je ne suis rien de tout cela...

Parce que, si je puis me permettre une tentative de réponse, la culture est liée au culte — ce qu'explique Jean Clair —, au détour syntaxique, lequel est lié à une forme d'abandon de son "petit soi" — ce qu'explique Renaud Camus — et au courage (à la puissance paternelle, à la virtus romaine, au style (donc à l'érection), à la prédation, à l'imitation du moment hardi qu'est le bondissement des fauves (par exemple, le courage d'un Dürer : Dürer est celui qui sait retirer sa main avant le trait de trop. écrit Quignard), à la guerre) — ce qu'explique Pascal Quignard.

Culte, abandon de son "petit soi" et courage — trois choses à quoi l'ascétisme, l'exigence et la "sortie de soi" qu'imposent les religions entraînent. D'où l'étrange convergence dont vous parlez.
"Dürer est celui qui sait retirer sa main avant le trait de trop. écrit Quignard"

Un peu cloche comme idée, on voit que ce type n'est pas un artiste.
Dürer comme vous ne l'aviez jamais vu :
"Cloche" ? Permettez-moi de vous dire que vous allez vite en besogne, Florentin. Je perçois quant à moi très bien ce que veut dire Quignard quand il écrit cela à propos de Dürer ; et, artiste ou pas, je fais en tout cas partie de ceux qui ont beaucoup dessiné.
Ces érudits qui ne sentent rien et qui veulent expliquer les œuvres des grands artistes, cher Henri, me les gonflent, tout simplement. Quignard qui parle de Dürer, c'est comme Sollers qui parle de Mozart, c'est gonflant.
Quignard a tâté un peu de la viole de gambe, quand même...
Et Sollers du clavecin, quand même, mais la manie de vouloir tout expliquer conduit à la pédanterie voire au ridicule comme la phrase citée plus haut. Et puis ça sonne tellement faux... avec un peu d'oreille on pourrait éviter ça.
Je ne "hais" pas l'islamisme, je le regarde en face et le décrit ; je lutte contre son implantation artificielle et irresponsable dans nos pays ; je n'abhorre pas les "mêmes choses" que lui, car ce qu'il abhorre c'est tout ce qui n'est pas étroitement lui, pas conforme à son simplisme mortifère, pas utile à sa conquête ; s'il arrivait malgré tout que mes critiques paraissent rejoindre certaines de ses détestations (j'en doute), ce ne serait ni de la même façon, ni pour les mêmes raisons, moins encore en vue des mêmes perspectives : nous ne serons jamais "du même côté".

Didier Bourjon, pouvez-vous nous dire pourquoi vous n'écrivez pas toujours comme ça ? Ca serait si bien, si facile, si efficace !
Citation
Florentin
Et puis ça sonne tellement faux... avec un peu d'oreille on pourrait éviter ça.

Cher Florentin, comparez un dessin de Dürer (ou d'Ingres) et un dessin de Giacometti, par exemple, et vous constaterez sans difficulté que l'économie de moyen, la courageuse et sûre retenue dans l'utilisation de l'outil (en l'occurrence, le crayon ou la mine de plomb), sont caractéristiques dans le premier cas et volontairement négligées dans le second, Giacometti étant, ce n'est pas un hasard, un artiste célébré par la fin d'un siècle où la grande déculturation fait rage. Il se pourrait même que ce soit la lâcheté du trait — sa fuite, son excès, son tremblement, son laisser-aller, son débordement, son absence de limite ou de retenue — que l'on vante et que l'on admire dans les dessins de Giacometti. (Je ne parle que de la facture, non du sens des oeuvres, cela va sans dire, bien que ces deux aspects soient en partie liés.)
Mon cher Henri vous raisonnez trop. Essayez simplement de sentir, détendez-vous et laissez les œuvres vous parler. La comparaison que vous proposez n'est pas pertinente, à chaque siècle ses difficultés à résoudre.
Je me souviens d'une remarquable exposition de peintures de Giacometti à la Fondation Maeght en 1978. Le trait, incantatoire, domine, atteint les ressorts d'une intériorité douloureuse, d'une solitude profonde et d'une fragile douceur. Ne me parlez pas, cher Henri, de négligence.
Florentin, sans vouloir vous vexer, je ne vois pas bien ce que "Le trait, incantatoire", "une intériorité douloureuse", "une solitude profonde", "une fragile douceur" ont à voir avec l'art du dessin.

Mais peut-être suis-je trop classique ? Je croyais naïvement que l'art du dessin consistait à savoir bien dessiner.
Suis-je trop classique ? N'ai-je aucun goût ? Dieu que je trouve cela laid... Est-ce de l'Art, au sens moderne du mot ?


Henri, Je crois que Florentin a raison : le terme de "négligé" ne convient pas aux têtes pelées vives de Giacometti, à moins d'aller très loin dans le déshabillé...
Chaque citation qu'Henri nous livre de Quignard révèle un auteur un peu plus cloche qu'on ne pensait. C'est confondant, comme si Henri avait décidé par ces citations de nous déconstruire le malheureux Quignard: plus il le cite, plus il l'enfonce.
Je croyais naïvement que l'art du dessin consistait à savoir bien dessiner.

La question se pose bel et bien, dans l'art du XXe siècle, de la perte du métier (pas chez Giacometti, évidemment !). Vous vous souvenez de Lars Vilks, ce suédois qui a représenté le p. en chien (en fait, en sculpture pour rond-point), ce qui a entraîné plusieurs attentats islamistes. Eh bien cet artiste, assez considéré dans son pays si j'ai bien compris, est
à peu près incapable de dessiner. Il produit des gribouillis informes.
Utilisateur anonyme
28 août 2011, 11:01   Humeurs
(Message supprimé à la demande de son auteur)
Même opinion à propos de Quignard.


Didier, sans vous vexer, je suis de l'avis de Francis : à certains moments vous êtes lumineux, à d'autres je dois tendre une main tremblante vers le flacon de doliprane (cela tient peut-être au fait que Francis et moi sommes de vieux coloniaux, nous sommes usés par ces contrées... vous n'imaginez pas... vous débarquez à un endroit et vous dites, voyant les pigeons : "ils sont bien petits, vos pigeons..." et on vous répond : "ce sont des moustiques"). Blague à part, c'est toujours intéressant, souvent remarquable, mais c'est parfois "moins simple / plus compliqué".
Citation
Florentin
Ne me parlez pas, cher Henri, de négligence.

Citation
Alain Eytan
Henri, Je crois que Florentin a raison : le terme de "négligé" ne convient pas aux têtes pelées vives de Giacometti

Oh, mais si vous me lisiez ! J'ai simplement écrit que « l'économie de moyen, la courageuse et sûre retenue [étaient] volontairement négligées dans les dessins de Giacometti... ». On peut négliger quelque chose — l'écarter, l'omettre, le délaisser — sans être négligé.

Mais si vous me lisiez...

Florentin, Didier, Francis et Jean-Marc, je ne sais pourquoi vous êtes aussi durs envers l'érudit Quignard... Je le trouve très sensible et très profond.

Citation
Didier Bourjon
[...] l'inutile mais décoratif Henri [...]. Il le dit lui-même : il n'aime que l'apparat.

N'être que décoratif ! Oh, mais c'est en effet mon ambition, cher Didier, véritablement ! Au moins, vous, vous me lisez, et bien. Mais je n'oserai vous rappeler ce que pensait Baudelaire des "hommes utiles"...
(Message supprimé à la demande de son auteur)
28 août 2011, 18:05   Le savoir-dessiner
Le contraire d'une "tête pelée" à la Giacometti.

Ici le portrait d'Annie Mavrakis par Kostas Mavrakis. Certains diraient "il n'y a pas photo". Pourtant... si. Il y a photo, justement et hélas.
Utilisateur anonyme
28 août 2011, 20:00   Re : Le savoir-dessiner
Francis, le dessin de Kostas Mavrakis que vous avez posté est d'une très médiocre qualité (aussi bien technique qu'artistique).

Voici un portrait du Roi David (d’après un tableau du Guerchin) réalisé à l'encre de Chine — où l'on observe que chaque trait est compté et possède sa nécessité propre :

28 août 2011, 20:07   Re : Le savoir-dessiner
Francis, le dessin de Kostas Mavrakis que vous avez posté est d'une très médiocre qualité (aussi bien technique qu'artistique).

Ah mais je ne vous conteste cela en rien, cher Henri! Sa valeur tient tout entière d'être à l'opposé de celui de Giaccometti. Ce contraste révèle le génie artistique de celui-ci. K.M. sait dessiner, ce qui est à peu près tout ce que l'on peut dire de son art; il possède la technique du graphisme..
Utilisateur anonyme
28 août 2011, 20:10   Re : Le savoir-dessiner
Citation
Francis Marche
K.M. sait dessiner, ce qui est à peu près tout ce que l'on peut dire de son art; il possède la technique du graphisme..

Eh bien non, cher Francis, non, K. M. ne sait pas dessiner.
28 août 2011, 20:22   Re : Le savoir-dessiner
Ce dessin est réussi. Il doit falloir le considérer comme un hommage amoureux, direct et limpide pour le sujet. Il est réussi parce que le sujet s'y prête. Le sujet est réussi. Il est en tout cas éminemment protraiturable; ses traits guident le trait du dessinateur. Quand j'avais quatorze ans, je crayonnais moi aussi, mais ne réussissais mes petits portraits que lorsque le sujet m'étais cher. On croyait que "je savais dessiner", en fait pas du tout. Vous notez l'économie du trait dans le portrait du roi David. Ici, c'est encore le contraire: surabondance et foisonnement, comme dans la jouissance amoureuse qui ne devrait jamais cesser. Ce dessin de K.M. est bien un chant naïf, éperdu et simple, et il est possible qu'après tout vous ayez raison. Le sujet suffit tant et si bien à l'artiste qu'il le livre dans un art servile, obéissant à sa maîtresse. Tant mieux pour lui. L'homme doit être heureux.
Francis, seriez-vous un crypto-polytechnicien ?
Jean-Marc, il y a des jours, je me le demande. Ce doit être de la faute à P.Q., l'homme qui dans une seule phrase, sublime, parvint à déclarer que la France est un pays "au territoire minuscule" où "la lumière est une" (un peu comme cet envoyé spécial aux Etats-Unis chargé de couvrir un événement à New-York qui entama son reportage en déclarant, confiant, "qu'il pleut ce matin sur les Etats-Unis...")
Ceci dit, P.Q. est tout de même un grand scientifique, un grand naturaliste. Il a démontré, je crois, que les oreilles n'avaient pas de paupières...
K.M. sait dessiner, ce qui est à peu près tout ce que l'on peut dire de son art; il possède la technique du graphisme...

Ben pas tellement. La tête avec tous les cheveux, là, ça va à peu près. Mais le cou ne va pas. Ce n'est pas le bon cou pour cette tête-là, ou pas la bonne tête pour ce cou-là.
C'est bien ce que je pensais : il y a une faction péquiste...
Même techniquement parlant ce dessin de K. M. est mauvais, si je puis me permettre, c'est plein d'estompe, la technique lourde, morte. L'autre non plus n'est pas terrible, même si on sent une certaine volonté. Le problème c'est qu'elle est très gauche.

Voilà pour la vivacité, la puissance et la légèreté : Michel-Ange



Mais en plus récent et presque aussi bon, voici aussi : John Sargent

(Message supprimé à la demande de son auteur)
Et Ingres ? que pensez-vous d'Ingres ?

(Pour Henri : je l'ai trouvé sur www.cultureadvisor.com, c'est le dessinateur qui a le plus d'avis positifs, moyenne 8,92 sur 14634 avis).
Citation
Ugo Pinson
L'autre non plus n'est pas terrible, même si on sent une certaine volonté. Le problème c'est qu'elle est très gauche.

Une "volonté très gauche" dans le dessin du Roi David. Ah... Dites-moi, M. Pinson, où la décelez-vous, cette "maladroite volonté" ? Répondez-moi sur un plan technique, puisque votre jugement et votre compétence en la matière ont l'air sûrs.

Pour ce qui est de la technique de Michel-Ange, en effet, Dieu est Dieu ; mais les tautologies pèchent par trivialité.
(Message supprimé à la demande de son auteur)
Le problème du roi David, sur le dessin, c'est qu'il a un cancer de l'oreille gauche, et qu'il s'est cogné le front contre une portière, toujours du côté gauche, d'où un bel hématome. De plus, sa fausse barbe est légèrement de travers (elle est trop remontée du côté droit). Ceci pour pointer les évidences.
(Message supprimé à la demande de son auteur)
Oui, cela entre dans le cadre de votre fameuse OQP, dont je vois les dégâts...
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