Voici le texte d'un entretien accordé par Renaud Camus au Nouvel Observateur en ligne, qui ne l'a finalement pas publié (sans la moindre explication).
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— Comment est né ce nouveau parti ? Pourquoi l’avoir créé ? Pourquoi l’écrire « In-nocence » ?
— Ce parti est né en 2002, de désespoir de ne pouvoir, au second tour, voter pour personne : ni pour Jean-Marie Le Pen parce qu'il était Jean-Marie Le Pen, ni pour Jacques Chirac parce qu'il n'attachait aucune importance à ce qui arrivait de plus essentiel à notre pays, à savoir le changement de peuple. Le parti a été créé pour tâcher d'éviter qu'une telle situation se reproduise. Le tiret de son nom est capital :
l'in-nocence n'est pas
l'innocence, c'est la
non-nocence, la
non nuisance — c'est un idéal, une aspiration à quelque chose qui est devant nous, et non pas le regret de ce qui serait perdu, ou qu'il s'agirait toujours de ne pas perdre.
— Quelle est la philosophie du parti ?
— Elle tient dans ce nom et dans cet idéal :
ne pas nuire — ni à la terre, ni au territoire, ni aux biens, ni aux personnes, aux concitoyens, aux voisins, aux compagnons de planète, de chemin de fer, d'immeuble, de quartier, de campagne, d'hôtel, de terrasse de café. Le concept d'in-nocence a le grand avantage de faire naturellement la très nécessaire liaison entre le politique proprement dit, l'écologie et le comportement quotidien, immédiat, personnel. Il s'agit de n'imposer à personne son bruit, sa violence, son agressivité, sa
nocence, sa pollution, sa fraude, sa sonorisation, sa bêtise ou même son intelligence. Il s'agit de consentir à ce
moins pour le plus qui est au principe de tout contrat social, de toute convention de citoyenneté, de tout pacte d'in-nocence : être un peu moins
soi-même pour que chacun, y compris soi, ait toute liberté de devenir ce qu'il peut être de meilleur.
— Quelles sont les grandes lignes du programme ?
— Sauver, de la France, de la civilisation et de la culture françaises, ce qui peut l'être encore. Permettre à tous ceux qui le désirent de recevoir une éducation véritable et de devenir tout ce qu'il en en eux de devenir positivement. Rendre un sens aux diplômes et faire en sorte, par exemple, que le pourcentage des bacheliers diminue d'au moins cinq pour cent par an jusqu'à se rapprocher des cinquante pour cent. Organiser, puisque la situation de l'École semble vraiment désespérée et toute réforme sérieuse impossible, une sécession en son sein, au moins provisoire, en faveur d'un enseignement véritable, et cela sur le fondement d'un triple volontariat, des professeurs, des parents et des élèves eux-mêmes. Créer une station de radio culturelle et une chaîne de télévision itou. Limiter au tiers des revenus les prélèvements fiscaux. Soumettre à l'impôt sur le revenu, fût-ce à un taux très faible, les neuf dixièmes au moins des ménages et non pas la moitié comme aujourd'hui. Mettre fin à toute politique d'incitation à la natalité. Mettre fin à toute immigration, sauf rarissimes exceptions au cas par cas. Mettre fin à la banlocalisation du territoire en étendant considérablement les zones protégées, soustraites à la construction et au redoutable “aménagement”. Interdire la publicité le long des routes et probablement, à terme, dans tout l'espace public (les dits “moyens modernes de communication” lui laissent un espace bien suffisant). “Désignaliser” progressivement le territoire, s'en remettre de plus en plus aux sources d'information personnelles modernes. …Mais je ne voudrais pas, moi-même, occuper trop d'espace ?
— Pouvez-vous développer le concept de Grand Remplacement ?
— Oh, c'est très simple : vous avez un peuple et presque d'un seul coup, en une génération, vous avez à sa place un ou plusieurs autres peuples. C'est la mise en application dans la réalité de ce qui chez Brecht paraissait une boutade,
changer de peuple. Le Grand Remplacement, le changement de peuple, que rend seul possible la Grande Déculturation, est le phénomène le plus considérable de l’histoire de France depuis des siècles, et probablement depuis toujours.
— Où vous situez-vous sur l’échiquier politique ? Quelles sont vos inspirations ?
— Eh bien par exemple à l'opposé exact de Mme Martine Aubry quand elle préface avec enthousiasme un livre-programme intitulé
Pour changer de civilisation. Je suis le candidat de ceux qui trouvent que la civilisation française est une des plus hautes et des plus précieuses qu'ait connues l'humanité et qui ne voient aucune raison d'en changer, surtout pour d'autres qui, à en juger par leurs premières manifestations, ne seraient ni plus douces, ni plus éclairées, ni plus élevées spirituellement. Ma devise de campagne pourrait être, au rebours de Mme Aubry :
Pour ne pas changer de civilisation (mais au contraire pour restaurer la nôtre).
— Comment espérez-vous diffuser vos idées ? Pouvez-vous compter sur votre notoriété ?
— J'espère toujours que notre peuple va se réveiller de l'hébétude où l'ont plongé l'effondrement du système éducatif, la Grande Déculturation, le bourrage de crâne permanent par les soins du complexe médiatico-politique, multiculturaliste et diversitaire, c'est-à-dire déculturant et promoteur du même, du
pareil au même, du village universel c'est-à-dire de la banlieue généralisée. Je ne peux compter que sur un réveil, sur une acceptation, de la part du peuple, de voir et de nommer ce qui se passe vraiment au lieu de s'en remettre, intimidé, hébété, aux prétendus experts, aux sociologues, aux intellectuels organiques, qui lui expliquent indéfiniment que ce qu'il croit constater n'est qu'une illusion et que ce qu'il lui faut, pour sortir de cette illusion, c'est plus encore de la même chose, à plus fortes doses.
— Croyez-vous vraiment à votre candidature ? Qu’en espérez-vous ?
— Je crois à ma volonté et à celle du parti que je préside. J'en espère le réveil que je viens d'évoquer, la révolte contre ceux qui ont dit pendant trente ans qu'il n'arrivait rien et qui disent maintenant que c'est arrivé, qu'il n'y a plus rien à y faire sinon s'en accommoder et si possible s'en réjouir.
— En cas d’échec, pour qui appellerez-vous à voter ?
— Vous savez bien qu'aucun candidat ne peut répondre à cette question. S'il le faisait il ôterait tout sens à sa candidature. Nous serons toujours les alliés de ceux qui voudront lutter contre la Grande Déculturation et pour l'École, contre le Grand Remplacement et pour la culture, contre le devenir-banlieue universel et pour la défense du territoire dans sa diversité véritable.