Oui ces Français-là étaient d'une trempe impossible. Rimbaud transposé eût été de l'OAS, je souris rien qu'en en étant sûr. J'ai la chance de les avoir connus. Sans faire d'histoire, il eût donné sa jambe, qu'il a donnée de toute façon, sa courte histoire, dans cette aventure: de Calais à Tamanarasett, un seul pays un seul territoire.
Vingt-cinq ans plus tard, à Hong Kong, j'en vis venir un, qui, reconnaissant mon nom, m'avait reconnu comme fils d'un de ses jeunes camarades. Il était venu d'Argentine, pilleur de tombes, de sites archéologiques, il avait fait tout ce voyage, jusque Hong Kong pour "libérer" une malheureuse vietnamienne d'un camp de réfugiés, une boatpeople. Il claudiquait. Je n'ai su que beaucoup plus tard qu'il claudiquait à cause d'une vieille blessure reçue en 1962 dans l'algérois.
Alors Pascal, ce grand homme blond et lourd, alcoolique et voyageur las avait parcouru à ses frais 11000 kilomètres pour épouser une petite qu'il avait décidé de ne pas voir, de ne jamais rencontrer, pour seulement lui donner des papiers français qui l'extrairaient du camp.
"Ah elle a 23 ans, et vous l'épousez, c'est moi qui vous envie là...
- Vous rigolez. Je ne veux pas la voir. Dès qu'elle a les papiers, je repars; il paraît qu'elle veut vivre avec moi, qu'après le Vietnam, la Russie pour dette de guerre, le camp à HongKong, elle voudrait devenir ma femme. Vous lui expliquerez si vous voulez, moi, je me casse, je peux vivre que seul...
Et il disparut.