Le site du parti de l'In-nocence

Un Français complet...

Envoyé par Thierry Noroit 
29 octobre 2011, 15:01   Un Français complet...
En dépit de tous ceux qui ne l'aiment pas, ou pour qui il n'existe pas, comme le Maître des lieux, je me souviens que Brassens est mort il y a trente ans aujourd'hui et je trouve sur le bloc notes électronique (pour ne pas dire blog) de l'écrivain Eric Chevillard ces lignes justes et émouvantes :

Hé non ! Point de torse nu de Christ tatoué : un polo de coton ventru – Brassens, ou l’anti-icône rock. La moustache, la voix qui roule, le vieux vers français qui sort en ronflant de sa pipe, la guitare entre ses mains comme une branche tout juste arrachée à l’arbre, mal dégrossie, l’œil à la facétie, la blague au coin de la lèvre, volontiers grivoise, les copains, l’anarchisme pépère, etc.


Il est facile de ne voir en lui que cela, le brave bonhomme de Français complet prénommé Georges, un peu épais, un peu lourd, frondeur dans les limites de la prosodie, gentil nounours mal léché. Or c’est un leurre. Brassens, laissez-moi vous le dire, est un subtil, un raffiné. Sa musique, la très gracieuse compagne d’un texte qui toujours joue de la caricature à quoi certains le réduisent. Décalage léger, juste ce qu’il faut pour que l’on jouisse simultanément de la chose et de sa parodie. L’émotion doublée d’ironie. Tout un art. Ses détracteurs comme ses imitateurs tombent tous dans le panneau.


Je ne l’écoute plus très souvent. C’est enregistré. Je le fredonne moi-même. Brassens est mort il y a trente ans aujourd’hui. Je me souviens de l’instant où un oncle m’a appris la nouvelle. D’un coup, toutes ses chansons sont devenues mélancoliques.

29 octobre 2011, 15:53   Re : Un Français complet...
"En dépit de tous ceux qui ne l'aiment pas, ou pour qui il n'existe pas, comme le Maître des lieux, "

Ah, bon ?
29 octobre 2011, 16:16   Re : Un Français complet...
Allez Cassandre, jouez-leur l'Assassinat :

[www.kwimm.com]
29 octobre 2011, 16:20   Re : Un Français complet...
Dommage, les rimes sont fautives... mais la chanson s'en accommode.
29 octobre 2011, 16:27   Re : Un Français complet...
Oui, chère Cassandre, ma formulation est sans doute expéditive : je voulais dire que Renaud Camus ne semble pas apprécier particulièrement la chanson, et je ne crois pas qu'il fasse d'exception pour Georges Brassens. Mais je peux me tromper.
31 octobre 2011, 18:38   Re : Un Français complet...
Je profite de ce fil de discussion où Cassandre intervient pour lui signaler (rien à voir avec Brassens !) qu'une biographie de Frantz Fanon vient enfin de paraître. L'auteur est un Américain, David Macey, l'ouvrage s'intitule tout simplement : Frantz Fanon, une vie, il vient de paraître aux éditions de La Découverte.

J'aurais pu communiquer cette information par message privé, mais il n'est pas exclu qu'elle intéresse d'autres habitués du forum. Quant à Cassandre, elle devrait sûrement l'intéresser puisqu'elle s'étonnait dans un entretien, ici même, que ce tiers-mondiste de choc, qu'elle a très bien connu, n'ait encore donné lieu à aucun ouvrage biographique.
Il y avait les ouvrages de Pierre Bouvier...
Utilisateur anonyme
16 juillet 2012, 17:55   Re : Un Français complet...
17 juillet 2012, 09:14   Re : Un Français complet...




Je suis sûre qu'au Paradis on chante du Brassens tous les jours.
18 juillet 2012, 01:17   Re : Un Français complet...
Il veut pas que ce soit le dit

Voilà une expression que je n'avais pas entendue depuis très longtemps et que je n'ai jamais entendue ailleurs que dans la région désignée dans la chanson (les Saintes-Maries-de-la-Mer, où Bouches-du-Rhône, Hérault et le Gard se rejoignent presque).

Y a-t-il dans l'assemblée quelqu'un qui l'aurait entendue pratiquée ailleurs que dans cette partie du Languedoc, que pour les besoins de la cause nous devrions faire déborder sur la rive gauche du Grand Rhône ?

Elle véhicule une notion très enracinée dans la psyché de ce peuple, qui s'apparente à celle du qu'en-dira-t-on bien sûr mais qui va très au-delà toucher la question de la vérité, pas moins: ce qu'autrui peut dire, le dit d'autrui rejaillit si fort sur soi et retentit si profondément en soi qu'il acquiert la place de la vérité, qu'il atteint le siège de la vérité laquelle acquiert alors un statut complexe à la fois social et intime, intimé. La vérité s'établit par "le dit", qui n'est à proprement parler celui de personne en particulier (pas "ce que dit Jean", Pierre ou Paul) mais ce qui peut être dit dans l'absolu. Et cet absolu n'est pas moindre en pureté que l'absolu de la vérité. La possibilité de ce dit plane sur tous les actes et les pensées, y compris les plus intimes. L'interdit sur le dit (toujours en négation: il ne faut pas / je ne veux pas que ce soit le dit) constituait l'authentique surmoi collectif de ces languedociens de jadis.
18 juillet 2012, 02:09   Re : Un Français complet...
Eh bien, Francis, vous démontrez, si besoin était, la grandeur de Brassens, quelque peu méprisé en ces parages...
18 juillet 2012, 08:13   Re : Un Français complet...
Je ne veux pas que ce soit le dit transcrivait la hantise qu'une vérité ne se constituât par la voie du dit collectif et transcrivait donc, précisément, le revers de l'inter-dit (s'interdire l'inter-dit).
19 juillet 2012, 04:39   33 à quatre heures du mat
Je ne sais si Brassens a lu Wittgenstein, après tout pourquoi pas ? mais l'un des thèmes les plus fascinants chez ce dernier est qu'il ne peut y avoir de règles, donc de possibilité de distinguer l'usage correct de l'incorrect, donc de langage, donc de vérité, donc de sens, que collectifs ; cela va jusqu'à dire qu'il serait impossible de connaître ses propres sensations, de les manifester de quelque façon consciente en une expression qui les identifie et les rend connaissables à nous-mêmes, sans le truchement d'un mode de désignation agréé publiquement, au sein d'une communauté de locuteurs.
Autrement dit, c'est l'apprentissage de la norme, qui est toujours un apprentissage des règles en usage dans une communauté, qui m'éclaire sur ce que je puis ressentir, en le pouvant désigner de façon adéquate : c'est toute notre vie supposément intérieure qui est redevable au le dit.

De cela il ressort que le peu de sens dont nous sommes capables, qui est un entre-deux, a son origine et sa garantie à l'extérieur ; plus on s'approche de soi, plus on côtoie le mythe (de l'intériorité), le leurre (il ne s'agit toutefois pas d'une allégorie de la caverne revisitée), enfin le gouffre du parfait inintelligible, du non sens, de la nuit.
Remarquablement juste, cher Alain. Le dit anonyme, c'est l'intériorité même.
19 juillet 2012, 09:58   Re : Un Français complet...
Plus le dire "redevable au le dit" est inhibé, plus le dire, ou ici le chanter, est un acte complexe et engagé. C'est justement un acte politique que de dire ce "peu de sens dont nous sommes capable" quand la parole manque à d'autres pour l'exprimer.
19 juillet 2012, 10:09   Re : Un Français complet...
Un facteur qui voudrait inventer un nouvel instrument de musique devrait inventer un répertoire et un public informé et sensible.
19 juillet 2012, 10:13   Re : Un Français complet...
Le cœur et l'intuition ne sont-ils pas toujours informés et sensibles ?
19 juillet 2012, 10:19   Re : Un Français complet...
« De-ci de-là, cahin-caha, va trottine, va chemine, va petit âne, va de-ci de-là cahin-caha, le picotin te récompensera. »

(André Messager (dit "le facteur"), Duo de l’âne)


[Épi-logue : je remercie le généreux correcteur. Il était temps d'aller me reposer, la petite musique m'envahissant jusque dans mes écrits...]
19 juillet 2012, 10:30   Re : Un Français complet...
L'archiviste s'occupera du reste allez vous reposer...
Seuls les utilisateurs enregistrés peuvent poster des messages dans ce forum.

Cliquer ici pour vous connecter