Le site du parti de l'In-nocence

BOOK : La révolution technologique

Envoyé par Gérard Rogemi 
Bien vu !



Gros "ramdam" (puisque c'est ainsi qu'il faut traduire "buzz") parmi les bibliothécaires (ou ce qu'il en reste, évidemment). Ce qui n'empêche nullement la disparition progressive et inéluctable du papier dans les bibliothèques, où la technologie numérique se déploie comme un rouleau compresseur.
Je ne me plains pas de mon "Kindle" dont l'apparence du texte affiché est très proche du papier imprimé. Des améliorations vont être sans cesse apportées aux liseurs (ou liseuses je ne sais- je préfère liseur, la liseuse étant un vêtement de nuit pour lire au lit !). En tous cas ce sera une généralisation de l'accès possible à la culture (et à l'inculture). Nous ne regrettons pas le palimpseste même s'il est devenu précieux. Et nos moches livres de poche peuvent disparaître sans regret si leur contenu demeure et se diffuse.
Citation
Ce qui n'empêche nullement la disparition progressive et inéluctable du papier dans les bibliothèques, où la technologie numérique se déploie comme un rouleau compresseur.

C'est hélas trop vrai !

En plus on ne sait rien sur la durée de vie réelle des disques durs et on peut également s'imaginer qu'un jour un dictateur fou pourra avec un seul ordre informatique faire disparaitre à tout jamais des bibliothéques entières.

Gardons nos livres même nos môches livres de poche.
Citation
Rogemi
En plus on ne sait rien sur la durée de vie réelle des disques durs et on peut également s'imaginer qu'un jour un dictateur fou pourra avec un seul ordre informatique faire disparaitre à tout jamais des bibliothéques entières.

Nous comptons désormais sur la pérennité des sources d'énergie et sur la fiabilité absolue de nos techniques pour conserver la mémoire de l'humanité. L'idéologue du progrès est par définition optimiste et répugne aux mauvais présages des frileux. Parmi tous les administrateurs et gestionnaires de bibliothèques, vous n'en trouverez pas un qui fasse preuve de la moindre circonspection à l'égard des nouvelles technologies. Cet engouement béat, à lui seul, les rend pourtant suspectes (à mes yeux).

« Je suis tout aussi dubitatif sur la technologie électronique elle-même. Elle évolue tant qu'elle devient vite obsolète. Au musée de Naples, on peut encore lire sur les cendres d'un papyrus sauvé de Pompéi. En revanche, beaucoup de mes disquettes vieilles de cinq ans sont déjà inutilisables. Les technologies modernes nous condamnent à nous occuper d'elles en permanence. Si nous misons tout sur elles aujourd'hui, qui sait si, demain, les textes ne seront pas perdus? » (Alberto Manguel, dans un article de 2005)

Peut-on actuellement lire un volume du Journal de Renaud Camus sur son kindle ?
Il y a beaucoup de livres de Renaud Camus vendus en télé chargement Kindle :


[www.amazon.fr]
Et le livre en Kinder surprise, c'est pour quand ? Qu'on puisse enfin dévorer nos auteurs favoris !
A Pâques, car on trouve tout en chocolat.
Outre la gadgétisation du support de lecture (admettons qu'un livre de poche ne soit guère plus noble et précieux), je me demande en quoi ces bibliothèques portatives sont réellement supérieures au livre traditionnel, pour un lecteur qui voyage peu et ne s'éloigne jamais de sa chambre plus que quelques jours. A-t-il besoin de transporter avec lui mille ouvrages ? Cent ? Dix ne seraient-ils pas même superflus ? Une grande partie de l'argumentaire publicitaire du kindle surprise sert à démontrer qu'il se rapproche d'un "vrai livre" (pas de reflets, possibilité d'annoter le texte, etc.) : à l'exception d'un gain de place (et encore, quelle frustration de ne plus pouvoir contempler les rayonnages de sa bibliothèque !), que nous apporte-t-il réellement ?
Que nous apporte réellement un I-phone ou un smartphone ?

Et pourtant des millions de gens se sont persuadés qu'ils ne peuvent plus vivre sans cet objet.
A-t-il besoin de transporter avec lui mille ouvrages ? Cent ? Dix ne seraient-ils pas même superflus ?

Justement, justement, c'est là le but : permettre enfin au public de zapper à tout instant avec la "matière livre", de s'affranchir de ce donné contraignant qu'est souvent le choix un peu arbitraire du matin (pour qui ne vit pas dans une bibliothèque...) de glisser tel livre dans notre poche et non un autre, et de cette contrainte d'avoir à supporter une journée entière la présence de ce livre à nos côtés et la prière silencieuse qu'il nous fait d'être ouvert et lu de la première à la dernière page. Kindl est là pour nous délivrer du fardeau d'avoir à approfondir.
Ah que toutes ces technologies sont donc méchantes, nous dépouillant de tout !
Chère Ostinato, je crois simplement qu'elles se contentent se flatter nos faiblesses. A moins qu'il ne s'agisse que des miennes propres ? Possible. Les raisons qui ont présidé au lancement d'un tel produit sur le marché reposent sans nul doute sur un jugement des plus lucide porté par ses concepteurs sur notre besoin de nous divertir, de papillonner, qui n'épargne personne, pas même ceux qui lisent.
Je me souviens de mon enfance, j'étais passionnée de lecture et j'eus tôt fait d'avaler toute la bibliothèque municipale section enfants (c'était une petite ville) et j'ai avalé le bon et le mauvais, essentiellement le médiocre qui dominait largement. Je me dis que si j'avais eu un choix plus large et plus intéressant, j'aurais peut-être mieux utilisé mon temps.
Utilisateur anonyme
09 novembre 2011, 18:09   Re : BOOK : La révolution technologique
En ce qui me concerne je trouve qu'un avantage non négligeable apporté par les liseuses électroniques est la possibilité de lire la grande majorité des œuvres du domaine public gratuitement. Il est en effet un certain nombre de classiques que je lis et dont je m'imprègne sans qu'il me soit nécessaire de les avoir dans ma bibliothèque.
Et l'odeur, tout le monde s'en fout, de l'odeur ?
Autrefois, les manuels scolaires sentaient bon, un véritable encouragement. Hier soir, j'ai voulu consulter le livret d'un dvd, j'ai cru qu'il y avait le feu dans la maison.
Le livre imprimé, comme la lettre manuscrite, permettait le cadeau, la trouvaille matérielle et successorale, mais aussi, tout autant délectable, le vol d'objet. Un texte électronique ne peut être ni offert ni volé. La dépossession était une des fonctions fécondes du livre imprimé. Le livre, la lettre envolés, l'état de dépossession que cet envol installait, créait un état mental particulier fait de résignation et d'obligation de la mémoire.

L'objet imprimé, quand il est présent, sollicite, mais envolé, il fait encore travailler la mémoire et l'affection, qui à cause de son manque tangible continuent de saigner fructueusement. L'objet matériel, tactile et préhensile possède la vertu du manque et celle de stimuler l'esprit dans des évocations et des reconstructions: sa présence et son absence forment un de ces derniers couples irréconciliables et difficiles à vivre, comme l'esprit et la mémoire en ont besoin.

Quelqu'un m'a présenté un "kindle" dernièrement, avec les oeuvres complètes de Maupassant sur support électronique pour cinq euros. J'ai dit non: je préfère me compliquer la vie, ma vie de voyageur qui pèse son bagage aux balances des aéroports, pour savoir s'il va emporter, pour un long mois de solitude, l'histoire de Port-Royal de Jean Racine ou le dernier ouvrage de Jean Staune sur l'avenir des sciences, l'un excluant cruellement l'autre.
Citation
Francmoineau
Et l'odeur, tout le monde s'en fout, de l'odeur ?

Ah je suis rassurée de ne pas être la seule à apprécier l'odeur des livres.
Toutes ces machines sont à la lecture ce que leurs consœurs sont à la musique : par rapport à une époque où, pour entendre de la musique, il fallait qu'elle soit jouée devant vous ou que vous la jouiez vous-même, elles tendent forcément à banaliser l'acte d'écoute. Aujourd'hui, en tout cas c'est imminent, on peut avoir sur soi, à portée immédiate des oreilles et des yeux, sans effort et presque sans rien débourser, toute la musique et toute la littérature du monde.

Mais au fond, cela ne fait que déplacer le moment, le lieu de ce qui va rendre la lecture ou l'écoute émouvante, enrichissante ou pas. On perd l'excitation, l'émotion procurées par l'accès au support d'une œuvre, mais je ne vois pas ce que cela enlève au rapport intime avec celle-ci. Et pour l'amateur éclairé comme pour le travailleur intellectuel, quelle merveilleuse chose que d'avoir, n'importe où, accès à tout ça !

Je continue à acheter des disques, parce que j'aime avoir une source matérielle en archive et des livrets à feuilleter, mais je les numérise aussitôt sur mon ordinateur qui me sert de "discothèque" et de source de lecture, avec un bon amplificateur et de bonnes enceintes acoustiques à la sortie. J'utilise iTunes : quelle extraordinaire instrument ! Tout est tellement aisé d'accès, les tris par toutes sortes de critères sont instantanés, la manipulation facile. Cela ne m'empêche nullement d'acheter des partitions ni de jouer de la musique.

Je m'achemine doucement vers l'idée de quelque chose d'analogue en matière de livres. J'ai pu récemment essayer une liseuse à encre électronique : c'est effectivement beaucoup plus confortable que la lecture sur écran d'ordinateur.

Il y a des pratiques matérielles à réinventer, mais là n'est pas l'essentiel, évidemment. Que vous ayez les vers de Racine dans votre liseuse ou les quatuors de Beethoven dans votre lecteur mp3, quel intérêt si vous n'avez pas accédé au stade de culture qui vous les rend chers, précieux, désirables ? Mais si c'est le cas, pourquoi rechigner à les avoir sous la main ?
Arguments frappés au coin du bon sens, cher Marcel. Mais que peut le bon sens contre les visions romantiques et mélancoliques ? A propos d'odeur des livres, j'ai pris un livre que je n'avais pas ouvert peut-être depuis 30 ans. Il sentait extraordinairement mauvais. Sans doute la colle. A base de poissons la colle dégage une odeur infecte. C'était un livre sur le patrimoine breton, c'est sans doute pour cela qu'il sentait le poisson ? Ah les livres dont la couverture était cousue, c'était tout autre chose.
On utilise pour la reliure de la colle de peau qui ne sent pas très bon, effectivement, mais quand tout est sec, ça ne sent rien du tout. De même les violons ou les meubles dignes de ce nom. Seuls les cahiers sont cousus.
Enfin, une belle reliure et un beau papier, ce n'est pas désagréable quand même. Une bonne hygrométrie est nécessaire à la bonne conservation des livres : voir les conseils de Lancelot au petit Racine.
Le livre avait dû prendre l'eau à un moment de son existence, sans doute. C'était juste pour plaisanter !
Bien sûr qu'un beau livre ancien, c'est agréable et émouvant à feuilleter, mais la bibliophilie est à la lecture ce que l'audiophilie est à l'écoute de la musique : à côté.
J'avais bien compris, chère Ostinato, je voulais faire remarquer en outre qu'on ne voit plus de beaux livres. Il est donc difficile aux jeunes générations de se former le goût.
Les liseurs remplaceront nos livres de poche et l'édition papier demeurera, mais je pense avec une qualité très améliorée, pour justifier son prix (comme les livres reliées aujourd'hui). (Selon Nostradamus).
Cher Marcel, je partage votre point de vue, même si je suis attachée au toucher et à l'odeur des livres.
Moi aussi, je suis bien d'accord, mais on n'est pas obligé d'aller jusqu'à la bibliophilie pour faire entrer un peu de sensualité dans l'acte de lire...
Les préludes sont toujours une fête...
L'amour des livres ne s'explique pas...
L'apport fondamental des liseuses électroniques est leur capacité de stockage, qui facilite et accélère l'accès aux oeuvres. C'est un apport essentiellement pratique. Pouvoir disposer à volonté, par exemple, de tous les dictionnaires, tous les manuels, toutes les encyclopédies, ce serait (ce sera, c'est peut-être déjà) merveilleux. Mais la facilité et la rapidité d'accès à tout autre genre d'écrits (fiction, poésie, philosophie...) n'est en aucun cas un progrès. Elles n'engendrent pas un rapport plus subtil et plus profond aux oeuvres, bien au contraire. Le risque sera plus grand de zapper - comme le soulignait judicieusement Stéphane Bily - et de lire en surface, dans une rame de métro, dans un avion ou dans une salle d'attente. La seule façon de bien lire l'Apologie de Raymond Sebond, c'est dans le silence et la solitude de sa bibliothèque ou de son jardin - et pour cela, il n'est absolument pas besoin de s'équiper d'un cyber-livre avec port USB et batterie rechargeable. Une belle édition imprimée sera même beaucoup plus propice à savourer les méandres complexes de cette pensée.

Je ne crois pas que le rapport au texte soit exactement de même nature selon qu'on lit sur un parchemin, sur la page d'un livre ou sur l'écran d'un appareil électronique. La "dématérialisation" des supports (obsession des webothécaires) est aussi une désincarnation des oeuvres. Elle est parfaitement adaptée aux usuels ou aux articles de la presse scientifique ou généraliste, par exemple, mais ne peut que desservir les publications plus denses, ainsi que la littérature, la poésie et la philosophie (du moins, telles qu'elles ont été pratiquées jusqu'à maintenant).
» La seule façon de bien lire l'Apologie de Raymond Sebond, c'est dans le silence et la solitude de sa bibliothèque ou de son jardin

Cher Olivier, permettez-moi de proposer une petite exception : on y arrive très bien aussi dans les nouveaux tramways inaugurés depuis peu à Jérusalem, qui à l'arrivée et au départ d'une station font entendre un cristallin son de cloche désuet, et donnent à certaines perspectives hiérosolymitaines des airs bâlois tout à fait dépaysants.
Cela marche très bien aussi avec Toulet, Poulet (je ne vous plaisante pas (Georges)), et La Désobéisssance... de Thoreau ; j'ai essayé, sur écran, bien sûr.

ll y a un autre aspect de la question qui doit être mentionné : les liseuses électroniques flattent la coquetterie. En effet, j'ai de plus en plus de difficulté à lire sans lunettes, ce qui m’exaspère au plus haut point, quoique avec la lumière braquée sur le texte cela va. Comme d'autre part les lunettes de lecture me pèsent et que j'ai l’impression d'avoir la vue complètement brouillée après, le recours au texte à caractères modifiables arrive à point nommé.
Alain, votre argument technique me plait. J'ai le même problème de lunettes.

Autre point : lire dans le bruit est aussi bien agréable, c'est pour moi un excellent indicateur de l'intérêt d'un ouvrage. Quand vous êtes dans un mode de transport quelconque et que la lecture vous fait oublier le bruit, c'est que l'ouvrage est de grande qualité.
Il est vrai qu'on peut trouver les conditions nécessaires à une lecture difficile presque n'importe où; mais d'autre part il en faut peu pour briser la concentration. Dans un train récemment, ma lecture a été sérieusement dérangée par deux personnes qui ne pouvaient s'adresser la parole sans faire profiter toute la rame de leur discussion.
J'admets volontiers, à cet égard, qu'il puisse être agréable de disposer des trois livres des Essais sur une fine tablette. Dans un tramway, c'est incontestablement pratique (surtout si l'on a oublié ses lunettes !). Le fond de mon propos n'est pas là : je soutiens que les liseuses électroniques participent d'une évolution générale de la lecture vers la distraction et le butinage superficiel (ou utilitaire). Elle s'inscrivent dans la grande déculturation. Il est évident qu'un homme cultivé saura en faire un usage intéressant, complémentaire de ses pratiques habituelles de lecture. Je pense aux générations qui viennent...
Tout-à-l'heure, je me suis arrêté devant ma bibliothèque et, cherchant à occuper le restant de ma soirée, j'ai promené mon regard sur mes livres. Coincé entre deux épais volumes de la NRF, un tout petit ouvrage m'a fait signe. Il voulait sortir du rang immobile où l'avait enfermé ma longue indifférence. Je le pris. C'était un choix de "Propos" d'Alain réunis sous le titre de Propos impertinents, édité aux Mille et une nuits. Je l'ouvris et je tombais par hasard sur le propos 2063 : "Trop long !" (qui reproche aux discours, articles, rapports, etc., leur manque de densité et de brièveté). Je le survolai rapidement et fus frappé, arrivé au bout, par la date à laquelle Alain l'avait rédigé : le 11 novembre 1911 ! Je pensai qu'un "ange des bibliothèques" venait de se manifester, et me mis à feuiller l'ouvrage en quête d'un écho, d'un saisissement. Il arriva : une phrase, un peu plus loin, dans un autre texte, vint répondre à une question qui me taraudait depuis quelques jours.

Irremplaçable magie des livres.
12 novembre 2011, 03:13   Aller-retour
Ce que lisant je ne peux m'empêcher de foncer sur le premier livre d'Alain alentour, qui par chance est vraiment tout près. Il sent très fort le vieux papier.
Ce cher Alain !


« Nul ne peut donc compter sur sa nature. Une certaine constance s'y retrouve par les liaisons d'habitude et les manies ; mais la loi de contraste s'y vérifie aussi, et l'humeur est souvent suivie de sa complémentaire, selon la loi du repos, comme on voit pour les traces des perceptions visuelles. Aussi attendre de soi justice, bonté ou courage, c'est attendre en vain. La bonne humeur ne porte aucune garantie en elle ; ni même la mauvaise. Bouder, cela même veut un jugement et de l'obstination. C'est pourquoi au contraire, contre l'apparence psychologique, il faut jurer ; et, d'après son serment, à chaque instant surmonter l'apparence, et se rappeler à soi-même ce qu'on veut être. Le Moi psychologique n'est donc pas la personne ; et il n'y a aucune vertu, même intellectuelle, dans cette unité qui reçoit tout. Aussi personne ne vit selon la psychologie, excepté les fous, qui seuls se croient absolument eux-mêmes. »

Études
Belle analyse. Mais jurer et s'y tenir relève aussi de capacités psychologiques aussi.
EBOOK : La chute

Aujourd'hui la plus mauvaise émission de Répliques. Le niveau de langage approche le zéro absolu. Même A.F se laisse aller. Deux égocentriques en pseudo discussion. Quant au contenu : Bouvard et Pécuchet (mode très dégradé) du numérique.
Ostinato,

Vous n'avez donc pas aimé la façon dont on parlait de Proust ?
Je ne pouvais même réellement écouter !
Non, chère Ostinato, je ne suis pas d'accord : une mauvaise émission de Répliques, c'est une émission tiède, qui vous laisse intact, sans réactions, qui ne fait pas jaillir en vous idées, indignation, enthousiasme ; cela du reste arrive rarement.
En l'occurrence, je porterais le même jugement que vous (comment faire autrement ?) sur le niveau de langue des intervenants — avec mention spéciale à l'exaspérant François "truc" Bon, qui doit au moins être journaliste aux Inrocks, ou mériterait de l'être —, mais entendre A.F. sortir de ses gonds et s'exclamer "on emmerde le vivrensemble", ce n'est pas une entorse à la tenue du discours ; c'est un moment de vérité toute crue absolument irréprochable !...
Utilisateur anonyme
12 novembre 2011, 10:38   Re : BOOK : La révolution technologique
(Message supprimé à la demande de son auteur)
Disons que l'effet produit était involontaire et ne résultait que de la mauvaise qualité du débat..
Pas pu écouter cette émission de Répliques. Dommage. Est-ce que l'honorable François Bon, concentré de tous les conformismes et des laideurs béates de l'époque, est parvenu à l'oral à se surpasser dans l'inventivité syntaxique ? A-t-il approché son record personnel en matière de "de comment" et "sur comment", que nous avions épinglé ici même il y a quelques mois. Record pas près d'être battu, sinon par lui-même. Rappelons-le, pour l'édification des foules (on notera qu'il s'agit déjà d'édition et de livres) :

Prise dans sa logique de surproduction, adaptant cette logique de surproduction à des schémas consensuels, indifférente à la banalisation grandissante, c'en est fini de comment l'édition imprimée accueillait le laboratoire vivant de la création littéraire - via revues et collections.
Mon imagination ne me permet pas d'envisager mieux.
Si vous avez un Kindle, à signaler pour une véritable discussion sur le sujet l'essai intéressant et très documenté de Stéphane Ternoise, qui se place notamment du point de vue des écrivains, :

Réponses à monsieur Frédéric Beigbeder au sujet du Livre Numérique

[www.amazon.fr]

En outre c'est parfois assez drôle.
Utilisateur anonyme
12 novembre 2011, 13:39   Les livres et après ?
Les Répliques de ce matin :

[www.franceculture.fr]

J'ai rarement entendu un écrivain (François Bon) parler aussi mal. Au-delà de ce constat, je souhaiterais savoir ce que pensent les in-nocents de la disparition progressive du livre en tant qu'objet matériel.
Utilisateur anonyme
12 novembre 2011, 13:56   Re : Les livres et après ?
(Message supprimé à la demande de son auteur)
Utilisateur anonyme
12 novembre 2011, 14:03   Re : Les livres et après ?
Je vous présente mes excuses pour cette faute d'inattention, l'autre titre était pourtant suffisament explicite.
12 novembre 2011, 14:07   Re : Les livres et après ?
François Bon est le roi du "sur comment" et autres acrobaties syntaxiques. Il parle mal et pense mal. Il faisait sans cesse référence au passage du rouleau (volumen) au codex pour suggérer que le passage du livre à la banque de donnée consultable à condition d'avoir de l'électricité à portée de main n'était pas grand-chose, n'était qu'un changement du support, tout en ne cessant d'affirmer que nous changions d'ère.
Beigbeder a bien résumé les choses en soulignant que le problème était moins le support de la culture que la déculturation. Mais ni lui ni l'autre n'avait de solution pour ça.
Ce qui me frappa, c'est la manière twittée de parler de François Bon, incapable d'écouter la fin d'un argument ou d'une phrase, fût-elle une citation lue par A.F. Il parle et pense déjà dans le format twitté, réduit à quelques mots à la fois. Il est en plus tout à fait sorti de la syntaxe. Pas étonnant qu'il écrive les mauvais livres qu'il propose au public...
Utilisateur anonyme
12 novembre 2011, 14:50   Re : Les livres et après ?
... mais ses mauvais livres sont néanmoins publiés.
12 novembre 2011, 15:14   Re : Les livres et après ?
sur du papier !
Utilisateur anonyme
12 novembre 2011, 15:17   Re : Les livres et après ?
(Message supprimé à la demande de son auteur)
Avec sa disparition, le livre entraînerait la fin d'une vanité très-distinguée : exposer sa bibliothèque.
Oh, mais en fait de vanité, les adeptes des technologies dernier cri ne sont pas les derniers, vous savez. Quant à savoir si elle est très-distinguée, je laisse le soin à plus versés que moi dans ces matières de le déterminer.
[...] une mauvaise émission de Répliques, c'est une émission tiède, qui vous laisse intact, sans réactions, qui ne fait pas jaillir en vous idées, indignation, enthousiasme ; cela du reste arrive rarement.

Exact, vous résumez ma pensée, cher Francmoineau. Et puis d'habitude, on a le calepin, pardon, l'E-Pad à la main pour noter des citations, des titres de livres, et aujourd'hui, néant. Vivement la prochaine (avec un certain écrivain gersois dont j'ai oublié le nom, qui viendra nous parler de son actu, apparemment très fournie en ce moment ; ça va buzzer dans les chaumières).
Ça ne serait pas Machin-Truc par hasard ?
Citation
Ostinato
Belle analyse. Mais jurer et s'y tenir relève aussi de capacités psychologiques aussi.

C'est vrai, on n'en sort pas ; mais on ne jure qu'une fois, après c'est affaire de fidélité, contre le moi du moment, les passades...
Vous savez que c'est aussi cette magie là qui est à l'oeuvre dans le Yi-King cher Olivier. Tout livre comporte des vertus divinatoires. Et il se peut bien que ce soit cette fonction magique qui le rende irremplaçable (ses feuillets se déploient comme un jeu de carte d'où la pensée est tirée comme un sort -- certains (Audiberti) ont aussi comparé le livre ouvert à deux versants d'une vallée où s'écoule la pensée). Le Kindle n'est qu'un mime idiot de cet objet magique.
Je viens d'écouter l'émission "Répliques" avec François Bon. Je me demande s'il le fait exprès. Son parler twitté serait-il simplement snob ?
Non, cher Bruno Chaouat, je ne crois pas qu'il soit snob, ce qui supposerait un peu de volonté d'écart par rapport à une norme. Or, c'est tout le contraire qui se produit. Comme le dit Renaud Camus et bien d'autres avant lui, dans les trop décriées années 1960 et 1970, M. Bon est entièrement parlé par son milieu et son époque, et donc d'un conformisme que j'aurais d'abord qualifié d'exaspérant : mais ce n'est pas assez, c'est pathologique qu'il faut dire. Bel exemple de décivilisation, dans la mesure où la civilisation implique l'existence et la réflexion individuelles, notamment chez un écrivain !
Bon est écrivain ? On peut être écrivain et s'exprimer comme un adolescent ? Disons qu'écrivain est l'identité professionnelle qu'il décline lorsqu'une administration lui demande quelle est son occupation... Et dire que Marien Defalvart s'exprime, lui, à dix-neuf ans, comme un homme mûr d'une autre époque... Voilà un beau chiasme.
Utilisateur anonyme
16 novembre 2011, 14:35   Re : BOOK : La révolution technologique
Et pourtant, tout cela n'empêche pas le fait qu'il (François Bon) soit présent dans certains programmes du Master de lettres modernes. Je peux en témoigner puisque j'ai dû étudier, il y a deux ans, Mécanique.
Mais certainement. Non seulement écrivain mais encore écrivain qui a la cote, dans un certain milieu qui fait l'opinion. Ce milieu où l'on vous cite comme grands écrivains d'aujourd'hui toujours les mêmes : les Rolin, Bergounioux, Michon, Roubaud, Echenoz, Quignard et Bon. Ils ne sont pas tous à négliger, certes. La première surprise serait même que le sieur Bon figure dans le lot. Mais quel conformisme. Et pour tout arranger, en plus d'être enseigné à l'Université, comme le dit Joseph, François Bon est lui-même... enseignant à l'Institut d'Etudes Politiques de Paris. Qu'enseigne-t-il ? Mais l'écriture, voyons. Remarquez, Richard Descoings et François Bon sont bien faits pour s'entendre...
Problèmes du Kindle, de mon point de vue : peu de livres sont disponibles (j'imagine mal trouver Léon Poliakov ou les "Carnets" de Levinas sur Kindle, ou Lévy-Bruhl, Benda, Rancé, Massillon, la correspondance de Céline avec Tixier-Vignancour, que sais-je encore) ; second problème : Amazon lit dans votre dos (il semble, d'après la New York Review of Books, qu'Amazon puisse identifier les marques faites par les lecteurs en marge, et les exploiter à des fins commerciales, de sorte que l'expérience de lecture est de moins en moins intime) ; enfin, la pagination n'est pas fiable : impossible de donner un numéro de page qui puisse servir de référence, en sorte qu'un lecteur "professionnel" ne peut pas faire grand chose avec une édition numérique. Si ces problèmes pouvaient se résoudre, alors je m'y mettrais sans doute...
(message supprimé par son auteur)
Citation
Francis Marche
Vous savez que c'est aussi cette magie là qui est à l'oeuvre dans le Yi-King cher Olivier. Tout livre comporte des vertus divinatoires. Et il se peut bien que ce soit cette fonction magique qui le rende irremplaçable (ses feuillets se déploient comme un jeu de carte d'où la pensée est tirée comme un sort -- certains (Audiberti) ont aussi comparé le livre ouvert à deux versants d'une vallée où s'écoule la pensée). Le Kindle n'est qu'un mime idiot de cet objet magique.

Merci, Cher Francis, de nous rappeler ces vertus négligées par l'esprit occidental. (J'y suis particulièrement sensible, pratiquant moi-même le Yi-king de façon régulière depuis plusieurs années.) Vous ne bénéficieriez que d'une audience très relative dans un conseil d'administration de bibliothèque.
Utilisateur anonyme
17 novembre 2011, 16:49   Re : BOOK : La révolution technologique
Si, effectivement, il sera difficile de trouver Les Carnets de captivité de Lévinas, je me demande ce qu'il adviendra de certaines oeuvres. Qu'adviendra-t-il, par exemple, de Cent mille milliards de poèmes de Queneau ? Peut-on numériser une telle oeuvre ?
Citation
Francis Marche
-- certains (Audiberti) ont aussi comparé le livre ouvert à deux versants d'une vallée où s'écoule la pensée).

Audiberti rencontre Léon-Paul Fargue : "Un papillon blond comme un fétu de paille se traîne dans la petite vallée de mon livre".
Poésies, Gallimard, 1963, préface de Saint-John Perse, page 134.
Il faudrait enrichir ce débat sur le livre et le Kindle d'une réflexion sur l'objet, le temps, l'usure et ce qu'on pourrait appeler la valeur d'usage de l'inutile, peut-être à partir de ces lignes de Proust. Le Kindle est l'outil, le moyen par excellence ; le livre, ridé, dévasté, voire abrogé par le passage du temps, trouve sa fin en lui-même... Tandis que la grand' tante de Marcel opterait pour le Kindle, gageons que la grand'mère, elle, demeurerait fidèle au livre...

"On ne pouvait plus faire le compte à la maison, quand ma grand’tante voulait dresser un réquisitoire contre ma grand’mère, des fauteuils, offerts par elle à de jeunes fiancés ou à de vieux époux, qui, à la première tentative qu’on avait faite pour s’en servir, s’étaient immédiatement effondrés sous le poids d’un des destinataires. Mais ma grand’mère aurait cru mesquin de trop s’occuper de la solidité d’une boiserie où se distinguaient encore une fleurette, un sourire, quelquefois une belle imagination du passé. Même ce qui dans ces meubles répondait à un besoin, comme c’était d’une façon à laquelle nous ne sommes plus habitués, la charmait comme les vieilles manières de dire où nous voyons une métaphore, effacée, dans notre moderne langage, par l’usure de l’habitude. Or, justement, les romans champêtres de George Sand qu’elle me donnait pour ma fête, étaient pleins, ainsi qu’un mobilier ancien, d’expressions tombées en désuétude et redevenues imagées, comme on n’en trouve plus qu’à la campagne."
Le Kindle est l'outil, le moyen par excellence ; le livre, ridé, dévasté, voire abrogé par le passage du temps, trouve sa fin en lui-même...

Oui, c'est très vrai. Et très beau aussi.
« Et un matin, ce brave Félicien de facteur disait : "Jean, tu as un paquet." Joie et pleurs de joie, c'était un paquet parfait et intact, en bon papier bien fort, ficelé de bonne ficelle, aux bons nœuds, avec une bonne recommandation de treize sous, par ces bons frères Garnier, dont le beau nom était en belles lettres bleues sur l'étiquette. C'est ainsi qu'un 20 décembre 1911, je reçus Virgile.
Le plaisir que me donnaient les livres était d'abord physique. Il restait toujours pour une bonne part physique, par la suite : la joie de l'esprit s'ajoutant au bonheur de tenir entre mes mains des formes et des poids adorés. Je n'ai pas changé. Une fois, en prison, j'ai été privé de lecture pendant deux mois. Je me suis aperçu que je souffrais surtout d'une carence de formes typographiques. Mes yeux avaient physiquement besoin de voir des pages imprimées. Quand on me permit de prendre un livre à la bibliothèque de la prison qui ne contenait que La Vie du colonel Babillot et l'Histoire du canon d'infanterie, je pris au hasard un manuel du canon de tranchée. C'était vers six heures du matin, un dimanche de fin octobre. Au-dessus du préau où les prisonniers promenaient, s'étalait un ciel vert extraordianirement armé d'une aile immense de nuages vermeils. Le vent giclait comme du jus de citron. J'ouvris mon livre. Mon pouce qui le tenait ouvert, ma main qui supportait le poids familier se mirent à jouir d'une façon indicible. Mes yeux enfin nourris de constructions typographiques baignaient dans l'eau de rose. Dès les premières pages, le livre donnait des instructions pour le graissage des diverses parties d'un crapouillot. Alors, simplement, je tournais le livre à l'envers et, débarrassé du sens des mots, je me promenais, cramponné aux formes pures du livre, dans un état de bonheur et de calme tel que j'en rêve encore maintenant avec délice.
Je restai quelques jours à jouir de Virgile de cette façon-là. Je le portais dans la poche de mon veston. Je le soupesais. Je regardais sa couverture jaune ; je comptais ses pages. J'admirais la forme des lettres qui composaient son écriture. c'était d'ailleurs un elzévir de toute beauté. »

Jean Giono, Virgile ou les Palais de l'Atlantide
Seuls les utilisateurs enregistrés peuvent poster des messages dans ce forum.

Cliquer ici pour vous connecter