Le site du parti de l'In-nocence

Voix éteinte de la mélancolie

Envoyé par Louis Piron 
25 novembre 2011, 21:10   Voix éteinte de la mélancolie
« Montserrat Figueras, voix éteinte de la mélancolie » (LeMonde.fr)

Il est des formules qui peuvent paraître creuses, surtout au moment que l'on dresse le bilan d'une vie et d'une oeuvre. Mais la soprano espagnole Montserrat Figueras, qui vient de mourir, mercredi 23 novembre, à Barcelone, était une femme d'une noblesse et d'une élégance morales et artistiques uniques, qualités qu'elle partageait avec son époux et partenaire musical, le gambiste et chef d'orchestre Jordi Savall.

[www.lemonde.fr]



Bonsoir,
Monstserrat Figueras et Jordi Savall ont fait connaître des chants très importants du domaine occitan - chants de Trobairitz par exemple, chants du Xème siècle (Cant Del Milenia), Chant de la Sybille...
Mais leur travail met aussi en lumière un aspect positif et important de la rencontre Islam/Occident : l'élément musical. Les troubadours et leurs mélodies - ainsi que leur théorie de l'amour courtois - n'ont-ils pas puisés dans la culture du Proche-Orient ? N'est-ce pas dans ce champ poétique, musical et amoureux, qu'on voit au moins une véritable réussite culturelle de la rencontre avec le monde islamique ?
La légende du Comte Arnau

[www.juzp.net]
Non, c'est une mauvaise soirée, mais passons.

Pourriez-vous m'en dire d'avantage ?
25 novembre 2011, 22:28   Re : Voix éteinte de la mélancolie
"N'est-ce pas dans ce champ poétique, musical et amoureux, qu'on voit au moins une véritable réussite culturelle de la rencontre avec le monde islamique ?"

Ce sont des suppositions. Les origines de la poésie courtoise sont purement locales et historiquement faciles à définir. Quant à la musique, elle est d'origine liturgique. Il faut tordre le cou à ces idées reçues, dont on connaît assez les artisans.
Inutile d'aller chercher midi à quatorze heures.
Qu'est-ce qu'une société polygame, archaïque, peut apprendre à une société monogame et dynamique ?
N'est-ce pas dans ce champ poétique, musical et amoureux, qu'on voit au moins une véritable réussite culturelle de la rencontre avec le monde islamique ?

C'est de l'humour ?
Apparemment personne ne s'est intéressé à René Nelli en cette noble compagnie ! Sa thèse est celle des influences islamiques sur le monde occitan et l'amour courtois.
Vous savez, critiquer l'Islam quand il vient nous agresser, c'est valable, mais le critiquer à tout propos et hors de propos, cela devient un fanatisme - qui n'annonce rien de bon.
Maintenant, les chants donnés par J. Savall et Montserrat Figueras devaient sans doute souvent à la culture cathare... Liturgie, certes, mais pas forcément "orthodoxe".
Je ne suis pas spécialiste mais la musique occidentale me semble au contraire s'être définie très vite comme radicalement différente des musiques orientales, lesquelles ont au contraire gardé de forts liens de parenté entre elles. Sans parler de sa richesse absolument unique en termes d'écoles, d’œuvres, de chefs d’œuvre. Quant à imaginer que l'Occident ait pu apprendre l'amour courtois du monde arabe, alors là... Pourquoi pas le féminisme pendant que vous y êtes ? Schéhérazade aux origines du MLF...
25 novembre 2011, 22:47   Re : Voix éteinte de la mélancolie
René Nelli n'était pas un historien, loin, très loin de là. J'ai dépouillé une centaine d'oeuvres de troubadours, les plus connus, et je n'ai pas retrouvé l'idéologie de Nelli, la thèse préconçue qu'il veut plaquer sur la réalité des documents. Relisez Nelli et vous verrez qu'il n'y a que des suppositions, des présomptions, des interprétations forcées sans souci de la chronologie, des conditions matérielles, morales, etc. L'art des troubadours est un art aristocratique et Nelli l'oublie trop souvent pour opposer jongleurs, clercs, seigneurs et dames dont le maître mot est distinction. L'amour courtois est l'émergence de la distinction dans une société féodale qui se sédentarise et développe un art de vivre nouveau.
Avec Nelli, vous pouvez remballer Denis de Rougemont : c'est nul. Par voie de conséquence, Mensonge romantique et vérité romanesque de Girard pèche par excès de confiance. C'est un point sur lequel je diverge radicalement.
Bonsoir Florentin,
je ne me suis pas penché sur le "cas Nelli" depuis un moment. En ce qui concerne de Rougemont, je n'ai pas du tout été convaincu par sa thèse sur "L'amour en Occident". En revanche Nelli citait quand même nombre de faits, et sympathisait avec l'amour courtois - alors que D. de Rougemont avait une interprétation curieuse, supposant que les poèmes courtois étaient une façon de décrire symboliquement les théories cathares.
Dans mes souvenirs : Nelli a supposé qu'un certain chemin, à la fois spirituel, érotique et poétique, avait été inventé par les Troubadours, et que cette voie quasi-initiatique avait créé une sorte de concurrence (redoutable) pour l'orthodoxie chrétienne. (Les Troubadours auraient découvert une voie spirituelle totalement a-chrétienne, fondée sur l'adoration de la Dame et la montée du désir par frustration, idéalisation etc.). Il a aussi montré que cette forme d'érotisme sacré et sacralisant s'était déjà ébauché dans le monde musulman et, bien avant, chez Platon. Tout cela m'a semblé assez cohérent et intéressant.
Quant à la critique trop systématique de l'Islam et du monde arabe à travers les siècles, elle me semble aussi infondée que la bienpensance béate. Dans les deux cas, il s'agit de filtrer le réel pour le faire coller à une idéologie. Si l'Islam n'avait rien produit de valable, aurait-il pu durer plus de 1000 ans? Qu'on le veuille ou non, le monde islamique représente une grande civilisation ; il ne faut pas tomber dans l'exaspération, et finir par caricaturer, fut-ce son plus grand adversaire ! Il faut au contraire en voir les grandeurs et séductions, et, en toute connaissance de cause, le refuser (si on se décide à le refuser).

PS. Ce sujet me paraît déplacé sur un fil qui devrait plutôt concerner Montserrat Figueras et, par extension, le monde occitan. Peut-être ouvrir un nouveau fil sur l'attitude nuancée ou radicale que chacun pense juste d'adopter face au monde musulman ?
Oui bien sûr, encore faut-il ne pas raconter n'importe quoi et ne pas tout ramener à la civilisation islamique.
Sur l'amour courtois.

Le poète a gagné sa dame par la beauté de son hommage musical. Il lui jure à genoux une éternelle fidélité, comme on fait à un suzerain. En gage d'amour, la dame donnait à son paladin-poète un anneau d'or, lui enjoignait de se lever, et lui déposait un baiser sur le front. Désormais, ces amant seront liés par les loi de la cortezia : le secret, la patience, et la mesure, qui n'est pas tout à fait synonyme de chasteté, ... mais plutôt de retenue... Et surtout, l'homme sera le servant de la femme.

(Denis de Rougemont, L'amour et l'occident)
Oui Pyrrhon mais de Rougemont énonce ce que vous rapportez pour le contredire et développer sa thèse d'un langage codé de l'amour courtois, langage destiné à dissimuler une théologie hérétique (ce qu'il m'en souvient et m'avait paru fumeux).
Marcel, il ne s'agit pas de "tout ramener" à la civilisation islamique! Sur un autre fil, on parlait de balancier... Le balancier allant trop d'un côté, il reviendra nécessairement. C'est tout ce que je dis. Ce n'est pas "n'importe quoi", sauf, comme c'est fait sur ce fil, vouloir jeter à la poubelle le travail de Nelli par ex. Tout cela au nom d'une "exactitude" que, par ailleurs, on raille pour la sociologie...
25 novembre 2011, 23:28   Re : Voix éteinte de la mélancolie
Tout cela peut sembler cohérent au premier abord mais ça colle pas. Il vaut mieux évacuer les Cathares qui n'ont rien à voir dans ce courant artistique dont ils se fichent éperdument. Il faut partir des faits et des documents. Lisez Duby, c'est plus sérieux. La chronologie est déjà difficile à établir car nous ne disposons souvent que de copies de compilations tardives. Pour ce qui est de Guillaume d'Aquitaine, les dates sont connues, les grands ont des archives et des hagiographes mais pour des gens comme Marcabru ou Cercamon, on n'a rien, on suppose. D'autre part, les propos changent, il n'y a pas d'école, de courant, Marcabru est misogyne, Ventadour libertin, Bertrand de Born batailleur et plutôt hussard quant à la chose. En général les troubadours sont très critiques sur l'amour et se plaignent souvent de l'inconstance des femmes. Un petit nombre de chanceux verse dans l'éloge sublime et cela montre que la perfection, la distinction sont des buts vers lesquels on tend. De leur côté, les trobaritz n'ont que des reproches à faire et c'est l'émulation qui l'emporte, chacun veut que l'autre soit parfait.
Avec la réforme grégorienne, l'Eglise impose le mariage indissoluble et le sacrement est détourné, d'où les critiques et le ressentiment. Mais pas de quoi faire le lit d'une hérésie qui vient de plus loin.
Il faut reprendre les monographies une par une et éviter les dogmes et les systèmes. Lire Reto Bezzola, Henri Irénée Marrou, Jacques Roubaud, qui me paraissent plus objectifs.
Bonsoir Florentin,
mais est-ce que "l'objectivité" importe? C'est quoi? Vous-même, Florentin, reconnaissez qu'il n'y a que des fragments. On peut recomposer ces fragments dans une sorte de fresque, à la Nelli, ou s'interroger sur leur place, voir les oppositions, les nuances...
"La lettre tue, l'Esprit vivifie". Nelli, malgré ses faiblesses, son manque d'objectivité ou tout ce que vous voudrez, avait une vision. N'est-ce pas cela qui importe? Et n'est-ce pas cette vision du processus en jeu dans l'amour courtois, qui importe? Après, que Marcabru soit mal ou peu connu; que les Cours d'amour aient réellement existé ou non, etc., est-ce important?
Pour Platon, l'amant est prêt à sacrifier son désir et à rester blotti aux pieds de l'aimée pour simplement la contempler. Comment peut-il en être ainsi sans avoir précédement vu, au détour d'un chemin, la chair et les courbes de son "ange" ?
On se moque de la pseudo-rigueur des sociologues, qui croient saisir la réalité vivante avec leurs minables statistiques, et on voudrait comprendre les troubadours et un phénomène comme l'amour courtois avec l'équivalent de cette rigueur! Allons allons, ce démon du scientisme frappe donc partout?
25 novembre 2011, 23:45   Re : Voix éteinte de la mélancolie
Ce qui importe c'est de mieux connaître les sources de notre civilisation, de notre littérature, d'en faire une lecture cohérente. Je suis convaincu que la médiocrité de la littérature actuelle tient à cette méconnaissance de nos origines. Relisez, cher Loik, l'Erotique des Troubadours et vous verrez que c'est un système de suppositions.
Personne ne nie l'influence du monde arabe dans les domaines des mathématiques, de la médecine, de l'astronomie ou de l'agriculture, il y a des termes nombreux qui sont passés dans notre langue et qui attestent des origines mais la littérature provençale, celle des troubadours, n'offre aucun exemple de la moindre influence. Exception faite pour quelques instruments de musiques dérivés de l'aoud et du rebab. Mais vite adaptés à nos gammes et tempérament.
Les Troubadours auraient découvert une voie spirituelle totalement a-chrétienne, fondée sur l'adoration de la Dame et la montée du désir par frustration, idéalisation etc.

Vous connaissez l'histoire de Marie-Magdalena, Loïk, qui n'était pas exactement une ange mise en un sac par les muezzins? Marie de Magdalena était tout le contraire de la femme ensachée.

Tout l'amour courtois est en graine, en potentialité et en induction dans le noli me tangere qui eut pour objet et pour inspiratrice cette sainte patronne d'Occident. Et l'initiatrice de ce mode d'amour, de vénération et de relation à l'Autre (l'Autre, dans ce temps, n'était de ce nom que dans l'autre sexe), qui fut une fondatrice d'Occident peu de temps après le départ temporaire du Maître, fut une ennemie de la barbarie, la plus civilisée ennemie que la Barbarie ait jamais eu à affronter, et qu'il lui reste encore à affronter.
Ecoutons cette voix sublime.

MONTSERRAT FIGUERAS - El Cant de la Sibil·la (extracte)



Je partage totalement l'avis de Florentin.
Partant du principe que René Nelli en tant qu' "historien" du catharisme ne portait pas le christianisme dans son coeur on peut supposer qu'il agissait d'après le vieux principe: les ennemis de mes ennemis sont mes amis.
Jordi Savall est un militant acharné du "rapprochement" entre les religions, et du "dialogue" entre la chrétienté et le monde musulman, il n'est que de voir ses très nombreuses publications sur le sujet et ses entretiens, dans lesquels on distingue mal le constat "scientifique" établi par le chercheur-musicien du voeu pieux et des bons sentiments. Cela n'enlève rien à son talent ni à son génie d'interprète (pour moi jamais mieux exposés que dans ses Vêpres de Monteverdi, enregistrement auquel a d'ailleurs participé Montserrat Figueras).
Afin d'aborder le sujet avec une approche exhaustive :


Les racines de l'Europe ? Voilà un sujet important et d'actualité. Guy Rachet, avec sa culture, se fondant sur une vaste documentation sérieuse, diversifiée, s'attaque, souvent avec verve et toujours avec courage, à ce débat voire à ce choc des civilisations. Textes et références à l'appui, Guy Rachet prouve que sur le socle des Celtes, Germains, Slaves, Latins, Hellènes s'est épanouie une civilisation novatrice et libératrice. Il atteste que le Moyen Âge européen n'a jamais été la période obscure et barbare que d'étranges "europhobes" ont professée. qu'il n'y a jamais eu de rupture avec la tradition gréco-romaine, et que, contrairement à l'islam dont le Coran a toujours été aux fondements de l'enseignement, celui des clercs du Moyen Age était établi avant tout sur la connaissance des auteurs latins dits " profanes ". Guy Rachet met ici en valeur la prodigieuse floraison d'art, de peinture, de sculpture, d'architecture (romane et gothique), de littérature, de philosophie et de science, qui marque cette période. Un ensemble qui fait de l'Europe du Moyen Age puis de la Renaissance un des joyaux de la civilisation. Il est patent que c'est à la Grèce que l'Europe doit ce qui la distingue dans le concert des peuples et des nations.


(Mosaïque de Sainte-Sauveur-en-Chora)

Guy Rachet ?????

Hum ...Il est surtout du parti de ceux qui minimisent les racines judaiques et chrétiennes de l'Europe.
On n’a pas attendu René Nelli pour raconter que l’amour courtois nous vient des musulmans. C. S. Lewis (qui était profeseur de littérature médiévale à l’université d’Oxford) notait (je crois bien que c’est dans The Allegory of Love, 1936) que cette théorie « musulmane » était à la mode, et il exprimait son scepticisme. Le fait est que le diffusionnisme finit souvent dans la maboulie.
« Nelli, malgré ses faiblesses, son manque d'objectivité ou tout ce que vous voudrez, avait une vision. N'est-ce pas cela qui importe? Et n'est-ce pas cette vision du processus en jeu dans l'amour courtois, qui importe? Après, que Marcabru soit mal ou peu connu; que les Cours d'amour aient réellement existé ou non, etc., est-ce important? »

Tout l'esprit de l'époque est dans ces quelques lignes : il n'y a pas à rechercher la réalité, la vérité, ce qui compte, c'est d'avoir une "vision" (traduisez : de penser bien).
26 novembre 2011, 11:09   Re : Voix éteinte de la mélancolie
On ne peut s'empêcher, cher Loïk, considérant la civilisation arabo-musulmans d'une impression troublante de ... bluff, et cela des origines à nos jours, comme si Mahomet, le premier de tous les bluffeurs, avait imprimé là comme dans de nombreux autres domaines sa marque définitive. Nul besoin d'être un savant exégète, en effet, pour se rendre compte que le Coran, par exemple, a été copieusement pompé de l'Ancien et du Nouveau Testament. Après tout, pourquoi pas ? sauf que le prophète a eu le culot, ou le génie, de traiter, lui, le plagiaire, ses modèles d'être des faux et les chrétiens ainsi que les juifs, des falsificateurs ...de l'islam. S'en est suivi tout naturellement au cours des siècles suivants, le bluff du zéro et des chiffres dits "arabes" alors qu'ils sont indiens, le bluff de l'invention de l'algèbre alors qu'il s'agit d'une invention greco-indienne perfectionnée et vulgarisée par un Ouzbek hérétique, le bluff de la traduction des philosophes et des savants de la Grèce antique alors que les Arabes musulmans n'ont jamais appris le Grec et que ce sont des chrétiens moyen-orientaux qui les ont traduits, le bluff selon lequel les troupes d'élites des armées musulmanes étaient formées de musulmans alors qu'il s'agissait de chrétiens convertis de force, etc. Etc. Enfin, pour peu qu'il arrive que l'on sache le nom d'un architecte des ouvrages d'art arabo-islamique, on découvre, comme par hasard, qu' il s'agit, là encore, d'un chrétien fraîchement ou non converti. Aujourd'hui, rien de nouveau sous le soleil, le bluff continue : la dette considérable qu'ils ont à l'égard de la culture grecque a été chassée depuis des lustres de la mémoire collective des musulmans qui prétendent ne rien devoir qu'à eux-mêmes, et l'on sait , d'autre part, que les les Arabes se vantent d'avoir fait, libéré et reconstruit la France et d'être, eux seuls, les VRAIS Français.
De plus, alors que que la Chine et l'Inde, par exemple, prouvent par leur prodigieux décollement actuel qu'elles ont bien dû leurs brillantes civilisations d'hier à leurs seuls mérite, les Arabes musulmans qui aimeraient plus que tout autre peuple au monde montrer leur supériorité, s'en révèlent dramatiquement incapables, comme si,justement, plus de mille ans d'islam, leur avait définitivement stérilisé la cervelle. Cette simple constatation, ne pousserait-elle pas à la présomption que leur civilisation d'hier ne leur devait pas grand chose et que la longévité d'une religion n'est en aucun cas un signe de sa grandeur? Si Mao, ou Lénine avaient vécu en ces temps lointains, et se fussent réclamés d'un dieu, nul doute qu'ils eussent été perçus comme les prophètes d'une religion qui durerait encore de nos jours.Ce qui est, au contraire, très inquiétant, c'est précisément qu'une religion aussi stérilisante intellectuellement et même moralement que l'islam puisse durer aussi longtemps.
26 novembre 2011, 13:36   Re : Voix éteinte de la mélancolie
Idéologie de la facilité et des bas instincts, l'Islam a des racines coriaces.
26 novembre 2011, 14:00   Re : Voix éteinte de la mélancolie
Merci, cher Rogemi; de me faire découvrir cette voix magnifique.
Merci à vous aussi, chère Cassandre, vous avez encore une fois le don de faire tomber les masques dévoiler les mensonges.

Cher Rogemi, je n'ai pas encore lu ce livre, mais je le crois intéressant, car j'en ai entendu parler suite à une conférence - dont ce sujet fit l'objet - prononcée devant les membres du cercle Ernest Renan. Cependant, votre remarque ne me surprend pas.
Citation
Cher Rogemi, je n'ai pas encore lu ce livre, mais je le crois intéressant

Cher Pyrrhon.
Je ne le conteste pas une demi-seconde car Guy Rachet est un auteur qui écrit bien et qui doit être pris au sérieux. Mais vous vous doutez bien que le cercle Ernest Renan n'est pas ma tasse de thé. D'ailleurs la liste des conférenciers du Cercle est un extrait du Who 's Who de la Nouvelle Droite.
C'est que je me balade hétéroclite, d'une tasse l'autre.
J'ai lu un jour que la poésie courtoise naissait d'une organisation sociale très particulière au XII°s chrétien, celle d'une hiérarchie militaire où le suzerain domine des vassaux guerriers plus jeunes et moins riches que lui, ses "barons" quand il est roi. Il est aussi le mari de sa reine, la Dame, à laquelle les jeunes hommes font la cour sans espoir (si elle cédait à l'un d'eux, elle en ferait un traître à son seigneur). Celle-ci, au XIII°s, prend les traits de la Vierge Marie sans beaucoup de changements stylistiques dans les poèmes que l'on écrit. La poésie traduirait cette adoration de la Dame à distance (l'amor de lonh). On voit très bien cette relation d'adoration, transgressée par le passage à l'acte, dans le Roman de Tristan écrit par Béroul vers 1185. La seule analogie qui me vienne à l'esprit avec le monde musulman est la société du ribât, sorte de monastères guerriers peuplés exclusivement d'hommes dévoués à la défense de l'islam (les murabitun, ou Almoravides). Nulle femme chez eux, sauf l'épouse qui attend chacun d'eux à la maison.

On trouve d'autant mieux des influences (domaine du flou artistique et des visions) que l'époque où l'on vit en demande plus. Nelli ou Rougement, d'autre part, ne sont pas connus pour leur rigueur scientifique.
26 novembre 2011, 17:29   Re : Voix éteinte de la mélancolie
La dévotion à Marie et Marie-Madeleine prend de l'importance à cette époque. La poésie latine contemporaine ou antérieure n'était pas ne reste, comme en témoignent les oeuvres de St Fortunat et Ste Radegonde. Poitiers, centre intellectuel majeur. Il y a la vision idéalisée de la littérature et la réalité pleine de turpitudes.
(Guy Rachet, suite et fin.)

Pour ne pas se faire une mauvaise opinion du livre supra, voici la conclusion de l'auteur :

"Si l'on me demande : le christianisme a-t-il exercé une influence capitale sur le développement de ce qu'on put appeler la civilisation européenne ? Je répondrai oui, à l'évidence [avec] le déploiement prodigieux d'une vaste architecture laquelle, sur les données romaines et plus encore gréco-byzantines, nous a donné ces merveilles de l'art que sont les cathédrales romanes, gothiques et baroque (...) Par ailleurs, la mythologie issue de la légende chrétienne et la théologie sont à l'origine de toute une peinture et une sculture dites sacrées qui apparaissent comme des manifestations uniques et sublimes d'un art religieux."
"Si l'on me demende : les racines de l'Europe sont-elles d'une certaine manière musulmanes ? Je répondrai : en aucune manière. Et je préciserai que l'islam en tant que religion se trouve à l'opposé de la mentalité européenne telle qu'elle s'est forgée pendant des millénaires au cours desquels se sont accumulées des nappes de populations et de cultures diverses qui ont constitué l'Europe dans sa diversité et dans son unité."



(L'Ange au sourire, Cathédrale de Reims)

Mais y a-t-il eu, oui ou non, vers les Xème et XIème siècles une poésie arabo-andalouse "galante" ou "courtoise", ou quoi que ce soit d'approchant et de certaine valeur, dont les premiers Troubadours ont pu avoir connaissance et s'inspirer ?
Ce n'est après tout qu'une simple question factuelle, et à partir du moment où l'on y répond par l'affirmative, le fait d'envisager quelque influence de ladite poésie sur la poésie occitane n'est en soi pas invraisemblable ou choquant, il me semble ?...
Il a existé une poésie de cour en langue arabe en Espagne, comme il est naturel quand il y a une cour et un état centralisé, puis émietté en petits royaumes. A ma connaissance, cette poésie de cour ne fut pas traduite en langue romane pour exercer quelque influence que ce soit sur les troubadours et trouvères, apparus plus tard dans une situation socio-politique, linguistique et culturelle fort différente. Des influences ne sont pas impensables. Je crois simplement qu'insister sur elles, dans ce qu'elles ont d'invérifiable, ne sert pas la connaissance du Moyen-Age, mais l'idéologie.
Merci, cher Henri Bès.
Merci, cher Henri Bès, tout ceci est passionnant.
26 novembre 2011, 23:21   Re : Voix éteinte de la mélancolie
J'attendais l'argument qui n'est pas venu en ce qui concerne la forme. J'ai parlé des emprunts matériels au sujet des instruments de musique tels l'aoud, ancêtre du luth, et du rebab, ancêtre de la vielle à archet puis de la vielle à roue. Le rebec, ancêtre du violon, est pratiqué dans tout le bassin méditerranéen et il est difficile d'en saisir l'origine précise.
Des formes poétiques communes aux deux civilisations existent et perdurent. L'exotisme fonctionne à plein, il suffit de lire Chrétien de Troyes pour se tenir au courant de la mode. Les princes et mécènes arabes ont cultivé un art de vivre très séduisant et vite imité de nos ancêtres qui en ont été les spectateurs. [ J'ai l'impression que ces princes et mécènes seraient aujourd'hui traités d'apostats] Il ne s'agit pas du contenu mais de l'air de la chanson.
Bonsoir,
il semble en gros que la lecture de René Nelli ne soit fraîche pour personne ici, y compris moi-même. Nelli ne se contente pas de poser une vision "légendaire" soumise à la bienpensance ; il élabore cette vision par des faits, plutôt nombreux. Il parle longuement à la fois de la tradition de l'amour chevaleresque franc et de "l'amour arabe", fondé sur une connaissance de poésie, d'histoires, de classiques assez connus ("Majnoun et Leïla" relève-t-il de l'amour courtois ou d'une de ses préfigurations ?).
Si Nelli ou Jordi Savall sont tombés dans ce qui se dénonce ici, une sorte d'idéal d'une culture métissée (horror! horror!), est-ce seulement par "bienpensance" et soumission à un dogme (qui, notamment au temps de Nelli, n'avait pas encore son bras armé) ?
Par ailleurs, ni lénine ni Hitler n'ont pu fonder une civilisation longue de mille ans ; c'est pure naïveté (et celle-ci pourra nous perdre) de croire que le monde islamique est stupide à ce point. Vous croyez que vous pourrez sauver "l'Occident" en sous-estimant la menace et en ravalant au rang d'incultes à casquettes tous ses éminents adversaires? Quelle illusion! Que faîtes-vous des Corbin, des Schuon, des Guénon, des Nelli peut-être, de toute la cohorte d'intellectuels européens fasinés par le monde islamique?
Evidemment, si l'Islam n'a rien en lui, n'est rien, alors pourquoi vous inquiéter? Où est la menace? La menace ne peut exister que si l'adversaire est grand... Sinon, ce n'est plus qu'une force matérielle que nous affrontons, et alors il faut des techniciens, c'est un problème quantitatif (Renaud Camus n'a même pas à se fatiguer à écrire "Du Sens", car là il n'y en a pas vraiment aucun, de sens, à cette lutte!).
PS. Ce serait bien de relire ne serait-ce que le sommaire, très évocateur, de "L'érotique des Troubadours"...
Personne ici ne prétend que l'Islam n'a rien en lui. En revanche, tout le monde trouve absurde, stupide et veule la démarche qui consiste à vouloir à toute force prouver que l'Occident (sans guillemets pour le coup) lui doit l'essentiel, que la civilisation occidentale n'en serait en somme qu'un rejeton illégitime et monstrueux.

Pourriez-vous, s'il vous plaît, cesser de commencer tous vos message par "Bonsoir" ? Vous voyez bien que ce n'est pas l'usage ici et ça ne paraît pas avoir grand sens comme on a déjà tenté de vous l'indiquer.
27 novembre 2011, 00:12   Re : Voix éteinte de la mélancolie
"Mais qu'est-ce qui pourrait bien me décourager dans ma quête de toute trace de toi en ce monde, et jusqu'aux reflets -- aux indices -- les plus incertains ou indirects ? Ainsi, apprenant que René Nelli donnait non loin une conférence, je sus aussitôt que je m'y rendrais... Tu revenais de ses cours dans un état d'exaltation, de bouleversement intérieur qui m'intriguait, m'amusait, m'inquiétait tout ensemble. D'une voix âpre et fervente, tu me rapportais ses propos d'initié, ne doutant pas de ses accointances avec les forces occultes. Il me fallait comprendre comment s'exerçait sur toi son prestige.
Je l'écoutais -- et je vis bientôt sa parole te redonner asile en moi, vivante, et séduire, et subjuguée par la voix de qui est possédé par son sujet, de qui vit dans la familiarité des plus grands esprits, des plus anxieux surtout. Je reconnus à leur source, la pénétration et l'anxiété qui passaient dans ta voix tremblée, au retour des cours. Je mesurai combien de telles paroles avaient pu rejoindre et nourrir tes réflexions, tes fascinations d'alors, et la prémonition de ton destin.
D'une certaine manière, René Nelli t'élucidait, me révélant la part de toi avec laquelle tu eus grandement à compter. La tentation du néant qui balançait en toi l'appétit de vie, je voyais comment elle avait pu se trouver des racines, des répondants, des modèles. Et qu'au temps des Cathares, tu aurais embrassé l' "hérésie" avec une ardeur sans seconde. Que tu étais enfin la soeur, en intransigeance, d'une Simone Weil et de tous ceux qui la précédèrent dans le désespoir d'appartenir à un monde qui semble l'oeuvre d'un dieu de ténèbres et d'incohérence."
François Solesmes, L'Amante.
Mireille Sorgue, l'amante, s'était jetée du train Paris-Toulouse le 17 Août 1967.
Le monde "semble" l'oeuvre d'un dieu de ténèbres et d'incohérence? La semblance ici revêt un caractère de dureté qui en fait tout autre chose que simple semblance, n'est-il pas?
L'hypothèse dualiste est encore plus subtile, puisqu'elle ne dissocie rien ; le monde mixte, ambigu, mélange incessant et transformations mutuelles du bien et du mal, de la beauté et de l'horreur, de l'abîme boueux et des lumières diaphanes... C'est en ce mélange énigmatique que le dualisme voit la trace des deux Princes et Principes...
PS. Quel est le bon milieu entre la bluette de "l'islam qui donne tout à l'Occident" et son anti-bluette?
Pardon Florentin, je n'avais pas vu votre message de 23h21, avec lequel je me sens en accord (je ne "plussoie" pas... euh, ce verbe a-t-il bien quelconque utilité??).
Loik,

Le Bon Milieu est comme le Centre en politique : il n'existe pas. L'islam est soit divin, soit diabolique. Il est la source de tout ou il n'est que copiage.
En effet, il est bon de distinguer les époques et les sujets. On ne peut comparer Nelli aux journalistes contemporains, évidemment, et encore moins à Savall. En ce qui concerne le catharisme cependant, dans l'hypothèse selon laquelle il serait un avatar du manichéisme (certains doutent de cette appartenance), il faut se rappeler qu'il fut violemment persécuté par tous les empires et régimes (sauf en Asie Centrale et en Chine où il trouva une place) : la Perse sassanide qui le vit naître, la Rome païenne et chrétienne, Constantinople sous les Comnènes et Bagdad sous les califes, où l'on fit un bel autodafé des livres et des gens. S'il y a une influence arabe en ce domaine, elle est là.

Quelques références que je tire de l'excellent numéro 3 de Religions et Histoire de juillet-août 2005, où l'on voit d'ailleurs que la religion manichéenne semble être le "chaînon manquant" qui fait la transition du christianisme à l'islam. Les Manichéens connurent un certain répit quand les Arabes détruisirent l'état de leurs ennemis sassanides, mais comme ils étaient foncièrement missionnaires, ils ne se satisfirent pas de leur situation de dhimmis, tentèrent de faire des convertis et de polémiquer contre l'islam, comme en témoigne Abd al-Jabbar à la fin du X°s. Le calife al-Mahdi les persécuta et "il n'en restait pas cinq" à Bagdad en 987, dit l'historien Ibn an-Nadîm.

Le catharisme semble avoir atteint la France d'oc et d'oïl par l'Italie du Nord (terre bien plus densément peuplée de cathares au Moyen-Age), elle-même au contact des Balkans, où la secte des Bogomiles (les amis de Dieu) avait été poursuivie par l'empereur romain Manuel Comnène.

Il s'agit nullement de dépouiller la civilisation arabo-musulmane de ses talents et prestiges. Ce serait tomber dans le même vice, la même bêtise, que ceux qui voient en elle l'origine de toute culture pour mieux justifier leurs choix politiques. Comme toujours, la grande ennemie de la politique est la connaissance.
Il s'agit nullement de dépouiller la civilisation arabo-musulmane de ses talents et prestiges. Ce serait tomber dans le même vice, la même bêtise, que ceux qui voient en elle l'origine de toute culture pour mieux justifier leurs choix politiques.


Cela méritait d'être dit.
Le catharisme s'il avait triomplé aurait détruit la civilisation occidentale encore dans l'oeuf au moyen-âge. Aucun prix ne fut assez élevé pour mettre à bas cette hérésie morbide. La croisade contre les Albigeois fut très tardive et il s'en est fallu de très peu pour que cette "religion" démente ne s'impose.
27 novembre 2011, 10:52   Re : Voix éteinte de la mélancolie
"Que faîtes-vous des Corbin, des Schuon, des Guénon, des Nelli peut-être, de toute la cohorte d'intellectuels européens fasinés par le monde islamique?"

Très rapidement car je n'ai guère de temps aujourd'hui :

Qui vous dit que cette "cohorte" (?), ou une bonne partie d'entre elle, ne changerait pas d'avis aujourd'hui ? Je connais bien le poète Yves Rouquette époux de mari Rouänet. et qui fut l'ami de Nelli. Il se proclame fièrement le "dernier des Cathares" et, avec sa femme a longtemps milité pour l'accueil des immigrés, musulmans en particulier. Tous deux avaient une certaine sympathie pour l'islam au point que lui qui ne voyage jamais, est même allé faire un court séjour en Algérie. Je peux vous affirmer qu'il a bien changé d'avis, depuis. Au reste votre servante elle-même, il y a environ quarante ans, a été assez fascinée par l'islam ésotérico-soufi. Nous habitions, à l'époque, mon mari et moi, à Mostaganem, cité très religieuse où F.Schuon, précisément avait établi ses quartiers dans la ville arabe et j'ai lu à ce moment là son ouvrage de référence sur l'islam. Je crois pourtant,que tout le monde a pu remarquer sur ce forum à quel point j'avais changé d'avis au sujet de cette religion ! Pour en revenir à la "cohorte", il me semble que le mot s'applique au moins autant à ceux que l'islam a révulsés. Je n'ai pas le temps de tous les citer.
L'excès de scrupules, qui nous honore , cela va sans dire, ou la stratégie de la part du feu afin d'amadouer l'adversaire, ne doit pas nous conduire à admettre ne serait-ce que des demi-mensonges. Pour ma part je n'hésite pas à reprendre la formule de Renan : la civilisation dite arabo-musulmane a été une grande civilisation mais elle devait fort peu aux Arabes et rien à l'islam.. Alors si la civilisation arabo-musulmane elle même ne devait rien ni aux uns ni à l'autre, comme nt la nôtre eût-elle pu leur devoir quoi que ce soit ?
Il y aurait tellement à dire, qu'il y faudrait des livres entiers ... qui d'ailleurs existent, et je ne veux pas avoir l'air une fois de plus de l'islamophobe bornée de service. aussi n'irai-je pas plus loin.
Je relisais dernièrement le livre de F.Schuon et une phrase m'avait fait dresser les cheveux sur la tête. Je vais essayer de la retrouver.
27 novembre 2011, 10:53   Re : Voix éteinte de la mélancolie
Merci, cher Henri Bès, de vos analyses que je partage.
Pour comprendre à quel point l'analyse de Renan citée par Cassandre est exacte, il suffit de comparer la civilisation islamique à son apogée à ce qu'était l'Arabie avant la conquête arabe, ou encore ce que la même était à son apogée, quand les populations arabisées et même islamisées de l'empire n'étaient qu'une minorité dominante, à ce qu'elle est devenue au fur et à mesure que l'arabisation et l'islamisation se sont faites réalités très majoritaires et bientôt quasi-exclusive.

En un mot comme en cent, nous ne voulons pas que la France et l'Occident deviennent musulmans parce que ce n'est pas notre civilisation, parce que l'islam imposerait des traits fondamentalement incompatibles avec ce que nous sommes et que nous voulons rester, et parce qu'il est promesse d'une lente et irrémédiable dérive vers la décadence, le fatalisme et un certain hédonisme paresseux couplé au goût de la violence.
Utilisateur anonyme
27 novembre 2011, 13:44   Re : Voix éteinte de la mélancolie
(Message supprimé à la demande de son auteur)
Prenez l'exemple de la médecine du moyen âge. Avicenne et Alboucassis, notamment, firent faire de grands progrès à cet art, et les hôpitaux du monde musulman étaient très en avance sur ceux du monde chrétien.

De même, considérez les princes et mécènes musulmans que cite Florentin : ce ne sont pas des barbares.

En fait, il n'y a pas une sorte de règle qui signifierait qu'en tout temps et tout lieux islam soit synonyme de régression. Que sa forme actuelle le soit, cela me parait clair. Que ses formes passées l'aient été, c'est loin d'être évident.
Utilisateur anonyme
27 novembre 2011, 16:01   Re : Voix éteinte de la mélancolie
(Message supprimé à la demande de son auteur)
Regardez sur internet ce qui doit être assez largement dit à propos des deux savants que je citais.

Prenez l'exemple des essais cliniques, grand apport d'Avicenne :

[books.google.com]

Je passe maintenant au 3, deuxième question : il n'y a rien de typiquement islamique là-dedans. Il y a la preuve qu'une pensée scientifique originale est possible dans le cadre islamique, comme elle l'est dans le cadre chrétien.
Utilisateur anonyme
27 novembre 2011, 16:41   Re : Voix éteinte de la mélancolie
(Message supprimé à la demande de son auteur)
Et moi qui croyait que dans le monde arabo-musulman le plupart des médecins, surtout ceux des califes, sultans et autres huiles, étaient juifs !
Didier,

Si vous posez cinquante questions à la fois, j'aurai du mal à vous répondre.

Je me contenterai de répondre au dernier point : il y a une base, qui est celle issue de l'antiquité. Sur cette base, les Etats musulmans du moyen âge ont bâti des théories intéressantes et ont eu d'assez brillants résultats. L'occident de cette époque a lui aussi progressé, il y a eu des échanges réciproques.

Une question intéressante (puisque vous aimez les questions) est la suivante : pourquoi cette "panne" du monde musulman, ensuite ? Est-ce bien une "panne" ou alors l'évolution brusque en occident, bâtie sans doute autour de la théorie des Lumières, qui fait que des progrès formidables sont enregistrés depuis le milieu du XVIIIème siècle ? si vous regardez du côté de la Chine, vous voyez la même "panne", et la Chine n'a rien de musulman.
Utilisateur anonyme
27 novembre 2011, 17:00   Re : Voix éteinte de la mélancolie
(Message supprimé à la demande de son auteur)
Savez-vous quelle est la différence sociale majeure entre les pays musulmans et l'occident ? c'est l'absence de ce qui fait notre force, la classe moyenne (c'est à dire la petite bourgeoisie). Les pays musulmans ont une classe supérieure de fort bonne tenue, en général, une masse que j'identifie aux classes dangereuses, et une petite classe moyenne, basée quasi-exclusivement sur le commerce.

Dans le même ordre d'idée, la démarche intellectuelle du "salariat valorisé" et de productivisme leur est étrangère. A propos de l'Asie, on trouve le même contraste avec la Chine (pays qui a été bloqué plusieurs siècles) et le Japon qui a développé le modèle petit-bourgeois du "salary man".

La révolution industrielle anglaise, la Révolution française se sont faites à partir des classes moyennes. Les pays européen qui ont gardé longtemps une société d'Ordres ont pris un retard effarant (typiquement, l'Espagne, qui en 1600 est au même niveau que le reste de l'occident, et qui a des décennies de retard en 1900).

Je vous retourne donc la question : la petite bourgeoisie des cottages anglais et des zones pavillonnaires françaises et des banlieues américaines n'est-elle pas, justement, ce qui fait notre force ? connaissez-vous une petite bourgeoisie musulmane de même ampleur ?
Utilisateur anonyme
27 novembre 2011, 17:20   Re : Voix éteinte de la mélancolie
(Message supprimé à la demande de son auteur)
cela met assurément en relief l'extraordinaire dynamique propre à l'Occident, et son destin absolument singulier,

Vous écriviez cela, et je me bornais à constater ce qui fait la spécificité du monde occidental : cette classe moyenne largement salariée. Ajoutez à cela la confiance dans le progrès technique et vous aurez la force de l'occident.

Pour ne pas centrer le débat sur l'islam, considérez la fameuse Macartney Mission : on voit un occident de la technique, de la production industrielle parfaitement figuré par Staunton face à une Chine des traditions, qui semble inébranlable mais qui en fait s'effondre sur elle-même.

Ce que vous appelez "secondaire et marginaux" sont en fait des points absolument centraux. Je reprends mon exemple de l'Espagne, que je complète par l'Italie du sud : ces pays sans classe moyenne étaient il y a cent ans arriérés.
27 novembre 2011, 17:51   Re : Voix éteinte de la mélancolie
Extraits d'un entretien avec Rémi Brague lu sur libertyvox (mais il faudrait tout citer) :

"La maison de la sagesse :

l me faut mentionner ici un second exemple, tant il est répandu. C’est celui de la « maison de la sagesse » (bayt al-hikma) de Bagdad. La légende y voit une sorte de C.N.R.S., un centre de recherche généreusement subventionné par les Califes amoureux du savoir, et où des traducteurs auraient été payés pour faire passer à l’arabe les trésors de la science et de la philosophie grecques.
La légende ne se nourrit que de soi ; rien de tout cela ne résiste à l’examen critique. La maison de la sagesse abritait bien une bibliothèque. Mais l’activité de tous les traducteurs que nous connaissons était commanditée par des clients privés, nullement par l’appareil d’État. Enfin, plus on remonte en arrière dans le temps, moins les chroniqueurs mettent en rapport l’activité de traduction avec cette fameuse maison[6].
Il semble que l’institution en question n’avait rien à voir avec les traductions, ni même en général avec le savoir profane, d’origine grecque. Elle semble avoir été avant tout à usage interne, plus précisément une sorte d’officine de propagande en faveur de la doctrine politique et religieuse que soutenaient les Califes de l’époque, à savoir le mu‘tazilisme, lui aussi objet de bien des légendes.
Rappelons en deux mots que les Mu‘tazilites étaient bien partisans de la liberté morale de l’homme comme indispensable pour penser la justice de Dieu qui ne peut récompenser et punir que des gens responsables de leurs actes. Mais n’oublions pas que, dans la pratique, ils ont lancé le pouvoir califal contre leurs adversaires en une campagne que bien des historiens nomment, au prix d’un anachronisme, « inquisition ».

L’Andalousie :

Un arabisant espagnol, Serafín Fanjul, s’est donné pour tâche de détruire cette légende et de montrer que les régions d’Espagne sous domination musulmane n’étaient ni plus ni moins agréables pour les communautés minoritaires que les régions chrétiennes. Des deux côtés, on constate discriminations et persécutions, le tout sur l’arrière-plan d’expéditions de pillage et de rapt. Plutôt que d’une coexistence (convivencia) harmonieuse, il s’agissait d’un système voisin de l’apartheid sud-africain[7]. Là aussi, rien qui soit nouveau pour les historiens qui ont de cette époque une connaissance de première main. Mais qui les lit ?

Ne perdons pas non plus le sens des proportions. Le mince filet d’hellénisme passé à l’Europe jusqu’au xiie siècle sur lequel S. Gouguenheim a attiré l’attention n’est pas nul, mais il est peu de choses par rapport à ce qui a été traduit au xiiie siècle. À plus forte raison, il n’est pas comparable à ce qui était passé du grec ou du syriaque à l’arabe dans l’Empire Abbasside du ixe siècle.
Mais ces trois transferts ne sont à leur tour qu’une goutte d’eau par rapport à l’inondation qui a déferlé sur l’Europe à partir du xve siècle. Elle a concerné tout ce qui était disponible en grec. Elle a débouché sur une véritable hellénomanie qui a duré plusieurs siècles, de la Renaissance italienne aux humanismes et classicismes de toute l’Europe, de Florence à Weimar en passant par Salamanque, Oxbridge, Leyde, Paris. Tout cet engouement littéraire s’appuyait sur un mouvement philologique, séculaire lui aussi, d’édition, de commentaire, de traductions.
L’hellénisme n’a été en terre d’islam que le fait d’individus comme les « philosophes » (falâsifa), intellectuellement des génies, mais socialement des amateurs privés de relais institutionnel. Ce n’est qu’en Europe qu’il a pris la forme d’un phénomène, sinon de masse, du moins de vaste envergure, puisqu’il concernait l’ensemble de l’élite intellectuelle.
Et pourtant, le phénomène capital n’est peut-être pas encore là. Pour ma part, je le situerais dans le fait que les érudits européens ne se sont pas contentés de traduire à partir du grec. Ils se sont, si l’on peut dire, avant tout « traduits » eux-mêmes vers le grec. Ce n’est qu’en Europe que l’on a appris le grec de façon systématique. Ce n’est qu’en Europe que, le plus concrètement du monde, le grec est devenu matière obligatoire dans l’enseignement secondaire—en gros, selon les pays, jusqu’au milieu du xxe siècle.

De la réceptivité :

Il faut en finir avec la métaphore naïve de la transmission du savoir sur le modèle hydraulique, que je viens de filer avec un sourire : un liquide qui coulerait spontanément d’un niveau supérieur à un niveau inférieur, comme l’eau du château d’eau aux éviers. Le Socrate de Platon se moquait déjà d’une telle représentation de l’enseignement[23]. Le récepteur doit, pour pouvoir s’approprier le savoir, s’en être d’abord rendu capable, s’être rendu réceptif.
Or donc, l’Europe a effectué, à partir du xie siècle, un énorme travail sur soi, à partir de ses maigres ressources propres : Cicéron, s. Augustin, Boèce, Isidore, quelques autres encore. Elle a connu, dans la foulée de la Querelle des Investitures, et pour étoffer conceptuellement les arguments de la papauté comme ceux de l’Empire, une renaissance juridique dont le monument principal, mais loin d’être unique, est le Décret de Gratien. Elle a connu une renaissance littéraire (s. Bernard) et philosophique (s. Anselme, Pierre Abélard). Le tout s’est fait avec les seuls « moyens du bord ».
De plus, en même temps qu’elle mâchonnait les plus minces brins de l’héritage antique, l’Europe ruminait. Elle retrouva à l’intérieur d’elle-même ce qu’elle avait négligé, comme les compilations de droit romain auxquelles puisèrent les artisans de la renaissance juridique dont je viens de parler[24].
C’est cet essor intellectuel qui a permis à l’Europe de ressentir le besoin du savoir grec, d’aller le chercher là où il était, et de le recevoir de façon féconde. De plus, en même temps qu’elle allait chercher au-dehors ce qui lui manquait du savoir grec, l’Europe est revenue sur ce qu’elle en possédait déjà, elle a retraduit ce qu’elle avait traduit de par le passé. Ainsi, les œuvres de Denys l’Aréopagite, qui firent l’objet d’une troisième traduction[25].
L’appel à du savoir frais, latin, grec ou arabe, n’est donc pas seulement une cause de l’essor intellectuel européen ; il en est tout aussi décidément une conséquence.
La réception même d’Averroès le montre : c’est en Occident chrétien et juif qu’il fut lu et commenté. Après la chute des Almohades qu’il servait, son milieu d’origine l’oublia très vite. On lit parfois dans la rubrique « faits divers » qu’un chiffonnier a trouvé un collier de perles fines dans des ordures. Il en est un peu ainsi d’Averroès : l’Occident a ramassé ce joyau dans les poubelles de l’Islam."
Utilisateur anonyme
27 novembre 2011, 17:54   Re : Voix éteinte de la mélancolie
(Message supprimé à la demande de son auteur)
27 novembre 2011, 17:57   Re : Voix éteinte de la mélancolie
Tout à fait exact.
Bonsoir Cassandre,

je trouve la question de la destinée des intellectuels amis de l'islam stimulante... Qu'aurait dit Corbin ou ses disciples, Nelli ou d'autres lecteurs de Schuon, aujourd'hui? J'en fus moi-même, voyant en l'Islam une alternative spirituelle possible pour l'Occident ; au lieu d'un catholicisme exsangue et dévoué au tout-social, une spiritualité épurée, avec aussi un certain idéal chevaleresque et courtois, une voie soufie alliant spiritualité et reconnaissance de la sexualité, etc. L'aspect combattant de cette religion, s'il était tourné contre le nihilisme contemporain, ne me semblait pas sans pertinence.
Aujourd'hui, les tenants officiels ou les plus voyants de l'Islam ont su nous en éloigner... Alors qu'encore quelques générations de personnages altiers, raffinés, spiritualistes et parlant mystique, symboles, auraient pu conquérir (je crois) de plus en plus de personnes en Occident, les "djihadistes" de base ont détruit cette possibilité.
D'une certaine façon, les "djihadistes" n'ont-ils pas été les pires adversaires de l'Islam, en l'associant avec quelque chose d'on ne peut plus repoussant?

Néanmoins, même si j'ai donc ressenti ce reflux, je crois qu'il ne faut pas trop caricaturer ; bien sûr que l'amour courtois, ou l'architecture islamique, ou la médecine du monde arabe, doivent au monde grec, aux néoplatoniciens, ou aux juifs et aux chrétiens... Mais d'un autre côté, on trouvera toujours des origines à tout courant culturel, cela n'empêche pas l'existence de synthèses inédites, propres à la culture où ces synthèses se sont produites.

Il me semble qu'attaquer le monde musulman sur son manque de démocratie, de respect envers les minorités, est légitime ; l'attaquer, sur un plan beaucoup plus profond, sur sa métaphysique (en considérant par ex. que l'Islam répond de façon moins cohérente que le Christianisme à certaines interrogations ultimes), est je crois le point ultime et c'est là que "la bonne querelle" devra se situer, à la fin ;
mais en revanche, attaquer le monde musulman sur ce qu'il a pu (peut-être à ses marges) produire de meilleur, cela me semble une attaque erronée et vide de sens... Considérer que le monde musulman, par essence, ne peut rien produire de valable (ou seulement par emprunt et par "vol"), me semble être l'attitude qui prévaut un peu sur ce fil, ce qui est dommage. Je ne vois pas trop quel risque on court à reconnaître à l'autre sa valeur ; ceci n'enlève rien aux valeurs que l'on peut défendre.
Utilisateur anonyme
27 novembre 2011, 22:46   Re : Voix éteinte de la mélancolie
Citation
Loik A.
Il me semble qu'attaquer le monde musulman sur son manque de démocratie, de respect envers les minorités, est légitime

Je dirais plus volontiers stratégique. En pays progressiste, l'attaquer sur son anti-progressisme est logique ; dans des pays conservateurs, on l'attaquerait simplement sur son caractère étranger, notion inopérante en terres progressistes.
Citation
au lieu d'un catholicisme exsangue et dévoué au tout-social, une spiritualité épurée, avec aussi un certain idéal chevaleresque et courtois, une voie soufie alliant spiritualité et reconnaissance de la sexualité, etc. L'aspect combattant de cette religion, s'il était tourné contre le nihilisme contemporain, ne me semblait pas sans pertinence.

L'islam est un canard décapité qui continue à courir sans savoir qu'il est déjà mort.
27 novembre 2011, 23:13   Re : Voix éteinte de la mélancolie
Pour être décapité, il faudrait avoir une tête. Dépité, certes et tétanisé par l'aveu d'ignorance, d'indigence de ses fondements. La preuve en est que la moindre critique se solde dans le sang. Il n'existe pas de défaite plus cuisante.
27 novembre 2011, 23:23   Re : Voix éteinte de la mélancolie
Cher Loik, il n'y a pas que les clercs dans le Catholicisme. Nous avons un grand intellectuel, plutôt isolé, comme pape, mais il y a des gens lucides qui s'efforcent d'apporter les bonnes réponses. Le clergé est encore traumatisé par Vatican II qui s'est voulu riposte aux totalitarismes mais l'adversaire s'est dégonflé plus vite que prévu pour laisser la place à des monstres d'une autre nature. Parfois le remède est pire que le mal, un peu comme le laxisme occidental qui se prend pour le parangon de la liberté.
L'impact culturel de l'Islam sur le monde médiéval est nul et nous devrions en tenir pour preuve tout ce qui fut dans l'âge qui nous intéresse la musique médiévale des cours européennes. Aucun mélisme. La science, qui est immense, de Jordi Savall, repose sur des particularismes musicaux. Toute l'Europe musicale dès le douzième siècle vit de sa vie propre sans le monde arabo-musulman, et l'on viendrait nous dire qu'il en fût autrement de la poésie ?
Pas après le XIIème siècle, effectivement ; plutôt avant, à en croire J. Savall.
Quant aux "particularismes", pourquoi pas? Mais la musique classique dans son ensemble risque bien d'être traitée de simple "particularisme" par les Majors et par les masses occidentales, si ce n'est déjà le cas...
On peut reprendre la question autrement, et se faire l'avocat du Diable, le Dissident d'ici (alors qu'on est aussi le Dissident d'ailleurs, en prenant un pied inverse) :
Supposez, brave compagnie, que vous puissiez reconnaître au monde musulman quelque qualité... Quelle serait-elle ? Quelles seraient-elles ?
(Cela m'amuse toujours de voir que quand on demande à Ségolène Royal si elle peut citer une seule bonne mesure prise par Sarkozy, elle n'arrive jamais à répondre à cette question ; on ressent un blocage, une impossibilité profonde, quelque chose comme une sorte de recul et d'objectivité minimaliste qui manque de façon tragique à son programme intellectuel...).
Loïk A., j'ai évoqué la musique, parce que c'est la matière qui m'est chère entre toutes, voulez-vous que nous parlions arts plastiques, arts de la représentation, en lesquels toute notre civilisation chrétienne et européenne crache à la gueule de l'Islam en lui opposant l'image de son Dieu à la figure pleine, à la figure sans peur, et demeure en cela fidèle à elle-même et à ce parti pris avant, pendant, et après la présence musulmane sur nos terres ? Toute la chrétienté est un parti pris affirmé du réel figurable contre l'islam qui s'en soustrait comme un lâche ! L'art occidental est fait d'une longue fiançaille amoureuse tissée entre le réel et le divin, et de ces épousailles, l'Islam est exclu car le lien entre le réel et le divin ne l'intéresse en rien. Le divin lui suffit (les mystiques et les djihadistes); le réel lui suffit (la racaille, le petit commerce), tout lien entre les deux est impossible ou postiche, il s'agit le plus souvent d'un marchandage matérialiste (on convainc la racaille de se sacrifier en passant avec elle un accord marchand: tu tues, et t'iras au paradis et tu y niqueras des vierges jusqu'à plus soif, on la convainc par la langue de son petit commerce, on la trompe, on ne lie ni n'unifie aucuns ordres primitivement distincts; on n'accomplit aucun miracle de la Foi).
Vous sophistisez faiblement Loïk A. Reprenez-vous, je vous prie.
L'Incarnation chrétienne est très certainement ce qui a rendu possible la vision des corps dans la peinture, vision non idéalisée de corps singuliers soumis au passage du temps, à la décomposition qui est aussi celle du Dieu mort.


(Je relis ce titre de fil, qui est le titre de l'article du Monde sur la mort de Montserrat Figueras : il est magnifique, une fois n'est pas coutume.)
28 novembre 2011, 09:32   Re : Voix éteinte de la mélancolie
Vous n'êtes pas sans savoir, cher Loïk, que le soufisme ne concerne qu'une minuscule minorité dans l'islam, minorité combattue et même persécutée par l'islam exotérique, officiel, orthodoxe. De plus, le soufisme est une démarche purement individuelle qui ne remet absolument pas en cause la lettre du Coran pour la masse des croyants, c'est-à-dire ni la charia, ni la dhimmitude ni le djihad guerrier contre les infidèles.Il ne faut pas confondre l'idée que se sont faits certains occidentaux de l'islam à une époque où celui-ci étant encore sous domination occidentale s'efforçait de ne présenter que des aspects aimables.
Que certains hommes aient réussi à tirer des écritures canoniques de l'islam un élixir mystique comme d'autres ont réussi à tirer des épluchures de patates de l'alcool , cela est certain mais le mérite n'en revient qu'à ces hommes et non à la matière première.

Je vous soumets le texte suivant d'un auteur musulman qui me semble bien présenter la position de l'islam orthodoxe sur le soufisme:

"Le Soufisme est souvent considéré par les soufis eux-mêmes ou par les orientalistes, comme un « mysticisme islamique », afin de donner l’impression que l’Islam est entièrement ou partiellement une religion ésotérique (secrète), avec des rites dogmatiques compris seulement par une élite, les Soufis ! Malheureusement, le manque d’analyse critique de ce sujet en langue occidentale a permis aux orientalistes de remplir le marché du livre dans les pays occidentaux avec une littérature qui dupe les musulmans naïfs en leur faisant croire que la guidée ne peut être atteinte qu’en suivant un ordre mystique.
Les véritables musulmans devraient se suffire du nom « Musulmans » donné par Allah, Le Tout Puissant comme Il le dit :
« C’est Lui qui vous a élus ; et Il ne vous a imposé gêne dans la religion, la religion de votre père Ibrahim, lequel vous a déjà nommé « Musulmans » avant et dans ce Livre »
(Sourate 22 verset 78)

Ibn Kathir -Qu’Allah lui fasse miséricorde- commente ce verset dans son Tafsir :
« Allah a choisit les musulmans, les a honorés et distingués des autres nations par le plus honorable des messagers et la plus parfaite des religions, et ils ne les a pas surchargés avec plus que ce qu’ils ne pouvaient supporter ».

Si les soufis se disent musulmans, pourquoi s’identifient-ils alors plus au Soufisme qu’à l’Islam .Ce mot « Soufisme » n’était pas familier à ceux qui vivaient dans les 3 meilleurs générations des Salaf-as-Salih (pieux predecesseurs).


Développement de la pensée Soufi

Le Soufisme est le rassemblement d’une variété de pensées et philosophies. En mêlant des enseignements Islamiques avec cette pensée, les penseurs soufis essayent de sanctifier leur doctrine et de démontrer sa conformité à l’Islam. La philosophie grecque, et en particulier les enseignements néo-platoniciens, ont laissé une tâche indélébile sur beaucoup d’aspects du Soufisme. Cela a été le résultat de la traduction des travaux philosophiques grecques en arabe lors du 3ème siècle post-hégire (« Allah est partout », « son essence se trouve dans sa création », etc…).


L’occultisme soufi, avec ses doctrines philosophiques et théosophiques, est sans aucun doute antithétique à l’Islam. L’Islam proclame que l’entité et essence indivisible d’Allah est totalement différente de Ses esclaves.
Les soufis, au contraire, souscrivent à la croyance que l’homme et Allah forment en fait une seule entité et essence. La doctrine de panthéisme de Ibn Arabi est une combinaison de manichéisme, gnosticisme, néoplatonisme, philosophie chrétienne, Védantique et de spéculations qu’il a vainement essayé de justifier par l’Islam en les reliant à des traditions prophétiques. R.W.J Austin écrit :
« Sur son thème principal, ce qui domine le reste et auquel ils sont subordonnés est l’unicité de l’existence (Wihdat ul-Wudjud). Le concept de l’unicité de l’existence embrasse toute chose, et tout les autres concepts de Ibn-Arabi sont des facettes de cela. Comme il le dit, toute distinction, différence et conflit ne sont que l’apparence d’une même et unique réalité, « le vêtement sans couture » de l’existence, dont la réalité comme toute existence qui en dérive est son existence »
(Ibn ’Arabi, « Facettes de la sagesse », p 3)


Alors que les musulmans sont d’accord pour dire qu’Allah est unique, ils confirment tous les noms et attributs par lesquels Allah s’est qualifié, sans ressemblance à sa création ; son essence ne ressemble en rien à celle de ses créatures, de même ses attributs ne sont en rien comparables à ceux de la Création.


Allah, le Suprême, a dit :

« Il n’y a rien qui Lui ressemble ; et c’est Lui l’Audient, le Clairvoyant »
(Sourate 42 verset 11)



Mouhiyddin Ibn Arabi, l’une des autorités suprêmes du mysticisme soufi, qui a capturé l’imagination et l’éducation des soufis à travers le monde, est né en 560 post-hégire (1165 après J.C.), et il a étudié les doctrines occultes et métaphysiques des soufis.
R. Austin écrit :
« De tels enseignements et pratiques consécutives ont poussés Ibn Arabi, même lorsqu’il était jeune à Séville, à passer de longues heures dans les cimetières à communier avec les esprits des morts ».
(Ibid)

Il décrit ses « révélations au cimetière » comme étant véritables et il a compilé un écrit massif sur le Soufisme, intitulé « Al-Futuhat Al-Mekkiya » (les révélations Mecquoises). A ce sujet, Ibn ’Arabi écrit :
« Quelques passages ont été écrits par le commandement divin qui m’a été transmis durant mon sommeil, ou à travers des révélations mystiques. ».
(Ibid)

L’autre impression forte qu’Ibn ’Arabi veut laisser aux lecteurs de ses révélations Mecquoises, est qu’il a lui aussi, en tant que figure spirituelle et mystique, fait l’expérience de la lourdeur de la révélation, ressemblant à celle du Prophète -Salallahu alayhi wa salam-. (Ibid)

Quelle absurdité et mensonge !

Il a noté que parfois la pression de la révélation mystique était tellement forte qu’il se croyait obligé de finir son travail avant de se reposer. (Ibid)


Allah, l’Exalté, condamne de tels déclaration en disant :

« Et quel pire injuste que celui qui fabrique un mensonge contre Allah ou qui dit : « Révélation m’a été faite », quand rien ne lui a été révélé. De même celui qui dit : « je vais faire descendre quelque chose de semblable à ce qu’Allah a fait descendre. »
(Sourate 6 verset 93)


Les musulmans croient que le Prophète Mouhammad -Salallahu alayhi wa salam- est le dernier des Prophètes, en est le sceau (il vient rompre la lignée de la prophétie). C’est pourquoi, toute personne qui affirme être un prophète ou un récipient à la révélation divine est UN IMPOSTEUR et un HERETIQUE. En outre, il semble assez hérétique pour un jeune homme de passer de longues heures dans des cimetières « à communier avec les esprits des morts ».

Allah a dit au Prophète -Salallahu alayhi wa salam- :

« tu ne peux faire entendre ceux qui sont dans les tombes »
(Sourate 35 verset 22)


Ainsi, la divinité pour Ibn ’Arabi est en réalité tous les éléments qui constituent l’univers : les hommes, les animaux et toute autre existence. Par exemple, il se décrit lui même comme une réalité divine. Et afin d’être sur que ses lecteurs ne remarquent pas son hérésie, il écrit :
« En relation à l’existence, Il (Allah) est l’essence de toute chose existante. Ainsi, dans un certain sens, les choses relatives sont élevées en elles-mêmes, car en vérité, elles ne sont rien d’autres que Lui, qui porte le nom de Abou Sa’id Al-Kharraz »
(Ibid)

A partir de ce concept hérétique sur Allah, on pourrait déduire des principes qui contredisent les aspects fondamentaux et les croyances évidentes contenues dans le Coran et la Sounna. Par exemple, l’homme selon la théorie de Ibn ’Arabi n’est rien d’autre que Dieu lui-même, et comme Pharaon était un homme, sa déclaration proclamant sa divinité serait vrai selon la doctrine d’Ibn ’Arabi. De plus, si rien d’autre n’existait en dehors d’Allah, alors tout animal de toute espèce est en réalité Dieu. Et comme toute chose existante à la même essence, l’alcool n’est rien d’autre que l’eau, et toute chose haram est halal. Il n’y a pas de croyance hérétique plus dangereuse que le panthéisme.

Allah, l’Exalté, est TRES TRES TRES TRES TRES TRES LOIN !! de ce qu’Ibn Arabi et ses adeptes lui assignent.


Allah a dit :

« Il n’y a RIEN qui Lui ressemble ; et c’est Lui l’Audient, le Clairvoyant »
(Sourate 42 verset 11)


Et il n’appartient pas aux véritables croyants de faire des interprétations tirées par les cheveux sur l’essence d’Allah ou sur Ses attributs. Les véritables musulmans les acceptent tels qu’ils sont dans le Coran et les hadiths Sahîhs (traditions authentiques).
Ce verset est une affirmation commandant aux croyants de ne pas Lui imputer d’autres attributs ou noms que ceux qu’Il s’est donné lui-même ou par le biais de Son Messager -Salallahu alayhi wa salam- dans les hadiths Sahîhs. Ils ne doivent pas rendre Allah sujet de similitudes ou exemples.


Allah dit :


« N’attribuez donc pas à Allah des semblables. Car Allah sait, tandis que vous ne savez pas »
(Sourate 16 verset 74)


Voici pour ce qui était d'un petit aperçu du soufisme (qu'Allah nous en preserve)...


Qu'Allah nous preserve des absurdités et des mensonges !
Qu’Allah nous PROTEGE et nous PRESERVE de l’IGNORANCE et de l’ASSOCIATION car c’est vraiment la plus IMMENSE des INJUSTICES ! !

Et que la prière et le salut d'Allah soient sur notre Prophète, Muhammad, sa famille, tous ses Compagnons et tous ceux qui le suivent de la meilleure manière jusqu'au jour de la Résurrection.

wa salam aleykoum wa rahmatoullahi wa barakatouh


Qu'Allah nous preserve des absurdités et des mensonges !
Qu’Allah nous PROTEGE et nous PRESERVE de l’IGNORANCE et de l’ASSOCIATION car c’est vraiment la plus IMMENSE des INJUSTICES ! "
En ce qui me concerne, j'ai toujours aimé et continue à aimer la musique du monde arabo-islamique, ainsi que son architecture (j'ai moins d'affinités avec leur littérature). Ce contre quoi je m'élève de façon véhémente c'est qu'on prétende que cette musique soit aux racines de la nôtre. Elle me plaît aussi et peut-être surtout par son caractère radicalement différent, son étrangèreté.
C'est aussi mon point de vue, Marcel.

Il y a de grandes choses dans le monde islamique, et même de très grandes choses, mais la plupart nous sont étrangères.

Il n'est pas besoin de dénigrer cette civilisation, il est important de dire que telle ou telle chose nous est radicalement étrangère.
Citation
Il n'est pas besoin de dénigrer cette civilisation, il est important de dire que telle ou telle chose nous est radicalement étrangère.

Je trouve, cher Jean-Marc, vos bonnes dispositions vis à vis de l'islam très comiques mais à propos, savez-vous ce que pensent et disent de nous les musulmans ?
28 novembre 2011, 11:17   Re : Voix éteinte de la mélancolie
La langue du Coran, quoique loin d'être aussi parfaite que le disent ceux qui veulent voir dans cette soi disant perfection la preuve de l' origine divine de ce livre, est une très belle langue, faite pour être récitée, le terme de "coran" signifiant justement "récitation" . Je crois que les époux Urvoy dans leur dernier ouvrage étudient la façon dont le livre saint est "fabriqué" de manière à produire chez ceux qui le récitent le vertige et l'adhésion. Il y a d'ailleurs tout un art de la récitation coranique, où se sont souvent illustrés des "cheikhs" soufis. Les riches notables musulmans organisaient parfois des soirées de "récitation " du texte sacré confiée à l'un de ces cheikhs payé fort cher pour la circonstance. Le public scandait les moments les plus forts d "Allah !" enthousiastes qui pourraient bien être à l'origine de 'l' olé !" espagnol.
Utilisateur anonyme
28 novembre 2011, 11:43   Re : Voix éteinte de la mélancolie
(Message supprimé à la demande de son auteur)
28 novembre 2011, 12:52   Re : Voix éteinte de la mélancolie
Connaissez-vous les travaux de Suzanne Haïk Vantura ?
Un exemple sur CD

La liturgie chrétienne est directement issue du chant de la Synagogue.
La musique des Troubadours est d'abord imitée de la liturgie, ce n'est pas étonnant puisque la plupart des premiers Troubadours étaient des clercs. St Martial de Limoges au XIe siècle est de haut lieu de la liturgie et des origines de la polyphonie. C'est l'aboutissement d'une très longue tradition et qui se poursuit dans la musique occidentale, la seule maintenant adoptée par toute la planète.
Les tentatives de reconstitutions "orientalistes" me paraissent exagérées. C'est le cas de plusieurs ensembles précisément influencés par le gourou Nelli. Beaucoup trop d'idéologie dans tout cela.
Seuls les utilisateurs enregistrés peuvent poster des messages dans ce forum.

Cliquer ici pour vous connecter