Vous me permettrez de me risquer à cet exercice, un tantinet acrobatique, qui consiste à vous répondre dans un même post, cher Jean-Marc et cher Alain.
Jean-Marc, je vous rejoins volontiers sur ce que je crois comprendre de votre réponse : l'impératif d'adapter le discours sur les religions au public auquel il s'adresse en évitant de le perdre par des considérations par trop "savantes", subtilités qui, non accessoirement, offrent à la controverse un champ infini et d'une densité conceptuelle telle que n'y peuvent s'y mouvoir à l'aise que des érudits absolument maîtres de leur matière. Etait-ce bien le sens de votre objection ?
Je lis de même dans votre réponse un appel à l'efficacité et au pragmatisme, que je peux partager.
Cela étant, certains versets coraniques s'imposent d'eux-mêmes à l'analyse, que nous serions bien mal avisés d'esquiver. Car je crois au contraire qu'ils sont bien à la source d'une sociologie islamique et du droit musulman dans certaines de ses applications les plus concrètes de même qu'ils induisent une manière proprement islamique de voir le monde et de juger ceux qui l'animent.
Cet exemple, que je choisis à dessein : "Vous êtes la meilleure communauté jaillie parmi les hommes" (Coran, III, 110).
N'y aurait-il là, cher Alain, rien qui s'apparente au principe d'"élection" que ces "snobs de juifs"; dites-vous, se garderaient "jalousement" ?
Or le postulat est repris textuellement dans le Préambule de la Déclaration des droits de l'homme en islam adoptée au Caire le 05 août 1990, ainsi : "Réaffirmant le rôle civilisateur et historique de
la Ummah islamique, dont Dieu a fait la meilleure Communauté ; qui a légué à l'humanité une civilisation universelle et équilibrée, conciliant la vie ici-bas et l'Au-delà, la science et la foi ; une communauté dont on attend aujourd'hui qu'elle éclaire la voie de l'humanité, tiraillée entre tant de courants de pensées et d'idéologies antagonistes, et apporte des solutions aux problèmes chroniques de la civilisation matérialiste". ..
Alors que les partis islamistes s'imposent sur toute la rive sud de la Méditerranée et que les marques d'un regain de ferveur religieuse sont signalées par de nombreux observateurs dans les banlieues des métropoles françaises, cette déclaration concurrente de la Déclaration de 1948, élaborée et approuvée par les ministres des Affaires étrangères des 57 Etats de l'Organisation de la Conférence islamique s'impose à la critique intelligente, et avec une brûlante actualité.
J'ai pris l'initiative de distribuer à mes élèves de lycée, il y a de cela deux ans, les 2 déclarations, en leur demandant ce qui, à leurs yeux, pouvait les rapprocher ou au contraire relèverait d'anthropologies ou de philosophies radicalement distinctes. Hé bien, après quelques heures de travail, je dois avouer ma satisfaction que ces élèves aient été en mesure de comprendre un certain nombre d'enjeux de société et de polémiques qui jusqu'alors leur échappaient et auxquels la majorité de leurs camarades, leurs amis, leurs parents, très majoritairement, ne comprenaient rien.
Alors, oui ! Il est sans doute plus efficace de nous en tenir à des considérations concrètes sans entrer dans des subtilités auxquelles le commun des mortels n'entend pas grand chose. Il y entend d'autant moins qu'on ne fait rien pour l'informer des enjeux véritables. Mais il n'est pas moins important d'informer, de décortiquer, de défricher aux yeux du plus grand nombre afin qu'instruit il soit apte à décrypter l'actualité sans se laisser embrigader par des médias qui prennent rarement la peine d'aller au bout de leurs sujets avant de livrer en pâture à leur public des clichés et des contrevérités qui ont pour conséquence dramatique de façonner une opinion naïve en l'amenant à paître là précisément où nos idéologues la souhaitent voir pâturer.
Instruire reste un instrument infiniment plus efficace que de manifester sous un masque de cochon lors d'un Conseil municipal. Et personnellement je ne souscris pas à des provocations qui à mes yeux ne font qu'envenimer les choses. Qui plus est le respect que j'éprouve à l'endroit des musulmans en tant que personnes est inversement proportionnel à celui que m'inspire l'islam en tant que système idéologico-religieux et projet de société. Or j'estime que la provocation que vous évoquez mélange les genres en mâtinant la contestation politique purement intellectuelle d'une insulte aux personnes et c'est un exercice pour lequel je n'ai pas de goût.
Il est possible, cher Alain, que mon compte-rendu du livre de Moussali ait trop abruptement présenté l'opposition entre Bible et Coran, au moins pour ce qui concerne la nature de la révélation. Le mieux serait de lire l'ouvrage afin de vous faire votre propre opinion. Il n'est pas inintéressant. J'ajoute que ma lecture de Moussali date un peu.
Cela étant, et quoique l'ensemble de votre propos semble à première vue raisonnable et équilibré, je souhaiterais prendre quelque distance, du moins attirer votre attention sur le fait qu'à aucun moment je n'ai parlé des juifs et des chrétiens pour les opposer aux musulmans. Dans aucune de mes interventions vous ne me verrez jamais évoquer autre chose que l'islam, le christianisme ou le judaïsme. A mes yeux la différence n'est pas de l'ordre du détail.