Le site du parti de l'In-nocence

Question aux In-nocents : quel fut le moment de votre prise de conscience ?

Envoyé par Loïk Anton 
Chacun d'entre nous a pris conscience, à un moment ou l'autre, de la véritable situation, et de l'inanité des explications usuelles - en termes strictement économiques ou sociaux - de la décivilisation.
Il me semble que c'est un moment qui nous donne la clef pour conduire au changement chez d'autres. La façon dont nous, nous avons changé, est (peut-être) exportable. Elle permet aussi de savoir si la prise de conscience n'advient que chez des convaincus (en somme, qu'elle ne s'étend pas ou plus vraiment), ou si elle touche des personnes en ce moment même...
Par exemple, sur ce Forum, y a-t-il des personnes qui se sont mis à "se poser des questions" récemment ? Ou est-ce déjà depuis 10 ans (voire davantage de temps) que tous ici, nous avons constaté les problèmes ?

Pour ma part, cette prise de conscience date d'une dizaine d'années... Elle avait d'ailleurs déjà commencé à un concert antiraciste, dans les années 80, où je m'étais rendu ; après le concert, il faisait nuit, des petits groupes discutaient, et plusieurs 'jeunes' me demandèrent agressivement ce que je faisais là et si j'étais Juif... Cette réaction m'étonna!
Au fil des ans, je constatais qu'à chaque fois que je voyais ou que j'avais des 'embrouilles', elles étaient provoquées par des jeunes des cités ; je me dis à la longue que la pauvreté ne pouvait expliquer cette agressivité permanente et gratuite, ce rapport agressif d'emblée à autrui : après tout les Asiatiques arrivés des boat peoples ou les SDF sont pauvres, ils ne sont pas systématiquement agressifs...

Ce qui reste malgré tout une énigme à mes yeux, c'est cette surdose d'agressivité, toujours en attente, comme si ces jeunes hommes n'arrivaient pas à voir le monde autrement que sous l'aspect d'un rapport de force immédiat, et a priori l'autre comme un ennemi. Mais je n'interprète pas cette attitude comme due à la civilisation musulmane ; j'ai connu, au cours des années 90 et après, nombre de Musulmans qui n'ont pas ce comportement, et le condamnent (et n'en reviennent pas que la France le tolère!).
Que souvent les 'jeunes' hommes agressifs se réclament de l'islam, c'est possible ; mais cette agressivité à fleur de peau, cette "sensibilité" toute particulière, me semblent un phénomène inédit et inouï, intéressant en soi, qui ne se laisse peut-être réduire à aucune explication mono-factorielle.
J'y vois plutôt la résultante de plusieurs facteurs :
- le destin familial des générations précédentes, exploitées dans les grandes usines françaises ;
- un grave malaise sexuel (toujours des groupes de garçons entre eux, sans filles) ;
- l'absence (ou l'humiliation ?) du père ;
- la sous-culture américaine de la violence ; le ressentiment vis à vis de la colonisation ;
- le conflit religieux n'étant qu'un facteur, peut-être pas si essentiel. En effet, cette violence gratuite existait dès les années 80, à une époque où l'étendard de l'islam n'était pas brandi!
Prises de consciences multiples, pour ma part, avec consternation croissante :

- en 1988, j'avais 8 ans. Mes parents m'ont mis, sans trop faire attention, dans un centre aéré qui accueillait majoritairement des enfants immigrés des faubourgs de Lille, âgés de huit à quatorze ans. Moi, je venais d'un tout autre milieu : une école privée catholique qui accueillait des enfants français assez bien élevés, d'extraction bourgeoise ou petite-bourgeoise. Je me rappelle avoir été profondément choqué par ce monde que je découvrais pour la première fois, un monde de violence larvée toujours prête à éclater, un monde de cris, d'insultes (tout ces enfants arabes hurlaient nique ta mère fils de pute, ce que je n'avais jamais entendu chez mes camarades habituels), un monde fait de coups où règne la loi du plus fort. J'y ai parfaitement ressenti la nocence, et l'impossibilité qu'elle entraîne : celle d'apprendre, de progresser, d'arriver au plus haut de ses capacités. Parce que la peur et la nécessité d'être sans cesse sur vos gardes, tout simplement, vous en empêchent.
Cet été-là, croyez-moi, je fus ravi que les grandes vacances s'achèvent, et pressé de retourner dans mon école auprès de gens civilisés. J'eus aussi l'impression étrange que ces enfants n'étaient pas français et qu'ils ne le seraient probablement jamais, que c'était déjà trop tard.

- en 2000, quand j'ai vu un épisode de l'émission Loft Story, et que j'ai vu ce qu'il en était des jeunes gens de mon âge, à l'orée de leur vie d'adulte.

- en 2002, après le premier tour de l'élection présidentielle, quand la bien pensance a eu l'occasion de faire une gigantesque fête anti-Le Pen, et de s'en donner à coeur joie dans la bêtise antiraciste la plus crasse. Cela m'a autant choqué que le présence de le Pen au second tour. Et à vrai dire, plus.

- en 2007, à L'IUFM, où les individus censés nous former au professorat ne nous enseignaient, en fait, rien d'autre que l'antiracisme et la déculturation (avec une haine spéciale pour la grammaire).

- durant les années 2000, à Lille, quand j'ai vu Martine Aubry s'allier à tous les imams, et organiser des fêtes à thème unique : Algérie, Maroc, couscous, rap, raï, etc. Avec les applaudissements des potentats locaux, tous acquis à l'antiracisme et pressés d'être enfin des dhimmis.

- en 2008 quand, devenu professeur d'anglais, j'ai enseigné un an en ZEP à Porte de la Chapelle, et que j'ai eu des classes composées à 85% d'enfants arabes et africains : des enfants majoritairement violents et illettrés, ne faisant aucun effort quelles que soient les méthodes pédagogiques employées. J'ai compris, cette année-là, que la querelle des pédagogistes et des "républicains" était sinon parfaitement vaine, du moins totalement dépassée par la violence et les dérèglements comportementaux profonds de ces enfants incapables de rester assis sur leur chaise pendant quinze minutes, let alone apprendre quoi que ce soit.

- Parallèlement : la lecture et la découverte de penseurs comme Renaud Camus, Philippe Muray, Alain Finkielkraut et d'autres, qui m'ont aidé à y voir clair et à mettre des mots sur ce qui, à mes yeux, ressemblait de plus en plus à un immense désastre.

- Et enfin : l'impression croissante de vivre au milieu de zombies déculturés, l'impression que c'est l'humanité même qui a changé, et que le monstre Homo Festivus, sympa, violent et déculturé, toujours prêt à vous persécuter au nom du Bien, n'est hélas que trop vrai, trop présent et trop réel.
C'est le soutien large et massif en 1999 de la nomenklatura politico-médiatique à la décision de l'OTAN de bombarder la Serbie qui a fait de moi une fois pour toutes un renégat.

Le fait que même des organisations anarchistes aient soutenu cette aggression m'a stupéfié et entériné définitivement ma rupture avec le progressisme.
Quand j'ai vu, vers 1962 (j'avais 16 ans) que le clergé français introduisait le Twist dans la liturgie, j'ai commencé à me raidir.
Je crains que ma prise de conscience, ou plutôt l'engagement qui en découle, ne soit pas exportable : c'est celle d'un Pied Noir, qui aux alentours des années 80 (la folle allégresse des minoritaires déjà visibles lors de l'élection de la Grande Canaille fut le premier choc) vit, avec une irritation croissante, la croissante arrogance des-dits minoritaires. Ayant gardé le souvenir de rapports rigoureusement maitrisés, malgré la guerre (et l'état de minoritaire visible aussi, ma foi), avec les parents ou grands-parents des nouveaux barbares, et peu enclin à supporter d'être em.... dans mon pays par ceux qui m'avaient signifié abruptement (la valise ou le cercueil) que je n'avais plus rien à faire dans celui qu'ils considéraient comme exclusivement le leur, j'ai développé une sensibilité forte aux problèmes posés par leur présence. Cela fait donc une trentaine d’années que l’irritation et l’inquiétude montent en moi : c’est dire si la coupe est bien remplie. Mon grand âge me met sans doute à l’abri du pire qui s’annonce, mais je n’aimerais pas laisser à mes enfants et petits enfants une France défigurée, définitivement souillée par les barbares et les barbus qui y prennent insolemment leurs aises. Je suis de jour en jour de plus en plus exaspéré par la passivité voire la lâcheté de la population de souche, sans parler de la cécité ou de la complaisance de la classe politique, d’autant plus qu’ayant vécu en Afrique je sais que dans aucun des pays que l’on regarde de haut (« l’homme africain pas encore entré dans l’histoire » comme dit notre petit timonier), aucune des incivilités qui nous pourrissent la vie ne serait tolérée : j’imagine un de nos djeunes faisant l’incivil dans un transport en commun à Niamey (si, si, il y en a), il serait très rapidement ramené à la raison et pas seulement par les passagers masculins, et probablement d’une vigoureuse façon. Voit-on chez nous tous les passagers d’une rame de métro se lever contre un agresseur originaire du pays des sensibles ? Je suis même sûr que si un tel mouvement s’amorçait, on trouverait quelques bonnes âmes alliant un bel esprit munichois à un solide syndrome de Stockholm, pour protester contre une réaction assurément disproportionnée et probablement raciste.
Je ne doute pas que les Pieds Noirs, dans leur quasi-totalité, partagent ce sentiment mais je crois que l’âge, le souvenir de l’injustice qu’ils subirent, la surdité qui fut longtemps opposée à leurs avertissements, les détournent à présent de l’arène. J’espère me tromper : nous étions près d’un million à traverser la mer, et il en reste encore quelques-uns qui feraient d’efficaces militants.
25 décembre 2011, 18:58   Prions ensemble
Ah, très bonne question, cher Loïk A., mais malheureusement je suis nul en introspection et en histoire moïque... Toujours est-il que, comme pour Mister Jack, l'influence de Finkielkraut, au début (au début de quoi ? c'est toute la question), fut décisive.

Ô Finkielkraut, en ce jour de Noël de l'an de Notre Seigneur deux-mille onze,
je vous rends grâces de ce que vous m'avez fait dépouiller le vieil homme,
et conduit sur ces terres arides où je batifole,
non que je m'aime beaucoup tel que je suis,
mais que serais-je devenu sans vous,
sans l’homme que vous êtes que serais-je devenu,
ô Messager céleste, ô Porte, ô carrefour
où afflue tout un peuple de gens honnêtes,
et d'où mille chemins s'élancent
vers la pénombre des bibliothèques,
sous le regard sévère des Granzommes ?
25 décembre 2011, 19:16   Re : Prions ensemble
Frustration sexuelle, Cher Loïk A.sûrement, mais aussi sentiment de frustration générale due à l'ennui pesant que distille le mode de vie islamique . Dès lors la violence est l'exutoire à ce sentiment . Dans la société musulmane cette violence s'exerce quasi légalement contre les femmes mais aussi et surtout contre les non musulmans ou dhimmis, comme si dès le début Mahomet avait prévu qu'il faudrait absolument un exutoire à la société mortifère qu'il désirait mettre en place. S'il n'y avait pas les dhimmis sur lesquels cette violence se focalise elle s'exercerait entre musulmans, à moins d'une dictature implacable. C'est pourquoi la démocratie favorise chez les jeunes de nos banlieues incapables de brider leurs pulsions des comportements particulièrement agressifs. De plus, comme l'avait si bien analysé Francis marche, la société islamique n'est pas un patriarcat mais un "fatriarcat" . Contrairement aux apparences, ce n'est pas le père, objet d'un respect convenu, dans sa tour d'ivoire familiale, qui commande mais bien les fils, c'est-à-dire les frères. Très vite le père leur passe les pouvoirs et se désintéresse de leurs actions même s'il lui arrive de les condamner du bout des lèvres, et les mères leur passent tout. Les fils, enfants surgâtés, sont dans la famille musulmane, les vrais tyrans, égoïstes et capricieux. Avantageux, pleurnichards autant que féroces comme des parrains mafieux, ce n'est pas un hasard si le populaire les désigne du terme de "caïds". En outre si les adultes ferment les yeux sur leurs comportements agressifs, surtout s'ils s'exercent contre des non musulmans, c'est qu'ils y voient un entraînement à la "virilité" , valeur suprême dans la société musulmane, une façon d'aiguiser ses griffes dès le plus jeune âge.
Lorsqu'un professeur de philosophie m'a parlé de Renaud Camus et d'Alain Finkielkraut. J'étais alors en classe de terminale ; il y a six ans de cela.
J'ai pris conscience des Nocences assez jeune.

Cela se passait à Castres, il y a pratiquement cinquante ans. A cette époque, toutes les autos (terme d'époque) ne disposaient pas de la radio, et celles qui en disposaient avaient souvent une antenne télescopique dans l'aile avant. On rentrait l'antenne quand on garait le véhicule (terme gendarmesque).

Je vis un jour ce spectacle qui me marqua : une Aronde était parquée de façon tout-à-fait normale. Je vis un monsieur, bien mis approcher de la voiture, saisir l'antenne et la briser puis partir. Je sus, ce jour des années soixante, ce qu'étaient les Nocences.

Plus tard, il y a presque trente ans, j'ai découvert à Travers un certain Groupe ou Groupement l'existence d'un écrivain qui m'a beaucoup intéressé (à cette époque riche en pseudonymes, le Groupe ou Groupement était animé, si je me souviens bien, par Frédéric Le Tram, je ne sais s'il fallait y voir une allusion à Marlon Brando ; il n'en demeure pas moins que le thème de l'immigration était singulièrement absent, Mme Cresson se bornant à arrêter les magnétoscopes à Poitiers, on en va pas se mettre Martel en tête).

Les livres de cet écrivain m'ont permis de préciser la notion de Nocence, entre le jeune habitant du Marais qui emm.. gratuitement son voisin et la bande du Boulevard Saint-Germain qui attaque méchamment à coups de boules de neige le malheureux passant (à ce propos, le centre de mes intérêts était ce même boulevard, avec son drugstore et le cinéma de la rue du Dragon, bien connu des initiés ; à propos du propos, l'excellent Korean Barbecue, qui faisait face au cinéma, a rouvert rue de Ponthieu, c'est un membre de la famille qui le tient, je vous le conseille).

Muchos anos despues, j'ai vu la naissance d'un Parti, fondé justement sur le combat contre ces Nocences. J'ai trouvé cela intéressant.

Et puis, les choses ont évolué. Aux Nocences, faits de nos contemporains proches de nous par la culture et les habitudes, se sont petit à petit substituées les Grandes Nocences, dues au Grand Remplacement, phénomène sournois car non repéré dans les décennies antérieures. Etant conservateur, j'ai du mal à changer de cap, et j'envie l'Ecrivain dont il est question et qui est passé en quelques années de ma gauche (symbolisée par le Matin de Paris, les jeunes ont du mal à voir ce que c'est ) à ma droite. J'ai donc conscience des Nocences, pas encore du G... R... J'ai des progrès à faire.

Je ne désespère pas de l'illumination. Je fondais de grands espoirs sur un voyage Damas-Jérusalem, propice semble-t-il à ce genre de phénomène, mais l'actuelle situation m'oblige à le reporter.

J'en reste donc largement aux Nocences aborigènes, celles-ci me semblant fort nombreuses et allant en empirant.
Les réponses à votre question seront souvent des récits, cher M. Loïk A., puisque la prise de conscience est rarement soudaine, foudroyante, mais préparée par une foule de petites choses vécues qui prennent tout leur sens à l'occasion d'un événement purement personnel, parfois anodin pour tout autre que le narrateur. Les petits faits vrais sont partagés par tous, mais ce qui provoque, de manière décisive, un changement de point de vue, peut ne pas être exportable. Pour moi, la première fois que je constatai que l'événement et le récit qui en était fait ne coïncidaient pas, ce fut au moment de l'émigration massive des Boat People vers l'Europe. Année après année, je continuai de lire les journaux en mesurant cette déchirure qui s'agrandissait, jusqu'à ce que les affaires yougoslaves me dégoûtent définitivement de la presse. Quand je cessai de la lire et de "suivre l'actualité", ou plutôt le récit fantastique vendu dans les rues et sur les écrans, j'observai que le continuum idéologique dans lequel j'avais baigné était, lui aussi, déchiré : plus d'occasions de communier avec les loups dans des détestations et des admirations communes. En somme, je devrais remercier les journalistes de m'avoir ouvert les yeux par leurs outrances mêmes.
J'ai commencé à ouvrir les yeux sur le bourrage de crâne en France quand, étant en Algérie en 70 et constatant le naufrage rapide du pays, j'ai lu un article du Monde à la une de ce journal qui titrait : " L'Algérie, Japon de l'Afrique ? " avec un point d'interrogation de pure commande, démenti par tout l'article.
Avant le 11 septembre quand j'ai entendu l'imam mobiliser ses troupes massées avec leurs tapis de prière dans la rue, et qui les incitait ouvertement à se rebeller.
Le 11 septembre, j'ai compris qu'il n'était plus temps de critiquer d'abord et qu'il existait une civilisation dans laquelle je vivais et qui pouvait facilement disparaître.
Une connaissance concrète professionnelle de la "politique de la ville"
Une allergie très forte dont j'ignore les raisons, aux discours moralisateurs et aux tentatives de subordination des esprits.
(Message supprimé à la demande de son auteur)
Je me rappelle avoir porté intérêt aux propos "pas sympa" de Renaud Camus après les ennuis que Du Sens lui ont valu. Après l'avoir lu, A. Finkielkraut me l'ayant conseillé par le biais de son émission, je me suis rendu compte que ce qu'on en disait ne correspondait en rien à ce que j'en avais perçu. Entendre Bernard Henri Levy, et autres, professionnels du texte, plus cultivés que moi, feindre de ne pas comprendre le livre et extrapoler ce qu'il ne disait pas ni même insinuait, m'a agacé et amené a revoir la révérence qu'on doit aux gens qui causent dans le poste. Depuis j'écoute les propos "pas sympa" avec bienveillance et intérêt, les trouvant vigoureux quand en face ils sont le plus souvent lénifiants. C'est cela, plus que l'expérience vécue qui a compté. Je n'ai pas d'expérience: je suis né avec, en 1978.

Je me sens faire partie de cette fraction de la génération ayant vu le continent avant de couper la corde qui le reliait au radeau sur lequel elle est.
J'ai commencé à ouvrir les yeux quand, ayant proposé un article au Monde Diplomatique sur la Chine maoïste en 1982 à M. Bernard Cassen par l'intermédiaire d'une dame tenant une chronique dans ce journal et qui devait devenir une décennie plus tard la porte-parole officieuse de l'UCK dans la guerre des Balkans, ledit Bernard Cassen me fit savoir que l'opinion française n'est pas encore mûre pour recevoir ce type de discours sur la Chine;

quand, un an avant cet épisode, le secrétariat d'une Université parisienne nous déclara, à moi et à ma compagne venue de Hong-Kong et qui tentait de s'inscrire à cette université, que ni ses diplômes ni son expérience ne seraient reconnus par ladite université parce que les diplômes de Sa Majesté, hein, on sait ce que ça vaut, qu'ils nous viennent de Rabat ou Hong-Kong.. c'est pareil!

(p.m.: Hong-Kong était encore en 1981 Colonie britannique d'Asie -- British Crown Colony in Asia et ma compagne était anglophone)

quand, en 1987, ayant fait paraître dans une maison d'édition française la traduction d'une oeuvre d'un auteur chinois de Taïwan inconnu du public français -- il s'agissait d'une longue nouvelle à l'intrigue très originale, mettant en scène un jeune garçon prépubère de l'aristocratie chinoise à Shanghaï avant la guerre et sa bonne d'enfant, passionnément amoureuse d'un jeune homme maladif qu'elle entretient dans une sorte de cache en ville. L'enfant découvre le secret de sa bonne et cette découverte le rendra témoin du meurtre du jeune homme par la femme. Le texte est écrit comme un livret d'opéra. Et l'opéra, celui de Shanghaï, est omniprésent dans tout le récit. Je le traduisis directement du chinois, ce qui représentait une tâche herculéenne, très largement au-dessus de mes capacités. Le livre fut généralement bien accueilli par la critique de la presse écrite (Elle, le Figaro Madame, etc.) mais assassiné sur France Inter où l'on avait invité une "spécialiste des banlieues" pour en parler. Cette dame était l'autoresse, ou l'autorasse devrait-on dire, d'un roman qui disait-on avait pour héros un "gosse des banlieues" dont la mère était chinoise et le père arabe. Elle tint sur le livre un discours politique gauchard comme il était courant à l'époque. Je ne sais si le fait que l'auteur de Taïwan se trouvait être le fils d'un grand général chinois anti-communiste, héros de la guerre sino-japonaise, réfugié à Taïwan, mais la dame s'appliqua à bien préciser sur les ondes de la radio nationale combien ce livre était à vomir et que, de surcroît, le texte de Marche est illisible (j'appris plus tard à lui être reconnaissant de n'avoir pas déclaré qu'il est à chier, comme on le ferait aujourd'hui);

quand, en 1989, je vis, de l'Asie, à la télévision que, pour le défilé du 14 juillet, l'on avait organisé dans Paris, au Champs-Elysées, une fantastique parade nocturne, digne de l'ouverture des Jeux Olympiques et qui célébrait le bicentenaire de la Révolution, parade en laquelle on vit défiler entre autres incongruités des centaines de français de souche en "tenue coloniale" (coiffé d'un pith hat, soit un casque colonial comme dans les images d'Epinal) portant sur le dos, à la façon des porteurs noirs de l'époque des colonies d'Afrique, d'immenses plateaux où dansaient caricaturalement des Africains vêtus comme Joséphine Baker dans sa revue des années 30.

Restons-en là, mais que l'on sache que la liste de mes "prises de conscience" est longue. Il faudrait notamment y ajouter le feuilletage d'une "revue de sociologie" à la bibliothèque du Consulat de France de Hong-Kong dans les années 80, dans laquelle la langue était si négligée, si désossée, si asyntaxique que pendant des mois, je crus à un gag visant à dénoncer pareil désastre avant de finir par comprendre qu'il n'en était rien, que c'était bien ainsi que l'on pensait et que l'on écrivait, désormais, en France.
Les réponses à votre question seront souvent des récits, cher M. Loïk A., puisque la prise de conscience est rarement soudaine, foudroyante, mais préparée par une foule de petites choses vécues qui prennent tout leur sens à l'occasion d'un événement purement personnel, parfois anodin pour tout autre que le narrateur. (Bès)


Voilà qui résume à merveille ce que maladroitement je tâchai de faire entendre plus haut. La recherche des sources est difficile, et souvent ce qu’on croit avoir été notre propre histoire n’est qu’une reconstruction a posteriori. Pas de pilier de Notre-Dame, pour ce qui me concerne, mais une lente et pénible maturation. La lecture à laquelle me portait un tempérament assez renfermé a joué, plus que certains faits, un rôle prépondérant dans ce que je n’ose appeler ma « prise de conscience ». Je dois en particulier à Finkielkraut une fière chandelle ; il ne le sait pas et ne le saura sans doute jamais, mais c’est à lui que je dois la découverte de l’œuvre de Renaud Camus, et la possibilité – le goût – de me distancier (autant que faire se peut, humainement parlant) du groupe, des convictions dominantes, d'acquérir un certain recul. Il m’a d'abord rendu indigestes le romantisme et surtout le sérieux de la révolte adolescente. En effet, je dois dire que pour moi, et contrairement à la majorité d’entre vous, les simples faits n’ont guère été déterminants, ni n’ont acquis à un certain moment une signification autre que celle que j’étais habitué à leur prêter. Un exemple parmi d’autres : m’être fait démolir la gueule un jour par un groupe de jeunes Noirs n’a en rien fait vaciller mes « convictions » antiracistes. Au contraire, à la même époque, et un peu plus tard, je me vois encore opposer à un camarade de classe, de la manière la plus fervente, la doxa officielle. Beaucoup se félicitent ici, souvent, de ce que le réel, quand il frappe, acquiert en soi un pouvoir de persuasion. Or il n'en est rien pour un très grand nombre de personnes ; je l'ai expérimenté. Le réel n'a pratiquement aucun pouvoir sur les esprits. Il glisse sur la carapace idéologique de chacun d'eux, pourvu que celle-ci soit assez assurée d'elle-même (et souvent elle l'est), comme l'eau sur les plumes des canards. Ou bien il faut une particulière violence. Je crois que ce qui m’a fait sortir, et ce, très tardivement, de ma torpeur dogmatique et qui m’a pour le coup tout à fait séduit, est la notion de bathmologie, cette concrétisation de l’esprit de finesse dont parle Pascal, où « les principes sont dans l’usage commun et dans l’esprit de tout le monde ». L'élaboration de la notion de bathmologie est un des grandes trouvailles de ce début de siècle.

(Cher Francis, vous devriez nommer et cet écrivain et cette oeuvre dont vous avez donné la traduction ; je suis sûr que cela intéresserait beaucoup de lecteurs de ce forum.)
Je me rends compte que j'aurais pu ajouter au moins une dizaine d'autres petits événements qui m'ont jeté dans la consternation. Par exemple quand je suis tombé, par hasard, il y a une quinzaine d'année, sur le show annuel des Enfoirés (sic) à la télévision. Voir ces chanteurs de variétés, tous plus affligeants les uns que les autres, en train de se complaire dans les bons sentiments et de vendre leur soupe au passage, cela m'avait profondément énervé. J'ai alors douloureusement perçu ce dont Cassandre parle dans son texte L'Assassinat de la France expliqué à ma petite-fille : tout ce show-business post-soixantehuitard, milliardaire et déculturé, venu faire un chantage odieux au peuple.

Cela m'a littéralement mis hors de moi. Heureusement, je n'ai plus la télévision, ce qui m'épargne bien des crises aujourd'hui.
Il s'agit de Pai Hsieng-yung, dont le nom en translitération pin yin est Bai Xianyong. Magnum opus: Nie zi (1983), paru en français chez Picquier sous le titre Garçons de cristal.

Lien de sa notice Wikipédia en anglais (la notice en français est nulle): [en.wikipedia.org]

Nie zi fut le premier roman "gay" de Taïwan.

La nouvelle que j'ai traduite est très peu connue, c'est une oeuvre de jeunesse, elle s'intitule en chinois Yu Qing-sao, qui est le nom de l'héroïne.

Je découvre comme vous ce soir, en googlant tout ça, qu'il existe encore des traces de ce texte et de ce travail: un film du réalisateur taïwanais Chang Yi intitulé Madame Jade dont le scénario est vraisemblablement tiré de cette nouvelle. Le professeur Kong Rao-yu, qui m'avait aidé à traduire l'oeuvre en m'expliquant oralement certaines tournures, est mentionné lui aussi: voyez le dernier paragraphe de ce document pdf de trois pages (université de Louvain). Le livre en français fut publié chez Alinéa en 1987 sous le titre (que l'on doit à l'éditrice) "Enfance à Guilin".

[www.uclouvain.be]
J'ai eu cette chance inestimable de naître dans une famille dont la prise de conscience remontait déjà à deux générations au-dessus de la mienne... Ces notions m'ont donc été transmises le plus naturellement du monde, mais aussi le plus viscéralement du monde je pense. Ceci explique sans doute (en comptant tout de même, et ce n'est pas rien, avec la veille active et soutenue de mes parents), l'échec de l'emprise de l'idéologiquement correct - que l'école républicaine et les médias véhiculent depuis des dizaines d'années - sur l'enfant que je fus.

Malgré ce point de départ on ne peut plus favorable, la chape de plomb idéologique était telle que la tâche n'en fut que plus difficile : il y a bien eu quelques moments de mon enfance ou la tentation de ne plus vouloir être à l'écart fut trop forte, et tout cela a dû déteindre sur moi à l'occasion, au grand désespoir de mes parents je crois. Seulement le souci de ces derniers (ainsi que celui de mes grands-parents, à leur mesure) de rétablir à la maison ce qui tentait de s'imposer depuis l'extérieur ne pouvait que s'ancrer, envers et contre tout (et contre tous, y compris contre moi-même parfois).

Mais le jour à proprement parler où la fidélité à la lignée de mes Ancêtres m'apparut avec une clarté éblouissante fut lors d'une prise de conscience individuelle un peu étrange et tout à fait anecdotique : à l'âge où l'amour commence à travailler et où il déstabilise, je réalisais que je ne pouvais être sûre de rien, absolument rien, sauf d'une chose : je ne pouvais m'éprendre (et moins encore me projeter dans une éventuelle future vie de famille) d'un être dont la culture serait extra-européenne. Se présentait là un mur. C'était ma limite infranchissable. J'en fus la première étonnée, et légèrement confuse, une fois cette vérité révélée. Puis les pièces du puzzle se sont peu à peu assemblées, et je compris que c'était bien ainsi. Je me trouvais en quelque sorte "en règle" avec moi-même, et avec les miens, qu'ils soient mes ascendants ou mes descendants.
Merci, cher Francis, pour tous ces détails et ces précisions.
Je pourrais reprendre plusieurs des citations précédentes à mon compte, mais je ferai essentiellement remonter cette prise de conscience à des lectures de jeunesse parmi lesquelles Jacques Perret, les chroniques d'Alexandre Vialatte et surtout le terrible Camp des Saints dont on peut observer les prophéties s'accomplir inexorablement sous les ricanements complaisants des affidés de Big Other.
Citation
Stéphane Bily
En effet, je dois dire que pour moi, et contrairement à la majorité d’entre vous, les simples faits n’ont guère été déterminants, ni n’ont acquis à un certain moment une signification autre que celle que j’étais habitué à leur prêter. Un exemple parmi d’autres : m’être fait démolir la gueule un jour par un groupe de jeunes Noirs n’a en rien fait vaciller mes « convictions » antiracistes. Au contraire, à la même époque, et un peu plus tard, je me vois encore opposer à un camarade de classe, de la manière la plus fervente, la doxa officielle. Beaucoup se félicitent ici, souvent, de ce que le réel, quand il frappe, acquiert en soi un pouvoir de persuasion. Or il n'en est rien pour un très grand nombre de personnes ; je l'ai expérimenté. Le réel n'a pratiquement aucun pouvoir sur les esprits. Il glisse sur la carapace idéologique de chacun d'eux, pourvu que celle-ci soit assez assurée d'elle-même (et souvent elle l'est), comme l'eau sur les plumes des canards. Ou bien il faut une particulière violence. Je crois que ce qui m’a fait sortir, et ce, très tardivement, de ma torpeur dogmatique et qui m’a pour le coup tout à fait séduit, est la notion de bathmologie, cette concrétisation de l’esprit de finesse dont parle Pascal, où « les principes sont dans l’usage commun et dans l’esprit de tout le monde ». L'élaboration de la notion de bathmologie est un des grandes trouvailles de ce début de siècle.

Oui, vous avez raison, je crois : le réel, même particulièrement violent, ne peut rien sur les esprits prévenus. Je me souviens de ce documentaire de la chaîne Histoire donnant la parole à d'anciens déportés soviétiques du Goulag, qui évoquaient le chagrin affreux que la mort de Staline leur avait causé, à eux détenus, comme aux kapos. C'est à croire qu'aujourd'hui, rien, aucun meurtre, viol, cambriolage, aucun mensonge médiatique, aucune prévention outrancière de la justice en faveur des non-Européens, bref aucun fait, ne pourra éveiller les consciences. Peut-être la cause de l'éveil n'est-elle pas à chercher dans la quantité de violence et d'injustice que subit un peuple. Est-ce un retour bathmologique du thème de la servitude volontaire ?
(Message supprimé à la demande de son auteur)
Exact, et pas non plus l'abandon de la pseudonymie mais il est difficile d'anticiper la forme, la nature de l'implication individuelle ou collective que les développements politiques nécessiteront.
C'est le lot de toute dissidence, qui oeuvre longtemps sans programme politique arrêté. Il est possible d'oeuvrer utilement -- et c'est probablement la seule chose qui soit possible de faire aujourd'hui -- dans un éventail de plans où puiseront leur inspiration les révolutions (ou les "reprises", dirait Bourjon) de demain.
(Message supprimé à la demande de son auteur)
(Message supprimé à la demande de son auteur)
"Notre devise n'est pas Résister, mais Je maintiens."

Version pressée de Fluctuat nec mergitur.
(Message supprimé à la demande de son auteur)
"Je maintiens" : tout est dans le présent ! J'adhère.
Ma prise de conscience ne date pas d'hier !

Elève au lycéeThiers de Marseille au début des années quatre-vingt, la concierge nous interdisait déjà les soirs d'hiver de sortir avec une chaînette au cou, une chevalière ou n'importe quel objet de valeur susceptible d'exciter la convoitise de bandes de jeunes sensibles. Il n'était pas rare que l'un des nôtres subît une agression physique ou des faits de racket dans les petites ruelles qui, depuis la Canebière ou de l'ancienne gare de Noailles conduisent aux portes de ce grand lycée chargé d'histoire.
J'ai vu l'ambiance changer dans Marseille qui n'a désormais plus de pagnolesque que le souvenir. J'ai vu dans les quartiers Nord, puis les autres, le remplacement massif de la population s'opérer en même temps que s'y dégradait la civilité, jusqu'au degré d'insécurité intolérable qui conduirait les populations de primo-habitants à choisir l'exil lorsque cet exil s'avérait économiquement soutenable.
Je me souviens du jour où Monsieur Gaston Deferre interdit aux journalistes du Provençal de citer nommément les auteurs d'agressions afin, disait-il alors, de ne point encourager d'abusives généralisations ni une lecture raciste des faits divers.
J'ai vu le marché de la Plaine, en pleine coeur de Marseille, devenir un repère de dealers, le royaume de la contrefaçon exposée au vu et su de tous, du marché noir, de trafics en tout genre, le travail des placiers désormais impossible et dangereux face à la nature des menaces qu'ils ou elles subissent et du laisser-faire de la Municipalité.
J'ai vu dans la rue Longue, ce petit affluent de la Canebière, à deux pas et pour ainsi dire sous les fenêtres de l'Hôtel de Ville, en plein après-midi au mois de juillet des files entières de djeuns revendant des cartouches de clopes tombées du camion sans le moins du monde être inquiétés.
J'ai vu se multiplier les marchands de kebabs, la viande manipluée sans précaution aucune et exposée aux gaz d'échappement, boutiques dont l'évidente insalubrité eût valu à n'importe qui, ailleurs, d'être fermées sur-le-champ.

J'ai subi, comme nombre d'entre nous, ces hordes d'adolescents qui ne savent parler sans vociférer ni ponctuer leurs propos d'insultes faisant irruption sur la plage un autoradio vomissant du rap à l'épaule et prenant possession de l'espace en menaçant quiconque osait manifester sa réprobation. De guerre las, c'est moi qui ait renoncé à fréquenter le bord de mer, l'Estaque, les plages de Carry-le-Rouet, de la Couronne ou de Sausset-les-Pins.

Cependant il y eut bien pour moi un "tournant militant", lié moins à l'incivilité quotidienne des néo-arrivés qu'à ce que j'ai tôt interprété comme relevant d'une grande entreprise "institutionnelle" de déni des agressions subies par nos concitoyens au moyen de mensonges, d'euphémismes, d'une lecture sociologisante des incidents propre à leur ôter toute gravité, agressions qui émaillent le quotidien dans toutes les métropoles françaises. J'imagine qu'il s'agissait, dans l'esprit des décideurs, de promouvoir ce fameux "vivre-ensemble" qui, depuis, s'est mué en dogme, dont l'hymne à la diversité est un prolongement.

Le gros des troupes étant originaire des pays d'islam, il s'est dès lors agi de familiariser les Français avec cette religion en la présentant sous le meilleur jour. Fût-ce, là encore, à coups de mensonges ou d'omissions, voire d'une scandaleuse distorsion entre l'image présentée au public et la réalité telle que les historiens l'ont mise à jour ou que l'actualité nous la donne à observer.

Pour ne prendre que deux exemples décisifs que j'ai déjà eu l'occasion d'exposer ici parmi ceux, innombrables, qui m'ont conduit à réagir :

Dans le numéro 75 de la revue Historia (janvier-février 2002) la politologue Agnès Levallois exposa au fil d'un vibrant plaidoyer sa conviction que le mot arabe djihad "ne renvoie en aucune manière à l'idée de guerre" (p. 17). "L'imprécision, ajoute-t-elle, vient de ce que tout musulman se doit de poursuivre l'effort pour "continuer à faire régner et étendre" sur terre "les droits de Dieu et des hommes" prescrits dans le Coran. "Faire régner et étendre" : rien en effet qui puisse expliquer un quelconque esprit belliqueux.

Plus loin, cette dame, diplômée de l'Institut des langues et civilisations orientales et de l'IEP de Paris, va jusqu'à justifier les assassinats perpétrés par le prophète : "Bien évidemment, au début de sa prédication, Mahomet, en butte à l'hostilité de ses contemporains, s'est mué en chef de guerre et a légitimé ses actions par des sourates. Ainsi, certains versets sont un appel à la guerre dans le but de faire respecter la foi nouvelle".

Alors que je n'étais qu'un étudiant préparant l'agrégation d'histoire, ce "bien évidemment" m'a fait bondir !

En clair, et alors que nos enseignants n'ont pas de mot trop dur pour dénoncer les massacres perpétrés au nom de la religion chrétienne, il nous était présenté comme légitime, s'agissant de l'islam, de massacrer son voisin au nom d'une religion à laquelle il refuse d'adhérer. Madame Levallois ne nous expliquait pas au nom de quel éminent principe les marchands de la Mecque eussent dû accueillir à bras ouverts un prophète autoproclamé qui les invitait à rien moins que bouleverser leurs usages, traditions et coutumes, au nom d'une foi nouvelle.

Dans le même numéro Youssef Seddik interrogé par Catherine Decouan assènait sans frémir : "l'islam n'est pas prosélyte" : "les musulmans ne cherchent pas à convertir mais à faire valoir une Ecriture"...fort subtil distinguo !
Cet auteur, très à l'honneur dans le milieu universitaire, soutient que Mohammed fut un homme d'Etat et non un chef de guerre ; que si Jésus Christ ne prit pas les armes dans le but d'imposer l'unité religieuse, saint Paul le fit, mettant ainsi de la façon la plus spécieuse sur le même plan l'auteur des épîtres et le fondateur de la religion musulmane mais refusant toute comparaison entre la figure du Christ et celle de Mohammed. On comprend aisément pourquoi.

Persécuté, le premier tend l'autre joue. le second égorge, mutile et décapite. Moi, je demandais seulement que chacun, au regard de la postérité, assume les conséquences de ses choix éthiques.

Seddik s'indignait que l'on puisse évoquer l'expansion musulmane médiévale sous les traits d'une entreprise armée : "je m'oppose à l'idée qu'il y ait eu, du moins à cette période [la première expansion], des conquêtes militaires. Il s'agit plutôt d'une culturation. " (Même refrain chez l'historien florentin Franco Cardini qui refuse l'idée d'invasion musulmane au Moyen Âge mais consacre les 20 premières pages de son Europe et Islam. Histoire d'un malentendu à dresser la liste des innombrables sièges, conquêtes et razzias menés tambours battants de la Syrie à la Sicile en passant par l'Espagne et la Septimanie au fil des 3 siècles qui suivent la mort de Mohammed.)

Et pour faire bonne mesure, Seddik d'embrasser la thématique qu'il développera abondamment dans son pamphlet Qui sont les Barbares ? en usant de tous les ressort de la rhétorique victimaire qu'il affectionne par dessus tout : "Si j'osais, je dirais que [...] l'islam, c'est la voix du Sud par rapport à l'exclusivisme du Nord", concluait-il.

En 2001, le sujet de médiévale pour l'agrégation d'histoire invitait à étudier les relations entre l'Occident chrétien et le monde musulman du IXe au XII e siècle. Je me souviens d'avoir été frappé par la complaisance avec laquelle les conquêtes, occupations et spoliations opérées par l'islam nous furent présentées par nos maîtres, lesquels, encore une fois, portaient le regard le plus sévère sur la Reconquista et les croisades, la bulle pontificale ad liberandam terram sanctam, l'Inquisition.

Voilà le fait marquant entre tous qui acheva de précipiter ma prise de conscience et me conduit désormais à souhaiter m'imlpiquer plus concrètement dans l'immense chantier ouvert par le PI.
27 décembre 2011, 11:31   Orange



Merci pour cet intéressant et vibrant témoignage, cher Serge.
@Didier

"Ostinato, pseudonymite, sort de ce corps !"
(Message supprimé à la demande de son auteur)
27 décembre 2011, 16:55   Re : Orange
Dès 1983-84, j'ai eu des élèves magrébins qui, en sixième, lors de la leçon sur les Hébreux, refusaient de lire des extraits de la bible au motif que ça leur était interdit par leur religion. Vers 88, d'autres élèves maghrébins refusaient de lire le poème de Hugo "La conscience" toujours au motif que l'auteur s'était inspiré de la bible. Vers la même époque au cours d'une leçon où je faisais allusion, s'agissant des juifs, à Hitler dont je parlais évidemment comme d'un des plus grands criminels de l' histoire, j'eus la surprise de voir les yeux de quelques uns de mes élèves originaires du Maghreb s'arrondir et de les entendre me dire ingénument qu'ils croyaient que c'était au contraire un très grand homme, que c'était en tous cas ce que pensaient leurs parents ! J'ai vu s'installer dès cette époque, et même avant, la tradition des pneus crevés pour se venger d'un professeur, celle du " nique ta mère" à tous propos et hors de propos génératrice d'incessantes bagarres, celle du " tu vas voir mon frère à la sortie !" gros de menace, destiné aux élèves "roumis" ou aux professeurs ayant osé adresser quelques heures de colle à un "cpf". J'ai vu, en représailles contre sa mère qui, précisément, avait mis deux heures de colle à un élève maghrébin, le fils de cette collègue persécuté au point de ne plus oser se rendre au collège et qui l'année suivante au lycée était encore harcelé par ses persécuteurs. J'ai vu nombre de ces élèves copier avec un incroyable culot et loin d'adopter profil bas, comme l'eussent fait des " de souche" se montrer démesurément fiers des bons résultats ainsi obtenus. J'ai vu des élèves roumis terrorisés obligés de faire les devoirs de leurs "camarades" maghrébins. J'ai vu, dès cette époque, le ramadan observé comme un seul homme et les rares récalcitrants ramenés dans le rang sous la menace. Etc.
Et j'ai vu les professeurs incapables de penser hors des entiers battus du syndicalisme enseignant, ignorer cette nouvelle donne non seulement par préjugés antiracistes mais faute de savoir comment l'intégrer à leurs revendications habituelles et à quelle sauce idéologique il fallait la servir.
J'ai vu sensiblement les mêmes choses, en tant que collégien.
Seuls les utilisateurs enregistrés peuvent poster des messages dans ce forum.

Cliquer ici pour vous connecter