Ma prise de conscience ne date pas d'hier !
Elève au lycéeThiers de Marseille au début des années quatre-vingt, la concierge nous interdisait déjà les soirs d'hiver de sortir avec une chaînette au cou, une chevalière ou n'importe quel objet de valeur susceptible d'exciter la convoitise de bandes de jeunes sensibles. Il n'était pas rare que l'un des nôtres subît une agression physique ou des faits de racket dans les petites ruelles qui, depuis la Canebière ou de l'ancienne gare de Noailles conduisent aux portes de ce grand lycée chargé d'histoire.
J'ai vu l'ambiance changer dans Marseille qui n'a désormais plus de pagnolesque que le souvenir. J'ai vu dans les quartiers Nord, puis les autres, le remplacement massif de la population s'opérer en même temps que s'y dégradait la civilité, jusqu'au degré d'insécurité intolérable qui conduirait les populations de primo-habitants à choisir l'exil lorsque cet exil s'avérait économiquement soutenable.
Je me souviens du jour où Monsieur Gaston Deferre interdit aux journalistes du
Provençal de citer nommément les auteurs d'agressions afin, disait-il alors, de ne point encourager d'abusives généralisations ni une lecture raciste des faits divers.
J'ai vu le marché de la Plaine, en pleine coeur de Marseille, devenir un repère de dealers, le royaume de la contrefaçon exposée au vu et su de tous, du marché noir, de trafics en tout genre, le travail des placiers désormais impossible et dangereux face à la nature des menaces qu'ils ou elles subissent et du laisser-faire de la Municipalité.
J'ai vu dans la rue Longue, ce petit affluent de la Canebière, à deux pas et pour ainsi dire sous les fenêtres de l'Hôtel de Ville, en plein après-midi au mois de juillet des files entières de djeuns revendant des cartouches de clopes tombées du camion sans le moins du monde être inquiétés.
J'ai vu se multiplier les marchands de kebabs, la viande manipluée sans précaution aucune et exposée aux gaz d'échappement, boutiques dont l'évidente insalubrité eût valu à n'importe qui, ailleurs, d'être fermées sur-le-champ.
J'ai subi, comme nombre d'entre nous, ces hordes d'adolescents qui ne savent parler sans vociférer ni ponctuer leurs propos d'insultes faisant irruption sur la plage un autoradio vomissant du rap à l'épaule et prenant possession de l'espace en menaçant quiconque osait manifester sa réprobation. De guerre las, c'est moi qui ait renoncé à fréquenter le bord de mer, l'Estaque, les plages de Carry-le-Rouet, de la Couronne ou de Sausset-les-Pins.
Cependant il y eut bien pour moi un "tournant militant", lié moins à l'incivilité quotidienne des néo-arrivés qu'à ce que j'ai tôt interprété comme relevant d'une grande entreprise "institutionnelle" de déni des agressions subies par nos concitoyens au moyen de mensonges, d'euphémismes, d'une lecture sociologisante des incidents propre à leur ôter toute gravité, agressions qui émaillent le quotidien dans toutes les métropoles françaises. J'imagine qu'il s'agissait, dans l'esprit des décideurs, de promouvoir ce fameux "vivre-ensemble" qui, depuis, s'est mué en dogme, dont l'hymne à la diversité est un prolongement.
Le gros des troupes étant originaire des pays d'islam, il s'est dès lors agi de familiariser les Français avec cette religion en la présentant sous le meilleur jour. Fût-ce, là encore, à coups de mensonges ou d'omissions, voire d'une scandaleuse distorsion entre l'image présentée au public et la réalité telle que les historiens l'ont mise à jour ou que l'actualité nous la donne à observer.
Pour ne prendre que deux exemples décisifs que j'ai déjà eu l'occasion d'exposer ici parmi ceux, innombrables, qui m'ont conduit à réagir :
Dans le numéro 75 de la revue Historia (janvier-février 2002) la politologue Agnès Levallois exposa au fil d'un vibrant plaidoyer sa conviction que le mot arabe djihad "ne renvoie en aucune manière à l'idée de guerre" (p. 17). "L'imprécision, ajoute-t-elle, vient de ce que tout musulman se doit de poursuivre l'effort pour "continuer à faire régner et étendre" sur terre "les droits de Dieu et des hommes" prescrits dans le Coran. "Faire régner et étendre" : rien en effet qui puisse expliquer un quelconque esprit belliqueux.
Plus loin, cette dame, diplômée de l'Institut des langues et civilisations orientales et de l'IEP de Paris, va jusqu'à justifier les assassinats perpétrés par le prophète : "Bien évidemment, au début de sa prédication, Mahomet, en butte à l'hostilité de ses contemporains, s'est mué en chef de guerre et a légitimé ses actions par des sourates. Ainsi, certains versets sont un appel à la guerre dans le but de faire respecter la foi nouvelle".
Alors que je n'étais qu'un étudiant préparant l'agrégation d'histoire, ce "bien évidemment" m'a fait bondir !
En clair, et alors que nos enseignants n'ont pas de mot trop dur pour dénoncer les massacres perpétrés au nom de la religion chrétienne, il nous était présenté comme légitime, s'agissant de l'islam, de massacrer son voisin au nom d'une religion à laquelle il refuse d'adhérer. Madame Levallois ne nous expliquait pas au nom de quel éminent principe les marchands de la Mecque eussent dû accueillir à bras ouverts un prophète autoproclamé qui les invitait à rien moins que bouleverser leurs usages, traditions et coutumes, au nom d'une foi nouvelle.
Dans le même numéro Youssef Seddik interrogé par Catherine Decouan assènait sans frémir : "l'islam n'est pas prosélyte" : "les musulmans ne cherchent pas à convertir mais à faire valoir une Ecriture"...fort subtil distinguo !
Cet auteur, très à l'honneur dans le milieu universitaire, soutient que Mohammed fut un homme d'Etat et non un chef de guerre ; que si Jésus Christ ne prit pas les armes dans le but d'imposer l'unité religieuse, saint Paul le fit, mettant ainsi de la façon la plus spécieuse sur le même plan l'auteur des épîtres et le fondateur de la religion musulmane mais refusant toute comparaison entre la figure du Christ et celle de Mohammed. On comprend aisément pourquoi.
Persécuté, le premier tend l'autre joue. le second égorge, mutile et décapite. Moi, je demandais seulement que chacun, au regard de la postérité, assume les conséquences de ses choix éthiques.
Seddik s'indignait que l'on puisse évoquer l'expansion musulmane médiévale sous les traits d'une entreprise armée : "je m'oppose à l'idée qu'il y ait eu, du moins à cette période [la première expansion], des conquêtes militaires. Il s'agit plutôt d'une culturation. " (Même refrain chez l'historien florentin Franco Cardini qui refuse l'idée d'invasion musulmane au Moyen Âge mais consacre les 20 premières pages de son
Europe et Islam. Histoire d'un malentendu à dresser la liste des innombrables sièges, conquêtes et razzias menés tambours battants de la Syrie à la Sicile en passant par l'Espagne et la Septimanie au fil des 3 siècles qui suivent la mort de Mohammed.)
Et pour faire bonne mesure, Seddik d'embrasser la thématique qu'il développera abondamment dans son pamphlet
Qui sont les Barbares ? en usant de tous les ressort de la rhétorique victimaire qu'il affectionne par dessus tout : "Si j'osais, je dirais que [...] l'islam, c'est la voix du Sud par rapport à l'exclusivisme du Nord", concluait-il.
En 2001, le sujet de médiévale pour l'agrégation d'histoire invitait à étudier les relations entre l'Occident chrétien et le monde musulman du IXe au XII e siècle. Je me souviens d'avoir été frappé par la complaisance avec laquelle les conquêtes, occupations et spoliations opérées par l'islam nous furent présentées par nos maîtres, lesquels, encore une fois, portaient le regard le plus sévère sur la Reconquista et les croisades, la bulle pontificale
ad liberandam terram sanctam, l'Inquisition.
Voilà le fait marquant entre tous qui acheva de précipiter ma prise de conscience et me conduit désormais à souhaiter m'imlpiquer plus concrètement dans l'immense chantier ouvert par le PI.