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Au sujet des agriculteurs

Envoyé par Noémie Lemay 
05 janvier 2012, 22:43   Au sujet des agriculteurs
"Réforme de l'agriculture, pour des exploitations à dimension humaine qui vivent de leurs revenus propres, non d'aides publiques, de primes européennes ou de subventions.

- Suppression progressive desdites primes selon un agenda à établir.

- Limitation de la SAU exploitée par exploitant en fonction du type de production envisagé.

- Réforme ou suppression des safer, organismes dont la mission de "gestion" du foncier rural ne devrait pas se voir parasitée par des conflits d'intérêts et auxquelles il serait utile de rappeler qu'elles de sont pas des agences immobilières.

- Révision des Surfaces minimales d'installation (SMI), avec quatre objectifs principaux :

1 / Permettre à de jeunes exploitants de débuter leur activité sans recourir à l'endettement.
2 / Accroître la proportion d'installations hors transmission familiale et patrimoniale.
3 / Autoriser un public désireux de vivre de son travail à débuter une activité agricole à une échelle raisonnable.
4 / Inverser le processus d'hyper-concentration du foncier et des outils de production entamé dans les années 1960.

- Maintien des exigences sanitaires en transformation industrielle (fromages et viandes) ; assouplissement conséquent des normes en fabrication fermière.

- Interdiction progressive de détenir des cheptel numériquement incompatibles non seulement avec une agriculture respectueuse de l'environnement mais avec une production de qualité.

- Révision des normes d'élevage, de nourrissage et d'abattage exigibles en productions labellisées, bio notamment, lesquelles autorisent aujourd'hui des prix à la consommation sans rapport avec la qualité effective des produits proposés au consommateur.

- Mise en place de mesures protectionnistes destinées à prémunir nos producteurs contre la concurrence déloyale.

L'ensemble de ces mesures doit s'accompagner d'un travail pédagogique destiné à réconcilier le public avec la notion de qualité." (Serge, sur le fil : Cent propositions (élaboration))



Serge, certaines de vos propositions rappellent les meilleures intentions de la PAC, pas toujours respectées.

Il est cependant possible aujourd'hui pour des non professionnels d'avoir une activité agricole à "échelle raisonnable", en étant cotisant solidaire (solidaire des industriels bien sur).
Ce statut permet à des jeunes désireux de s'installer de "commencer petit" sans grands risques financier, mais aussi beaucoup plus modestement et lentement.
06 janvier 2012, 06:38   Re : Cent propositions
Je vous trouve, Noémie, bien optimiste.

Bien entendu, la situation dépend de ce que vous entendez par "activité agricole" car la situation d'un éleveur de chevaux, d'un gros céréalier, d'un maraîcher, d'un volailler, d'un laitier, ne sont en rien comparables ni les contraintes qui pèsent sur les uns ou sur les autres.

Pour bien comprendre le sens de mon propos, je crois donc indispensable que nous parlions de la même chose. Or je note que vous évoquez d'entrée de jeu deux statuts très différents : celui du non-professionnel, "cotisant solidaire" qui s'assure un complément de revenu en vendant 4 tomates et 3 goldens ; celui du professionnel soucieux de créer les conditions d'une exploitation pérenne et rentable et dont l'agriculture ou l'élevage constitue l'activité première et principale source de revenu. Ces deux situations ne sont pas superposables et c'est exclusivement ou presque de la seconde qu'il est question dans mon intervention.
Dans tous les cas la situation est plus complexe que ce que vous décrivez car les problèmes à surmonter ne se résument pas à la cotisation MSA. Je rappelle que la cotisation de solidarité MSA, si elle autorise bien à vendre les produits de la ferme, ne confère pas un statut social puisque le cotisant n'a droit en retour ni à la sécurité sociale ni à la retraite ; raison pour laquelle elle est effectivement réservée à des personnes qui exercent à titre principal une activité non-agricole, une opportunité à laquelle tout le monde n'a pas accès, spécialement dans les campagnes les plus reculées.

Qu'en est-il des éleveurs ?

Prenez le cas des législations sur la vente du lait et des produits laitiers, des fromages ou la production/commercialisation, avec ou sans transformation, de volailles ou d'autres viandes.

De telles activités exigent l'aménagement ou la construction d'ateliers de traitement ou d'abattage équipés du matériel conforme pour stocker, assommer, saigner, plumer, vider, recueillir les abattis, les évacuer ; cuve à lait, cumulus en laiterie, groupe électrogène éventuel, aménagements comprenant plusieurs pièces, une chambre froide, un ou des robinets à commande non-manuelle, tables de découpe ou d'égouttage en inox ou dans un matériau neutre lavable, revêtements hydrofuges et lavables du sol au plafond, joints adaptés, portes et fenêtres en pvc, syphons de sol, sas d'entrée, respect des règles dites "de marche en avant" etc.etc. pour ne rien dire de l'obligation connexe de disposer, bien évidemment, sauf à pratiquer exclusivement la vente à la ferme, d'un véhicule équipé d'un caisson réfrigéré (respect de la chaîne du froid). La législation, sauf erreur de ma part, exige qu'il soit réservé à cet usage et à lui seul ; exigence, encore, de ne pas transporter produits laitiers et volailles dans un même caisson, ces denrées n'étant, nous assure-t-on, pas sensibles aux mêmes pathogènes ; nécessité de tenir une vitrine réfrigérée sur les marchés, etc.
Toutes contraintes légales qui s'imposent aussi bien aux producteurs fermiers qu'aux industriels et ces fermiers fussent-ils cotisants solidaires.

Ajoutons les frais inhérents à la déclaration et à l'identification des cheptels, déclaration annuelle/identification-bouclage, électronique désormais, obligatoires, frais vétérinaires pour la prophylaxie, les frais de soins courants, frais d'analyses obligatoires et volontaires, tous frais en croissance constante ces dernières années qui finissent par représenter des sommes non-négligeables, sauf à tricher sur les déclarations.

Ajoutons les frais d'installation d'éventuelles fosses à fumier et à lisier pour l'éleveur de bétail, d'épandages, de micro-centrales de retraitement des eaux blanches pour les fromagers ...

Ajouterais-je encore, pour faire bonne mesure, qu'on ne cultive pas, même deux ou trois hectares, qu'on n'élève pas même 15 ou 20 chèvres sans disposer d'un matériel adapté : cornadis, rateliers, loges, tracteur et outils d'attelage ; sans entretenir ce matériel ; sans disposer de hangars ou de granges pour y stocker les fourrages et les instruments et qu'avec la mégalomanie venue des Etats-Unis il est de plus en plus difficile pour le foin, la paille ou la luzerne de se procurer autre chose que des balles rondes qui pèsent entre 200 et 400 kg, sont grosses dévoreuses d'espace et impossibles à manipuler sans posséder une tracteur armé d'une fourche adaptée.

Le moindre tracteur d'occasion, Noémie, sans le moindre instrument, coute au bas mot 5000 euros. L'agriculture s'est bien modernisée depuis les années 1960, mais elle a aussi cédé aux sirènes de la mégalomanie.

Dans ces conditions, excusez-moi, je ne vois pas très bien comment il serait possible aujourd'hui, sauf, encore une fois, pour un petit maraîcher, par exemple, mais ce n'est qu' un cas d'espèce nullement généralisable, de commencer "petit", à moins de posséder d'emblée soit les locaux, soit un capital de départ substantiel.

Pour une fromagerie "fermière" équipée et "aux normes", aujourd'hui, c'est un minimum de 1000 euros par mètre carré qu'il faut compter. J'en parle en connaissance de cause.

Encore une fois c'est une chose de vendre trois asperges et deux concombres, c'en est une autre d'élever et produire véritablement pour gagner sa vie ; mais c'est tout l'objet de mon intervention.

En réalité, cotisation solidaire ou pas, professionnel ou pas, celui qui élève et manipule des oeufs, du lait, des volailles, fabrique et commercialise des fromages est tenu au respect de normes contraignantes, aux frais afférents et ces frais ne sont nullement négligeables.

Les jeunes professionnels, Noémie, à moins d'avoir hérité de l'exploitation de papa et du foncier, cas de loin le plus fréquent, ne parviennent pas pour la plupart sans s'endetter très lourdement à vivre de leur activité. Y parviennent-ils, les sacrifices sont énormes, les abandons, fréquents, et leurs exploitations sont maintenues vivantes à bout de bras à grands coups de primes, d'aides, de subventions, de prêts bonifiés, tout un arsenal d'artifices financiers et comptables qui n'est probablement pas destiné à perdurer dans la crise économique qui s'annonce.

Pour finir, les primes octroyées à l'hectare ont encouragé les plus gros exploitants à phagocyter les plus modestes, érigeant un obstacle solide à l'obtention par les "petits nouveaux" d'une surface exploitable garantissant l'autonomie indispensable à une exploitation viable. Je vous accorde que la pression foncière n'est pas égale partout sur le territoire hexagonal mais en de nombreuses régions elle est considérable.
Par ailleurs, s'agissant de transformation, les normes imposées aux producteurs fermièrs sont, pour nombre de producteurs, rédhibitoires.

Ce n'est pas un hasard si depuis la mise en oeuvre de la PAC le nombre d'unités d'exploitation a connu un phénomène de fonte comparable à celui de nos glaciers de montagne.

Ce n'est pas un hasard si, dans mon petit coin de pays ne résistent que 4 ou 5 coqs de village, de ceux que vous appelez les industriels, sur les 40 fermiers qui vivaient de la terre il y a trente ans, gros exploitants qui ont peu à peu, avec l'appui zélé et enthousiaste des instances nationales et européennes, fini par confisquer la terre à leur profit exclusif et se comportent comme des seigneurs médiévaux jaloux de leurs privilèges, se livrant perpétuellement à une course à la prime en écrasant au passage celui qui, pour survivre, se suffirait de 5 à 6 hectares quand eux en séquestrent 150, 200, 500 ; centaines d'hectares dont ils peuvent tirer jusqu' à 260 euros de DPU par an et par hectare !! ce qui leur assure un confortable revenu indépendamment du volume effectif de leurs ventes propres.

Ce n'est pas un hasard si le profession connaît un taux de suicides record. Je vous invite à vous pencher sur ces chiffres-là, plus qu'éloquents.

Voilà la réalité, Noémie, et je pourrais en dire plus long si l'heure pour moi n'était venue de soigner mes bêtes.
Utilisateur anonyme
06 janvier 2012, 08:42   Re : Cent propositions
Merci pour ce témoignage-choc sur la vie d'un exploitant agricole d'aujourd'hui, qui montre accessoirement que certains mots ou notions rarement présents sur ce forum (hangars, cumulus, PVC, papa, privilèges de seigneurs médiévaux) peuvent y être employés sans pour autant jurer. Mais que diable est-ce donc que :
- des cornadis ?
- la règles dite de "marche en avant" (ça a un petit côté chinois),
- ou encore, les micro-centrales de retraitement des eaux blanches (fascinant) ?
06 janvier 2012, 09:08   Re : Cent propositions
Hé bien, les cornadis sont, pour dire les choses simplement, des rateliers sophistiqués avec système de contention. L'animal désireux d'accéder à la nourriture que vous avez distribuée de l'autre côté du cornadis y engage sa tête et un système de verrouillage permet de l'y retenir le temps nécessaire. Ainsi contenu, pouvez-vous manipuler, faire les soins, traire, les mouvements de l'animal étant réduits. Ce système facilite grandement le travail sécurisé de l'éleveur, surtout avec du gros bétail.

La "marche en avant", qui n'a rien de chinois ni n'est apparentée à celle de l'empereur, pingouinerais-je, est un processus fixé par les autorités sanitaires qui implique, dans les laboratoires destinés à l'abattage, la découpe et le conditionnement des produits d'élevage ou dans les fromageries que le produit brut n'entre jamais en contact avec le produit fini.
Ce peut-être une marche en avant dans le temps, dans l'espace ou même les deux couplés.
Par exemple, après la traite, le lait est acheminé dans la fromagerie par une entrée mais les fromages en sortiront par une autre. Entretemps, les différentes opérations que l'on fait subir au produit brut seront éventuellement conduites dans des pièces distinctes successives de même que le conditionnement ou la commercialisation en sortie.
L'objectif affiché est de supprimer tout risque de contamination du produit fini par le produit brut (et inversement, sans doute).
Cependant sous la pression des associations de consommateurs et suite à des scandales dont nous avons tous entendu parler, ou de cas d'intoxications alimentaires, la barre a été fixée très haut, si haut par les agences de sécurité sanitaire et alimentaire et les services vétérinaires que, comme je le faisais remarquer à Noémie, les frais générés par le respect scrupuleux des normes en vigueur ont atteint des niveaux rédhibitoires et conduit de nombreuses exploitations à mettre la clé sous la porte, ces normes ayant souvent été indistinctement imposées à des producteurs fermiers et à des industriels alors que les risques sanitaires liés à ces deux types de transformations sont spécifiques.
En outre, nombreux sont les candidats à l'exploitation qui renoncent à leur activité faute de trouver un financement adéquat.

Les micro-centrales de retraitement figurent parmi les installations destinées à éliminer les eaux blanches, notamment le lactoserum issu de la fabrication fromagère. Réputé polluant, il est interdit au fromager de jeter le lactoserum dans la nature.

En réalité, et c'est tout l'objet des propositions que je m'efforce de formuler en faveur d'une réforme de l'agriculture, de très nombreuses contraintes résultent non de l'activité agricole en tant que telle mais des dérives productivistes qui ont conduit, depuis les années soixante, à concentrer des cheptels pléthoriques dans des unités d'élevage et de production intensives en décuplant les nuisances, les déchets et les risques sanitaires qu'entraîne inéluctablement la déraison mégalomaniaque d'un système qui a perdu depuis longtemps le sens de toute mesure.
Ainsi, en dépit d'un discours poltique et officiel sur des pratiques propres, respectueuses de l'environnement comme des cheptels et promotrices d'une agriculture durable, le discours productiviste prévaut-il toujours dans la bouche d'un grand nombre de techniciens des chambres d'agriculture et c'est à une échelle industrielle que les postulants à l'installation sont très majoritairement invités à monter leurs projets, encore une fois, à grands renforts d'aides publiques, de subventions et de primes.

Dans les exploitations caprines, par exemple, les cheptels sont passés en moins de 30 ans de quelques dizaines de tête à plusieurs centaines d' animaux, lesquels, faute de pouvoir être menés normalement au pâturage sont confinés en stabulation et ne verront jamais la silouhette d'un arbre ou ne franchiront un ruisseau de toute leur triste existence. Ce confinement anormal induisant des comportements agressifs parfois exacerbés ; joint à la concentration, ce phénomène a conduit, sous le prétexte d'accroître la sécurité des éleveurs, à écorner systématiquement les chevrettes dès leur plus jeune âge, par exemple. Une dérive parmi d'autres, multiples, ignorée du consommateur et du public en général, y compris dans des fermes dites pédagogiques qui se gardent bien d'insister auprès des enfants sur cet aspect pour le moins rébarbatif du "métier".

Aujourd'hui, ce sont parfois des unités de 900 chèvres dont l'industrie laitière, dans une revue comme la chèvre, par exemple, se félicite d'être en mesure de mettre sur pied dans des bâtiments dont je vous laisse imaginer la taille !

Enfin, certaines contaminations interviennent par ailleurs plus volontiers en milieu industriel hyper-aseptisé. C'est le cas de la listéria, par exemple, qui profite de la destruction des germes concurrents par l'usage intempestif de produits désinfectants et détergents pour se multiplier.

Voilà quelques-uns des fruits verreux de ce productivisme débridé qui a conduit, avec la concentration du foncier et des unités de production, en un demi-siècle, à la destruction de plus d'un million et demi d'exploitations paysannes dans le beau pays de France.
06 janvier 2012, 16:01   Re : Cent propositions
Il y a aussi une dérive hygiéniste. Il se passe, dans l'industrie alimentaire, notamment dans celle qui traite le lait, un phénomène comparable à celui qu'a entraîné l'abus d'antibiotiques dans la médecine : on a favorisé l'apparition de souches bactériennes résistantes, de plus en plus difficiles à éliminer et de plus en plus dangereuses parce que les organismes humains ne sont plus habitués à la flore bactérienne laitière et n'ont plus les anticorps qui leur permettent de lutter contre elle. D'où cette inflation hygiéniste peut-être sans issue autre qu'une épidémie dramatique.
Utilisateur anonyme
06 janvier 2012, 16:06   Re : Cent propositions
Merci pour ces éclaircissements, cher Serge, au fond les cornadis font un peu penser à certaines pratiques de l'administration fiscale...
06 janvier 2012, 19:38   Re : Au sujet des agriculteurs
Exactement !
Et vous avez raison, Marcel, c'est bien de dérive hygiéniste qu'il s'agit. Certains techniciens, certains vétérinaires, conscients que cela pose un épineux problème encouragent un retour à des pratiques plus raisonnables. Ils ne sont hélas pas la majorité. Et cela se comprend aisément dans le contexte de judiciarisation que connaît notre société, obsédée par la quête d'un responsable sitôt qu'un adolescent a une insomnie.
Etrange schizophrénie, en définitive, de cette société qui, d'un côté, absout les crimes les plus abjectes et déresponsabilise des individus éminemment nuisibles - et parfois fiers d'en être - quand a contrario elle surinvestit, par exemple, dans la responsabilité d'édiles cloués au pilori pour un boulon mal assujéti sur lequel un enfant est venu s'écorcher le genou dans un jardin municipal.
06 janvier 2012, 20:34   Re : Au sujet des agriculteurs
J'aurais pourtant pensé, Serge, que vous aviez la chance d'avoir à l'agriculture, un ministre fiable et soucieux de défendre au mieux et de façon loyale et efficace les agriculteurs et l'agriculture de notre pays. Quel est votre sentiment à ce propos ?
06 janvier 2012, 21:21   Re : Au sujet des agriculteurs
Fiable et soucieux de défendre les intérêts des agriculteurs ? Peut-être ! Mais l'intérêt de l'agriculture, entendue comme un secteur hyperconcurrentiel désormais soumis aux lois du marché mondialisé et l'un des fleurons de l'économie nationale coïncide-t-il, peut-il coïncider avec l'intérêt des agriculteurs en tant que personnes humaines soucieuses d'abord de vivre décemment des fruits de leur labeur ? Première bonne question à nous poser.

Deuxième question : si un céréalier de la Beauce et un fromager artisanal installé en caprins en zone de montagne n'ont de commun que de travailler au plus près de la terre, est-il possible de défendre l'un et l'autre sans entrer dans une casuistique qui permette d'éviter l'assimilation de situations et de métiers qui n'ont, en fin de compte, rien ou peu en partage ?
De toute évidence la politique menée ces trente dernières années n'allait pas dans le sens de telles subtilités.

Le ministre, tout soucieux qu'il soit de défendre les intérêts...de l'industrie agricole, je dis bien et j'insiste, est tributaire d'un contexte hérité, d'une conjoncture, de mentalités façonnées par un demi-siècle de culte rendu au productivisme le plus échevelé (il fallait, telle était l'ambition, "nourrir la France, la rendre autosuffisante, puis l'Europe et bientôt la planète ! notez que la chose n'a rien que de très légitime mais à quelles dérives n'avons-nous pas cédé !) ; tributaire également, ne l'oublions pas, des consommateurs, acteurs cardinaux, volontiers capricieux, dont les exigences en terme de prix, de choix, de sécurité alimentaire sont allées croissant au fil des ans.
Sans compter l'imbécillité dogmatique du refus de recourir à des mesures protectionnistes qui, ailleurs, outre-atlantique et en Asie, ont pourtant fait et continuent de faire la preuve de leur redoutable efficacité.

Face à toutes ces contraintes établies, le ministre est loin d'avoir les coudées franches. Je lui reprocherais volontiers cependant de chapeauter un ministère dans un secteur d'activité dont il n'est pas issu. Certaines de ses déclarations qui m'ont fait sursauter suggèrent qu'il connaît bien peu de choses aux réalités du terrain.

Pour illustrer l'une des difficultés majeures que j'évoquais dans mon précédent post, prenons le cas des fromages au lait cru.
Lorsque j'étais adolescent, mes parents fréquentaient une ferme des Alpes-de-Haute-Provence sise près de Seyne où le paysan, car on ne disait pas alors exploitant agricole, fabriquait des fromages de chèvre au goût inimitable. Rien qui ressemblait alors à ces fromageries aseptisées et rutilantes, trempées quotidiennement de détergents et de javel, plus propres qu'une salle d'opération, non ! une pièce de 12 ou 15 mètres carrés vaguement aménagée, un vieux rideau en guise de moustiquaire, quelques étagères de bois de châtaigner couvertes d'un lit de paille sur laquelle s'affinaient des caillés lactiques, crottins frais et moins frais que nous dégustions chaque jour avec un enchantement jamais lassé.
Ils étaient des milliers sans doute dans les campagnes de France à fabriquer ainsi des fromages dont les vertus organoleptiques n'avaient rien à envier à nos glorieux actuels AOC.

Quelques cas d'intoxications, peut-être, mais je n'en ai pas le souvenir, ont poussé les autorités à établir des règles destinées à protéger le consommateur. Les pratiques ont gagné en hygiène, c'est indéniable, cependant...

Cependant, là comme partout, c'est surtout la règle du "toujours plus" qui s'est imposée de manière aussi implacable que subreptice dans un premier temps, puis que nos gouvernants ont imposée sciemment tandis qu'ils prenaient conscience que ce raidissement, d'une part, leur éviterait, du moins l'ont-ils cru, d'être mis en accusation au cas où surviendrait un accident lié à une contamination publique ; d'autre part, et je crois qu'il s'agit hélas de l'essentiel, que sur cette économie sanitaire se greffait tout une série d'activités et d'industries : pharmacie, bâtiment, chimie, mécanique, etc qui désormais feraient leur miel dudit raidissement et des normes nouvelles qui l'accompagnait.

D'où que, en effet, revenir en arrière aujourd'hui par le biais d'un assouplissement relève d'une gageure. Un défi, un exercice de haute voltige susceptible de mettre en péril l'ensemble des activités - et donc des emplois - qui au fil du temps ont proliféré autour de la production première agro-alimentaire.

Si urgente que soit la démarche, celui qui aujourd'hui, ministre, prend le risque d'assouplir la tatillonne et outrancière législation sur la sécurité alimentaire sur les sites de fabrication et de commercialisation fermiers prend le risque demain, si survenait une intoxication, même anecdotique numériquement parlant, de se voir jeté sur le banc des accusés et livré en pâture par la presse et les média aux familles des victimes qui ne manqueront pas de lui demander des comptes, de conserve avec les associations de défense des consommateurs et la société civile leur emboîterait probablement le pas. Dans ces conditions, qui osera ?

En réalité, il faut, évidemment, baliser la fabrication de produits destinés à l'alimentation humaine. Mais nous nous sommes révélés incapables de comprendre qu'en ce domaine prévaut la règle du toujours-plus-toujours-mieux et un pas en entraînant un autre nous avons enfanté un monstre, système camisolé, engoncé dans une pléthore de règlements drastiques dont il meurt à petit feu sous le regard aveugle ou impuissant de notre société toute entière, une société furieusement hygiéniste et de plus en plus dramatiquement procéduriaire.
Serge, je partage votre avis au sujet de la multiplication des taxes et des normes qui accablent les paysans mais ne comprends pas votre pessimisme. Bien que la course au foncier existe, encouragée par les droit à paiement unique, il me semble que les jeunes agriculteurs créant leur activité sont toujours prioritaires vis-à-vis des industriels, tout du moins lorsqu'ils disposent de la capacité professionnelle agricole.

Il demeure en outre possible de travailler sans subir une myriade de contrôles de la DSV et sans être incessemment sommé de créer de nouvelles infrastructures du moment que l'on pratique la vente directe et qu'on ne se dote pas de trop grands cheptels. Je crois me souvenir, dans le cas de l'élevage avicole, que les contrôles de salmonnelles ne sont pas requis dans les élevages de moins de 300 têtes et que la construction d'un centre d'emballage n'est pas nécessaire lorsqu'on écoule sa production en vente directe.

Je suis bien d'accord qu'il faut à présent redoubler d'ingéniosité pour parvenir à dégager un revenu issu d'une production agricole lorsqu'on ne désire pas être un gougnaffier, mais cela reste possible sans grand investissement. Avec un cheval de trait équipé, ou à défaut quelques grelinettes et l'aide occasionnelle de travailleurs bénévoles, quelques serres tunnel, un petit terrain en fermage ou en commodat, un maraîcher peut vivre grâce une exploitation d'un hectare et demi, obtenir un chiffre d'affaires d'un peu moins de 1500 euros et se payer 400 euros les premières années. C'est peu pour soixante heures de travail par semaine mais ce n'est pas négligeable quand on produit sa nourriture et qu'on vit sobrement.

De plus en plus de communes mettent à la disposition des paysans des infrastructures pour produire des légumes biologiques pour les cantines, des association comme Terre de liens permettent encore de trouver du foncier à un prix raisonnable. Certes la politique agricole à plutôt tendance à porter des coups aux agriculteurs hostiles à l'industrie agro-alimentaire (on a pu le voir récemment lors du vote du certificat des semences végétales) mais je persiste à penser qu'il est encore possible de travailler dans le domaine de l'agriculture sans être un gougnaffier ou un paysan gravement endetté.
19 janvier 2012, 19:29   Re : Au sujet des agriculteurs
Cher Alexandre,
Ainsi que je l'ai indiqué dans mes messages précédents, il est hasardeux de généraliser. Cependant l'agriculture ne se résume pas au maraîchage, qui constitue effectivement l'un des types d'exploitation sinon le type d'exploitation le plus simple à mettre en oeuvre.

Hélas pour moi, c'est en caprin avec transformation fromagère que j'ai choisi de m'installer avec diversification volailles fermières, et les normes auxquelles je suis tenu de satisfaire contredisent clairement l'optimisme de votre commentaire.

N'étant pas fils d'agriculteur, je dois, outre la structure foncière et les bâtiments, acquérir le matériel nécessaire à l'exploitation, construire une fromagerie conforme aux desiderata de la DDSV, et le tarif le plus intéressant qui me soit proposé est bien de 1000 euros le mètre carré (hors matériel de transformation).

Faire les marchés en vente directe exige un véhicule approprié et une vitrine réfrigérée, dont on ne me fera pas cadeau. Pas davantage que le foin ne se fanne tout seul. Je suis contraint d'en acheter la plus grande partie et cette année son prix fluctue entre 240 et 300 euros la tonne ttc. Le tarif de la paille est à peine inférieur.

Encore une fois je ne peux que vous renvoyer au précédent commentaire dans lequel j'insistais sur la différence fondamentale qu'il y a entre s'assurer un complément de revenu par le biais d'une activité agricole et gagner sa vie comme agriculteur ou éleveur à titre principal.

Je m'installe dans le Puy de Dôme et je puis vous assurer que trouver de la terre, fût-ce en fermage ou commodat n'a rien d'une évidence.

Peut-être suis-je mal conseillé, mais si vous savez comment gagner sa vie avec 300 volailles ou monter un maraîchage tout en nourrissant un cheval de trait sur un hectare et demi, n'hésitez pas à me le faire savoir.
On survit à peine avec 300 volailles, j'en conviens. 500 poules pondeuses, un peu de maraîchage et de transformation des poules réformées permettent de vivre exclusivement d'une petite production agricole sans pour autant crouler sous les prêts.

Faire de la vente directe peut se faire à la ferme. Il est possible de se rendre à cheval, en charette, aux AMAP ou aux marchés qui sont suffisamment proches et rentables. Il est très difficile de trouver un fermage ou un commodat mais l'ADASEA ou Terre de liens en proposent régulièrement ; certaines personnes acceptent même de mettre des friches à la disposition de paysans.

Vous ne pouvez pas reprocher aux institutions d'être contraint d'acheter du fourrage. Elles ne sont pas totalement responsables du fait que vous ne bénéficiez pas d'une autosuffisance totale.

La nature de votre activité implique effectivement de très grands investissements. Les agriculteurs doivent à présent se définir comme des entrepreneurs, comme l'a expliqué Nicolas Sarkozy, et c'est bien cela qui rend les installations si difficiles. Il est toutefois encore possible de vivre de l'agriculture sans être sous le joug de la chambre d'agriculture et des banques, à condition de travailler à la manière des paysans de l'avant-guerre, et ça peut être un grand plaisir.
transformation des poules réformées

Est-ce un euphémisme pour dire "Vente en nuggets au McDonald's" ?
19 janvier 2012, 21:18   Re : Au sujet des agriculteurs
Pardonnez-moi, je débarque. Je trouve cette discussion passionnante et d'une qualité d'argumentation remarquable, mais elle semble commencer in medias res et se rapporter à des propositions qui n'y figurent pas. Serait-il possible de rétablir la généalogie de l'échange ?
Non, cher Jean-Marc, une périphrase pour transformation des poules en pâté AB après trois années de bons et loyaux services de leur part.
19 janvier 2012, 21:37   Re : Au sujet des agriculteurs
Excusez moi pour mon intervention tardive, je n'avais pas remarqué la création de ce sujet à partir de mon commentaire.

Je suis du même avis qu'Alexandre, et je parle d'expérience, pour avoir travaillé avec des agriculteurs qui vivaient de la production de leur 500 poules pondeuses, et avec une maraîchère qui produisait sur 1,5 hectare.
Les premiers pouvaient se payer 600€ par mois une fois leurs prêts remboursés, et la deuxième vivait avec 500€ par mois une fois le loyer des terres payé.
Ces chiffres font surement pâlir d'horreur les amateurs d'éco-tourisme et de restaurants 4 étoiles, mais quand on est un producteur polyvalent, on a déjà toute la nourriture a disposition.

J'ai peur que Serge ai raison d'une certaine façon, en parlant des jeunes agriculteurs de nos jours. Ils sont "de leur temps" et tous plus disposés à produire des dettes que de l'huile de coude.
Pourtant, aujourd'hui encore, il est possible de commencer petit, à la main, de mettre de côté (concept tombé en désuétude...) pour investir dans du matériel plus tard.

Le cheval ne serait bien sur pas sur l'hectare et demi de maraîchage mais sur une prairie voisine, une friche... Les propriétaires préférant un cheval sur leur terrain plutôt que le passage mensuel de la tondeuse sont encore très répandus Dieu merci.

Le label AB, voir le label Demeter me semblent indispensables pour pouvoir vivre d'une petite production, ainsi qu'une ferme plus proche d'un modèle paysan que d'un modèle industriel.
Vieille poule empâtée
Jeune coq empoté
Finirez en pâté
Et en potée
19 janvier 2012, 22:01   Re : Au sujet des agriculteurs
Pardonnez-moi, Alexandre, mais je ne comprends pas votre raisonnement.

Une personne seule, selon vous, serait en mesure de cumuler chaque jour les soins à 500 poules pondeuses, le ramassage, le marquage, la commercialisation des oeufs, l'entretien des locaux, la transformation des poules de réforme (j'aurais volontiers dit des "vieilles poules" mais ça fait un peu maquereau, je trouve ! Bref !), le maraîchage, les soins au cheval, sans compter l'entretien des parcelles, la fenaison, etc . ? Cela fait des journées de combien d'heures, ça, pour un homme (ou une femme) seul(e) ?

Se rendre aux marchés ou dans les AMAP en charette, version Amish, c'est très poétique, mais cela prend du temps et encore faut-il résider dans un pays - j'entends une région - où c'est envisageable et ce n'est pas le cas partout. Je vous le dis d'emblée, j'adorerais ! Et je l'envisage sérieusement, mais vous ne me ferez pas croire qu'un cheval de trait, même un comtois, se nourrit d'eau fraîche et de regardelles, n'exige pas une ferrure régulière, un logement décent, de même que l'attelage dont nous savons vous et moi qu'il doit dormir au sec pour durer tant soit peu. Cela ne requiert-il donc aucun bâtiment préexistant ou à édifer ?

Les AMAP, parlons-en également, n'accueillent pas tout le monde. Généralement, et c'est ce que m'ont répondu celles que j'ai contactées, elles se satisfont d'un ou deux producteurs par type de produit et pas davantage. La place est y donc limitée.

Terre de Liens est une association que je connais fort bien pour être en rapport avec eux depuis plus d'un an. Pas davantage que la Safer ils n'ont été en mesure à ce jour de me dénicher ne serait-ce qu'un hectare de prairie supplémentaire. Il est vrai que je me trouve dans un coin de pays où la pression foncière est forte, mais nullement "naturelle" ni le fruit du hasard !

Ainsi, lorsque vous me dites que les institutions ne sont pas responsables du fait que je ne dispose pas de la surface nécessaire à mon autonomie, vous me permettrez de nuancer car c'est une assertion qui omet que la course à l'hectare est bel et bien le jeu auquel les exploitants installés avant moi s'adonnent et d'une manière impitoyable afin de percevoir les DPU. Certains, qui vivraient parfaitement bien avec 60 ou 80 hectares en cumulent près de 500, à la fois sous entretenus et sous-exploités qui n'ont d'autre finalité que de permettre au fermier de palper les fameux DPU !

Ce sont donc bien les institutions telles qu'elles fonctionnent qui sont à l'origine des excès de la course à l'hectare et des difficultés que rencontrent les jeunes agriculteurs pour accéder, à leur tour, à un semblant d'autonomie.

Ce qui est en cause ici, ce que je dénonce dans mon premier post, c'est le fonctionnement et la survie d'un système agricole maintenu artificiellement et à bout de bras par des primes, subventions, aides publiques lors que la raison exigerait que l'agriculteur ou l'éleveur puisse vivre des fruits de son labeur sans avoir à mendier.

Cependant je ne doute pas que dans le contexte de crise que nous traversons les DPU et autres primes qui bénéficient d'abord aux plus gros exploitants finissent par se tarir. Et le plus tôt sera le mieux !

Vous parlez de vente à la ferme, vente directe, et c'est en effet l'option de loin la plus rentable. Mais votre raisonnement ome encore, me semble-t-il, ce menu détail que pour vendre à la ferme, sauf à avoir capté un héritage, il faut acheter ou louer une ferme. Le loyer ou les mensualités de remboursement de l'emprunt immobilier sont autant d'amputé sur le salaire ou, pour voir les choses sous un autre angle, contraignent à produire davantage en sorte que les charges soient couvertes par les rentrées. Je doute que la chose soit réalisable avec 300 poules et deux rangées de salades vertes !

Je n'ignore pas que de prêts bonifiés en aides à l'installation de jeunes agriculteurs parviennent à s'établir hors transmission familiale. Cependant tout le monde n'a pas droit à la DJA et j'en connais qui renoncent à ces aides conditionnées par toute une série de contraintes octroyées au terme d'un parcours balisé qui ressemble à s'y méprendre à un parcours du combattant.

Je suis allergique, voyez-vous, au discours entreprenarial tel que le déploie Monsieur Sarkozy dans la mesure où il est précisément à la racine des métamorphoses qui ont conduit l'agriculture, du système paysan d'avant-guerre qui vous séduit, apparemment, autant qu'il me séduit moi-même, vers l'agriculture productiviste et mégalomaniaque qui domine actuellement nos campagnes. Vous savez aussi bien que moi quelles industries, technologies, commerces viennent se greffer sur cette agriculture toujours plus sophistiquée et avide de machinisme et d'innovations qui exigent des investissements exorbitants. Je ne trouve nulle consolation à ce que ce soient des fonds publics qui participent à concurrence de 15, 20 ou 40 % à la réalisation de tels investisements.

Je suis entouré, cher Alexandre, de quelques-uns de ces gros exploitants qui se trimballent à bord de tracteurs qui ressemblent davantage à des engins de guerre qu'à des outils agricoles, ne mettent jamais un pied par terre, élèvent les vaches allaitantes par centaines dans des conditions déplorables, le nombre étant difficilement compatible avec l'élémentaire respect des animaux d'élevage et de l'environnement, les éleveurs étant en effet dépourvus du don d'ubiquité. Pour rien au monde je ne mettrai le doigt dans cet engrenage-là dont la philosophie, définitivement, me débecte.

N'étant pas éligible à la DJA, j'affronte, je le répète, des difficultés considérables liées à une législation dramatiquement favorable à l'agriculture de rapport, l'agriculture productiviste, pour faire bref. Et de cette agriculture-là, au risque de me répéter, je n'en veux pas. J'ajoute, à l'exception peut-être d'une raison d'être dans les régions céréalières de champs ouverts, la Beauce, par exemple, cet agriculture-là est un fléau dont patissent les paysages et une ruralité qui de plus en plus se résume à quelques coqs de villages exploitant des domaines surdimensionnés constitués au terme d'un processus subventionné de concentration des outils de production et du foncier, phénomène qui s'est accompagné depuis un demi-siècle de la scandaleuse liquidation du monde paysan.
Pour rappel, l'agriculture, c'était 2 millions et demi d'exploitations dans les années 1950, autour de 600 000 aujourd'hui. C'était un monde qui trouvait à employer près du tiers de la population active autour de la Seconde Guerre mondiale, qui n'en emploie que 3 % à l'heure où nous parlons. Les chiffres parlent d'eux-mêmes !

Je suis convaincu qu'une réforme de l'agriculture, tout en permettant de revenir à des pratiques compatibles avec les exigences d'un développement durable permettrait d'employer ou permettrait de vivre dans des conditions décentes et dignes une bonne partie de la population oisive qui croupit dans les quartiers périphériques de nos belles métropoles.

Il n'est pas trop tard pour y réfléchir !
19 janvier 2012, 23:27   Re : Au sujet des agriculteurs
Citation
Renaud Camus
Pardonnez-moi, je débarque. Je trouve cette discussion passionnante et d'une qualité d'argumentation remarquable, mais elle semble commencer in medias res et se rapporter à des propositions qui n'y figurent pas. Serait-il possible de rétablir la généalogie de l'échange ?

Cher Président, le premier commentaire de Noémie fut suscité par les propositions de Serge sur le fil des cent propositions. D'autres échanges ont suivi, ce qui perturbait un peu le fil d'élaboration des cent propositions. À la demande de Serge, la discussion fut scindée (tant que c'était encore possible) et ce nouveau fil créé, dans le but de pouvoir traiter ce sujet passionnant en profondeur. Pour une meilleure compréhension, les propositions initiales de Serge apparaissent à nouveau dans le premier message de ce fil-ci.
20 janvier 2012, 00:03   Re : Au sujet des agriculteurs
Un comtois peut vivre en prairie toute l'année, et comme je vous le disais, celles ci sont rarement difficiles à trouver, même si l'idéal est de disposer de la place chez soit.

Pour le matériel, vous devez bien disposer d'un petit garage/hangar/abris, sous lequel vous rangez vos outils? le matériel de trait pourrait y trouver sa place.

Un cheval peut être paré s'il n'est pas ferré. Tout cela, comme l'achat de foin ou de granules, sans parler du vétérinaire, coûte de l'argent, mais certainement pas autant à l'année, qu'un tracteur ou qu'une voiture !
Surtout que votre cheval vous le rendra en or noir plutôt qu'en gaz polluant! Un crottin par heure en moyenne, c'est une manne qui vous économisera bien des dépenses côté champs.

De même, je vous trouve bien dur avec vos "deux rangées de salades". Un hectare ou deux suffisent largement pour alimenter toute une AMAP en légumes. La maraîchère dont je vous parlais a travaillé un an seule et sans aide sur 1,5 hectares, avant d'avoir recours à des wwoofer et des stagiaires en aide ponctuelle. Et quand bien même, entretenir un grand "potager" c'est autant de légumes que vous n'aurez pas à acheter.

Si vous désirez une AMAP, créez en une ! Les producteurs que j'ai rencontré jusqu'à présent fermaient tous leur listes d'attente ! Il y a une demande, il vous faudra trouver des maraîchers ou d'autres paysans cependant.

Hormis ces quelques détails, nous sommes du même bord. Je rencontre moi aussi des difficultés pour trouver un lieu d'installation loin de toute production intensive ridicule et nocive. L'ADASEA par exemple, ne propose que la reprise de fermes et d'exploitations coûtant au mieux des centaines de milliers d'euros !
Le temps et la hausse du prix du pétrole renverrons plus de population active aux champs, comme la crise commence à le faire en Grèce.
20 janvier 2012, 08:36   Re : Au sujet des agriculteurs
Message complété et modifié à 10 h 00 ce jour.

Chère Noémie,

Je trouve assez lassant que vous rameniez systématiquement la discussion au maraîchage, comme si l'agriculture s'y devait définitivement résumer sous prétexte que vous avez une expérience dans ce domaine ! Je vous ferais remarquer que tout terroir en France ne se prête pas au maraîchage. En l'occurrence mes terres ne s'y prêtent pas.

Concernant le cheval, s'il faut encore tenter d'argumenter, avez-vous des chevaux, Noémie ? Savez-vous seulement dans quel état se retouve une prairie détrempée d'un hectare unique entre novembre et avril, lorsque qu'un cheval tel qu'un comtois, qui y pâture, la piétine en permanence ? Et que voulez-vous que je fasse d'un cheval de trait ? ce dont j'ai besoin, comme nombre d'éleveurs, c'est de faner, pas de labourer !

Par ailleurs, je suis navré de vous contredire, mais les régions de France où l'on ne trouve plus si aisément des surfaces exploitables sont nombreuses.
Personnellement, je suis originaire de Provence, où la terre se vend à prix d'or et les exploitations financièrement abordables sont d'une extrême rareté.
Je suis établi en Auvergne, à l'ouest de Clermont-Ferrand en zone de moyenne montagne et ici le moindre arpent disponible est immédiatement accaparé par les gros exploitants qui se le partagent avant même que leur disponibilité ne soit rendue publique, ce avec la bénédiction des institutions locales, safer comprise. Mais vous avez l'air convaincue du contraire. Que vous répondre ? Tant mieux pour vous !

Je crois bien avoir détaillé suffisamment dans l'ensemble de mes commentaires les difficultés auxquelles je suis affronté, pas seulement moi d'ailleurs car il s'agit de l'avis partagé par un certain nombre d'acteurs de terrain avec lesquels, vous l'imaginez bien, je suis en contact régulier. Je reçois ce matin même des représentants de Solidarité paysanne. Je croise les doigts.

Noémie, je suis cavalier depuis 30 ans, juge de compétition en dressage jusqu'en Grand Prix et juge d'élevage pour la SHF depuis 20 ans, très au fait, par conséquent, des questions équestres. Je possède la capacité agricole suite à un an de formation en lycée agricole, en spécialisation caprine. J'ai effectué plusieurs stages et crois avoir une idée assez précise et j'ajoute, concrète, des problématiques liées à une installation. D'autant plus que contrairement à ce que vous laissez entendre, je suis déjà propriétaire non seulement de ma structure mais d'un cheptel dont j'ai choisi de faire l'acquisition il y a bientôt deux ans. 20 chèvres et 150 volailles environ, cheptel à compléter sitôt les structures obligatoires mises en place, bâtiments, dont fromagerie artisanale.
Dois-je ajouter que professeur d'histoire-géographie en reconversion professionnelle et fils d'éleveur, ma connaissance du monde agricole dépasse et largement mon seul cas d'espèce ? Et que les propositions que j'ai formulées dans mon premier commentaire s'adressaient au monde agricole dans son ensemble et non à la seule activité pour laquelle j'ai opté ?

Plutôt que d'essayer de me convaincre que je suis, pardonnez-moi, un couillon qui refuse de comprendre que les difficultés évoquées, telles des fantômes, n'existeraient que dans ma tête, je vous propose de commencer par prendre en considération la nature de mon projet, que j'ai, je crois, amplement évoquée, et de proposer un chiffrage réaliste qui tienne compte, non seulement des instruments nécessaires à sa réalisation mais également des bâtiments requis, des installations aux normes, et surtout des frais d'acquisition ou de location de la structure.

Il me semble, pour finir, que votre dernier paragraphe est une confirmation de l'ensemble de mon propos plutôt qu'il ne les contredit.

Par pitié ayez l'amabilité de ne pas réduire la question au cas du maraîchage.
Serge, votre constat est extrêmement juste. Personne ne doute ici des difficultés que vous rencontrez mais il est encore possible de les contourner en choisissant les activités agricoles les moins consommatrices d'espace, les plus rentables, les plus demandées, et en faisant tout à la main. Vu la nature de votre activité, vous n'avez pas d'autre choix que prendre des risques financiers conséquents et d'être confronté à des problèmes inextricables. Toutefois je ne comprends pas pourquoi le fanage ne pourrait pas être réalisé avec un cheval de trait.

La PAC prévoit déjà des mesures protectionnistes, notamment l'instauration d'une barrière douanière contre les importations à bas coût. Tout cela existe déjà mais ne semble pas vraiment appliqué. J'ai récemment entendu Arnaud de Montebourg affirmer qu'il faudrait instaurer un patriotisme économique européen en matière d'agriculture alors qu'il est déjà censé exister depuis la conférence de Stresa de 1958, instaurant l'unicité du marché et la préférence communautaire. Si un un homme politique a proposé des réformes accomplies voilà plus de cinquante ans, c'est qu'elles ne doivent pas être respectées.
22 janvier 2012, 17:06   Re : Au sujet des agriculteurs
Arnaud de Montebourg...
C'est en tout cas très intéressant...
Pourquoi deux Montebourg, Marc ? un seul ne vous suffit pas ?
22 janvier 2012, 17:46   Re : Au sujet des agriculteurs
Il faudrait lui demander. Je lui trouve une voix de fausset très Troisième République.
22 janvier 2012, 20:22   Re : Au sujet des agriculteurs
Alexandre, merci, d'abord, pour l'ensemble de votre commentaire.

Lorsque vous me demandez pourquoi le fanage ne pourrait pas être réalisé avec un cheval de trait, je n'ai rien à répondre sinon que mes journées font 24 h 00, pas une de plus, hélas, et que je n'ai que deux bras !
Le fanage à l'ancienne est excessivement chronophage.
Je ne vous apprends rien, je suppose, en vous rappelant que l'activité de transformation-commercialisation qui vient s'ajouter au temps consacré aux soins du cheptel réclame déjà une disponibilité considérable. Et je ne parle même pas des activités annexes obligatoires telles que l'entretien des clôtures que les biquettes, ces charmants quadrupèdes, obstinés, chahuteurs en diable et facétieux ne respectent qu'à la condition qu'elles soient absolument infranchissables, les soins aux volailles, puisque la diversification sur la base d'ateliers de taille raisonnable est une condition de la viabilité d'un projet tel que le mien ; j'ajoute la restauration des bâtiments d'élevage et de la structure d'habitation, car, bien évidemment, n'étant pas l'héritier d'un exploitant ni le fils caché d'Anne Sinclair je n'avais pas les moyens de me payer d'emblée un domaine agricole immédiatement fonctionnel et aux normes. Alors j'improvise, je restaure, je réhabilite, je retape, les journées passent à la vitesse du vent et je termine chacune d'elles comblé, mais sur les rotules.

Vous évoquez la possibilité de contourner les difficultés "en choisissant les activités agricoles les moins concommatrices d'espaces, les plus rentables, les plus demandées, et en faisant tout à la main."

Vous me permettrez de ne pas voir dans une telle option un "contournement" des difficultés mais bien un renoncement pur et simple à une activité qui, correctement menée, reste, en dépit des menaces qui pèsent sur le tarif du lait de chèvre, éminemment rentable. Le tout étant de pouvoir démarrer et de ce point de vue les aides financières auxquelles peut prétendre un candidat à l'installation non éligible à la DJA sont ridiculement faibles, pour ne pas dire étiques. En tout cas sans aucun rapport cohérent avec l'énormité des investissements exigés par la DDSV.

Dans mon département, la quasi totalité des exploitants travaille en vaches laitières ou en vaches allaitantes. D'élevages caprins, très peu, et presque tous hors sol. J'ajoute que la demande en fromages de chèvre fermiers n'est pas satisfaite par l'offre, très insuffisante. Voilà les raisons de mon choix, outre la passion des biquettes et l'envie de produire proprement en respectant un environnement exceptionnel. Je ne lacherai pas le morceau mais j'avoue que face à l'imbécillité de certains interlocuteurs officiels, leur académisme rigide ou la passion des normes qui les habite et derrière lesquelles ils se protègent, pour des raisons qui se comprennent aisément, et indépendamment pour ne pas dire au mépris de toute humaine considération, il m'est arrivé quelquefois d'avoir envie de tout envoyer paître, c'est le cas de le dire !
22 janvier 2012, 21:53   Re : Au sujet des agriculteurs
» que les biquettes, ces charmants quadrupèdes, obstinés, chahuteurs en diable et facétieux ne respectent qu'à la condition qu'elles soient absolument infranchissables


« Dès que les chèvres ont brouté,
Certain esprit de liberté
Leur fait chercher fortune ; elles vont en voyage
Vers les endroits du pâturage
Les moins fréquentés des humains.
Là s'il est quelque lieu sans route et sans chemins,
Un rocher, quelque mont pendant en précipices,
C'est où ces Dames vont promener leurs caprices ;
Rien ne peut arrêter cet animal grimpant.
Deux chèvres donc s'émancipant... »

La Fontaine, Les Deux chèvres
22 janvier 2012, 22:31   Re : Au sujet des agriculteurs
"Un rocher, quelque mont pendant en précipices,
C'est où ces Dames vont promener leurs caprices ;
Rien ne peut arrêter cet animal grimpant.
Deux chèvres donc s'émancipant... »

Avouez, quand même, que notre XVIIe est monté bien haut !
22 janvier 2012, 22:43   Re : Au sujet des agriculteurs
Sans restriction, cher Marc.
22 janvier 2012, 23:25   Re : Au sujet des agriculteurs
Où il est question d'accident et de Fortune je crois...
23 janvier 2012, 07:34   Re : Au sujet des agriculteurs
Arnaud Montebourg, en effet. J'étais persuadé qu'il y avait une particule quelque part.
27 janvier 2012, 04:49   Re : Au sujet des agriculteurs
Ce sera toujours un bonheur et un honneur d’apprendre que sur notre ineffable planète, certains d’entre nous gardent toujours les pieds sur terre… Serge : que le Grand Pan vous protège à jamais, vous et tous les vôtres, jusqu’à plus heureuse génération.
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