Le site du parti de l'In-nocence

Proposition du candidat du P.I. n° 12 : obligation des trente-cinq heures à effectuer sur place, pour les professeurs

Propositions du candidat à l'élection présidentielle Renaud Camus

Proposition n° 12 : Obligation des trente-cinq heures à effectuer sur place, pour les professeurs





Comment les élèves pourront-ils avoir accès aux professeurs si ces derniers sont dans la salle des professeurs ou la bibliothèque de l'établissement, en train de corriger des copies ou faire des recherches pour préparer leurs cours ? Dans l'entretien, Renaud Camus parle des cours de récréation et des couloirs, mais enfin les croisements risquent d'être rares et hasardeux, sauf, encore une fois, si le professeur ne corrige pas ses copies ni ne prépare ses cours, et choisit d'errer de salle en salle, de couloir en couloir, à la recherche de d'"échanges" et de "vie sociale"... ce qui augmentera considérablement, et bien au-delà des 35 heures, sa charge de travail, puisqu'il devra faire les corrections et la préparation chez lui, comme auparavant. D'ailleurs il n'est pas vrai qu'on puisse préparer ses cours aussi bien dans un établissement que chez soi : quid de la bibliothèque personnelle, des livres "marqués" (soulignement etc.), des archives de cours, des recherches à effectuer ? Sans parler des locaux (dans mon établissement, salle des professeurs et "CDI" ne sont pas assez grands pour accueillir les professeurs dans le système actuel, alors avec les 35 heures de présence...). Et tout cela pour... des "propos de couloir", de la "vie sociale", de la pure présence, sans doute des réunions supplémentaires (ah les jolies réunions qu'on va pouvoir organiser avec tous ces professeurs sous la main !), de nouvelles rencontres avec les parents, les éducateurs... bref toutes choses qui n'existent déjà que trop et qui n'ont rien à voir avec la qualité réelle de l'instruction.
Est-ce aux enseignants ou aux parents de prendre en charge l'éducation des enfants / élèves ? En ce qui me concerne, je considère qu'éduquer ma fille est mon devoir et mon plaisir et j'aime qu'il en soit ainsi car j'ai à coeur de lui transmettre certaines choses et pense que son institutrice (qui le fait fort bien d'ailleurs) a pour mission de lui apprendre le calcul et la grammaire.
S'il s'agit de pallier les carences de certains milieux sociaux, j'ignore si les enseignants peuvent avoir un poids symbolique et affectif aussi fort que celui des familles, même si ce qui s'y passe peut être délétère pour nombre d'enfants.
Enfin, peut-on instituer ce type de fonctionnement où l'Etat pallierait toutes les carences ? Se substituerait aux familles ? Quid de la liberté de chacun, y compris à faire son malheur ? Somme toute, si l'on pousse ce type de logique jusqu'au bout, ce sont à des pouponnières d'Etat qu'il faudrait avoir recours.
Je suis entièrement d'accord avec les deux commentaires précédents.

Au surplus, cette proposition me déçoit particulièrement. J'ignore totalement son fondement. S'agit-il, une fois de plus, de tenter de faire croire que les enseignants ne travaillent pas suffisamment? Cette proposition me semble indigne de l'esprit (au sens large du terme) du Parti de l'Innocence.
15 janvier 2012, 11:50   Coup de poignard dominical.
Je croyais que la prolétarisation des professeurs, il convenait de la combattre !?

Je suggère aux hautes instances du P.I. la lecture de Jean-Claude Milner, De l'école, Seuil, 1984 (réédité chez Verdier).
Obliger les professeurs à camper dans leur établissement 35 heures par semaine, c’est leur ôter le dernier élément de prestige dont ils disposent (ils jaillissent comme d’une boîte, font leur cours, redisparaissent, à la grande admiration de leurs élèves qui les considèrent comme en quelque sorte au-dessus de la condition salariée), pour en faire de façon visible de simples pions, à la disposition des élèves, des parents, de l'administration. Comme l’administration en question ne produit rien et se distrait elle-même par la réunion (le plus souvent sans objet et sans ordre du jour), le résultat immédiat serait le triplement ou le quadruplement des heures de réunion, sans aucun bénéfice pour les élèves.

Comme par définition aucun établissement primaire ou secondaire ne possède de bibliothèque universitaire (mais seulement de centres de documentation et d'information, le nom dit tout), aucune préparation sérieuse n’est possible sur place. Le mot livre, dans le jargon de l’Éducation nationale, ne désigne pas du tout un livre mais un manuel scolaire, écrit le plus souvent par des illettrés et qui ressemble à un album pour enfants, même quand il est destiné à des élève de terminale (pas d’élitisme !).

Il faudrait aussi bâtir et équiper plusieurs centaines de milliers de bureaux dans lesquels les professeurs camperaient à trois ou à quatre. Mais cela ne résoudrait rien car l’Éducation nationale est pathologiquement incapable de gérer les questions informatiques (elle ignore par exemple tout de la technologie Apple, du Wifi, etc.).

J’ajoute que tout est question de statut. Tout professeur perd le sien en début d’année, dès sa confrontation au premier élève perturbateur. « On ne peut pas le virer », dit le chef d’établissement. « On doit garder tout le monde », répète M. l’inspecteur. Tous les élèves comprennent immédiatement que le professeur (qui, de nos jours, a souvent un doctorat) vaut objectivement moins que le petit trafiquant de banlieue qui lui tient tête, ou qu'un charmant bambin qui souffre de troubles du comportement, parfois de troubles psychotiques (car il faut vraiment garder tout le monde).

J’avais cru comprendre que le parti était favorable à la création d’établissements séparés, formés sur la base du volontariat, analogues aux public schools anglaises, où les professeurs, comme évidemment les élèves, vivraient sur place. Il y a une différence immense entre vivre sur place et être astreint à l’obligation de présence dans son établissement. Je ne doute pas que, si, ayant donné mes cours le matin, je reçois à la fin de l’après-midi le jeune Kevin au milieu des 8 000 livres de ma bibliothèque (et au milieu du manuscrit de mon prochain ouvrage), pour lui faire faire repasser les rudiments du droit constitutionnel ou de la théorie de l'évolution, j’acquerrai à ses yeux un prestige immense, et que ces heures de conversation avec un maître seront de celles qu’il n’oubliera jamais. Je suis sûr aussi que si je dois camper dans un lycée 35 heures par semaine, à la disposition de tout le monde, je passe au-dessous de la femme de ménage (qui, elle, a des droits).
J’avais cru comprendre que le parti était favorable à la création d’établissements séparés, formés sur la base du volontariat, analogues aux public schools anglaises, où les professeurs, comme évidemment les élèves, vivraient sur place. Il y a une différence immense entre vivre sur place et être astreint à l’obligation de présence dans son établissement. Je n’ai aucun doute que, si, ayant donné mes cours le matin, je reçois au milieu de l’après-midi le jeune Kevin au milieu des 8 000 livres de ma bibliothèque (et au milieu du manuscrit de mon prochain ouvrage), pour lui faire faire repasser les rudiments du droit constitutionnel ou de la théorie de l'évolution, j’acquerrai à ses yeux un prestige immense, et que ces heures de conversation avec un maître seront de celles qu’il n’oubliera jamais.

Ecrivant cela, Chatterton, je vous trouve bien optimiste. Tout dépend du Kévin, je crois. Qu'est-ce qui garantit que le jeune Kévin n'entendra rien de plus qu'un adulte pérorant au sujet de choses qui l'indiffèrent ou lui passent au-dessus du chapeau ?

Pour que je jeune Kévin n'oublie pas, je crois qu'il faut qu'il ait envie de faire pareil, qu'il ait envie d'accéder à un modèle, à ce modèle.

Par ailleurs, Jérôme parlait plus haut de "conversations de couloirs". Cela me semble fort juste car "échanger avec les enseignants", certes, mais à quel propos ? Le temps qu'il fait ? En outre, lorsque l'on sait que nombre d'élèves n'ont qu'une envie, fuir, là-bas fuir, loin des profs et des cahiers, leur en remettre une couche pour leur "bien" me semble bien illusoire.

Nous ne sommes pas du tout dans un modèle d'institution et de pédagogie semblables à celles des jésuites tissant avec certains élèves des liens mêlés d'affectif et de savoir, le tout rendu possible parce qu'il y a un référent commun, à savoir un désir d'aller vers ce savoir.
Professeur de philosophie, j'ai eu initialement une réaction tout à fait similaire à celle des précédents commentateurs (crainte d'un nouveau pas humiliant vers la prolétarisation et d'un rallongement - sans rémunération - du temps de travail effectif).
Mais après un moment de réflexion, je me suis dit que ce pourrait être un changement positif, à condition que d'énormes investissements soient consentis (il faudrait en fait que chaque professeur dispose d'un bureau, fût-il minuscule ; et ce en évitant le système de l' "open space").

Partons donc de l’idée que les conseils généraux et régionaux fassent les investissements nécessaires pour rendre les collèges et lycées plus accueillants (de sorte qu’ils ne ressemblent plus à des usines pédagogiques qu’on est pressé de quitter sitôt ses cours terminés). Il faudrait bien sûr aussi prévoir quelques vraies salles d’étude et une grande bibliothèque ouverte de façon continue et tardive (pourquoi pas tout le week-end notamment ?).
Dans pareil cas, l’idée me semble en effet séduisante et je suis prêt à signer. Elle permettrait non seulement d’aider les élèves dans leur travail, mais aussi de créer entre professeurs et élèves des rapports d’un nouveau type, sources d’émulation intellectuelle et, certainement, de véritable respect (l’un des aspects les plus frustrant du métier de professeur est en effet d’avoir parfois l’impression d’être considéré comme une simple machine standardisée à produire des cours et des documents “pédagogiques”).
Il est clair qu’on devra batailler pour qu’une telle mesure ne soit point dévoyée par un financement trop chiche ou par le monstre bureaucratique de l’ « Ed’ nat’ » et transformée en simple travail de groupe ne faisant que redoubler le cours. A mon avis il faudrait organiser ces bureaux autour de la bibliothèque, les élèves pouvant ainsi aller travailler dans celle-ci avant ou après avoir vu le professeur. Et puis, ce serait un beau symbole de la remise des savoirs au cœur de l’Ecole.
Ecrivant cela, Chatterton, je vous trouve bien optimiste. Tout dépend du Kévin, je crois. Qu'est-ce qui garantit que le jeune Kévin n'entendra rien de plus qu'un adulte pérorant au sujet de choses qui l'indiffèrent ou lui passent au-dessus du chapeau ?

C’est que, chère Véra, ce ne serait pas moi qui causerait, mais le jeune Kevin. Je me contenterais de lâcher de loin en loin quelque sentence oraculaire.
Partons donc de l’idée que les conseils généraux et régionaux fassent les investissements nécessaires pour rendre les collèges et lycées plus accueillants (de sorte qu’ils ne ressemblent plus à des usines pédagogiques qu’on est pressé de quitter sitôt ses cours terminés). Il faudrait bien sûr aussi prévoir quelques vraies salles d’étude et une grande bibliothèque ouverte de façon continue et tardive (pourquoi pas tout le week-end notamment ?).

Citation de Thomas.

Ceci est bel et bon ! De facto, les conseils généraux et régionaux ne sont pas fichus (ou n'ont pas les moyens, je l'ignore ) de servir des repas corrects dans les cantines scolaires. On peut donc rêver qu'ils convertissent les établissements scolaires en autant d'abbayes de Thélème !
Le salut de l'école passe par l'autorité du savoir et du maître, comme l'expose si bien Du Sens.

Il est incompatible avec l'idéal ravageur promu par tous les fossoyeurs de l'instruction républicaine depuis trente ans : l'école comme lieu de vie, dont les membres égaux (parents, enfants, enseignants, surveillants...), "inter-réagissent" (Allègre) du soir au matin.

Sans doute la proposition veut-elle croire que le cantonnement des professeurs dans les écoles y rétablira l'ordre. Cette hypothèse est fort douteuse : le problème de la discipline n'est pas essentiellement quantitatif : il vient de ce que la loi a progressivement retiré à l'institution et à ses représentants toute autorité sur les élèves. Toute sanction véritable suppose le respect de règles de droit qui placent à égalité les deux parties. Il faut respecter des procédures comparables à celles d'une procédure judiciaire pour ne pas voir une décision cassée. Aussi les conseils de discipline ne sont quasiment jamais tenus ; quand même ils le sont, l'élève sera de droit réintégré dans un autre établissement, et un autre "agitateur" viendra prendre sa place dans le premier. Si l'idée est de rétablir la discipline sans grever les finances par des postes excessifs de surveillants, une solution in-nocente consisterait à rétablir la supériorité de l'institution sur les individus et à permettre, réellement, l'exclusion des élèves perturbateurs.

Mais à supposer que cette masse de professeurs présents produise un effet sur le comportement des jeunes, il reste qu'on aura perdu de vue l'essentiel, en transformant l'école en garderie et un travail intellectuel digne d'un homme libre en une aliénation. Tout le temps que le professeur passera à faire le surveillant, il ne l'aura pas pour produire un cours digne de ce nom. Surtout, ce cours, on ne l'aura pas jugé digne de le produire par lui-même, libéralement : ce sera le résultat d'une astreinte. Il n'en aura pas été le maître. Si l'idée est que les professeurs ne travaillent pas sérieusement, une solution in-nocente consisterait à examiner leurs cours, et à en sanctionner l'indigence, le cas échéant ; mais les considérer comme des O.S. est faire injure au savoir bien plus encore qu'à une louche corporation.
15 janvier 2012, 13:21   Reprise ?
Je ne suis pas spécialiste de l'histoire de l'école, mais je ne vois pas à quel passé plus ou moins proche on pourrait puiser de quoi imaginer une "reprise" dont cette proposition serait la concrétisation. Ma lanterne a besoin d'être éclairée.
J’ajoute que la proposition fait bizarrement l’impasse sur les questions de sécurité. Je rappelle la jurisprudence Karen Montet-Toutain. Le monsieur congolais qui avait poignardé en 2005 sa professeur d’arts plastiques en plein cours a vu sa peine réduite en appel, en 2009, car la vérité judiciaire telle qu’elle ressortait de ce procès d’appel était que ce monsieur était venu en cours avec un grand couteau parce qu’il avait l’intention de se suicider, suite aux réprimandes de l’enseignante (qui l’avait menacé d’un conseil de discipline). Ce monsieur avait oublié de se suicider et avait ensuite malencontreusement porté des dizaines de coups de couteau à l’enseignante, parce qu’elle voulait l’obliger à ôter son blouson en classe. Je rappelle aussi que, sur un plan administratif, une enquête de l’inspection générale avait totalement blanchi l’Éducation nationale. Si la professeur avait alerté sa hiérarchie sur les dangers qu’elle courait devant ses élèves, elle ne s’y était apparemment pas prise de la bonne manière.

Bref, présence accrue des professeur signifie risque accru de se trouver devant des élèves qui ont complètement oublié de se suicider (ah ces ados !) mais qui sont toujours munis de leurs grands couteaux. Et comme on ne peut pas déranger l’inspection générale (ces messieurs sont en réunion) chaque fois qu’un cinglé décide de chnapper (c’est comme cela qu’on dit, je crois) son professeur, il faudra prévoir quelque procédure administrative discrète et hâtive, je ne sais pas, moi, installer une petite morgue dans les établissements, enterrer les victimes la nuit, à la sauvette, sous les bégonias qui décorent le logement de fonction du proviseur, en présence de trois collègues et de deux bons élèves.

Prévoir aussi un petit espace pour les immolations par le feu d’enseignants n’en pouvant plus de se faire cracher dessus 35 heures par semaine (au lieu de 15 auparavant). Dans l’affaire Lise Bonnafous (l’enseignante de Béziers), les médias avaient eu un mal de chien à recadrer l’opinion, en expliquant que l’immolée était névrosée, dépressive, tapée, sadique, masochiste, injuste, en misère affective, attachée à des méthodes pédagogiques d’un autre siècle, etc. Et même comme cela, les gens n’étaient pas contents.

Notez bien que je ne tiens pas le discours de l’insécurité permanente et de l’énorme augmentation des faits divers en milieu scolaire. Il arrive aussi qu’à l’hôpital public une infirmière se fasse molester par un patient agressif, qui n’est pas forcément un gitan, ni un immigré en situation irrégulière, ni un salafiste. Seulement, dans le cas de l’infirmière, il n’y a pas un supérieur hiérarchique qui lui explique, embêté, qu’elle s’est mise dans un mauvais cas et qui lui demande de se justifier au sujet de « cette altercation ». Quand c’est un prof qui fait l’objet d’une agression, c’est très exactement ce qui se produit (et je parle d’expérience).

Donc prévoir aussi un petit tribunal pour juger les profs qui ont fait l’objet de voies de fait de la part de leurs élèves.
Chatterton, vous devez déjà le savoir mais je ne peux m'empêcher de vous le dire : vous avez de l'esprit et c'est agréable !

Je me pose une autre question d'organisation. Mais quand se feraient-elles ces 35 heures si elles sont consacrées à tenir compagnie aux élèves ?
Somme toute, en primaire, les élèves commencent à 8 heures trente pour finir à 16 heures trente, plus tard s'ils vont à l'étude ou suivent des cours avec un prof de sport.
Que je sache, une fois dans l'établissement scolaire, les élèves sont de fait pris en charge par les enseignants et ce jusqu'à la fin des cours, souvent en toute fin d'après-midi.
Donc s'il s'agit de continuer "à les suivre", cela voudrait dire que les enseignants devraient faire ces heures en plus, une fois les cours terminés.
Ou le mercredi après-midi ou le week-end ... Et que faire alors des élèves qui, ces jours-là, ont des activités périscolaires ou simplement envie de se reposer en famille ou d'aller tranquillement se promener ?
Il y a là un point d'organisation qui m'échappe.
Je crois bien, pour la première fois, ne pas être du tout en accord avec cette proposition du P.I, qui reprend ici une vieille lune de Ségolène Royal (sic) et qui entérine la prolétarisation du corps enseignant.

Une telle mesure n'aura pas d'autre effet pratique que de décourager encore plus quiconque souhaitant embrasser la carrière de professeur. Pour préparer ses cours, j'en sais quelque chose, il faut mieux être loin du brouhaha de la salle des profs.
Cette mesure, si elle était mise en oeuvre, aurait pour conséquence immédiate d'avoir, dans les établissements, des adultes désoeuvrés et payés à être présents pour ne rien faire de concret, comme dans les anciens pays communistes. Etre payé à être là, c'est bien évidemment une humiliation.
Dans un deuxième temps, ces professeurs, puisqu'il faut bien les occuper à quelque chose, se retrouveraient sans arrêt mobilisés à participer à toutes sortes de projets pédagogiques funestes, comme afficher des dessins d'enfants dans le hall au prétexte d'initiation à l'art, animer des ateliers théâtre stupides (qui verraient le triomphe du slam, rap...) et que sais-je encore. En aucun cas ils ne prépareraient des "cours", croyez-moi, car les chefs d'établissements leurs mettraient aussitôt le grappin dessus pour participer au grand foutoir pédagogico-administratif qui est en odeur de sainteté de nos jours. Ce serait, une fois de plus, faire le lit du pédagogisme et accélérer la disparition, définitive cette fois, du cours traditionnel, des disciplines.

Une telle mesure ne changerait rien au déficit éducatif parental. Croire cela est une chimère. La lecture d'un livre comme Décivilisation, qui remonte aux sources du problème, suffit d'ailleurs à s'en convaincre.

En regardant la vidéo, j'ai eu l'impression que le Maître lui-même n'était guère convaincu de ce qu'il avançait, contrairement aux autres sujets où son enthousiasme est contagieux.

Bref, cette mesure me consterne ; elle entérine définitivement la transformation de l'Education Nationale en garderie (mais peut-être est-ce une stratégie de type terre brûlée...) ; elle revient à faire payer aux seuls professeurs le prix de la capitulation face à l'abandon des familles ; elle accroît aussi inutilement que dangereusement le champ de leurs responsabilités ; elle ôte enfin son dernier attrait (avoir du temps loin des autres pour lire et se ressourcer) à une profession qui n'en peut mais.

Je pense, très sincèrement, qu'il faut mettre cette proposition au rebut et ne plus jamais en reparler.
(Message supprimé à la demande de son auteur)
Elle fait d'autant réagir qu'à bien y réfléchir, elle est 100% hermogénienne !
Citation
Chatterton
Hum. On ferait une partie des 35 heures la nuit.


Je crois qu'il faut pousser jusqu'à ses limites cette proposition. A savoir lancer une vaste campagne d'adoption de leurs élèves par les enseignants ! Cela leur permettrait (à défaut d'une augmentation de leur salaire) d'encaisser les copieuses allocations familiales qui servent à acheter les jeux vidéos et autres télés ou ordinateurs dernier cri qui font le bonheur de M. Fofana ou de M. Bouamila !
A savoir lancer une vaste campagne d'adoption de leurs élèves par les enseignants !

Voilà une proposition que j’inscris sur mes tablettes.
Citation
Chatterton
A savoir lancer une vaste campagne d'adoption de leurs élèves par les enseignants !

Par les enseignants en effet, puisqu'il n'y aura plus, officiellement, de professeurs.
En effet, c'est la seule séquence que j'ai eu le courage de regarder, mais je trouve le discoureur extrêmement embarrassé, encore plus emberlificoté de d'habitude. Cette proposition lui a été suggérée par un membre du parti qui semblait y tenir beaucoup et qui, par sa profession, paraissait particulièrement à même de faire en ce domaine des suggestions pertinentes. Mais l'on défend mal les idées des autres, qui ne vous ont vous-même qu'à moitié convaincu. Je trouve excellent que ce forum serve de lieu de débat détaillé et courtois. Et je ne puis être insensible à l'espèce d'unanimité que paraît faire contre elle cette proposition-là. Un des arguments en sa défaveur auxquels je suis le plus sensible est celui de la prolétarisation accrue qu'elle pourrait impliquer du corps enseignant, ce qu'à Dieu ne plaise. M. Marcy, qui était le plus virulent opposant à cette mesure, est à présent un de ceux qui s'y montrent le moins hostiles, à condition qu'elle s'accompagne de considérables travaux d'aménagement offrant à chaque professeur un confortable bureau. Je serais certes d'accord avec pareil dessein, mais le parti est également attaché à l'équilibre budgétaire et je vois mal comment la France, dans l'état actuel de ses finances, pourrait de lancer dans pareilles dépenses...

M. Bolacre se demande à quelle tradition pareille proposition peut bien faire écho. Là la réponse est facile. Il suffit d'évoquer les collèges religieux, qui ont représenté une part considérable de l'enseignement, et du meilleur, dans notre pays. Pardonnez-moi d'évoquer ma propre expérience mais à l'école Massillon de Clermont-Ferrand les professeurs, tous des prêtres, habitaient sur place. Leur bureau était également leur chambre à coucher, ce qui ne manquerait pas aujourd'hui de faire des histoires... (Prévoir ici une dizaine de jmarciana).

Bref, quitte à sembler hollandais à l'excès, je suis prêt à reconsidérer cette proposition, voire à la retirer tout à fait. Poursuivons la discussion. On aimerait entendre la défense (parmi laquelle j'avoue ne me ranger que très discrètement).
Il serait en fait judicieux de ne pas mettre en avant la formule de "35h" qui évoque une forme de ressentiment populiste contre le corps professoral (qu'il s'agirait de mettre au pas et d'avilir). Il faudrait au contraire mettre en avant la mise à disposition de bureaux personnels et de vraie bibliothèque, en précisant bien qu'il n'est question ici que de travail lié directement à la matière enseignée et aucunement de tâches administratives, socio-éducatives ou de surveillance. Les professeurs devront être libres de fixer leurs horaires en début d'année.

Le modèle subliminal en serait effectivement les internats religieux ou ceux des collèges anglais.
"Poursuivons la discussion. On aimerait entendre la défense "
Me voilà contraint d'y revenir et de reprendre les arguments, que j'avais esquissés dans l'autre espace de discussion.
Je reproduis donc les grandes lignes de mon intervention.
« L'effondrement de l'institution chargée de l'instruction et de l'éducation de la jeunesse de la nation a laissé subsister quelques ilots dans lesquels les pratiques professionnelles que défendent certains intervenants ont encore du sens.
Je ne pense pas qu’un parti comme le PI qui est né du constat du naufrage de notre civilisation, puisse mener sa réflexion sur les remèdes à apporter à cette catastrophe en s’appuyant sur ces exceptions.
Venons-en à l’une des objections : celle des moyens. Dans ma proposition, j’avais précisé que cette mesure devait s’accompagner d’un effort d’aménagement et d’équipement sans lequel elle était sans intérêt : bureaux, bibliothèque, équipement informatique, etc. (Bureaux par discipline, je n’ai jamais pensé à parquer les enseignants dans une salle des profs !) Les Régions et les Départements, qui ont la charge des établissements auront à organiser leurs budgets pour l’assumer.
Il me semble que nous sommes d’accord, ici, sur le constat et que nous sommes également d’accord pour que les propositions que nous faisons soient à la hauteur des maux que nous combattons. Nos établissements ne sont plus les temples du savoir et de l’autorité qu’ils ont été pendant des siècles. La mesure que je propose vise à y réintroduire « l'ordre, la discipline, l'autorité, l'éducation, la transmission des connaissances, des méthodes des travail, des rites sociaux et des exigences de la citoyenneté ». La présence permanente dans l’établissement d’un corps professoral nombreux, y accomplissant une partie de ses tâches de recherche, de préparation et de correction dans des locaux situés en son sein, dans lesquels il peut également recevoir élèves et parents est un facteur essentiel de cette réintroduction.
J’ai conscience qu’une telle réorganisation du temps de travail bousculerait quelques habitudes (de fait, c'est le métier qui en serait totalement transformé), voire perturber quelques pratiques professionnelles exemplaires dont celle de ces enseignants qui vont, au fil de leur travail de préparation, chercher dans leur bibliothèque tel ou tel ouvrage qu’ils ne trouveraient peut-être pas dans celle de leur établissement, mais la perte et le gain ne sont pas comparables.
Faut-il rajouter qu’un service public n’est pas fait pour le confort de ses personnels, mais pour le bien de ses usagers et celui du pays. Que cette contrainte soit compensée par une amélioration substantielle de la rémunération des enseignants est souhaitable, nécessaire même, mais on ne saurait se servir de la faiblesse des salaires de l’Education nationale pour refuser une réorganisation du service qui contribuerait à la réforme de l’institution scolaire. Ne nous servons pas d'un problème pour refuser la solution d'un autre, plus grave. »

Je reconnais ici qu’aborder le vaste sujet de la réforme de l’institution scolaire par la question de la durée et des obligations de service est maladroit. C’est prendre par l’endroit le plus sensible un corps professoral légitimement désireux de préserver ce qui lui reste d’avantages dans une société qui ne lui en laisse plus beaucoup. Les réactions des uns et des autres, qui vont parfois jusqu’à la caricature, le montrent assez. Je ne souhaite pas ferrailler avec chacun d’entre vous, ce ne serait pas utile.
Le Président peut retirer cette mesure de son programme, je souhaiterais qu’il ne le fasse pas sur des considérations de coût, ou parce qu’elle déplairait aux nombreux enseignants qui l’ont condamnée (nous ne sommes pas un syndicat d’enseignants) mais sur la raison qu’elle ne serait pas, réflexion faite, une bonne mesure, ce qui n’apparait pas, à mon sens, dans les interventions que ma proposition a suscitées.
Je le remercie d’avoir évoqué à ce sujet « les collèges religieux, qui ont représenté une part considérable de l'enseignement, et du meilleur, dans notre pays. »
La présence permanente dans l’établissement des religieux qui y enseignaient n’était sans doute pas pour rien dans l’atmosphère qui devait y régner. (Qu’on se rassure, il n’est question ici que de trente cinq heures).
Je suggère que l’on aborde le sujet de la restauration d’un système scolaire qui doit absolument remplir sa mission d’instruction et d’éducation (qui n’est assumée nulle part ailleurs), en le prenant par un autre bout peut-être, mais avec la hauteur nécessaire, qui n’est pas celle des intérêts corporatistes.
Je n'ajouterai rien aux excellentes remarques énoncées, entre autre, par Chatterton, si ce n'est que beaucoup de professeurs font déjà 35 heures de présence à l'intérieur de leur établissement. Je pense même qu'ils sont soit une majorité, soit une minorité non négligeable à le faire. J'en fais déjà partie, puisque en général, j'arrive dans mon établissement à 7 h 30 tous les matins pour n'en repartir que bien après 16 h 00, et cela quatre fois par semaine. Mes heures creuses sont effectivement passées à corriger mes copies, à préparer mes cours et à lire des ouvrages que j'emprunte souvent au CDI de mon lycée... Et je ne compte pas le temps que je consacre encore à ces mêmes activités à mon domicile.

Je laisse à chacun le loisir de calculer le temps que je passe dans mon établissement, et je vous assure que la plupart de mes collègues sont dans une situation similaire. J'ai enseigné dans beaucoup d'autres établissements avant d'arriver dans celui qui est le mien aujourd'hui, et j'ai constaté le même phénomène.

Un élève qui souhaiterait me voir peut parfaitement le faire. Cela n'arrive pour ainsi dire jamais, car pendant mes heures creuses, la plupart de mes classes ont cours avec un collègue, et si par chance cela n'est pas le cas, la quasi totalité des élèves préfèrent passer le temps qu'ils ont libre à s'amuser entre eux plutôt qu'à converser de choses édifiantes avec un adulte.
La présence permanente dans l’établissement d’un corps professoral nombreux, y accomplissant une partie de ses tâches de recherche, de préparation et de correction dans des locaux situés en son sein, dans lesquels il peut également recevoir élèves et parents est un facteur essentiel de cette réintroduction.

Non, non, et non. J’ai besoin de calme, j’ai même besoin d’être seul, j’ai vraiment besoin des 8 000 livres de ma bibliothèque. Il n’y a absolument rien à gagner à me mettre dans un bureau collectif avec les « collègues de ma discipline », sans mon matériel, sans ma bibliothèque et en étant dérangé toutes les trois minutes (une telle organisation ayant précisément pour finalité que je sois dérangé toutes les trois minutes, par les élèves, les parents, etc.).

En ce qui concerne l’échange avec les élèves, on a oublié de dire qu’une des principales lubies de l’Éducation nationale ces dix dernières années porte sur l’enseignement à distance et sur l’usage des réseaux informatiques à cette fin. Quand monsieur König rentre chez lui après ses longues journées dans son établissement, il est censé se brancher sur une plate-forme de cours en ligne du type Moodle, ou sur l’intranet de son établissement, qui met toujours une demi-heure à charger (mais pas sur sa boîte mail personnelle, ce serait trop simple) et commencer à corriger la prose et à échanger sous forme de « tchat » avec les élèves qu’il vient de quitter — ou avec des élèves qu’il ne voit jamais, mais que précisément il forme à distance. Indépendamment du fait trivial que de pareils systèmes ne valent absolument rien (il est mille fois plus efficace d’échanger avec ses élèves par mail, voire par sms ou sur Facebook), on voit que l’idée de la présence physique (de l’enseignement en « présentiel » dans le jargon) est tout simplement rendue obsolète par la technologie même qui est promue au niveau des académies.

Je vote pour qu’on supprime purement et simplement cette malheureuse proposition n° 12.
Tout cela est fort intéressant, Alain L., mais à vous lire on sent parfaitement que vous n'avez aucune idée de la réalité des élèves, parents et enseignants de nos jours. Le P.I, s'il veut redresser la civilisation, doit, pour atteindre ses nobles objectifs, partir de ce qu'elle est vraiment (et ce n'est certes pas brillant).

Nous vivons dans un monde où la majorité des professeurs et des chefs d'établissement ont pour la littérature et la connaissance une haine plus ou moins sourde. Les plus jeunes sont parfaitement incultes et ne savent même pas qu'il existe une culture. Croire que le personnel de l'éducation nationale consacrera spontanément ce temps de présence supplémentaire à l'élaboration de cours et de transmission sérieuse est un leurre. Je vous garantis, moi, que ce temps sera utilisé à tout autre chose — du divertissement pédagogique bien pensant, de l'éducation à la citoyenneté haldesque, etc.

Vos idées, si elles étaient appliquées, ne rétabliraient pas les disciplines et les savoir, mais annihileraient le peu de transmission qui se fait encore çà et là, au profit du divertissement idéologique généralisé.

Vous partez implicitement du principe que l'Ecole n'en fait pas assez, et qu'en donnant davantage elle améliorera la civilité des enfants. Je pense que c'est entièrement faux. L'Ecole, croyez-moi, en fait déjà bien assez. La France en général, notre Etat en particulier, en fait bien assez.

Croire qu'en dépensant plus, en donnant plus et en exigeant plus de la part des professeurs on y arrivera, c'est le leurre dans lequel nous sommes embarqués depuis 30 ans. Tout ce que vous obtiendrez, ce sont des familles qui s'appuieront davantage encore, si tant est que cela soit possible, sur l'Institution étatique, alors qu'elles devraient être encouragées à prendre leurs responsabilités éducatives.

Vos idées, au mieux, transformeraient à grands frais l'Ecole en une garderie qui garderait peut-être correctement (il est vrai qu'actuellement, elle est surtout une garderie qui garde mal). Why not, diront certains. Mais cela reviendra à assassiner, à humilier les derniers maîtres qui essaient encore de faire leur travail normalement.

Il faudra aussi prévoir un budget psychiatrique conséquent, car vous n'êtes pas sans savoir que passer trop de temps dans un collège ou un lycée contemporain rend fou.

Ces 35 heures de présence, c'est le rêve, au fond, des pédagogistes, mais aussi de Sarkozy, Royal et consorts.

Non, ce qu'il faut, c'est bien au contraire recentrer la mission des professeurs sur la transmission des savoir et rien d'autre. Ce n'est pas à eux de prendre en charge la décivilisation ambiante. Il ne l'ont que trop fait. Il faut les encourager à se cultiver et à redevenir, dans une certaine mesure, des intellectuels.

Pour cela, il faut leur laisser ce qu'ils ont de plus précieux : le Temps.
L'opposition qui s'exprime en ce lieu me surprend car autour de moi les réactions sont plutôt favorables.

En effet, il est attendu de tous quelques efforts pour redresser la situation. Il paraît ainsi compréhensible de proposer simplement que l'éducation nationale puisse contrôler le temps de travail de ses collaborateurs - comme dans de nombreuses autres professions. De plus, compte tenu de leur fonction de professeurs, l'exemplarité devrait prévaloir. Or est-il acceptable que certains professeurs arrivent sur leur lieu de travail à 10h et en repartent à midi (éventualité parmi d'autres) ?

****************

Pour la petite histoire, j'avais un camarade de classe dont le père enseignait dans notre lycée. Souvent, je passais mes journées avec lui. Je pouvais alors avoir un aperçu du métier de professeur (celui de son père, je ne généralise pas !*) : parties de tennis les après-midis, sorties les soirs, expéditions les jours de repos, voyages pendant les vacances scolaires, etc. Il lui restait encore du temps libre pour être trésorier de la section locale d'Amnesty International (vers la fin, il se plaignait cependant que cela lui prenait trop de temps et qu'il voulait arrêter). Quant aux tâches de préparation, de recherche et de correction, elles se faisaient avant le premier cours du matin (voire de l'après-midi). Bel exemple que je ne pus malheureusement pas suivre !

* les professeurs irréprochables, scandalisés par ce contre-exemple, ne peuvent qu'être favorables à un minimum de réglementation.
Pyrrhon, je suis navré de vous lire. On perçoit dans votre message tout le ressentiment funeste de ceux qui n'ont pas de temps à l'endroit de ceux qui ont choisi d'en avoir, souvent au prix d'importants sacrifices.

Il faudrait que tout le monde marche au pas de 9h à 17h, c'est cela ?

Et puis Renaud Camus, qui passe ses journées dans sa bibliothèque, pourquoi ne travaille-t-il pas dans un bureau, avec une femme et trois gosses, comme tout le monde ? Et puis pourquoi ne vit-il pas dans un 3 pièces-cuisine à Bagnolet ?

Moi j'dis c'est vrai qu'c'est pas juste.
Citation
Pyrrhon


Pour la petite histoire, j'avais un camarade de classe dont le père enseignait dans notre lycée. Souvent, je passais mes journées avec lui. Je pouvais alors avoir un aperçu du métier de professeur (celui de son père, je ne généralise pas !*) : parties de tennis les après-midis, sorties les soirs, expéditions les jours de repos, voyages pendant les vacances scolaires, etc. Il lui restait encore du temps libre pour être trésorier de la section locale d'Amnesty International (vers la fin, il se plaignait cependant que cela lui prenait trop de temps et qu'il voulait arrêter). Quant aux tâches de préparation, de recherche et de correction, elles se faisaient avant le premier cours du matin (voire de l'après-midi). Bel exemple que je ne pus malheureusement pas suivre !

Mazette ! Parties de tennis, sorties le soir, voyages, week-ends à la campagne, c'est qu'ils sont grassement payés, en plus, ces professeurs ! Et dire qu'ils osent se plaindre ! C'est honteux !
Et pourquoi, diable, n'avez-vous pu suivre son exemple ? La crainte de l'oisiveté, mère de tous les vices sans doute ? Une rigoureuse morale spartiate ou janséniste ?
que l'éducation nationale puisse contrôler le temps de travail de ses collaborateurs - comme dans de nombreuses autres professions.

Ah bon ? Les cadres sont contrôlés sur leur temps de travail ? Ils sont soumis aux 35 heures ? On ne doit pas avoir le même code du travail, vous et moi. Les profs sont des fonctionnaires de catégorie A, équivalent des cadres.

Je crois que l’intervention de Pyrrhon illustre parfaitement ce qui cloche avec cette proposition n° 12.
Cher Jack,

on ne peut pas faire une généralité sur tout, mais étant d'une famille d'instituteurs, je sais de quoi je parle.
Ce qui cloche aussi avec cette proposition, c'est sa naïveté. "Les petits enfants de la République" ont tellement de goût et de plaisir à aller à l'école et à y être, qu'ils en dégradent les locaux.
Je doute fort qu'ils aient quelque plaisir ou quelque intérêt (sauf cas isolés) à rester plus longtemps dans la compagnie des enseignants, sauf à mélanger les domaine affectif et scolaire, et ce mélange des genres peut parfois se révéler douteux.

Ou alors, il faut dire les choses clairement. Soit il y a en effet de la part de certains une sorte de ressentiment à l'encontre des professeurs (feignants payés à ne rien faire), soit d'aucuns considèrent que les professeurs pourraient/ devraient remplir la tâche de socialisation ratée par les familles - ce dont je doute.
Cher Pyrrhon,

vous venez peut-être d'une famille d'instituteurs, mais moi je suis face à des élèves. Croyez-moi, l'Ecole et son personnel, en dépit de leurs errances idéologiques graves, n'en peuvent plus.

La décivilisation actuelle vient des familles. C'est là que tout se joue. Pas dans le supposé temps de travail des professeurs. Qu'il y ait encore des gens ayant la possibilité de lire, se cultiver, écrire, ou se reposer, cela tient presque du miracle.
On ne va tout de même pas mettre tout le monde au pas pour essayer d'éteindre, sans évidemment y arriver, l'incendie qu'a créé le Grand Remplacement ? A cette erreur près, je ne vois là qu'un ressentiment péniblement ordinaire à l'endroit de ces fainéants de profs.
Citation
Pyrrhon
Cher Jack,

on ne peut pas faire une généralité sur tout, mais étant d'une famille d'instituteurs, je sais de quoi je parle.

Ce qui est louable : savoir de quoi l'on parle ! Néanmoins, pourquoi alors ne pas avoir embrassé cette carrière, bien payée et peu fatigante, à vous lire ?
Et puisque vous êtes issu d'une famille d'instituteurs, vous devez savoir que les horaires de ces feignants sont : 8h30 - 16h30, tous les jours, sans oublier le soutien à heure médiane ou l'étude le soir, voire les surveillances de cantine ... A cela s'ajoute les corrections des contrôles, des cahiers. La feignante qui enseigne dans l'école de ma fille pousse d'ailleurs la paresse jusqu'à demander toutes les fins de semaine que l'on signe le cahier de textes et les contrôles pour s'assurer de notre suivi, de même qu'elle a vu tous les parents des élèves en fin de trimestre. Scandaleux ! C'est vrai que c'est peu dans une semaine, bien trop peu, tout cela ...
On a hélas supprimé les samedis matins, c'est regrettable. Je soupçonne ces gens d'en profiter pour faire la grasse matinée !
Citation
Jack
vous venez peut-être d'une famille d'instituteurs, mais moi je suis face à des élèves. Croyez-moi, l'Ecole et son personnel, en dépit de leurs errances idéologiques graves, n'en peuvent plus.

La décivilisation actuelle vient des familles. C'est là que tout se joue. Pas dans le supposé temps de travail des professeurs.

Tout est dit.
Chère Véra,

ce sont les professeurs ayant conscience de leur rôle qui devraient se plaindre de ce genre d'abus.

Quant aux études, spartiate et janséniste, je choisissais d'entrer dans une école d'ingénieur...

Devenu cadre, cher Chatterton, le "pointage" - qui est la règle - ne m'offusque nullement. Cela ne m'empêche pas de quitter mon lieu de travail à condition de le faire pour des raisons professionnelles (ce qui peut inclure "aller chez moi" si la situation le justifie).
Mais je n'imagine pas avoir les divertissements* de ce professeur pendant mon temps de travail, même si j'en ai la possibilité. Sauriez-vous pourquoi ?

* je ne parle pas de ceux du soir et des jours de repos, qui n'étaient là que pour montrer que le temps libre pris en journée ne compensait pas un travail effectué à d'autres moments (d'où je comprends que la situation décrite puisse paraître caricaturale).
Il me faut néanmoins apporter une nuance. Il existe des "pensionnats" en pleine campagne où élèves, professeurs et personnels de direction vivent sur place, à l'année. Certains accueillent des élèves ayant un passé difficile, mais volontaires.
Les professeurs y sont sans doute beaucoup plus disponibles (aide aux devoirs, remédiation, etc.) qu'ailleurs. Ces établissements ont d'immenses mérites, et je ne serais pas contre le fait qu'il s'en crée davantage. Mais y être affecté devrait, pour un professeur, relever du volontariat (possibilité de primes ?). Là, d'accord. Et puis cela rejoint le projet de sécession scolaire de l'In-nocence.
J'imagine la proposition suivante, qui peut en résumer plusieurs :

En finir avec les corporatismes.
Citation
Jack
A cette erreur près, je ne vois là qu'un ressentiment péniblement ordinaire à l'endroit de ces fainéants de profs.
Cher Jack, je n'ai aucun ressentiment à l'endroit des enseignants et je n'ai pas fondé ma proposition sur l'idée qu'ils n'en feraient pas assez ou qu'il conviendrait de contrôler leur travail. J'ai plutôt le sentiment que le corps enseignant, dans la marasme moral et intellectuel ambiant, est encore dépositaire des lumières et des valeurs dont la jeunesse a besoin pour s'élever et qu'il faut renforcer son action.
Une des conditions d'amélioration de cette action est, à mon sens, l'accroissement de la durée de leur présence et du nombre de présents. L'exemple des établissements religieux est à retenir.
Les objections qui me sont faites sont biaisées par une volonté de caricaturer contre laquelle il n'y a pas de recours si ce n'est d'en rajouter dans l'outrance. A quoi bon?
Les modalités, les moyens, le calendrier, tout cela, ici, est secondaire : nous ne sommes pas en situation d'appliquer cette réforme. Réfléchissons sur son principe : la présence des maîtres au sein de l'établissement, non pour y faire de l'animation ou je ne sais quelle dérisoire activité de remplissage comme on voudrait me le faire dire, mais pour y assurer une présence suffisante de l'autorité intellectuelle et morale qu'ils représentent, pour y exercer leur magistère plus facilement, en somme.
Qu'il y ait une bonne part d'utopie dans cette idée, je l'accorde: cela la rend-elle absurde? J'en doute. Elle n'est en tout cas aucunement malveillante.
Chère Véra, aux Petites Écoles de Port Royal on était six par classe.
Une des conditions d'amélioration de cette action est, à mon sens, l'accroissement de la durée de leur présence et du nombre de présents. L'exemple des établissements religieux est à retenir.
Les objections qui me sont faites sont biaisées par une volonté de caricaturer contre laquelle il n'y a pas de recours si ce n'est d'en rajouter dans l'outrance. A quoi bon?


Pardon, cher ami, on vous a fait toute une grande page d’objections. Vous répétez votre position sans répondre à rien. Et en posant de surcroît que « Les modalités, les moyens, le calendrier, tout cela, ici, est secondaire. » Après une telle affirmation, il n’y a qu’à tirer l’échelle.

Bon, on va la fonder, cette public school ? Que diriez-vous de Saint Reynold's pour le nom ? D’après Saint Renaud, qui se fit ermite et se retira dans la forêt de Craon.
Les profs passant leurs journées au bahut, et peut-être bientôt leurs nuits, cela me fait penser à l'organisation pédagogique de Poudlard . Pour ce faire, il faudrait des travaux nombreux et variés : des bureaux, mais aussi des salles de détente et de repos, des toilettes en plus grand nombre et dignes de ce nom, des douches, etc... Prévoir beaucoup de frais mal venus en ce moment. Donc ces améliorations ne se feront pas rapidement et les profs en pâtiront. Pour quel bénéfice? Reste le soupçon lancinant de la surveillance du travail des Profs par la hiérarchie et la possibilité pour elle de considérer que ce temps hors-classe peut être utilisé à autre chose :aide à la vie scolaire, au foyer, au secrétariat, à de l'animation,etc ... Je sens de durs combats . Les enseignants auront perdu définitivement leur statut libéral .
(Message supprimé à la demande de son auteur)
Cher Didier Bourjon,

Attention à ne pas tomber dans le panneau habituel, qui consiste à faire équivaloir les heures d'enseignement aux heures de travail dans un bureau. Croyez-moi, ça n'a rien à voir. J'ai essayé les deux carrières ; je puis vous assurer qu'une heure face à des élèves équivalent, en fatigue physique et nerveuse, à deux ou trois heures dans un bureau devant un écran à bricoler de jolis tableaux Excel ou Powerpoint. Moyennant quoi, un certifié faisant 18 heures est largement aussi fatigué qu'un cadre ayant fait 36 ou même 50 heures.

Je me permets de rappeler qu'enseigner, c'est, de nos jours, tout sauf un métier "comme les autres". Plus encore qu'avant, c'est devenu, compte tenu de l'état de décivilisation aggravée dans lequel arrivent les enfants, un métier usant. Si bien que les professeurs, pour leur santé mentale, ont plus que jamais besoin de récupérer.

Car enfin, ne voyez-vous dans quel état ils sont en fin de carrière ? Vous donnent-ils tous l'impression d'avoir connu la dolce vita pendant 40 ans ? Et La Verrière, cet hôpital psychiatrique qui leur est spécialement dédié, est-il là par hasard ?!

Le gros problème avec ceux qui s'expriment sur la condition enseignante sans enseigner eux-mêmes, c'est qu'ils n'ont aucune idée de ce qu'enseigner implique réellement de nos jours en terme de fatigue physique et morale. Ils se contentent de faire des petites additions et n'en reviennent pas de voir que les professeurs "travaillent" si peu.

Je propose que tous ceux qui ont quelque chose à dire à ce sujet aillent d'abord faire un mois ou deux dans un coin tranquille, en ZEP, à Porte de la Chapelle ou à Sarcelles par exemple, face au Grand Remplacement bourré d'hormones.

A défaut, qu'ils se taisent et se dispensent d'y voir — c'est tellement facile ! — un quelconque "corporatisme".
De grâce.
Citation
Alain L.
Réfléchissons sur son principe : la présence des maîtres au sein de l'établissement, non pour y faire de l'animation ou je ne sais quelle dérisoire activité de remplissage comme on voudrait me le faire dire, mais pour y assurer une présence suffisante de l'autorité intellectuelle et morale qu'ils représentent, pour y exercer leur magistère plus facilement, en somme.
Qu'il y ait une bonne part d'utopie dans cette idée, je l'accorde: cela la rend-elle absurde? J'en doute. Elle n'est en tout cas aucunement malveillante.

Cher Alain L.,

Je sais que votre idée n'est en aucun cas malveillante et que vos intentions sont éminemment favorables au travail intellectuel réel. En aucun cas je n'ai cherché à vous caricaturer. Mais je sais comment fonctionnent la plupart des établissements, et je connais l'idéologie des gens en place au ministère et dans les syndicats. Sachez que ce sont eux qui commandent, "co-gèrent" l'Institution, et ce peu importe le président et le ministre. Eux sont inamovibles.

N'oubliez pas que l'Education Nationale n'est pas une section comme les autres au sein de l'Etat, mais une enclave soviétique qui reste, pour le moment, imprenable. Il faut composer avec cette réalité-là. Bien évidemment, vous ne suggérez pas, dans votre intervention, une quelconque dérive vers l'animation. Mais je puis vous assurer que cette réforme, si elle passait, tendrait naturellement et immédiatement vers cela. Cette tendance vers la transdisciplinarité festive, perceptible dans les établissements depuis une décennie au moins, est lourde. Tout, y compris les meilleurs intentions, servira de prétexte pour l'aggraver. A mon avis, un tel changement, comme tant d'autres avant lui, sera(it) immédiatement dévoyé.
Enfin, le fait que cette idée ait déjà été suggérée par Ségolène Royal, mais aussi par l'UMP çà et là, devrait nous alerter.

Toute la difficulté de la discussion réside dans le tension entre le changement de paradigme que nous souhaitons, et la réalité idéologique de notre époque et de la majorité de nos contemporains. N'oubliez pas que le Système est pervers, qu'il vous pique vos idée et les retourne contre vous.
Pour une fois, je suis tout à fait d'accord avec le choeur des intervenants : cette proposition me paraît à la fois absurde (les élèves de Terminale ont cours presque sans interruption du lundi matin au vendredi soir (mercredi après-midi excepté) : quand donc un professeur pourrait-il les rencontrer en dehors de ses heures de classe ?), inapplicable et donc inefficace dans l'état actuel des choses (à moins d'énormes investissements : des bureaux individuels ; des bibliothèques dignes de ce nom) et contre-productive (prolétarisant en effet davantage la profession et donnant l'impression aux élèves, aux parents et surtout aux chefs d'établissement qu'ils doivent être (ces professeurs) joignables, convocables et réunionables à tout moment). M. Camus serait plus inspiré en proposant, par exemple, de revaloriser ce beau métier par la poursuite ou l'accélération du non-remplacement d'un professeur sur deux, par une revalorisation salariale (la prolétarisation évoquée est d'abord économique) et par la restauration de l'autorité.
(Message supprimé à la demande de son auteur)
J'avoue ne pas bien comprendre le raisonnement des professeurs qui interviennent ici. Il y aurait, en quelque sorte, un désir d'être "profession libérale", c'est à dire d'être maître de son emploi du temps, tout en ayant le filet de sécurité du statut public. C'est effectivement intéressant, je le conçois.

Dans l'administration, les cadres dirigeants (au sens du texte sur la durée du travail) ne sont pas tenus à un horaire précis. En revanche, il est d'usage qu'ils travaillent depuis leur bureau et non depuis chez eux (durant les heures traditionnelles), ne serait-ce que pour montrer l'exemple.

Une remarque technique : plutôt que de 35 heures (ce qui laisse intact le problème des vacances scolaires), il vaudrait mieux parler de 1607 heures annuelles.
Cela me gêne de le dire, mais enfin, sachez que l'une des structures que je dirige est un "centre de formation" agréé, et qu'à ce titre je pourrais vous inviter, moi aussi, à mesurer ce que représente 8 heures de formation professionnelle par jour

Tiens, il est rare, Didier, que je sois en désaccord avec vous, mais sur ce point-là, je le suis. Dans le cadre d’un séminaire, je fais, en trois jours, quinze heures de cours théorique, en donnant le résultat de mes propres travaux, et en réfléchissant devant mes étudiants, et quand je ne suis pas en cours, je suis dans ma chambre d’hôtel, à peaufiner la suite. Bref, trois jours très intenses, d’un travail continuel. À quoi s'ajoute le voyage (sept heures dans chaque sens). Je suis objectivement moins fatigué qu’après deux jours de cours dans l’enseignement secondaire. La différence : le public du secondaire est, dans le meilleur des cas indifférent (cause toujours), dans le pire des cas hostile (je ferai tout pour que tu ne puisses pas faire ton cours). L’administration est de leur côté. En langue de bois administrative : c’est à vous d’intéresser vos élèves. Et oui, il faut l’avoir vécu. Et non, il n’est pas corporariste de le dire. Je me souviens de la stupéfaction de mes parents, instituteurs à la campagne, devenus professeurs d’un collège de banlieue. Outre le sentiment paradoxal de déclassement, ils étaient stupéfaits par la fatigue physique et morale que cela représentait.
C'est donc bien une certaine attitude des élèves qui épuise l'enseignant n'est-ce pas ? et non le travail de transmission du savoir lui-même. Au Cambodge, j'ai eu une voisine australienne qui donnait des cours d'anglais langue étrangère à des enfants d'une douzaine d'années à 40 enfants par salle de classe. Les cours, dans ce pays, débutent à .... 6 heures du matin ! Ma voisine partait en chantant (et en évitant les chiens errants avides de mollets d'Australienne) à cinq heures du matin (nuit noire) à vélo. Elle rentrait l'après-midi vers 15 heures, faisait une sieste et .... repartait à 18 heures donner des cours du soir. Son école lui accordait une semaine de vacances tous les trimestres et lui offrait la rémunération royale de six mille dollars par an !, soit moins de cinq mille euros pour une année de travail à ce rythme. Cette amie était heureuse de vivre, les enfants heureux d'apprendre l'anglais avec elle.

L'an passé j'ai demandé, un peu à brûle-pourpoint et assez sottement, au cours d'un déjeuner, à un ami de l'In-nocence professeur dans le secondaire et rentrant de ses congés d'été, les fameuses "grandes vacances" que nos professeurs disent mériter tant: "Ces trois mois de repos étaient bien mérités n'est-ce pas ?
- Non. Pas du tout mérités."

Il est des pays où l'instruction est encore une aventure humaine passionnante pour ceux qui la dispensent comme pour ceux qui la reçoivent, et il y a la France, qui se peuple tous les jours plus densément de générations de petits ânes arrogants, crétinisés par l'idéologie, méprisants, ignares et nocents et fermement décidés à le rester. C'est "la France de demain", et ce n'est ni la faute des professeurs ni "pas de leur faute" non plus. Les problèmes d'éducation et ceux de l'école ont leur racine en dehors de l'école et du système d'éducation. Cette évidence est aussi écrasante pour l'école qu'elle peut l'être pour tous les problèmes sectoriels du pays.
(Message supprimé à la demande de son auteur)
M. Camus serait plus inspiré en proposant, par exemple, de revaloriser ce beau métier par la poursuite ou l'accélération du non-remplacement d'un professeur sur deux, par une revalorisation salariale (la prolétarisation évoquée est d'abord économique) et par la restauration de l'autorité." (KW).
Mmmmmmmmmmmmmmmmm...
Brunetto, sors de ce corps !


Jean-Marc et Brunetto ; KW et Brunetto : décidément ce monsieur vous obsède, cher Didier, ça en devient inquiétant.

Plus sérieusement et en évitant l'ironie fastoche : les conditions d'enseignement se détériorant et les salaires restant peu attractifs, il faudra bien profiter des suppressions de poste actuelles pour revaloriser financièrement (même de façon timide) le métier. Ou les meilleurs étudiants continueront à fuir les concours de recrutement et il faudra bien se contenter de la médiocrité de ceux qui s'y présentent. Même dans l'enseignement "dissident" prôné et proposé par le PI, l'aspect financier ne pourra pas être ignoré. La prolétarisation du métier de professeur n'est pas bien sûr seulement économique, mais elle l'est aussi.

La proposition de RC pourrait être efficace à une seule condition, comme cela a été dit et répété plus haut : que les malheureux CDI soient remplacés par des bibliothèques dignes de ce nom et que chaque professeur ait un bureau (ou à la limite un bureau pour deux) où il puisse préparer ses cours et corriger ses copies sereinement, entreposer des livres, recevoir des parents ou des élèves dans le calme et la confidentialité, etc. Autrement dit, ne rêvons pas.
(Message supprimé à la demande de son auteur)
(Message supprimé à la demande de son auteur)
Renaud Camus écrit : "Il suffit d'évoquer les collèges religieux, qui ont représenté une part considérable de l'enseignement, et du meilleur, dans notre pays. Pardonnez-moi d'évoquer ma propre expérience mais à l'école Massillon de Clermont-Ferrand les professeurs, tous des prêtres, habitaient sur place."

Le fait, selon moi, que tous les prêtres-professeurs habitaient sur place change la donne du tout au tout. Que l'on préconise la création d'établissements scolaires dans lesquels les professeurs habiteraient, serait pour le coup une proposition tranchée, très discutable aux yeux de certains, pour ne pas dire "révolutionnaire" ou "folle". Mais elle aurait le mérite de s'inscrire, de façon plus conséquente, dans cette idée de "reprise" et de "sécession". De plus, sa réalisation poserait moins de problèmes pratiques.

Inversement, la proposition, dans sa forme actuelle, loin de trancher avec l'air du temps, semble tout droit sortie, comme l'ont noté d'autres intervenants, de la "boîte à idées" d'une Ségolène Sarkozy.
D'accord avec vous, cher Orimont. Je conserve un excellent souvenir (humain, scolaire et même, excusez-moi, érotique...) de mon passage chez les Jésuites. Mais quid de la vie familiale et personnelle de ces professeurs "logeant sur place" ? Des habitations pour les familles seront-elles prévues ? Ou devront-ils faire voeu de célibat ? Ce qui était possible pour des religieux paraît peu crédible dans un contexte laïque. Même dans le cadre d'une sécession.
Cher Didier Bourjon, loin de moi d'idée de vouloir vous choquer en me moquant gentiment du travail de bureau. Je sais très bien qu'il y a maintes entreprises où l'on travaille vraiment. Et dans un domaine tel que la formation professionnelle, on ne peut guère tricher.

Je ne parlais à vrai dire que de mon expérience. Il se trouve que toutes les fois où j'ai travaillé dans un bureau, la vie s'y résumait à des heures et des heures de tableaux excel et de diaporamas Powerpoint. Certains devaient bien avoir leur utilité, je ne sais pas. Je disais juste que la tension, l'appréhension, la possibilité d'un coup ou d'une insulte, le rapport de force permanent, la peur que le chaos s'installe à tout moment —il n'y a que dans l'Education Nationale que j'ai connu cela (seriously). (Les gardiens de prison connaissent aussi cela, à un niveau tout autre, mais cette violence potentielle est au coeur de leur métier et l'a toujours été. Pour les professeurs, c'est plus récent (conséquence du Grand Remplacement).)

Il est vrai du reste que les établissements et les professeurs s'y mettent aussi, aux tableaux excel et machins en tout genre. Comme je l'ai déjà dit plusieurs fois, je pense que cette mesure de présence obligatoire dans les établissements donnera lieu essentiellement à ça, du pédagogisme bureaucratique, plutôt qu'à une aide tangible aux élèves.

(N'oublions pas, dans leurs applications pratiques, les nombreux, très nombreux points communs du système libéral et de son ex-rival soviétique. Et n'oublions pas que l'Education Nationale est une enclave elle-même soviétique...)

Je rappelle enfin à ceux qui disent que les professeurs ne méritent (sic) pas leurs grandes vacances que celles-ci ne sont pas rémunérées. Un professeur est payé 10 mois par an, répartis sur 12.
Les accusations de corporatisme décochées contre ceux d’entre nous qui livrons ici notre expérience et les fruits de notre réflexion (autrement dit notre expertise) viennent peut-être de ce que nous essayons plus ou moins consciemment de nous justifier, soit en excipant de longues heures de travail, soit en invoquant le stress extrême du métier, quand ce n’est pas son danger. (À ce propos, je conseille à tous de revoir Blackboard Jungle (1955) de Richard Brooks. C’est à peu près cela, à peu près partout.) Or cette tentation instinctive de la justification en dit déjà très long. Je ne sais plus où j’ai lu (peut-être dans le Journal d’Ernst Jünger ?) que les juifs, quand on condescendait à leur parler, commençaient la conversation par de longues justifications, en s’excusant pratiquement d’exister. Les profs en sont exactement là. Et — pour rejoindre le débat — des profs qui en sont là ne gagneront certainement pas en statut aux yeux de leurs élèves en affichant leur peur et leur souffrance 35 heures par semaine.

D’autre part, il me semble que cette obsession de la justification nous fait manquer l’essentiel. Énoncer (pour le dénoncer comme une anomalie) que « les certifiés ne travaillent que 18 heures, les agrégés ne travaillent que 15 heures », c’est confondre soit par bêtise soit par malice un temps de travail et un produit fini, qui est l’heure de cours devant élèves. Les profs du secondaire doivent 35 heures de travail hebdomadaire à leur administration, exactement comme leurs collègues du supérieur — qui n’enseignent pourtant que 128 heures par an. Il n’y aucune contestation possible sur ce point. Le produit de ce temps de travail (ce que le prof « fabrique » pendant ses 35 heures de travail) ce sont des heures de cours.

J’use d’une comparaison grossière : Madame Michu, chargée de clientèle « particuliers » en banque, s’est présentée à son agence à 8H30, elle est partie déjeuner à 12H15. Ce matin, elle a reçu deux clients, chacun des entretiens durant une heure. Son directeur d’agence lui dit : « Mais dites donc, Mme Michu, vous n’avez travaillé que deux heures, ce matin. S’agira de rattraper les heures que vous n’avez pas faites. » Vous croyez que ce type va rester directeur d’agence longtemps ?
Citation
Pyrrhon
Chère Véra,

ce sont les professeurs ayant conscience de leur rôle qui devraient se plaindre de ce genre d'abus.

De quels abus ? Ceux du Monsieur, professeur dans le civil, qui jouait au tennis et se promenait le reste du temps ? Que voulez-vous, vous avez connu cet homme, so what? Pour ma part, je m'étonne qu'il ait eu des loisirs bourgeois parce que les salaires des professeurs ne sont pas élevés mais peut-être vivait-il en province, dans une maison héritée.

Quoi qu'il en soit, s'il a eu une bonne vie, tant mieux. Pourquoi forcément s'en plaindre ? Je crois qu'il faut se méfier de laplainte, la grande amie du ressentiment. Qu'ajouter ? Que vous faites de cet exemple, de cette anecdote une sorte de porte-étendard à de soi-disants abus. Rien de plus que de la rumeur qui me fait penser à cet Anglais débarqué à Calais qui à l'auberge voit une servante rousse. Il note dans son journal "Les Françaises sont rousses". Raconté pas Sterne, "A Sentimental Journey".
Effectivement, si avoir du temps pour jouer au tennis ou lire Sterne devient un abus...
"Mais quid de la vie familiale et personnelle de ces professeurs "logeant sur place" ?"

Je ne sais pas. Se donner pour rôle social d'apprendre quelque chose à qui que ce soit, c'est-à-dire affirmer être dépositaire d'un savoir que les autres n'ont pas et qu'on prend sur soi de leur transmettre, un tel choix d'existence m'a toujours paru dépasser de loin toute espèce de considération pour la "question familiale", de la même façon que cette question, à mes yeux, ne se pose pas pour qui s'engage dans la carrière des armes. De là, une certaine cohérence à voir des prêtres être tout naturellement amenés à se mêler d'enseignement, de même que les écoles ont pu être accusées d'être des "casernes". Certains métiers, tel celui de professeur, prêtre ou soldat ne peuvent, à mon avis, prétendre à des conditions de vie ordinaires (qui, d'ailleurs, dans le cas des professeurs, n'ont prétendu à l'ordinaire que dans ces dernières années.) La vie familiale des professeurs ne peut être celle de tout le monde.

Aujourd'hui, j'ai déniché dans une brocante à ciel ouvert, un numéro de la revue Actuel, de février 1971. On peut y lire, entre autres, l'interviou de deux lycéennes d'une quinzaine d'années. L'une des questions est la suivante :

Actuel : Comment imaginez-vous un lycée idéal ?
Christine : ça n'a plus de sens.
Brigitte : Ce ne serait plus un lycée mais un endroit où l'on pourrait se réunir pour discuter de bouquins et d'autres choses. Peut-être avec des profs, mais pas sur une estrade : au même étage. Il vaut mieux apprendre les causes et les effets de la révolution que les dates.
Donc, en résumé : des millions d'euros de travaux et d'aménagements tous plus délirants et irréalisables les uns que les autres (bureaux personnels ou par matière (mazette !), bibliothèques "dignes de ce nom" (quand on sait que même certaines des plus prestigieuses universités parisiennes ont des bibliothèques "indignes de ce nom"...), matériel informatique etc.) pour contrôler le temps des professeurs, et, dans un élan égalitariste bien peu camusien, les priver de "ce qui [leur] reste d'avantages" (Alain L.) en les obligeant à vivre la sublime expérience des 35 heures de présence, comme tout le monde...

Prolétarisation, abrutissement, néant de la pure présence et prolifération de son parasite, la réunionite... enfin gaspillage de l'argent public. Avec cela, "Kevin" ne connaîtra toujours pas la règle de l'accord du participe passé.
C’est parfaitement résumé. Peut-on à présent remettre cette proposition n° 12 sur le métier et élaborer une proposition sérieuse, de public school à la française (Saint Reynold’s). Les professeurs y porteront toge et bonnet carré.
Citation
Jérôme Reybaud
Avec cela, "Kevin" ne connaîtra toujours pas la règle de l'accord du participe passé.

Pas plus qu'il ne saura tenir dix minutes en place sur sa chaise.
Les chaises sont trop dures, il faut des canapés équipés de vibro-masseurs.
Prolétarisation, abrutissement, néant de la pure présence et prolifération de son parasite, la réunionite... enfin gaspillage de l'argent public. Avec cela, "Kevin" ne connaîtra toujours pas la règle de l'accord du participe passé.

Coups d'épée dans l'eau que tout cela... Malheureusement, tant qu'on ne s'attaquera pas au triangle mortel alcool, drogue, internet, l'instruction à l'ancienne ne sera jamais restaurée. Les jeunes, notamment les filles, boivent de plus en plus, (on peut écouter, à ce propos, le témoignage de Titiou Lecoq, trentenaire hype, ici, sur France Culture) ; le cannabis, n'en parlons pas, nous en connaissons les ravages ; mais le plus dangereux, je crois, est le déficit d'attention, principalement dû au temps passé devant l'ordinateur — les scientifiques, dont Michel Desmurget (que l'on peut entendre ici, toujours sur France Culture), docteur en neurosciences et directeur de recherche à l'INSERM, sont formels : nous avons une capacité quotidienne finie d'attention (liée à la nécessité biologique de détection des dangers, les réflexes, notamment) qu'use les images télévisuelles. Ma compagne, qui donne quelques cours privés à deux enfants (d'une famille bourgeoise, c'est à noter), me parle des méfaits d'internet sur l'un d'eux : sa capacité à se concentrer est extraordinairement altérée.

Une mesure primordiale (mais dont la mise en oeuvre serait excessivement ardue, tant le combat contre les grands opérateurs serait herculéen) serait de limiter l'accès privé à internet aux professionnels et aux adultes sans enfants à charge et de restreindre l'accès public à des endroits spécialisés, contrôlés et fermés le soir.

La concentration exige le calme, le silence et la redécouverte de l'ennui.
serait de limiter l'accès privé à internet aux professionnels et aux adultes sans enfants à charge

Très bien ça ! Et les adultes non professionnels et à fortiori ceux qui auront enfanté sans autorisation devraient être envoyés de force à la campagne au moins six mois par an dans des fermes collectives ou sur des chantiers d'ouvrages d'intérêt public (édification de barrages avec charroi de pierres à la main, etc.) où ils seront levés tous les matins à cinq heures pour la gymnastique obligatoire sous les hauts-parleurs diffusant des chants à la gloire de l'Homme Libre, etc.. et subiront avec entrain des séances de rééducation pour tous à l'heure de la sieste avec édification sur les horreurs d'Internet. Très très bien... on avance.
Toute tentative d'instruction digne de ce nom sera ipso facto ruinée par l'abrutissante désinstruction, si j'ose dire, qui s'en suivra le soir, à la maison, devant l'ordinateur. Votre dérision, cher M. Marche, est certes plaisante, mais elle demeure une esquive.

Songez aussi au fait que les enfants, via internet, ne sont à aucun moment coupés du babil et de la (e-)présence de leurs petits camarades, un peu comme s'ils vivaient dans une récré perpétuelle... et c'est cela que l'on tolère tout en voulant restaurer une verticalité perdue. Tout cela est bien risible, à mes yeux...
Les forums ne me sont guère familiers, mais comment laisser sans réponse une proposition aussi invraisemblable que celle-ci ?
Elle me semble en totale contradiction avec ce que Renaud Camus avait jusqu’ici développé comme critique de l’Ecole, dans sa désastreuse inféodation au pédagogisme, sa mythologie de l’accompagnement personnalisé, la lente et irréversible conversion qu’elle promeut du professeur en enseignant, c’est-à-dire en fonctionnaire zélé de la présence et de la surveillance. Sans doute ne s’agit-il nullement de méconnaître la disponibilité que l’on attend d’un professeur dans son travail de tous les jours, mais, outre le fait qu’il y a désormais d’autres outils qui permettent ces échanges sans assimiler un professeur à une sorte de concierge des travaux scolaires, et que plusieurs s’en servent volontiers, le déni qui apparaît ici de ce qu’est ou de ce que devrait justement être le travail d’un professeur, avec sa dimension de solitude, de retrait, de soustraction aux rythmes immédiats, est désolant pour ceux d’entre nous qui croient encore possible cette forme de travail, qui la maintiennent en écoutant le bienveillant soutien des adversaires déclarés de cette vaste mystification pédagogique dans laquelle nous continuons pourtant à œuvrer, je n’ose dire avec la foi des derniers croyants !
Le « nous » expose sans doute « d’où je parle », comme l’on disait naguère et bientôt jadis – oui, je suis professeur, mais je ne cherche aucunement à défendre ici des avantages acquis ! Je n’ignore nullement ce qu’est devenu le métier de professeur, et, en conséquence, ce qu’il peut y avoir de légitime dans la demande d’une forme de travail qui réponde (ou semble répondre) au moins dans les heures de présence, et peut-être grâce à celles-ci, à la justification d’une rétribution publique. Mais peut-on croire sérieusement que c’est par là que pourrait être réparée la faillite de tout un modèle de formation ? Faut-il oublier tous les professeurs, car il y en a, qui continuent à œuvrer avec dévouement, à lire les publications scientifiques de leur discipline (même s’ils n’en font rien directement, et c’est heureusement cela qu’il faut souhaiter), à lire en dehors de leur discipline, et même à faire orgueilleusement mais sans vanité, du souci de leur propre culture le principe à partir duquel ils peuvent espérer faire partager à leurs élèves une autre forme de rapport à soi et au monde ?
Sans doute Renaud Camus a-t-il reconnu dans ce forum même la réserve qui était la sienne à l’égard de cette proposition – mais il l’a proposée tout de même ! On reconnaîtra volontiers que les conditions matérielles d’une telle proposition n’existent pas – et ne risquent pas d’exister : il suffit de fréquenter une université française pour constater ce qu’est un « bureau » de professeur d’université, alors une salle des professeurs dans un collège ou un lycée ! Mais il ne s’agit pas que de conditions matérielles – c’est aussi de l’effacement d’une appartenance (d’une reconnaissance) sociale déjà très délabrée qu’il s’agit. En dépit du modèle prestigieux de certains établissements religieux (mais pourquoi ne pas remonter au collège de Coqueret ?) une telle proposition ne me semble qu’accompagner un peu plus le désastre contre lequel elle semble protester.
Quant aux échos ségolénistes bien involontaires, mais réels, de cette embardée populiste, il restent tout de même une source de perplexité, politique cette fois : elle touche au sens même d’une candidature, dans l’écart qu’elle laisse apparaître entre la réflexion libre et le discours public. Cher Renaud Camus, poursuivez dans votre engagement mais ne nous abandonnez pas en route !
Bien que participant très occasionnel à ce forum et donc peu qualifié pour cela, je me permets, cher Chatelain, de vous souhaiter la bienvenue. Merci pour votre beau message.
et même à faire orgueilleusement mais sans vanité, du souci de leur propre culture le principe à partir duquel ils peuvent espérer faire partager à leurs élèves une autre forme de rapport à soi et au monde ?

Je dois être naïf, mais comment peut-on raisonnablement penser que le rapport actuel des jeunes au monde, lequel, substituant la présence ubiquitaire de l'autre, du camarade, à sa présence restreinte au sein de l'école, les camarades s'invitant au foyer, à travers l'interminable tchat, dans la chambre, sous l'oreiller, aux toilettes, au dîner, partout, à toute heure et en tout lieu, excluant l'enfant de l'expérience de la solitude, de l'ennui, du livre posé sur la table que l'on feuillette, puis que l'on se résigne à lire, comment ce rapport au monde, dis-je, pourrait s'effacer devant l'autre rapport au monde, celui que vous évoquez, qui exige concentration et, j'ose employer ce mot un peu fort, recueillement, sans que ce nouvel être-au-monde, seul véritable rapport littéraire au monde, leur fasse peur — car apprendre à être seul est difficile, et d'autant plus difficile pour ceux qui ne l'ont jamais été. C'est pourquoi je pense que l'on devrait, si les choses étaient ce qu'elles devraient être, interdire, en deçà d'un certain âge, l'accès à ces vecteurs d'ubiquité, portables, ordinateurs et autres talkie-walkies modernes, qui sapent à l'évidence toute tentative de transmission, tant l'uniformisation par le bas qu'ils déploient s'abat comme un torrent sur des petites têtes qui recherchent avant tout la reconnaissance du groupe.
Votre propos est très juste, cher Isaac, mais cette censure salutaire serait, "si les choses étaient ce qu'elle devraient être", le rôle des parents.
C'est aux parents de mettre en oeuvre de telles interdictions (d'aucuns le font...), pas à la loi !
On dirait que dans ce pays qui se vante tant de faire des enfants, l'éducation des dits enfants relève de la responsabilité de tout le monde (professeurs, travailleurs sociaux, législateur) SAUF de la famille.

Arrêterons-nous un jour de marcher sur la tête ?
Cher Julien, cher Jack, c'est à la loi, donc au politique, de faire sécession, d'entrer en dissidence, lorsque la majorité des parents n'osent prendre cette responsabilité pour leurs enfants. Et on les comprend : leurs enfants, sous la pression du groupe, se retrouveraient vite isolés, tant leurs goûts auront changé. C'est donc à l'État, je crois, d'imposer les conditions de possibilité d'une véritable transmission.
Je ne crois pas que la conception profonde du politique, au sein de l'In-nocence, consiste à faire entrer la police dans les chambres à coucher...
Interdire l'accès à internet aux mineurs est du même ordre, selon moi, que leur interdire la vente d'alcool. De même que l'on voudrait sanctionner des parents pour l'absentéisme de leurs enfants, on pourrait tout à fait sanctionner les parents qui laissent leurs enfants mineurs utiliser leur accès à internet. Il suffirait de rendre obligatoire les mots de passe et sanctionner les parents qui seraient trop laxistes dans la fuite de leurs passwords.

Une mesure symbolique (et quelques sanctions ayant valeur d'exemple) constituerait déjà une grande avancée...
Je dois être naïf, mais comment peut-on raisonnablement penser que le rapport actuel des jeunes au monde, lequel, substituant la présence ubiquitaire de l'autre, du camarade, à sa présence restreinte au sein de l'école, les camarades s'invitant au foyer, à travers l'interminable tchat, dans la chambre, sous l'oreiller, aux toilettes, au dîner, partout, à toute heure et en tout lieu, excluant l'enfant de l'expérience de la solitude, de l'ennui, du livre posé sur la table que l'on feuillette, puis que l'on se résigne à lire, comment ce rapport au monde, dis-je, pourrait s'effacer devant l'autre rapport au monde, celui que vous évoquez, qui exige concentration et, j'ose employer ce mot un peu fort, recueillement

Naïveté pour naïveté, nul remède dirais-je après un plus illustre - mais qu'attendre de professeurs dont la seule réponse à cette "ubiquitaire présence" serait la réquisition permanente de leur travail, de leur présence, de leur temps ? Ce qui disparaît mérite encore souvent de subsister !
Et "si les choses étaient ce qu'elle devraient être", nous n'aurions pas le bonheur des oxymores ! Celui-ci me réjouit particulièrement, au milieu des derniers échanges : "c'est à la loi d'entrer en dissidence". Ouich !
Oui, enfin, cher Prof, vous poussez le bouchon, là... La formule « si les choses étaient ce qu'elles devraient être » n'est pas un oxymore — d'abord d'un point de vue strictement définitionnel, syntaxique, mais aussi du point de vue logique, ou sémantique, le caractère hypothétique de la formule sépare les deux termes de l'opposition, au lieu de les rapprocher comme le fait l'oxymore. Quant à l'autre formule, le contexte lève toute impression de contradiction. Nombre de lois que propose le PI sont indubitablement dissidentes, ne vous en déplaise.
Oxymore ne désignait que la seconde formule, cela me semblait aller de soi ! « si les choses étaient ce qu'elles devraient être », il n'y aurait nul besoin de proposer d'autres lois et nous n'aurions pas le bonheur de lire des formules aussi étonnantes que... - il ne s'agissait de donner un tour pointu pour finir cet échange, qui ne m'a nullement déplu !
(Message supprimé à la demande de son auteur)
Immédiatement concerné par une telle mesure - proposée également par certains candidats, dont Sarkozy - je ne la trouve pas choquante en soi. Si nous y avions chacun un bureau équipé, une bibliothèque et une connexion internet, nous pourrions accomplir l'essentiel de nos tâches au lycée, ce qui nous éviterait d'emporter des paquets de copies chez nous ou d'occuper une bonne partie de nos logements à y installer un espace de travail. Notre bureau professionnel pourrait accueillir ceux de nos livres qui sont en rapport avec notre discipline (la philosophie, dans mon cas). Nous pourrions alors nous satisfaire de logements moins spacieux.
Il faudrait cependant des lycée, des collèges, des écoles (et des universités !) où ces bureaux seraient prévus, aménagés et équipés, comme c'est souvent le cas dans les pays pris pour modèle en l'espèce : les Etats-Unis, la Scandinavie et certains pays d'Asie comme Singapour. Le coût de tels aménagement rend, je pense, cette mesure inapplicable.
Sans cet aménagement, une telle contrainte d'horaire serait comme une détention, car il est souvent matériellement IMPOSSIBLE de travailler dans les établissements - salle des professeurs trop exiguë et trop bruyante (et souvent sous chauffée), bibliothèque sous équipée en livres (notamment en philosophie), un seul ordinateur pour 30 personnes (pour l'équipe enseignante !), absence d'espace personnel où entreposer ses propres livres à utiliser sur place... La seule chose qu'il est parfois possible de faire dans ces lieux, c'est corriger des copies, à la condition que les salles des professeurs ne soient pas trop fréquentées.

Les questions quantitatives dépendent toujours de questions qualitatives. Ainsi, le nombre d'élèves est un faux problème. Je suis prêt à enseigner face à 60 élèves, s'il s'agit de véritables élèves - ayant le niveau, disciplinés et motivés. Face à 15 adolescents dont 5 touristes, les choses deviennent difficiles. Le nombre d'élèves n'est donc pas la vraie question, mais la qualité de ceux qu'on nous impose.
Le nombre d'heures passées sur place, de la même manière, dépend de la manière dont il est possible de les occuper. En l'état, il n'est possible que d'y discuter avec ses collègues dans un brouhaha plus ou moins sympathique.
Post tardif.

La proposition, telle quelle, ne peut englober les questions annexes qu’elle soulève par ailleurs ni résumer les réalités diverses sur le terrain (ne serait-ce qu’à quelques kilomètres de distance entre deux établissements).

Malgré les quelques allusions aux conditions d’exercice des professeurs de primaire qui ont été données dans ce fil, il est plutôt ici question de la situation des professeurs certifiés et agrégés, majoritaires pour ce forum.

Or, le quotidien d’un professeur d’école, ou instituteur, n’est pas celui d’un professeur de secondaire, il va sans dire.

Ce métier (qui fut longtemps une vocation) est multiple car l’éducation n’est plus nationale, ou elle l’est bien moins qu’auparavant. Si les exigences se veulent les mêmes ou tous lieux, les disparités sont importantes.

Si une heure d’enseignement peut valoir deux ou trois heures de fabrication de tableaux sur ordinateur, comme dit plus haut, une journée d’enseignement ici (admettons en zone "Eclair") en vaudra deux ou trois ailleurs, pour ce qui concerne fatigue et dépense d’énergie.

Les professeurs ont à subir les récriminations des parents ou, si ce ne sont pas des récriminations, de simples demandes, réitérées, qui vampirisent.

Il faut rappeler qu’un professeur de primaire doit un crédit d’heures (ou dispose de ce crédit d’heures, comme l’on voudra) de formation et de concertation (on mettra ce que l’on veut derrière ce mot), qui se déroulent généralement le mercredi, quelquefois le samedi, parfois le soir ou durant la pause méridienne. Ces heures équivalent à 3h réparties sur 16 semaines. Le professeur a plus ou moins le choix d’organiser son calendrier puisque rien n’est fixé sur ces heures-là, hormis qu’elles doivent être effectuées.
Outre les heures d’enseignement (24h/semaine), il doit caler et assurer 2h/semaine d’aide personnalisée.
À cela peuvent s’ajouter des heures d’accompagnement éducatif.
Il se peut donc qu’un professeur travaille une journée de 7 à 10h, quasi sans pause.
Son temps de présence hebdomadaire, (certes) sur neuf demi-journées, couvre souvent et dépasse parfois les 35h.
La proposition est donc inadaptée en regard de la situation des professeurs en primaire.

De plus, il est à prévoir qu’après les élections présidentielles, l’on reviendra aux neuf demi-journées de travail pour les élèves (avec présence des élèves le mercredi matin ou le samedi matin).

Futilité ou pas, les professeurs s’interrogent de temps à autre sur le déroulement de leur carrière et cela les laisse perplexes, inquiets plutôt. Comment faire face à une classe à un certain âge ? Cela paraît difficilement concevable.
Un fil récent sur l’espérance de vie, que je ne retrouve pas, serait à mettre en rapport avec cette proposition.

De toute manière, la prolétarisation a déjà cours, hélas, et ne peut se résumer à une quotité de présence.

Les professeurs s’impliquent généralement dans leur tâche (il faut désormais parler de mission), qu’ils étendent à l’assistanat, à l’éducatif, à une instruction mâtinée de pédagogisme mais ont le nez dans le guidon, et les bonnes intentions ne suffisent pas, ou pas toujours.

À titre anecdotique, lorsque viennent les vacances, généralement après six ou sept semaines de travail, les élèves ne sont plus aptes à écouter, à se concentrer, pour peu qu’il l’aient été jusqu’alors. Les professeurs, eux, passent un tiers du temps, au moins, de leur vacances à se remettre (à se retaper) physiquement et moralement.
Après, seulement, ils peuvent envisager avec un minimum de sérieux pouvoir lire, par exemple, un essai de Renaud Camus.

Quant aux conditions de vie (conditions matérielles, conditions d’hygiène), elles auraient de quoi rebuter, n’eussent été les habitudes. Nous sommes loin de l’idée de mise à disposition de bureaux.

Par ailleurs, corporatisme du métier il y a bien, et cela le dessert.

Les élèves, malgré ce qui a été dit, sont en attente et seraient prêts, eux, à demeurer en permanence dans l’établissement.
Mais aux difficultés énoncées, la joie est là aussi d’aller travailler, une joie de type cambodgien.
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