Youcef Q. me dit qu'il faudra patienter encore cinq ans.
Avez-vous le film allemand L'Etrangère, qui raconte une histoire similaire Rogemi ? Ce film, pourtant excellent, a été quasiment passé sous silence en France ou presque. La critique du
Monde est édifiante :
"L'étrangère" : charge sans nuance contre le radicalisme musulman
L'étrangère.DR
Impossible de ne pas penser au martyre d'Hatun Sürücü en voyant ce film. Née en Allemagne de parents immigrés, cette jeune fille avait été mariée de force, à 16 ans, avec un cousin demeuré au pays et qu'elle connaissait à peine. Elle était revenu de Turquie un an plus tard, avec son petit garçon, en laissant là bas un époux brutal, avait rompu avec les traditions, largué le voile, mené une vie de femme indépendante. En 2005 on la retrouva assassinée, les suspects étant ses trois frères soucieux de préserver l'honneur de la famille.
Umay, l'héroïne de L'Etrangère, quitte pareillement un mari violent, fuit Istanbul avec son gamin et vient rejoindre sa famille à Berlin. L'accueil n'y est pas ce qu'elle espérait. Père autoritaire, mère confite dans les traditions, frère violent, sœur inquiète de voir son propre mariage compromis par son comportement : tous la sermonnent, l'adjurent de retourner dans son foyer conjugal, la répudient, la traitent de putain, tentent de kidnapper son fils afin de le ramener à son père… Umay doit fuir à nouveau, persécutée par des proches qui craignent les commérages et le déshonneur.
Ancienne comédienne, Feo Aladag mène de front deux récits : les persécutions dont la jeune femme fait l'objet de la part de ceux dont elle espère toujours une prise de conscience, une affection, une réconciliation, et ses efforts pour s'affranchir du joug familial et social. Elle est recueillie dans un foyer, trouve un travail, vit une idylle avec un collègue, tombe enceinte…
"La majorité des immigrés d'origine turque ne sont pas concernés par les problèmes qu'aborde ce film ", déclare l'auteur, soucieuse de ne pas englober toute la communauté dans ce type de comportements radicaux. En même temps, aussi belle qu'excellente comédienne (elle reçut plusieurs récompenses pour sa prestation dans Head On de Fatih Akin), Sibel Kekilli a vécu elle aussi des épreuves analogues. A peine sacrée star du nouveau cinéma allemand, elle fut la cible de toute une presse qui rappelait son passé d'actrice porno, reniée par sa famille, traitée de " pécheresse ".
Abasourdie par cette campagne, elle raconta alors ce qu'avait été sa vie d'avant : pas le droit de se maquiller, de porter des minijupes, d'avoir un petit ami. Obligation de quitter l'école en seconde malgré ses bons résultats pour travailler à la mairie de Heilbronn, au service des ordures ménagères.
Ce film, excellemment réalisé (l'Allemagne l'a récemment désigné pour représenter le pays aux Oscars), pose un problème. Non pas celui de sa crédibilité, mais de ce qu'il fait d'une telle histoire, de la manière dont il la raconte. Au fil d'un scénario à rebondissements et à l'efficacité d'un thriller hollywoodien, Feo Aladag use de toutes les ficelles du mélo pour dépeindre le calvaire de son héroïne, utilisant le personnage du petit garçon témoin des tortures morales et physiques infligées à sa mère avec un sens de l'émotion qui confine au racolage.
Les représentants de l'obscurantisme sont par ailleurs dépeints sans nuance, comme de cyniques et très méchants individus… Un film de propagande contre l'immigration musulmane ne s'y prendrait pas autrement.
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Film allemand de Feo Aladag. Avec Sibel Kekilli, Settar Tanriögen, Derya Alabora, Florian Lukas (1h59).