Une des constantes de la vie publique en Egypte et dans les pays arabes (une véritable règle, au sens où elle revient à intervalles réguliers comme le jour ou la nuit et où elle sert de norme ou de loi non écrite, quelque chose comme un invariant (culturel ? sans doute, dans le sens anthropologique de cet adjectif)) consiste chez les autorités, les journalistes, les autorisés de la parole, les notoires et les notables, mais aussi les masses opinantes, à faire porter la responsabilité des accidents, émeutes, dysfonctionnements, incidents, en bref de tout ce qui semble anormal, 1) sur les Juifs, 2) sur Israël, 3) sur les étrangers, 4) sur les Occidentaux et sur les Américains plus particulièrement, 5) sur les mécréants ou les chrétiens, 6) sur des forces obscures, etc. Il y a sans cesse des complots, mais fomentés ailleurs... Le mécanisme de cette folie collective est simple : l'islam étant parfait comme ensemble de lois, comme mode d'organisation sociale, comme ordre civique et politique, comme voie unique (l'islam a tout prévu, l'islam régit tout, l'islam est l'alpha et l'oméga) que les coupables ne peuvent se trouver qu'en dehors du groupe, de l'oumma, de la communauté, etc. Le sport national consiste à désigner des boucs émissaires comme on le faisait dans les religions archaïques. C'est sans aucun doute excellent pour la bonne conscience collective ("hamdoulillah", répète-t-on sans cesse); cela évite les examens de conscience, les prises de conscience, les retours sur soi douloureux, l'éveil de l'intelligence, la critique, les remises en question, etc.
Les choses étant ce qu'elles sont et quand on connaît cette règle invariante, on ne devrait pas plus s'en étonner que l'on ne s'étonne que 4 vient après 3, midi après 11 onze heures, février après janvier, la pluie après le beau temps ou inversement., etc.
Le comique dans l'affaire, ce n'est pas que les Egyptiens récitent leur catéchisme (encore que la monomanie soit source de fous rires), mais qu'un grand "expert" (pas de panique : auto-désigné) en géopolitique et en football, le dénommé Boniface, ait récité hier soir, sur Canal +, en sa qualité d'expert et d'autorisé de la parole, ce discours comploteur ou complotophile pour expliquer les événements du stade de Port-Saïd, où il n'a jamais mis les pieds, dont il n'a pas été témoin et dont il ne sait rien d'autre que ce qu'en disent les notoires égyptiens partisans paranoïaques de la recherche de boucs émissaires.