Comme moi, vous avez certainement manqué le nouveau grand retour du "racisme ordinaire", sorte de vieille tarte à la crême utilisée à des fins stratégiques de stigmatisation maximale de la seule population "de souche". Le journal "Le Monde", lui, n'a pas laissé passer la bête...
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Racisme ordinaire dans l'Ain
LE MONDE | 14.07.08 | 17h45 •
La scène a eu lieu dans la soirée du 12 juillet, à l'issue du concert de trio 3MA, près des Halles anciennes de Châtillon-sur-Chalaronne, une ville de 5 179 habitants, située à proximité des monts du Beaujolais. Le concert est organisée par les Temps chauds, beau festival de musiques du monde, donc venues d'ailleurs, qui a lieu dans plusieurs villes du département de l'Ain (voir le compte-rendu). Ce soir-là, le public est constitué de jeunes gens, de familles curieuses, attentives et enthousiastes. Mais deux hommes qui ne sont pas des gamins, habitant dans une rue proche, apprendra-t-on plus tard, manifestent bruyamment dédain et mépris pour les musiciens sur scène. Des réflexions xénophobes fusent. Ils rigolent, se moquent, peu satisfaits de devoir subir ces "gens-là" - des musiciens africains - jusque sous leurs fenêtres.
Des spectateurs assis à proximité des perturbateurs leur demandent de se taire. Les visages se renfrognent. Les bras se croisent sur la poitrine en une attitude de défi. Le regard d'un des deux individus croise celui d'un spectateur, debout à proximité, qui s'entend dire d'une voix haineuse "Pourquoi tu me regardes, toi ?" Ledit spectateur reçoit immédiatement un violent coup de poing sur la mâchoire asséné par le second individu, suivi quelques secondes après par un coup de tête encore plus violent, du premier. Le spectateur agressé, la bouche en sang, ose quelques mots : "Pourquoi cela, qu'est-ce que vous faites ici ?" La réponse jaillit : "Nous, on est chez nous ici, toi retourne chez toi." Le spectateur a le tort d'avoir la peau un peu trop mate.
Evacué sous la tente de la Croix-Rouge pour y recevoir des soins, il revient un quart d'heure plus tard pour rejoindre des amis sur les lieux de l'agression. Là, il est surpris d'y trouver les deux agresseurs en conversation au milieu d'un groupe de personnes, dont le maire (UMP) de la commune, Yves Clayette, élu lors des dernières élections municipales, en mars. Gérard Arnaud, journaliste présent pour la revue Africultures, entend le maire rassurer les agresseurs : "N'ayez crainte, il n'y aura aucune conséquence." Tutoiement de connivence, poignée de main à monsieur le maire, entouré de sa police municipale. Les deux tristes sires prennent congé sans être inquiétés. Une plainte est déposée. Laurent Guigon, président de l'association productrice du festival et correspondant local du Monde, qui juge les faits "inqualifiables", annonce que celle-ci se porterait partie civile. Plusieurs personnes présentes se déclarent prêtes à témoigner. Le journal Le Monde, qui n'a pu joindre le maire, a aussi l'intention de s'associer à la plainte pour une agression subie par un de ses collaborateurs, signataire de ces lignes.
Patrick Labesse