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De la culture générale.

Envoyé par Utilisateur anonyme 
Utilisateur anonyme
15 avril 2012, 17:01   De la culture générale.
Dans Le Monde, on peut lire ce long article d'Anne Chemin, où Françoise Mélonio expose des arguments fort justes...
Utilisateur anonyme
15 avril 2012, 17:03   Re : De la culture générale.
Notons que le titre de l'article est éloquent : non seulement la culture générale est un outil de sélection, mais encore est-il rouillé...
De toutes façons on ne supprime pas la culture générale même si on refuse de l'évaluer. On ne l'enseigne pas en soi non plus. Dans cette histoire j'ai l'impression qu'on supprime des références, des figures de style. Quelqu'un parlait d'interdire les métaphores, c'est un peu ça.
La comparaison, à la fin, est grotesque : comparer la réalité des inégalités sociales d'un pays comme l'Islande (310 000 habitants), la Finlande (5 259 250 habitants) ou le Danemark (5 529 888 habitants) avec la France (plus de 60 000 000 habitants) me semble aberrant. Le rapport est de 1 à 10 ou de 1 à 200. L'histoire de ces pays est différente. Comparer la réalité contemporaine d'ensembles aux dimensions et aux destins sans commune mesure, c'est comme comparer un voiture et un hamster.
La France a dominé culturellement l'Europe (et le monde) : aucun de ces trois autres pays n'a dominé quoi que ce soit, ni linguistiquement (deux sont d'anciennes colonies), ni politiquement, ni culturellement. Tout peut donc y être plus souple et plus ouvert. Ce sont des pays totalement américanisés dont l'essentiel de la tradition a sombré avec l'arrivée de la télévision. A côté d'une France qui tente de rester elle-même (même timidement), ils n'ont pas de mal à s'adapter dans tous les sens et donner leur chance à tout le monde.
J'ajoute que les trois pays mentionnés sont totalement déchristianisés (anciennement luthériens), culturellement vides et presque interchangeables. Il est possible d'y vivre, d'y travailler et même de s'y faire élire sans parler une des langues locales (suédois ou finnois pour la Finlande), en se contentant de l'anglais. Voilà les pays minuscules à l'aune desquels nous sommes jugés !
Utilisateur anonyme
15 avril 2012, 19:15   Re : De la culture générale.
Il est exact que les grands oraux de culture générale ont tendance à devenir pavlovien. Les mots « temps » et « madeleine » doivent amener le candidat, non pas à citer, mais à mentionner l’existence de Marcel Proust. J’ai tendance à me demander si s’association ou la non association a d’autre signification que l’indication de la connaissance de codes élémentaires de reconnaissance. Car finalement personne ne demande au candidat ce qu’il a retenu de la lecture de Proust, pour un raison difficilement avouable : les membres du jury n’ont jamais lu, jamais apprécié Proust, ils savent simplement qu’en "bonne" société Proust doit être associé à « temps » « jeunes filles en fleurs » et que l’on peut même aller jusqu’à se demander si les jeunes filles ne seraient pas plutôt des garçons. Plus loin c’est l’inconnu pour tous : la Sonate de Vinteuil non…
Très juste, le nom de Proust est connu, son œuvre l'est beaucoup moins. Mais c'est une lecture de la maturité.
"Mais c'est une lecture de la maturité."

C'est curieux, j'éprouve exactement le contraire. Pour moi, c'est, par dessus tout, une lecture de jeunesse (d'ailleurs, la lecture en général, c'est une affaire de jeunesse (pas d'enfance)) La maturité feuillette beaucoup ou relit.
Je suis pour vous un gamin, cher Orimont, j'ai essayé Proust assez jeune mais ça ne passait pas. En revanche à quarante ans je m'y suis vautré quasiment.
Je suis de l'avis de Marc, j'ai procédé exactement de la même façon. Prenez Joyce : peut-on lire Ulysse à vingt ans ?
J'ai commencé à manger du Proust (oui, je trouve que la Recherche du temps perdu est quelque chose qui se mange) vers l'âge de vingt ans. Seul problème : tout ce qu'on lit ensuite lui est très inférieur.
C'est ça, quand on a goûté du Proust on devient anorexique.
15 avril 2012, 22:42   Bourdieu inversé ?
« Même ceux qui ont suivi une préparation au concours ne rattrapent pas le niveau, alors qu’ils progressent dans les autres matières, observe Dominique Meurs. Comme si la culture générale relevait non pas de connaissances ou de capacités de raisonnement acquises à l’école, mais de quelque chose d’indicible qui se transmet dans le milieu social. »

Tiens, cela me rappelle quelque chose...
Utilisateur anonyme
16 avril 2012, 00:01   Re : De la culture générale.
La voix de son maître :





Pour Orimont : La maturité feuillette beaucoup ou relit.
Utilisateur anonyme
16 avril 2012, 00:06   Re : De la culture générale.
Cher Stéphane Bily, la critique de la culture générale à la lumière de la sociologie bourdivine est un rite, tant au Monde qu'à SciencesPo.
A chacun son entrée. Ainsi ai-je lu Proust à vingt ans mais n'ai pas pu goûter Montaigne et Chateaubriand avant trente, et le Jean-Jacques des "Confessions" avant quarante.
Non, cher Raphaël, tout ce qu'on lit après Proust ne lui est pas inférieur : toutes ces oeuvres sont des parties d'une seule et même entreprise collective. Chacune enrichit les autres et la "culture générale" n'est rien si elle n'est pas cette aventure où s'abolissent les chronologies : autant la succession des lectures au cours d'une vie que l'ordre des siècles et la suite des oeuvres qu'ils ont vu naître.
Et quand vient l'âge de relire, le temps linéaire et la séparation entre la vie et la mort, aux moments de plus haute conscience (rares et ineffables ... sauf à écrire une de ces oeuvres), perd toute consistance.
Utilisateur anonyme
16 avril 2012, 08:54   Re : De la culture générale.
Il faut maintenir les épreuves de culture générale. Mais les arguments de ceux qui veulent les supprimer ne sont pas tous négligeables. Bourdieu n'a pas écrit que des bêtises (ses disciples je ne sais pas). La culture générale "clin d’œil", outre qu’elle n’est pas de la culture, ne mérite pas d’être défendue.
Pour Proust, j’ai lu la Recherche à 22 ans. Il est vrai qu’après le choix des lectures est compliqué pendant un certain temps.
La culture générale "clin d’œil", outre qu’elle n’est pas de la culture, ne mérite pas d’être défendue.

Il me semble que cette culture-là existe pour faire signe vers la culture profonde, la connaissance, etc. Je veux dire que si cette dernière existe elle aura nécessairement pour effets immédiats ces affleurements et surcroîts de sens dans l'existence ordinaire. Ça déborde, comme dit Télérama (qui ne croit pas si bien dire). Et puis, tout de même, voilà-t-y pas du lien social !
16 avril 2012, 10:10   Re : De la culture générale.
Je crois que l'école telle qu'elle fonctionnait avant que ne sévisse le pédagochisme était capable de produire des hommes et des femmes très cultivés. Il leur fallait sans doute faire plus d'efforts que les "héritiers" pour accéder à un niveau élevé de culture général, mais beaucoup y arrivaient, bien mieux en tous cas qu'aujourd'hui où d'ailleurs les dits "héritiers " sont les premières à affranchir leurs enfants de leur séculaire devoir culturel perçu comme un héritage encombrant et, désormais, inutile.

En Algérie, j'ai connu du temps de l'Algérie française et tout de suite après l'indépendance, des "Arabes " du bled se passionner pour les auteurs classiques français et les assimiler parfaitement, alors je me demande pourquoi ils ne seraient plus capables de les assimiler en France sinon en raison de la démission du corps professoral et d'un discours humiliant consistant à faire croire que les enfants d'immigrés d'origine africaine ne seraient pas capables d'assimiler notre culture. Pourquoi est-ce que pour eux, et pour eux seuls, une double culture toujours jugée par ailleurs si enrichissante, n'est-elle considérée désormais que comme un handicap ?
Utilisateur anonyme
16 avril 2012, 10:30   Re : De la culture générale.
Citation
Cassandre
Je crois que l'école telle qu'elle fonctionnait avant que ne sévisse le pédagochisme était capable de produire des hommes et des femmes très cultivés. Il leur fallait sans doute faire plus d'efforts que les "héritiers" pour accéder à un niveau élevé de culture général, mais beaucoup y arrivaient, bien mieux en tous cas qu'aujourd'hui où d'ailleurs les dits "héritiers " sont les premières à affranchir leurs enfants de leur séculaire devoir culturel perçu comme un héritage encombrant et, désormais, inutile.

Complètement d'accord avec vous. Si la culture devient complètement élitiste c’est que l’école n’enseigne plus rien.
Il fut un temps où existait une classe cultivée, mais les non-héritiers avaient accès à la culture par l’école. Dans une certaine mesure je suis dans ce cas.
Actuellement l’école ne transmet rien et l’élite pas beaucoup plus comme vous le soulignez ce qui conduit à la grande égalité. Mais nous connaissons tous Renaud Camus.
Utilisateur anonyme
16 avril 2012, 11:08   Re : De la culture générale.
Remarquons que l’épreuve de culture générale de l’ENA a toujours été réputé difficile. Monsieur Hollande et Madame Royale (et beaucoup d’autre aussi catastrophiques mais moins connus) l’on brillamment passée.
Enfin comme disent les « préparateurs » pour la culture gé (sic) il suffit de lire Le Monde pendant un an, au moins trois fois par semaine.
Certains énarques n'ont jamais lu un vrai livre de leur vie (que des manuels, il existe des manuels de culture générale) et s'en flattent.
Alors…
Utilisateur anonyme
16 avril 2012, 12:00   Re : De la culture générale.
"une culture de ouï-dire", je trouve cette expression très pertinente.

En revanche, je m'étonne que Sollers, pourfendeur de la France moisie, se soit associé à Debray (quelle querelle entre eux deux à l'époque !), Fumaroli et autres.
Utilisateur anonyme
16 avril 2012, 12:16   Re : De la culture générale.
Ce qu'on appelle "culture générale", dans les concours, est du reste à pleurer : il s'agit de réciter des chapelets bien pensants d'économie de la connaissance, de développement durable, d'histoire (sic) du féminisme, de société de l'innovation, des avantages et inconvénients de l'état-providence, et j'en passe.

A aucun moment il n'est réellement question de culture digne de ce nom.
Utilisateur anonyme
16 avril 2012, 12:27   Re : De la culture générale.
Citation
Jack
Ce qu'on appelle "culture générale", dans les concours, est du reste à pleurer : il s'agit de réciter des chapelets bien pensants d'économie de la connaissance, de développement durable, d'histoire (sic) du féminisme, de société de l'innovation, des avantages et inconvénients de l'état-providence, et j'en passe.

A aucun moment il n'est réellement question de culture digne de ce nom.

Vous oubliez, cher Jack, le principal : La dignité (Histoire, théorie, pratique, devenir du concept).
"A aucun moment il n'est réellement question de culture digne de ce nom."

On cultive aussi, avec brio, le coq-à-l'âne pour esquiver les questions précises.
Utilisateur anonyme
16 avril 2012, 12:54   Re : De la culture générale.
On ne demande pas à un préfet de lire Proust mais ne pas être déstabilisé si un interlocuteur lui en parle. D’où l’intérêt de la culture du ouï-dire : Pouvoir enchaîner sur le temps perdu ou retrouvé et rajouter la madeleine c’est bien suffisant.
La culture est ailleurs (enfin j'espère).
(Pour les futurs candidats à de tels concours, je suggère, s'il est question de Proust, et plutôt que de parler de la sempiternelle madeleine de la tante Léonie, d'évoquer les pavés de l'hôtel de Guermantes, qui amorcent si je m'en souviens bien la méditation sur Venise. Cela pourrait faire un demi-point en plus.)
(Pour ma part, je leur conseillerais de parler de l'une des mille scènes merveilleusement drôles et géniales de ce roman, à l'exception des trop privilégiés "moments de mémoire involontaire" que ceux qui ont vraiment lu Proust ne considèrent pas comme les véritables sommets du roman).
Oui, mais là ce n'est plus très mainstream, comme dit Adoré Floupette. Les examinateurs risqueraient de ne plus vous suivre, cher Raphaël.
Vous avez raison, cher Bily. Il s'agit de réussir un concours, soyons pragmatiques et non "littéraires" (mot péjoratif). A la place de tous ces auteurs suspects (car Proust était l'ami de Léon Daudet, il lisait l'Action Française, il a fait l'éloge des cathédrales, attendez-vous à son procès médiatique à l'occasion du centenaire de la Recherche), chers étudiants, citez plutôt Rokhaya Diallo.
Mme Joly a intégré l'ENM en réussissant en 1981 les épreuves dun concours exceptionnel de recrutement de magistrats. Elle a déclaré récemment : "Il n'y avait pas d'épreuve de culture générale; c'est pour cela que j'ai été admise".

L'histoire est ironique pour une tout autre raison. C'est M. Giscard d'Estaing et son Ministre de la Justice d'alors, Alain Peyrefitte, qui ont décidé d'ouvrir la carrière de magistrats à des candidats non étudiants, d'âge mûr et ayant, outre les diplômes requis, une assez longue expérience professionnelle dans des métiers "hors justice". L'objectif était de compenser le recrutement inévitable de juges rouges (étudiants de 23 à 25 ans, marqués à l'extrême-gauche) par des femmes et des hommes de 40 ans environ, supposés pondérés et étrangers aux idéologies dominantes à l'Université. Ils croyaient éviter les Robespierre; ils ont eu une harpie. Avec Mme Joly, c'est à une Euménide assoiffée de vengeance que ces concours exceptionnels, censés favoriser la modération, ont donné les clefs des Palais de Justice.
Citation
Stéphane Bily
(Pour les futurs candidats à de tels concours, je suggère, s'il est question de Proust, et plutôt que de parler de la sempiternelle madeleine de la tante Léonie, d'évoquer les pavés de l'hôtel de Guermantes, qui amorcent si je m'en souviens bien la méditation sur Venise. Cela pourrait faire un demi-point en plus.)

Pas si simple. Désormais le candidat doit prendre en compte l'inculture possible de certains membres du jury.
Utilisateur anonyme
16 avril 2012, 14:53   Re : Un conseiller à votre écoute
Citation
Johannus Marcus
Citation
Stéphane Bily
(Pour les futurs candidats à de tels concours, je suggère, s'il est question de Proust, et plutôt que de parler de la sempiternelle madeleine de la tante Léonie, d'évoquer les pavés de l'hôtel de Guermantes, qui amorcent si je m'en souviens bien la méditation sur Venise. Cela pourrait faire un demi-point en plus.)

Pas si simple. Désormais le candidat doit prendre en compte l'inculture possible de certains membres du jury.

Rapporté des séances de prépa ENA à Polytechnique (Thierry de Montbrial, ca. 1996): «ne citez que des auteurs connus».
Utilisateur anonyme
16 avril 2012, 15:09   Re : Un conseiller à votre écoute
Citation
Johannus Marcus
Citation
Stéphane Bily
(Pour les futurs candidats à de tels concours, je suggère, s'il est question de Proust, et plutôt que de parler de la sempiternelle madeleine de la tante Léonie, d'évoquer les pavés de l'hôtel de Guermantes, qui amorcent si je m'en souviens bien la méditation sur Venise. Cela pourrait faire un demi-point en plus.)

Pas si simple. Désormais le candidat doit prendre en compte l'inculture possible de certains membres du jury.


Déjà vu «- Les Plaideurs de Racine – Mais non monsieur c’est de Molière »
C’est une situation aussi difficile à gérer à la délibération.
Utilisateur anonyme
16 avril 2012, 15:26   Re : De la culture générale.
Le Nouvel Obs participe au débat :

[bibliobs.nouvelobs.com]
Excellent ! Un chef d'oeuvre d'impartialité concernant Marine Le Pen.

Une priorité affichée avec enthousiasme: la conservation du patrimoine. L'image de la France frontiste, enfin heureuse, seule dans sa jolie église en ruine.
(David Caviglioli)
Utilisateur anonyme
16 avril 2012, 15:50   Re : De la culture générale.
Étrange qu'ils n'aient pas rappelé les belles actions de notre cher président :

[elysee.blog.lemonde.fr]
Utilisateur anonyme
16 avril 2012, 15:54   Re : De la culture générale.
Heureusement, "la solution à la crise, c'est la culture"

[presidentielles2012.dev.scoua.de]
16 avril 2012, 15:58   Re : De la culture générale.
Citation
Jean-François Chassaing
On ne demande pas à un préfet de lire Proust mais ne pas être déstabilisé si un interlocuteur lui en parle. D’où l’intérêt de la culture du ouï-dire : Pouvoir enchaîner sur le temps perdu ou retrouvé et rajouter la madeleine c’est bien suffisant.
La culture est ailleurs (enfin j'espère).


Est-elle ici?

Utilisateur anonyme
16 avril 2012, 16:11   Re : De la culture générale.
ça aussi, c'est drôle (ou consternant) :

[www.allocine.fr]
La Politique et la Culture, ça fait deux.
Utilisateur anonyme
16 avril 2012, 17:46   Re : De la culture générale.
Je lisais justement hier soir des passages d'un volume compilant des articles et des discours d'André Malraux et précisément intitulé La politique, la culture (Folio).
Utilisateur anonyme
16 avril 2012, 17:46   Re : De la culture générale.
"Cette année, la télévision s'étendra sur toute la France : Bourges, Bordeaux, Toulouse, Limoges auront leur émetteur. Suivant les projets de l'enseignement public, la plupart des écoles et des lycées l'auront adoptée comme moyen d'enseignement. Déjà, les téléclubs se multiplient, groupant les ouvriers d'une même usine, les habitants d'un même hameau qui se réunissent chaque soir chez l'heureux possesseur d'un poste. Les prix de ces postes ont beaucoup baissé et baisseront encore, au fur et à mesure que leur fabrication deviendra massive. Bref, on ne peut plus ignorer ce phénomène moderne.

Là encore, le rôle de la mère est important : "Ne laissez pas les enfants jouer avec la télévision.", pas plus qu'avec les portières des trains. Car la télévision est capable du meilleur comme du pire.

C'est à la mère de famille de filtrer les émissions. Il lui faudra être assez autoritaire pour les envoyer au lit [Les émissions ?] s'il en est l'heure. Mais aussi quelle récompense pour les parents, en commentant, en expliquant le spectacle, de voir les réactions, les goûts, et les préoccupations profondes des jeunes.

Car si elle est un lien entre les peuples, la télévision peut être aussi un lien entre parents et enfants..."

In Almanach Vermot 1959

(Soit dit en passant, ce célèbre "Almanach", que je n'avais jamais feuilleté, donne une idée assez précise de ce que recouvrait ce terme de "culture générale" à l'usage du citoyen lambda...)

(Soit dit, en re-passant, l'un des articles s'intitule "Le progrès technique apportera-t-il le bonheur ?"

"[...] Dans l'ombre de ce progrès technique, se manifeste un grand espoir, celui du bonheur de l'homme." déclare immédiatement le rédacteur. Or, il appert que, dans la suite de la démonstration, la mesure de ce "bonheur de l'homme" tient à un seul et unique calcul : la diminution du temps de travail couplée à l'augmentation de la production et du pouvoir d'achat. On aurait tort de croire que les peuples occidentaux ont oublié cette promesse non-tenue et tenir pour rien les effets désastreux de cette extraordinaire publicité mensongère à l'oeuvre dans tous les "médias" d'alors, de l'Almanach Vermot aux publications les plus sérieuses. Quelle déception !)
Utilisateur anonyme
19 avril 2012, 09:33   Re : De la culture générale.
On parle un peu Culture dans cette campagne

[www.lefigaro.fr]
19 avril 2012, 09:55   1964 (micro-uchronie)
C'est consternant. L'on s'attendait à tout sauf à ça: Maurice Blanchot ou, à la rigueur, Cioran, Thomas Hardy, Tanizaki, Malraux, dont le discours pour le transfert des cendres de Jean Moulin la semaine dernière fut si émouvant, pour première émotion littéraire de M. Sarkozy ne m'auraient nullement surpris; au lieu de cela, Jules Verne. La déception est de taille, à vous faire douter d'aller voter pour reconduire le candidat-président dans ses fonctions ce dimanche -- lui, un homme à qui l'on prêtait jusqu'ici, à juste titre croyions-nous, une solide, sinon immense, culture littéraire en tout point digne de la grandeur de sa fonction.

(à propos de 1964: j'ai entamé la lecture de IQ84, titre du dernier roman de Mukarami Haruki, que je recommande à tous. Je soumets aux liseurs de ce forum ceci: Murakami a été "obligé" de situer l'intrigue de ce roman en 1984 parce que cette année-là fut une des dernières où le téléphone mobile n'existait pas. Ce maudit appareil a détruit le roman. Il n'est plus possible de composer une intrigue -- où les personnages s'attendent dans l'incertitude à leur lieu de rendez-vous, doivent être chez eux où en un lieu donné et équipé pour entrer en dialogue sur leurs faits et gestes, etc..où chacun doit interpréter les silences de l'autre à distance, où tous ont le temps de penser deux choses en même temps sans aussitôt tout en dégoiser à son prochain-lointain -- depuis que cet objet-monstre s'est emparé de la vie des citoyens, de leur vie collective autant qu'individuelle.)
Ce n'est pas pour faire mon "ravi de la crêche", mais après tout l'apparition du téléphone portable peut tout aussi bien créer de nouvelles possibilités pour le roman ; ces dernières nous apparaissent moins visibles et moins discernables que les anciennes ficelles, sans doute parce que très peu de romanciers aujourd'hui décident de prendre le réel à bras-le-corps. La possibilité qu'ont aujourd'hui les gens de connaître par l'intermédiaire des portables la localisation des personnes qu'ils connaissent recèle, je n'en doute pas, un terreau d'intrigues nouvelles. L'avenir du roman est certainement à chercher au coeur de l'absurdité de ces situations inédites.
Vous devez avoir raison Bily, il n'empêche qu'une crise du roman est apparue en liaison avec ce nouveau support de la simultanéité consciente, de l'oreille omnisciente, qui pourrait se réduire à une contradiction simple entre l'époque et ses moyens romanesques: le roman n'a pas eu le temps de se réinventer; Murakami est un auteur né en 1949 et il lui est impossible de composer le quotidien de ses personnages, de rythmer l'action dans une ère où l'on peut interroger l'autre dans l'instant sur le lieu où il se trouve (t'est où ?) ce qu'il y fait, etc. L'ère pré-téléphone portable accommodait, comme le roman d'alors, celui qu'un auteur né en 1949 était capable de concevoir, de construire et de filer, l'incertitude, le doute et le questionnement, l'ennui, la vacuité, l'isolement des personnages, leur rêverie, l'incontournable attente de devoir rencontrer l'autre, s'asseoir avec lui ou elle sur deux tabourets de bar pour savoir, apprendre, recevoir une information. Le "polar" par exemple, avait pour pilier ces ingrédients-là, mais pas seulement lui. Les jeunes auteurs "nés avec le portable à l'oreille", n'ont pas eu le temps d'acquérir la maîtrise qui appartient encore de fait à la génération des grands artisans de la narration et des récits (nés dans les années 40-70), d'où la crise du récit, et le défaut de réel et de vérisimilitude du roman de jeunes romanciers (génération post 75), où dominent l'infernal monologue et le récit direct à la première personne du singulier et où ce que vous désignez comme "possibilité qu'ont aujourd'hui les gens de connaître par l'intermédiaire des portables la localisation des personnes qu'ils connaissent" laquelle serait selon vous, "constitutive d'un terreau d'intrigues nouvelles" n'a pas encore eu le temps de développer à son service les moyens narratifs, le savoir-faire qui pourraient lui assurer une bonne exploitation littéraire.
En effet. Bien qu'étant issu de cette génération post-75, j'ai connu quelques années (les années de collège) où le portable était minoritaire ; mais au lycée, il régnait. Pour un romancier il faut pouvoir se représenter ce qu'était le monde sans téléphones portables et sans Internet pour comprendre le monde où ils prolifèrent, vision dont cette génération a été privée. Les conditions d'acquisition de la vision "extérieure" nécessaire au romancier ne sont plus un donné, ou à tout le moins sont un donné fragile, fragile comme un souvenir d'enfance, pour notre génération.
19 avril 2012, 12:20   Re : De la culture générale.
"L'avenir du roman est certainement à chercher au coeur de l'absurdité de ces situations inédites mais il n'a pas encore eu le temps de développer à son service les moyens narratifs, le savoir-faire qui pourraient lui assurer une bonne exploitation littéraire."

Entièrement d'accord.
19 avril 2012, 12:28   L'Invention du monde
Votre génération, et celles qui vous suivent, ont à réinventer le monde, créer son récit, son histoire, et le faire interagir avec la représentation dynamique que vous en ferez, et qui intégrera les outils et les modes de communication qui sont ceux de ce monde; le programme est grandiose et passionnant, mais il ne faudrait pas trop tarder à le mettre en oeuvre.

Il se pourrait, mais c'est une idée tout à fait personnelle que je ne saurais trop argumenter ici, qu'en réponse à la dévastation du quotidien par ces moyens de communication moderne (portable, internet) il faille faire éclater le cadre spatio-temporel du récit, disséminer les personnages de toute intrigue sur la surface entière de la planète de sorte qu'une substance immense en émerge qui fasse pièce à la magnitude de ces moyens, qui lui donne un répondant quand celle-ci rend tout récit localisé (astreint à une unité de lieu) aujourd'hui quasi-impossible.

Je m'explique: faire que la disparité des circonstances, des cadres physiques et sociaux entre les protagonistes rende impossible l'espèce de rapport instantané quasi-permanent que se communiquent les uns aux autres les hommes et les femmes d'une même ville, d'un même pays, sur leurs actions et agissements quand ils le font au point qu'il n'y a plus d'extérieur, de point de vue extérieur à leur vie; faire que l'un ne puisse jamais téléphoner dans son appareil portable pour dire à l'autre "je dois passer à six heures au camion pizza du parking d'Auchan parce que Chez José c'est fermé le lundi et que sinon j'aurais rien à bouffer dimanche vu que Aziz ne rentrera pas voir Cindy à cause de la grève de mardi". En quelque sorte, il faudrait recréer de l'incommunicabilité, faire en sorte que ce protagoniste là ne soit aucunement en mesure de tenir pareil propos dans son téléphone à cause de l'absolue étrangèreté de "Auchan", "Chez José", "Aziz" pour son correspondant, donc que celui-ci soit situé dans un complet ailleurs contextuel, géographique et culturel. Faire en sorte que la matière-monde soit mobilisée tout entière et dans sa plus vaste réalité pour étouffer le portable, le rendre autiste, aphone (to gag it up).

[billet modifié]
mais il ne faudrait pas trop tarder à le mettre en oeuvre

Je vais voir ce que je peux faire.

Je trouve cette idée (disséminer les personnages de toute intrigue sur la surface entière de la planète) originale et très exaltante, Francis.
A propos de portable, avez-vous regardé la série anglaise, Scherlock, adaptée à notre époque ? J'avoue que c'est techniquement très bien fait, même si je préfère celle de Jérémie Brett.
19 avril 2012, 12:49   Re : De la culture générale.
Je me demande si certains in-nocents vivent sans cet appareil (M. Marche ?).

Comme vous le savez, vivre sans portable doit être devenu un défi - non seulement pour n'importe quel travail (on vous demande toujours votre numéro de portable...), mais aussi pour n'importe quel rendez-vous amical. Et pas seulement parce qu'on ne respecte plus beaucoup le lieu ni l'heure (puisqu'on peut les changer par un message...): il me souvient d'avoir vu une lyonnaise sans portable devant un immeuble sans sonnette, impuissante à manifester sa présence auprès de ses amis. Je lui avais prêté mon téléphone...
Il me souvient d'avoir vu une lyonnaise sans portable devant un immeuble sans sonnette, impuissante à manifester sa présence auprès de ses amis.

C'est ce que les philosophes, je crois, appellent la finitude.
Citation
Werner
Je me demande si certains in-nocents vivent sans cet appareil (M. Marche ?).

Oui, et je m'en félicite chaque jour.
Quelqu'un avait souligné ici la dévalorisation de la parole qu'entraîne l'usage systématique de ce fléau moderne: un rendez-vous est pris, si vous ne rappelez pas, non pas une fois, mais aujourd'hui deux fois la personne que vous devez y rencontrer, celle-ci ne viendra pas, considérant qu'un rendez-vous pris et confirmé une fois seulement, est annulé ! Pour être sûr et certain qu'elle y viendra, il faut la rappeler continuellement, à peu près toutes les dix minutes jusqu'à ce qu'elle et vous soyez sûrs, chacun de votre côté, que l'autre est en route. Et même quand elle est en route, il faut encore l'accompagner au téléphone. Il s'agit d'un mal addictif, d'une intoxication, comparable à celui qui frappe les alcooliques, chez qui la parole donnée est mêmement dégradée.
19 avril 2012, 13:36   Re : De la culture générale.
Cette dégradation se réalise, comme vous nous l'avez souvent expliqué, M. Marche, dans la langue elle-même (t'es où ?), dans la parole tenue, dans le silence, etc, etc. Il me semble qu'on pourrait dresser une très longue liste des dégradations apportées par ces appareils. Cette phrase de Muray sur ceux qui veulent "toujours plus d'esclavage " (?) grâce aux portables, il faudrait la retrouver... Je pense aussi à ce passage du Journal de Renaud Camus (dans Parti Pris, je crois), où l'auteur voit, avant de monter dans un avion, et après en être descendu, un homme constamment au téléphone, qui ne perd pas une seconde pour se laisser reprendre par le réseau.
Pour être sûr et certain qu'elle y viendra, il faut la rappeler continuellement, à peu près toutes les dix minutes jusqu'à ce qu'elle et vous soyez sûrs, chacun de votre côté, que l'autre est en route. Et même quand elle est en route, il faut encore l'accompagner au téléphone.

Je pense d'ailleurs que l'on n'en est pas encore tout à fait au stade terminal, qui viendra quelque jour, n'en doutons pas, et où il faudra continuer à parler au téléphone à la personne présente en face de soi.
Oui mais la personne en face de soi sera appelée sur son autre portable...
D'autant plus que l'épisode de la madeleine est à la cinquantième page de la Recherche. On peut donc ne pas avoir été particulièrement persévérant dans sa lecture et connaître le passage.Un peu comme les moulins de Don Quichotte.

Je me demande si certains écrivains ne travaillent pas excessivement leur incipit pour être certains qu'on parlera d'eux sans les avoir lus.
Utilisateur anonyme
19 avril 2012, 14:39   Re : De la culture générale.
à Virgil
Je ne suis pas d accord en ce qui concerne l Islande,les islandais sont très cultivés, très attachés à leur histoire, leurs légendes Eddas et Sagas, leur langue ,inchangée depuis 1000ans est pour eux un trésor. Ils sont férus de généaolgie, et connaissent leurs ancetres depuis les débuts de l'occupation de leur terre.La visite de cette ile est un enchantement.
Ils sont passionnés parleur culture.
Chère Daisy,
L'Islande est un pays que je connais très bien pour y passer beaucoup de temps depuis une dizaine d'années.
C'est un pays qu'on connaît surtout à travers des clichés. Sa réalité contemporaine est autre, c'est une terrible américanisation à tous les niveaux.
C'est l'un des plus gros consommateurs de soda (coca cola en tête) avec la Norvège. C'est l'un des pays où les gens vivent le plus à crédit. La qualité de la langue parlée se dégrade très rapidement : les jeunes parlent un mélange d'islandais et d'anglais qui est très laid - d'autant qu'ils n'articulent guère et ne déclinent plus très bien. Un exemple, au lieu de dire "ég er að branda" (je plaisante), ils préfèrent dire "ég er að djóka" (de "to joke"). On les entend sans arrêt jurer d'un "fók" (prononciation islandisée de "fuck").
Les jeunes ne connaissent pas les sagas qu'ils n'ont guère lu au lycée. L'Edda de Snorri est peu connu - les poèmes de l'Edda poétique sont inaccessible pour la plupart des Islandais, à moins d'être cultivé ou d'avoir grandi à la campagne. Ils connaissent bien trois choses : le cinéma américain, la variété anglo-saxonne et les jeux video, tout cela par la télévision (les séries et les émissions idiotes "made in USA" ou "made in UK" sont bien connues aussi). Certains jeunes Islandais pensent que l'île devrait cesser de parler islandais pour se mettre à l'anglais. La plupart de leurs chanteurs chantent en anglais ! Les jeunes ne connaissent plus la généalogie, pourtant accessible sur internet.
Le caractère inchangé de la langue est un mythe complet. La phonétique a changé énormément, la syntaxe aussi. Pour ce qui est du vocabulaire, la langue contenait énormément de mots à racines latines jusqu'à la purge du XIXe qui les remplaça par des mots à racine scandinave.
Les guides répètent les belles images d'Epinal : la réalité est plus inquiétante. L'Islande éternelle survit un peu à la campagne, dans certaines familles conservatrices ou soucieuses de culture et de mémoire. Une bonne partie de la population n'est intéressée que par l'argent, les vacances à Majorque et se moque comme d'une guigne de sa langue et de sa littérature, même si dans les bars elle vous en loue l'ancienneté sans avoir lu ses grandes oeuvres.
Combien de jeunes Islandais savent encore qui furent Jón Árason (dernier évêque catholique et symbole de la lutte pour l'indépendance), Hallgrímur Pétursson (qui donna son nom à la grande église blanche qu'on prend pour une cathédrale) et Sigurður Nordal (grand philologue islandais) ?
Pour ses paysages, le barrage construit au Nord du Vatnajökull en a détruit l'un des plus beaux, endettant le pays pour 50 ans - c'était 6 ans avant l'effondrement bancaire. Les banquiers coupables de la ruine du pays sont en fuite et les responsables politiques (à part Geir Haarde, ancien premier ministre, mais pas le plus coupable) à l'abri des poursuites.
Le portrait que vous brossez de l'Islande est celui d'une République des Philippines du grand Nord ! Virgil... Il n'y manque pas même les volcans !
Utilisateur anonyme
19 avril 2012, 20:59   Re : De la culture générale.
Ce que Francis Marche propose d'appliquer à la littérature n'existe-t-il pas déjà, notamment au cinématographe ? Je pense en particulier au film d'Alejandro González Iñárritu, Babel (avec Brad Pitt et Cate Blanchett entre autres).
C'est pourtant un portrait très véridique. Je ne connais pas les Philippines. Je ne saurai donc dire si les deux îles se ressemblent. Les volcans interviennent assez peu dans la vie de l'Islande urbaine, sauf lors des nuages - une fois toutes les trente ans, environ.
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