"Michel Foucault/Pierre Boulez. La musique contemporaine et le public", C.N.A.C. Magazine, n° 15, mai-juin 1983, pp. 10-12, - extrait :
- Michel Foucault : "Il faut tenir compte du fait que, pendant très longtemps, la musique a été liée à des rites sociaux et unifiée par eux : musique religieuse, musique de chambre ; au XIXe siècle, le lien entre la musique et la représentation théatrale dans l'opéra (sans même parler des significations politiques ou culturelles que celui-ci a pu avoir en Allemagne ou en Italie) a été aussi un facteur d'intégration.
Non seulement la musique rock (beaucoup plus encore qu'autrefois le jazz) fait partie intégrante de la vie de beaucoup de gens, mais elle est inductrice de culture : aimer le rock, aimer tel type de musique plutôt que tel autre, c'est aussi une manière de vivre, une façon de réagir ; c'est tout un ensemble de goûts et d'attitudes.
Le rock offre la possibilité d'un rapport intense, fort, vivant, "dramatique" (en ce sens qu'il se donne lui-même en spectacle, que l'audition constitue un évènement et qu'elle se met en scène), avec une musique qui en elle-même est pauvre, mais à travers laquelle l'auditeur s'affirme ; et, par ailleurs, on a un rapport frêle, frileux, lointain, problématique avec une musique savante dont le public cultivé se sent exclu.
On ne peut parler d'un rapport de la culture contemporaine à la musique, mais d'une tolérance, plus ou moins bienveillante, à l'égard d'une pluralité de musiques. A chacune elle donne sont "droit" à l'existence ; et ce droit est perçu comme une égalité de valeur. Chacune vaut autant que le groupe qui la pratique ou la reconnaît."