Comment le café du commerce a rapporté l'événement :
"... alors le "mec" a tiré dans le tas. Encore un malade. Si ça continue, on pourra plus écouter les infos le matin sans risquer la déprime.
A la kalachnikov ! Le vrai problème, c'est le trafic de kalachnikovs. Bravo la Russie ! Et Poutine qui laisse faire..."
Le vrai problème, les kalachnikovs
Après Vladimir, la kalachnikov... Insurpassables médias ! Avec Le Pen comme repoussoir national et la Russie de Poutine comme repoussoir international, les médias neutralisent "radio Londres". L'opinion sent que le Mal trouve sa source ailleurs. Mais, le surmoi Le Pen empêche de nommer le coupable ("un mec") et, par là même, d'identifier l'ailleurs. C'est alors qu'intervient Poutine qui, par un incroyable glissement, donne à la menace étrangère le visage qui fait défaut. Situer ailleurs le Mal est un leurre se rassure l'Autruche d'Occident soulagée de découvrir que le monstre est en elle, qu'il s'agit toujours, avec la Russie de Poutine, de l'odieux mâle blanc, que l'Autre conserve intacte son innocence principielle.
Un mec
Si c'est par égard pour l'ami arabe (fût-il, le plus souvent, seulement fictif, potentiel), les gens ont raison de dire "un mec" pour ne pas dire un Arabe. Mais ces gens-là célèbrent la démocratie et doivent aussi en assumer les conséquences : citoyens, ils doivent adopter la raison politique qui demande de reconnaître que, neuf fois sur dix, "le mec" est arabe et musulman et que, par suite, s'il est un devoir moral dans le domaine privé de condamner les salauds en général, sans réduire personne aux travers de sa communauté, il est un devoir moral tout aussi impérieux dans le domaine politique d'identifier le danger que constitue la population arabo-musulmane pour les sociétés qu'elles colonisent.
L'incapacité à distinguer entre les sphères politique et privée condamne l'Europe à la tyrannie de la moraline. Ses citoyens ne savent plus adopter le point de vue politique.
Un malade ou "l'anthropologie de la lassitude"
La réincorporation archaïque du Mal dans le monde, qui rive le mâle blanc à sa faute collective et le promet aux pogroms, boucle et redouble l'évolution qui conduisit du Mal dans le monde (vallée de larmes) au Mal dans le sujet (le libre refus de Dieu) pour aboutir au tout socio-pathologique : une société démocratique de "malades" et de victimes sociales, une société archaïque soudée contre l'irréductible hydre brune (les Le Pen, Poutine, Vladimir et leurs kalachnikovs), mais nul coupable dans cette société. La disparition des coupables n'est pas un angélisme. Le temps où "tout le monde il était gentil" est passé. "J'aime pas les gens" est le dernier slogan en vogue. Le cynisme est généralisé ; on ne croit pas plus à la bonté qu'à la méchanceté et, pour fuir la médiocrité suspecte des hommes, la politique et l'économie sont de plus en plus impersonnelles, ce que doivent être les présidences "normales" succédant aux présidences pathologiques. Les moi-moi sont soit exubérants, soit, dans leur grande majorité fantomatiques. Ils ne veulent plus s'engager. Ils veulent naître sans bruit et mourir pareillement, s'eclipser discrètement comme ils ont vécu. Ils ne saluent plus à la cantonnade en entrant au café. Les associations peinent à recruter car moi-moi réclame l'effacement comptable des dettes, entend fermement préserver sa personne des engagements sociaux, préfère aux remerciements (aux liens personnels), s'il donne un coup de main, aucune contrepartie, l'oubli, ou, mieux, de l'argent. Le Bien a déserté le monde.
On peut, pour résumer, évoquer l'évolution qui conduit de la distinction de la politique et de la religion au laïcisme (la politique sans bien commun) et se poursuit dans l'effacement de la distinction de la politique et de la société civile à l'heure de l'économisme (la société civile sans intérêt général).