Le site du parti de l'In-nocence

Après Kant, quid des "preuves" de l'existence de Dieu ?

Envoyé par Loïk Anton 
La plupart des universitaires français (et continentaux ?) semblent penser que Kant a définitivement invalidé toutes les "preuves" de l'existence de Dieu ; voire, toute démarche rationnelle visant l'existence de Dieu.

Pourtant : Vatican I a continué à affirmer que l'existence de Dieu peut être approchée par la raison ; Schopenhauer a "achevé" le système de Kant en atteignant la chose en soi, identifiée à la Volonté, et aboutissant à une métaphysique hindouisante ; Hegel a continué à réfléchir aux preuves de l'existence de Dieu ; Alquié, dans "La critique kantienne de la métaphysique" (PUF), montre que la critique de Kant n'a pas combattu les preuves des scolastiques telles qu'elles étaient, mais a combattu sa propre version des preuves (...).

En gros, ne serait-ce pas un argument d'autorité d'affirmer que Kant a invalidé les preuves de l'existence de Dieu ? N'est-ce pas une dispense que se donnent nombre d'intellectuels, pour éviter de se confronter aujourd'hui à cette question ? D'ailleurs il semble qu'en philosophie analytique, la discussion sur le sujet reprenne...

Ne faudrait-il pas revoir à nouveaux frais ces preuves de l'existence de Dieu (ainsi que les démarches plus récentes, comme celles autour du Principe anthropique fort, qui donnent lieu à des controverses) ?
Utilisateur anonyme
31 juillet 2012, 14:04   Re : Après Kant, quid des "preuves" de l'existence de Dieu ?
Kant n'a certainement pas invalidé "toute démarche rationnelle visant l'existence de Dieu".
Heidegger a repris ce qui lui semblait avoir manqué dans toute la philosophie "contemporaine" (donc Kant inclus) c'est à dire l'étude de l'être. Et il s'est arrêté aux portes du "Dieu encore à venir".

Quant à approcher l'existence de Dieu par la raison, Vatican I mais aussi Vatican II l'ont affirmé être non seulement possible mais souhaitable, par l'encyclique de 1998 "Fides et Ratio". C'est donc très récent.

Quant à des démarches actuelles se ramenant à "l'existence de Dieu", nul besoin de chercher dans la philosophie analytique. Maxence Caron, auteur d'un système philosophique entier et vivant, estime que la philosophie est indissociable de la parole révélée et que la seule critique possible et rationnelle de la post-modernité (qu'il juge être maintenant dépassée par l'outre-modernité) ne peut plus se faire par une sorte d'athéisme "relativement relativiste" mais par un retour au Principe.
Cher Albert,
Avez-vous lu la somme de Maxence Caron ? Je ne connais personne qui soit parvenu à aller assez loin dedans pour s'en faire une véritable idée. Son ambition est réelle : je crains que la réalisation soit très en deçà de l'ambition.
Utilisateur anonyme
31 juillet 2012, 15:39   Re : Après Kant, quid des "preuves" de l'existence de Dieu ?
Non, je n'ai pas lu son ouvrage principal, et comme vous je ne connais personne qui l'ai fait, du moins en entier. Sa lecture présuppose des connaissances et un maniement des idées philosophiques que je n'ai pas.
En revanche, de nombreuses personnes ont salué ce travail, et y ont reconnu un chemin nouveau dans la boue du paysage philosophique actuel.
J'ai énormément apprécié son livre "d'articles" consacrés à plusieurs oeuvres d'art, musicales, littéraires, dans lequel il se livre à une entreprise quasi nietzschéenne de destruction d'idoles, les replongeant dans leur vérité souveraine (pour lui): la quête du Sens, la tension vers Dieu. Cela me suffit sinon à me convaincre, du moins à le considérer comme un grand penseur contemporain. Son approche originale (parce qu'elle est la seule) consistant à mêler Foi et Raison me semble pertinente et même tout à fait logique.
Son ambition est en effet bien réelle ; pour ce qui est de sa "réalisation", je ne saurai vraiment dire. Mais je citais Caron pour répondre à Loïk: il y a bel et bien des philosophes qui non seulement s'intéressent à Dieu mais le placent au centre de leur pensée.
« ...comme celles autour du Principe anthropique...»

C’est de la pure hérésie marchienne ou je ne m’y connais pas...
Les cinq voies d'accès qui "prouvent" l'existence de Dieu :

[www.philo5.com]


"En gros, ne serait-ce pas un argument d'autorité d'affirmer que Kant a invalidé les preuves de l'existence de Dieu ?"

Oui, je le crois. Personne n'examine plus ces preuves de l'existence de Dieu, dont certaines remontent à Platon et à Aristote, et on se contente de dire que Kant les a définitivement invalidées, sans examiner le problème à fond. Je serais de l'avis de Ferdinand Alquié. La modernité se gargarise d'avoir remisé Dieu au placard.

Du reste, dans la Critique de la raison pure, Kant refute trois preuves de l'existence de Dieu (la preuve ontologique, la preuve cosmologique et la preuve physico-théologique), comme on peut le voir ici. Or, il y en a plus de trois. Et elles ne se réduisent pas à une seule, comme le fait Kant.

Cela dit, il vaut mieux parler de "voies" d'accès à Dieu plutôt que de preuves, c'est moins prétentieux.
Il n'empêche que Kant a repris avec force ce qui a déjà été pensé avant lui, en imposant la distinction entre jugements rationnels, vérités apodictiques, et jugements de faits, vérités factuelles, et de ce fait a miné sérieusement toute valeur de "preuve rationnelle" dans la délibération des questions d'existence : la seule possibilité logique, le caractère non-contradictoire d'un concept, ne garantit en rien son objectivité comme étant.
Ce qui veut dire à peu près que toute preuve de l'existence de Dieu, dévaluée en l'assez piètre espèce d'une simple Idée nécessaire de la raison humaine, n'en pourra jamais constituer réellement une ; dirimant, en un sens.
Kant a « miné sérieusement » pour les gens qui sont kantiens. Moi je suis pragmatiste version William James et je n’ai que faire de Kant. Pour reprendre une image de Kant, justement, quant à moi, cent thalers réels contiennent beaucoup plus que cent thalers possibles.
La question ne me semble pas être de savoir si Kant a réellement - ou non - invalidé les voies rationnelles d'accès à l'existence de Dieu ; il semble que le débat, justement, n'a pas été tranché. Rien de "dirimant" dans La Critique de la raison pure sur ces "preuves" ou du moins c'est bien ce qu'il faudrait démontrer.
(Kant rabat toutes les preuves sur la plus faible, et la moins admise, la preuve ontologique. Il dit d'autre part que la preuve cosmologique - celle par la finalité et l'ordre - est la "plus digne", et qu'elle ne démontre pas le Dieu créateur mais seulement l'existence d'un Dieu ordonnateur - un démiurge. Je pourrais trouver le passage de Kant à ce sujet, il est étonnant comme aveu ! Ainsi Kant ne discute pas cette "preuve", mais la relègue sans plus l'examiner. Au moins Hume la discute-t-il, au travers des arguments de Fénelon, dans ses Dialogues sur la Religion naturelle.)
La question me semble donc être : pourquoi le débat a-t-il été considéré par la plupart des universitaires autorisés comme tranché ?

PS. Je remarque, cher Alain Eytan, que vous avez admis comme établies des distinctions reçues en philosophie dans la tradition de Kant et de Weber ; je m'étais amusé à vous donner des éléments mettant en cause la dichotomie faits/valeurs, notamment les dizaines de débats organisés sur ce sujet et l'essai d'Hilary Putnam. Je ne sais si vous avez investigué là-dessus.
Après Marcion, l'hérétique Marchion ?
Par ailleurs plusieurs auteurs ont pointé, ce me semble, la dépendance de la philosophie de Kant et de la vision des sciences de Galilée. Kant aurait transformé en "catégories" les fondamentaux de la physique galiléenne, à tel point qu'il pensait que les lois de la physique pourrait se déduire a priori... (Là encore, je vais retrouver les citations bien révélatrices à ce sujet, qui limitent la portée "indépassable" du Criticisme).
» Moi je suis pragmatiste version William James et je n’ai que faire de Kant

Décidément, cher Chatterton, d'abord Descartes, et voilà que vous congédiez à présent Kant, comme le dernier des rigolos ; on frémit d'avance en pensant au prochain qui va y passer...

Au fait, la Raison Pure, ce n'est pas tout Kant ; ce dernier était aussi bien pratique, et ne perdez pas de vue tout de même qu'il a trouvé un moyen d'échapper, stricto sensu, au système de la représentation afin d'accéder à une transcendance ; sinon par la pensée pure, en dernier recours, cela s’effectue par l'action.

Encore un mot à propos d'Anselme et de Descartes : ces grands esprits ont, quoi que vous en ayez, un indéniable air de famille : Anselme est déjà moderne, quand il se propose de déduire Dieu par la raison, c'est à dire par une faculté humaine. Le ver de la reconstruction du monde, et de son Créateur par-dessus le marché, par un sujet pensant est depuis bien longtemps dans le fruit.


» Je remarque, cher Alain Eytan, que vous avez admis comme établies des distinctions reçues en philosophie dans la tradition de Kant et de Weber ; je m'étais amusé à vous donner des éléments mettant en cause la dichotomie faits/valeurs, notamment les dizaines de débats organisés sur ce sujet et l'essai d'Hilary Putnam. Je ne sais si vous avez investigué là-dessus.

Juste en préambule, cher Loïk, en l'occurrence, il ne s'agit pas de cette dichotomie-là (faits/valeurs), mais d'une distinction entre jugement de fait, portant sur l'existence d'une chose, et jugement analytique, ne relevant que de la juste application des règles logiques dans un raisonnement. Une règle logique est-elle une valeur ?
Dans notre précédente discussion, si je me souviens bien, la "vérité logique" et la "vérité factuelle" étaient du même côté, parce qu’articulées ensemble pour produire le jugement de connaissance, "contre" le jugement de valeur ("Mode assertotique et descriptif de l'énoncé d'un fait, à la différence du mode prescriptif et normatif de l'énoncé d'un jugement de valeur, qui peut toujours pouvoir être porté s'il est démenti par le fait — en réalité, c'est ce hiatus même qui le motive ; on peut rendre compte de cette différence de multiples façons, mais la formulation de Hume me semble être la plus simple : ce qui est, que je le veuille ou non, en regard de ce qui doit être, selon ma volonté et contre ce qui est.
Mode nécessaire d'un énoncé de "vérité" analytique, à la différence de l'expression d'un choix axiologique, qui repose en dernière instance sur l'assise très labile du "sentiment moral" : si vous arrivez à me convaincre qu'il est aussi évident qu'il faille être bon, ne point violer, tuer ou faire du mal gratuitement à son congénère, qu'est évidente la conclusion d'un syllogisme, serait-ce l'affriolant Felapton, je vous écouterai avec attention.
Il ne suffit pas de dire que l'ancienne et pratique distinction générique entre le Vrai et le Bien s'effrite, encore faudrait-il montrer comment et dans quelles circonstances.")

Voilà, nous en étions restés au Felapton, et non, j'avoue bien paresseusement que je n'ai pas "investigué" la question, la lecture d'un tiers de livre de Putnam suffisant largement à une vie d'honnête homme.
Mais bien sûr, qu'à cela ne tienne, je suis toujours prêt à entendre des nouveautés sur la question...
Notons que saint Thomas d'Aquin réfute l'argument de saint Anselme dans sa Somme théologique (I, qu. 2, art. 1) :

"En sens contraire, personne ne peut penser l’opposé d’une vérité évidente, comme le prouve le Philosophe en ce qui concerne les premiers principes de la démonstration. Or, on peut penser le contraire de cette proposition : Dieu existe, puisque, d’après le psaume (53, 1), “L’insensé a dit dans son cœur: il n’y a pas de Dieu.” Donc l’existence de Dieu n’est pas évidente par elle-même."

"Il n’est pas sûr que tout homme qui entend prononcer ce mot : Dieu, l’entende d’un être tel qu’on ne puisse pas en concevoir de plus grand, puisque certains ont cru que Dieu est un corps. Mais admettons que tous donnent au mot Dieu la signification qu’on prétend, à savoir celle d’un être tel qu’on n’en puisse concevoir de plus grand : il s’ensuit que chacun pense nécessairement qu’un tel être est dans l’esprit comme appréhendé, mais nullement qu’il existe dans la réalité. Pour pouvoir tirer de là que l’être en question existe réellement, il faudrait supposer qu’il existe en réalité un être tel qu’on ne puisse pas en concevoir de plus grand, ce que refusent précisément ceux qui nient l’existence de Dieu."

[www.santorosario.net]

Kant n'a rien inventé.
Décidément, cher Chatterton, d'abord Descartes, et voilà que vous congédiez à présent Kant, comme le dernier des rigolos ; on frémit d'avance en pensant au prochain qui va y passer...

Vous savez, moi, je suis philosophe pour rire, quand j’écris que je les jette au panier, c’est uniquement sur la question qui nous intéresse aujourd'hui.

Mais sur le fond, Loïk vous a très bien répondu, je crois.
Citation
Chatterton

Vous savez, moi, je suis philosophe pour rire.


Assurément les meilleurs.
Vous savez, moi, je suis philosophe pour rire

Je m'aperçois que ma phrase était vraiment mal fichue, peut-être est-ce aussi une question de mauvais placement de la virgule : vous le congédiez donc, voulais-je dire, comme si lui, Kant, était le dernier des rigolos...)
Non, non, Alain, j’avais très bien compris votre phrase, je suis vraiment un philosophe des dimanches. N’empêche qu’on n’en a pas fini avec l’argument ontologique de Saint Anselme.
Utilisateur anonyme
02 août 2012, 08:27   Re : Après Kant, quid des "preuves" de l'existence de Dieu ?
Qu'il n'y ait guère de preuves de l'existence de Dieu, au point de vue scientifique ou philosophique, je ne suis pas armé pour en juger ; mais qu'en est-il des preuves éventuelles de son inexistence ? Dieu est-il seulement une licorne dont l'inexistence n'est avérée que parce qu'on n'en a jamais rencontrée aucune, ou faut-il suspendre son jugement en attendant d'en trouver un jour, vivante ou fossile ? L'absence de certitude scientifique dans un sens ou dans l'autre n'est-elle pas l'unique certitude scentifique que nous ayons pour l'instant, et sommes-nous réduits à des opinions sur cette question, suivant que nous activons ou non en nous la fonction "Dieu"?
L'approche "scientifique nue" est intéressante, ne serait-ce que parce qu'elle est amusante comme un jeu: il est des corps célestes, des phénomènes cosmiques dont on peut supputer l'existence non parce qu'on les voit, les constate, non parce que leur existence serait logique, et surtout pas non plus parce qu'elle serait une pièce dans un puzzle rationnel, mais parce que ce qui existe autour d'eux, avant et après eux plaide avec acharnement pour cette existence. Il n'est rien de transcendant là-dedans. Le voisinage du ne-pas-pouvoir-ne-pas-être, ce lieu à statut d'hypothèse forte n'est pas à négliger, il est singulier et possède sa substance. Il est aménagé par la connaissance que développent les hommes de la nature et se comporte comme le champ magnétique de la vérité scientifique, autrement dit comme un de ses moteurs. Tout le brave boulot philosophique, scientifique et empirique s'attachera ensuite, avec toute la rigueur des procédures établies, à dégager la bête induite et supputée (exemple: "le fond radiatif du big bang", mis en lumière, au sens strict par l'expédition Cobe dans les années 90; l'existence du Grand attracteur, etc.).

Sur le Grand attracteur : [fr.wikipedia.org]


Le Courant noir :

[fr.wikipedia.org]

Conclusion légère: le rationnel, la preuve ontologique et autres jeux d'esprit ne sont pas le contraire de l'irrationnel mais son chemin inverse, son voyage retour. D'abord les hommes pensent l'aberration, osent cette pensée (le Big bang, l'anomalie suprême, le Grand attracteur, le Courant noir, le Démiurge absolu, le Grand mécanicien, etc.) puis ils s'efforcent d'accomplir le chemin du retour par les épines de la rationalité (les lecteurs de Popper ici présents ne devraient pas beaucoup contredire cela). Le problème de l'existence de Dieu pourrait peut-être s'envisager sous l'angle de ce voyage aller-retour par des voies et des moyens de locomotion dissymétriques, disparates entre l'aller et le retour. Sa particularité serait que l'humanité, la pensée scientifique, auraient tout leur temps pour refaire par les voies de la rationalité le chemin qui a porté l'humanité à la "folie Dieu", à la foi, au déisme ou à la pensée du divin; à vrai dire "tout leur temps" est une expression insatisfaisante: elle disposerait, pour refaire ce chemin, de l'éternité même, seule échelle chronologique reconnue de Dieu !
Une sorte de bathmologie transcendantale, en somme.
Chère Cassandre,

L'hypothèse que la science parvienne à démontrer l'existence de Dieu ne peut être exclue à priori. Mais cela prendra du temps. Peut-être le temps nécessaire et suffisant à la parousie, l'apparition dans le visible, si l'on veut, de l'objet de la recherche. Comme dans ces jeux de cache-cache où celui qui se sait sur le point d'être découvert, fait irruption au grand jour en faisant une peur bleue aux enfants qui le cherchent...

Il a fallu pas moins de trois cent cinquante ans à la science pour apporter la démonstration du "dernier théorème de Fermat" par Andrew Wiles.
[fr.wikipedia.org]

S'il faut encore seize siècles de découvertes et de démonstrations pour que l'hypothèse du "théorème de Dieu" soit enfin corroborée par la science, qu'y aurait-il là de si étonnant ?

Seize siècles, à peine un peu plus que le temps qu'il fallut aux Occidentaux pour découvrir l'Amérique après la Crucifixion...
La difficulté du Principe anthropique réside, me semble-t-il, dans la théorie sous-jacente sur le sens des mathématiques. Car si la probabilité que les constantes physiques soient réglées pour qu'apparaisse la vie et la conscience est infiniment faible, cette probabilité n'a de sens que si on accorde que les nombres existent, d'une certaine façon, dans le réel lui-même.
Si les nombres (les constantes de la physique par ex.) ne sont que des constructions humaines, reflétant les structures du cerveau humain, que ces nombres produisent des coïncidences particulières ne prouve absolument rien concernant l'univers-en-soi.
Ma compréhension du principe anthropique dit "fort", et je vous prie de me corriger si je m'égare trop (et je n'ignore pas que je m'égare un peu), est que le cerveau humain et les représentations qu'il produit du réel grâce aux objets mathématiques, notamment, sont tels que leur adhésion à ce réel vaut preuve que celui-ci n'existe que pour être ainsi épousé ou interprété par l'homme, ergo que l'homme possède une destinée particulière au sein de l'univers qui inclut et que révèle son goût de le représenter et de l'interpréter (comme au théâtre où les acteurs représentent et interprètent un auteur dans un même acte), d'y agir, de l'humaniser, etc. et cette relation très particulière entre l'homme et l'univers s'accorde plutôt bien avec l'hypothèse d'un Créateur, l'hypothèse du divin. L'univers, en se révélant à l'homme, révèle du même coup qu'il a été créé pour lui. Il n'y aurait, sinon, qu'opacité et indifférence entre les deux. Il n'y aurait sans cette relation particulière ni sens à leur existence ni dessein concevable pour l'homme. Dans cette conjonction (et conjecture), l'interprétabilité du réel, et de l'univers, est prise elle-même comme message du divin.

Les constantes physiques (de Planck, etc.) sont franches de l'homme. Sans l'homme, elles existeraient dans "l'univers-en-soi"; le langage (mathématique, culturel, conventionnel) dans lequel les hommes les ont instituées et les manipulent ne sont la transcription directe, le reflet immédiat, d'aucun état physique constant ou arrêté (pour le cerveau humain comme pour le monde physique, aussi plastiques l'un que l'autre). Il s'agit d'outils relativement autonomes des hommes, conçus et définis par eux pour mener à bien, ou du mieux possible, le travail d'adhésion des hommes à l'univers. Plus intéressante est l'ardeur des hommes à réaliser cette adhésion.

Les nombres sont des unités de classement mêmement instituées par l'homme pour les besoins de son interprétation de l'univers quand celui-ci se prête docilement à l'interprétation. Ils étaient nécessaires à la bonne tenue civilisationnelle des hommes dans le corps de l'univers. Sans les hommes, l'univers (ou le Créateur) ne les remballerait pas dans sa musette (il ne donnerait pas aux fourmis ou aux guêpes des nombres de pattes anarchiques si l'humanité venait à disparaître, à moins qu'il ne le fît après que cette disparition fût due à quelque cataclysme nucléaire et ionisant des êtres vivants !) ce qui est une première injure au principe anthropique fort, bien sûr, mais celui-ci a la peau dure...
Certes, mais les nombres qui mesurent les constantes sont-ils de même nature que les nombres des pattes des fourmis ? Toute la question se noue là.
Si les nombres de pattes ne sont pas des reflets de l'esprit humain, les nombres fondamentaux de la Physique, laborieusement déduits à partir d'un vaste ensemble de grilles successives, ne sont nullement donnés mais construits...
Ils sont comme les ailes des papillons qui permettent aux hommes de les saisir entre le pouce et l'index, de les connaître, de compter leurs pattes, d'admirer leur envol, de s'en inspirer, etc.
Mais finalement, Dieu existe, ou non ?
Utilisateur anonyme
02 août 2012, 21:54   Jean Yanne.
Dieu soit loué, meublé ou non.
02 août 2012, 22:32   Re : Jean Yanne.
» sont tels que leur adhésion à ce réel vaut preuve que celui-ci n'existe que pour être ainsi épousé ou interprété par l'homme

Que vous dites, Francis ! Non, cela ne vaut pas preuve ; cela constitue peut-être un indice pour vous, si vous êtes enclin à interpréter ce genre de choses dans ce sens, et effectuer le "saut dans le vide" dont parlait Chatterton. Car il y a bien vide, et non preuve, sans quoi les mots perdent de leur sens, et il n'y aurait point besoin d'effectuer quelque saut que ce soit, ou de parier, etc.
Un saut peut être plus ou moins raisonnable.
02 août 2012, 23:39   Re : Jean Yanne.
Le principe anthropique n'est le lieu d'aucune preuve, bien entendu. Pourtant, ce lieu attend d'être meublé par une démonstration. Le dernier théorème de Fermat lui ressemble un peu: vide de preuve, il a attendu 350 ans que les hommes se donnent la peine de le meubler, de l'humaniser.
03 août 2012, 03:38   Re : Jean Yanne.
» L'univers, en se révélant à l'homme, révèle du même coup qu'il a été créé pour lui. Il n'y aurait, sinon, qu'opacité et indifférence entre les deux

Il y a opacité et indifférence entre eux, selon d'excellents auteurs ; quant à Fermat, très chic, mais il m'est avis qu’on attendra longtemps un connecteur de sens.
Utilisateur anonyme
03 août 2012, 08:05   Re : Jean Yanne.
(Message supprimé à la demande de son auteur)
Il y a quelque temps, Jean-Luc Marion agacé d'être questionné sur l'existence de Dieu par un animateur insistant de France Culture répondit que la dame assise à leur côté existait comme la chaise sur laquelle elle était assise mais que de savoir cela ne leur apprenait pas l'essentiel au sujet de cette dame.

"Nous verrons comment les grands conciles de l'Eglise aussi bien que ses penseurs les plus remarquables (avant l'invasion aristotélicienne du XIIIè siècle) abandonnent subrepticement toute forme d'ontologie – et notamment celle qui avait trouvé en Grèce son épanouissement théorique le plus remarquable – pour n'en garder que le langage. C'était le prix à payer, ou le progrès décisif à faire, pour sauvegarder l'intuition fondamentale de l'Incarnation. [Incarnation une philosophie de la chair, Michel Henry]"
Je rejoins Jean-Luc Marion sur ce point. La question de l'existence de Dieu est sans intérêt, je cherche d'abord à être attentif à ce qu'Il veut me faire savoir.
03 août 2012, 12:56   Re : Jean Yanne.
Cher Alain, il y a eu confusion sur l'instance narrative du propos: ce n'est pas moi qui parle mais les tenants du "principe anthropique fort". Ces messages miens ne véhiculaient aucune opinion de ma part, aucun parti pris pour ou contre ce principe. Je rejoins quant au fond l'opinion de Marc et de Pierre Henri: la question de l'existence de Dieu est peut-être secondaire, au point que la science, tôt ou tard, devrait pouvoir la résoudre. Du reste remarquez qu'il en est de même du dernier théorème de Fermat dont la démonstration, à proprement parler, ne sert à rien, à rien d'autre qu'à muscler la science.
Utilisateur anonyme
03 août 2012, 15:13   Re : Jean Yanne.
(Message supprimé à la demande de son auteur)
« À ce stade, je préconise une bonne cure de retour à la chose même.
Le cas échéant : ne pas hésiter à se cogner.
« Il convient plutôt de s’attacher à ce que signifie : être un homme ». (S. Kierkegaard)
Ou bien : être en vie.» Didier Bourjon

L'opposition grecque du sensible et de l'intelligible "ouvrait devant l'homme la voie royale d'un salut possible, pour ne pas dire vraisemblable. Animal voué à la mort mais "pourvu du Logos et ainsi de la capacité de contempler les archétypes intelligibles des choses et, à travers ceux-ci, la lumière de l'Absolu qui les éclaire, [l'homme] a aussi une âme, ou plutôt "il n'est rien en dehors de son âme" (Alcibiade, 38c)

Le Prologue de Jean énonce "une définition de l'homme entièrement nouvelle, aussi inconnue de la Grèce que de la modernité : la définition d'un homme invisible [...] en tant que charnel." L'existence du Christ (comme du thaler) ne résultera jamais d'un acte de la pensée. L'Incarnation est sa révélation.

Contre le présupposé grec de la phénoménologie contemporaine, exception faite de ses développements récents, dans la problématique d'Emmanuel Levinas notamment, Michel Henry entend substituer à une phénoménologie du monde ou de l'Être une phénoménologie de la Vie.

Arrêtons-là citations et paraphrases. Je vous en prie, chers amis, lisez le grand philosophe.
Utilisateur anonyme
03 août 2012, 18:33   Re : Après Kant, quid des "preuves" de l'existence de Dieu ?
(Message supprimé à la demande de son auteur)
Sept raisons de croire en Dieu :

[www.lexpress.fr]

Ce forum est lu par les journalistes, semble-t-il.
Utilisateur anonyme
05 août 2012, 08:53   Re : Après Kant, quid des "preuves" de l'existence de Dieu ?
(Message supprimé à la demande de son auteur)
Seuls les utilisateurs enregistrés peuvent poster des messages dans ce forum.

Cliquer ici pour vous connecter