Le site du parti de l'In-nocence

Sauvages

Envoyé par Utilisateur anonyme 
Utilisateur anonyme
14 août 2012, 13:16   Sauvages
(Message supprimé à la demande de son auteur)
14 août 2012, 13:21   Re : Sauvages
Je partage (vos impressions, of course).
14 août 2012, 13:24   Re : Sauvages
Je suis totalement d'accord avec vous, de nombreux contacts me donnent aussi cette impression.

Les premières victimes sont les jeunes, de mon point de vue. L'exploitation des stagiaires est un scandale.
Utilisateur anonyme
14 août 2012, 13:25   Re : Sauvages
Cependant que cet ensauvagement, dicté et justifié par les impératifs du veau-d'or économique et de la sacro-sainte croissance, plonge précisément les entreprises, le régime des échanges en général, dans le marasme.
14 août 2012, 13:25   Re : Sauvages
» Les premières victimes sont les jeunes [travailleurs]...

... quand ils n'en sont pas les premiers co-responsables.
14 août 2012, 13:31   Re : Sauvages
J'avoue n'avoir personnellement jamais expérimenté, dans le monde du travail, ce dont vous parlez (mais j'ai fort peu d'expérience, et ne perds sans doute rien pour attendre...).
Utilisateur anonyme
14 août 2012, 13:32   Re : Sauvages
(Message supprimé à la demande de son auteur)
14 août 2012, 13:56   Re : Sauvages
Voyez-vous, Cher Didier, je connais fort peu de choses et pourtant mon errance personnelle m'a permis de fréquenter le monde du travail à bien des postes, dans des registres bien différents et à bien des étages mais s'il est un domaine que je crois bien connaitre c'est celui de la pratique du tennis aussi bien au niveau du club local que celui des compétions nationales voire internationales. Voila un terrain d'observation sur lequel j'ai mes marques. L'évolution est absolument accablante, totalement négative et parfaitement indexée sur l'évolution sociale telle que vous la dite.
14 août 2012, 14:02   Re : Sauvages
Oui, et c'est dommage, car j'apprécie moi aussi beaucoup ce sport (m'intéresse parfois le moindre Masters 250...), et force est de constater que les joueurs, même très bons, ont moins d'allure qu'ils n'avaient (gestes, "bras d'honneurs", extases crispées de la victoire, etc.).
14 août 2012, 14:03   Dingos
Cet "ensauvagement" du monde du travail répond encore à une certaine logique : celle de la compétition effrénée. Mais il y a mieux, si j'ose dire, c'est la progression du pur et simple déséquilibre mental. Quiconque a eu l'occasion d'animer un centre aéré, en rapporte des récits qui laissent pantois quant à l'état mental des enfants de cinq ans.
14 août 2012, 14:07   Re : Dingos
Ça promet.

Est-ce une fausse impression ou bien est-on réellement en train de disjoncter ferme chez les sensibles ?
14 août 2012, 14:13   Re : Sauvages
Oui, il faudrait écrire un Le Réensauvagement du monde.

En attendant l’In-nocence peut inscrire cette expression dans son arsenal langagier.
14 août 2012, 14:17   Re : Sauvages
En ce qui concerne les jeunes, c'est fort simple : on leur passe tout quand ils font leurs "études", puis on les traite comme des moins que rien, les sous-payant et exigeant d'eux un rendement maximum.

Il y a là, au moins, une étrangeté.
14 août 2012, 14:28   Re : Dingos
"Est-ce une fausse impression ou bien est-on réellement en train de disjoncter ferme chez les sensibles ?"

Non, ce n'est pas une fausse impression mais cela ne concerne pas seulement ceux que vous nommez les "sensibles", que je nommerais plutôt les "réceptifs", tant ils le sont à la perte d'un minimum de bon sens. Ils sont l'avant-garde des enfants du siècle et les autres leur emboîtent le pas. Il serait en grande partie faux de croire que les parents de ces enfants sont tous bien aise des débordements de leur progéniture (je parle des enfants de cinq ou six ans) car certains comportements ne répondent même plus à une hypothétique pression contre-colonisatrice.
14 août 2012, 14:31   Re : Sauvages
En ce qui concerne les jeunes, c'est fort simple : on leur passe tout quand ils font leurs "études", puis on les traite comme des moins que rien, les sous-payant et exigeant d'eux un rendement maximum.

Je crois que cela s’explique très bien par les attitudes sous-jacentes. On sait très bien que cette jeunesse est très médiocre (en dehors des 10% de « doués »). On ne peut pas le dire, puisque le droit de chacun à voir son amour-propre flatté à chaque instant est devenu le premier des droits de l’homme. Pas plus qu'on ne peut orienter cette jeunesse vers des métiers qui seraient de sa compétence, puisque ce serait « discriminatoire ». Donc on lui fait faire de pseudo-études, on l’occupe, on l’amuse, on lui « passe tout », comme vous dites, Jean-Marc. Après, ce n’est plus la même chose, il faut bien se heurter au réel à un moment. Ces parangons ne sont pas employables, ou alors comme main d’œuvre non qualifiée, avec un encadrement de « petit chef » (puisque si on ne les surveille pas, ils ne travaillent pas).

Kevin et Mohamed ont le droit de l'avoir un peu mauvaise, parce qu’on leur a fait croire pendant douze ans qu’ils étaient des petits génies, et qu’en bout de course on les traite en effet comme des « moins que rien ». Somme toute, c’est assez vache, sous des dehors « gentils ». L’essentiel, c’est de donner l’impression qu’on aide les gens. L’hypocrisie doucereuse, la cafarderie ont de beaux jours devant elles.

[Ajout.] Ceci dit, Kevin et Mohamed (qui ne sont pas complètement idiots) y voient somme toute assez clair. Ils ont souvent vis-à-vis de leurs professeurs (ceux qui mettent un point d’honneur à les considérer comme s’ils étaient de petits génies) une attitude de commisération, comme devant des gens bien aimables, mais qui « planent » un peu, qui sont coupés des réalités.
Utilisateur anonyme
14 août 2012, 14:33   Re : Dingos
Citation

...que je nommerais plutôt les "réceptifs"...

Les résonnants alors...
14 août 2012, 14:34   Re : Sauvages
Oui, c'est assez largement cela.

Un bémol : le cas des "thésards et autres post-doc", qui est, de mon point de vue, tragique, car ils ont travaillé.
14 août 2012, 14:38   Re : Sauvages
Un bémol : le cas des "thésards et autres post-doc", qui est, de mon point de vue, tragique, car ils ont travaillé.

Il n’y a pas qu’eux. J’ai le souvenir d’une demoiselle qui tenait une boutique de photocopies, et qui avait pour cela obtenu un master. Le mal de vivre de cette petite se lisait sur sa figure, parce qu’elle avait fait ce qui était, au moins de son point de vue, de longues études, pour se retrouver dans une position qui était, toujours de son point de vue, celui d’une petite vendeuse.
14 août 2012, 14:54   Re : Sauvages
A sa place, celle de la petite vendeuse à master, je considérerais que tout vaudrait mieux que cette existence et partirais faire n'importe quoi de présentable, de dicible, vers quelque destination que je ne connaîtrais pas entre la Terre de Feu et l'archipel des Kouriles: de l'humanitaire, de la danse du ventre, de l'insémination de bénitier (c'est une coque marine) dans un parc naturel de l'île de Palau, du commerce d'orchidées, même en plastique, à Hong-Kong, etc. L'air du large, rien de tel pour vous requinquer du spleen du surdiplômé. Cela dit sans la moindre ironie.
14 août 2012, 15:23   Re : Sauvages
L'air du large, rien de tel pour vous requinquer du spleen du surdiplômé. Cela dit sans la moindre ironie.

Oui, peut-être. Je ne sais pas. Elle avait fait de la sémiologie, la demoiselle, c’est d’ailleurs à cause de cela que nous avions un peu causé. On se demande bien à quoi ça lui servait, pour faire des photocopies à des dames âgées.
14 août 2012, 15:26   Re : Sauvages
L'air du large, tu parles, Charles (toute révérence gardée)... L'obligation de voyager, de quitter son pays, est ce qui peut arriver de pire à un homme, à mon avis.
14 août 2012, 15:36   Re : Sauvages
L'obligation de voyager, de quitter son pays, est ce qui peut arriver de pire à un homme, à mon avis.

Non. Ce qui peut arriver de pire à une homme ou une femme est de faire des photocopies toute la journée dans un magasin de faubourg après avoir étudié Barthes et Benveniste pendant cinq ans. Rien de pire que la mort à crédit. Et puis certaines obligations peuvent être habillées ou travesties en choix, cela relève d'un certain art de vivre et constitue l'un des accommodements fondamentaux que chacun doit à l'existence même. Je ne sais pas si je me fais bien comprendre.
14 août 2012, 15:39   Re : Sauvages
Si, si. Excusez cette réaction un peu instinctive.
Suicides en série sur le lieu de travail, « épidémie » de troubles musculo-squelettiques, explosion des pathologies professionnelles... Les travailleurs sont aussi les victimes d’un système. Je travaille dans ce qu’il est convenu d’appeler un grand groupe où les mœurs sont si typiques du climat général, qu’elles en deviennent caricaturales. Beaucoup peinent à mener efficacement et dans les délais les missions qui leur sont confiées. Eviter la « sur-qualité » est un reproche en vogue actuellement. Il me parait d’une rare violence. D’abord parce que nous avons été formé, en France en tout cas, pour faire de la qualité. Nous aimons le bel ouvrage. Cependant, dans un management international et indifférencié les méthodes sont toutes autres. Le « va comme je te pousse » est devenu la règle. Et s’il n’y avait que ça… Ne soyez pas trop sévères. Aucune vocifération, les collaborateurs souffrent en silence. Les systèmes de veille et autres psychologues d’entreprise finissent le travail de sape, car que peuvent -il nous apprendre ? Leurs conclusions seront toujours les mêmes : « Vous êtes le maillon faible. »
Utilisateur anonyme
14 août 2012, 15:47   Re : Sauvages
Quand il y a eu une "vague de suicides" parmi les employés de France Télécom, je ne pouvais pas comprendre qu'on mette fin à ses jours parce qu'un chef de bureau tâtillon vous maltraite. Il me semblait qu'avant de me supprimer, j'aurais, moi, démissionné, et tenté ma chance ailleurs : après tout, la téléphonie a de nombreux employeurs On m'a expliqué que lesdits salariés n'avaient pas le choix de partir ou de rester, qu'ils étaient enchaînés à leur emploi comme des forçats à leur ban, parce qu'ils avaient à honorer des kyrielles de crédits, mais je pense qu'ils étaient eux-mêmes peu convaincus de leur employabilité et qu'ils ne retrouveraient nulle part ailleurs une rémunération aussi avantageuse au regard de leurs compétences. Et puis, pas question de passer sous les îles pour un chef de famille endetté.
Utilisateur anonyme
14 août 2012, 17:01   Re : Sauvages
Citation
Francis Marche
Non. Ce qui peut arriver de pire à une homme ou une femme est de faire des photocopies toute la journée dans un magasin de faubourg après avoir étudié Barthes et Benveniste pendant cinq ans.

Variante : atterrir dans un cabinet d'audit financier à La Défense après avoir pleinement goûté à La Recherche et à la façon de percevoir l'existence qui lui est consubstantielle.

Cela dit, il faudrait nuancer encore et encore. La plupart des jeunes gens qui "étudient" Barthes ou Deleuze de nos jours donnent l'impression de faire du théâtre, d'utiliser ces auteurs comme de simples postures permettant de jouer au pseudo-intello, en casant des mots comme "palimpseste" aussi souvent que possible. Car s'ils les ont lus de près, cela ne les empêche pas d'être totalement ignorants de tout le reste. L'étudiante en sémiotique est l'un des types humains les plus exaspérants que je connaisse. Et une fois le capes ou l'agrégation en poche, elle se jette ordinairement dans le bras du pédagogisme, avant de nous donner, cinq ou dix ans plus tard, du « c'est vrai qu'moi, en tant que maman... »

Ce fil de discussion, c'est bien normal, continue de laisser penser qu'il pourrait y avoir une suite logique entre diplôme et emploi, et que les jeunes diplômés seraient victimes d'un monde de l'entreprise invivable. Il y a certes du vrai dans cette proposition, mais sa teneur en vérité paraît disparaître à vue d'oeil sous l'influence de phénomènes plus profonds, liés à la Grande Déculturation.

S'il y bien une chose que j'ai comprise ces dernières années, c'est qu'il ne faut plus accorder la moindre considération aux diplômes, thèses et autres agrégations. Tout cela est devenu matière à un gigantesque et pénible cinéma. Les individus cultivés ne sont pas où on le croit ; et il n'y a rien de plus à attendre de la pseudo-légitimité universitaire que des journalistes du Monde.
14 août 2012, 17:09   Re : Sauvages
Je n’ignore pas le caractère contagieux du suicide. Paul Ricoeur l’a démontré. Cependant je crois qu’il traine dans ces sociétés un fond de désespérance tout à fait propice et qu’il faudrait pouvoir analyser. Dans un contexte où les valeurs sont renversées, le souci de bien faire et la conscience professionnelle ne constituent plus une force, mais une faiblesse. Yves Clot parle de « qualité empêchée » (Le travail à cœur), et les exemples qu’il site sont édifiants. Surtout lorsqu’ils touchent à la morale. C’est le cas d’une formation de postiers à laquelle il a assisté et où l’agent se voyait reprocher par le formateur de ne pas proposer à la cliente un de ces colis pré-timbrés disponibles dans les bureaux de poste. L’agent répondit alors que le colis qu’il devait affranchir était tout à fait acceptable par les services postaux et par ailleurs moins cher, et en tant que service public…
Erreur fatale selon le formateur, l’agent étant au service de l’entreprise.
Alors certes tout cela n’est pas bien grave, mais c’est de la violence insidieuse, de la micro-violence.
Je me souviens d’un autre exemple tiré de son livre, où les salariés d’une usine de biscuits (Lu à Nantes je crois) se plaignaient de l’odeur. Détail tout à fait insignifiant s’il n’était pas le révélateur d’un changement radical dans la gestion de cette entreprise. Après avoir été rachetée par une multinationale, les ingrédients de qualité (beurre notamment) avaient été remplacés par d’autres moins couteux et forcément moins bons. Micro-violence encore où l’odeur était comme la mauvaise conscience de tous.
Utilisateur anonyme
14 août 2012, 17:09   Re : Sauvages
(Message supprimé à la demande de son auteur)
14 août 2012, 17:14   Re : Sauvages
"Pas plus qu'on ne peut orienter cette jeunesse vers des métiers qui seraient de sa compétence, puisque ce serait « discriminatoire »."

Il ne s'agit pas seulement, selon moi, d'une affaire de "discrimination" ou, plus perversement encore, cette crainte de "discrimination" sert de cache-misère à une réalité infiniment plus préoccupante qui est que les fameux métiers qui, jadis, étaient là pour donner du travail à ces foules de jeunes gens, n'y sont plus, ou ont disparu dans des proportions considérables.

N'identifier dans l'universelle garderie puis dans l'assistanat que des causes idéologiques est en définitive une rassurante chimère.
14 août 2012, 17:17   Re : Sauvages
Position à nuancer cher Didier : si les diplômes n'ont aucune valeur sur "le marché de l'empois", comment expliquer que de jeunes avocats d'affaires parfaitement crétins gagnent 400000 euros par an avec un niveau de culture générale tout juste suffisant pour lire l'Equipe ? C'est bien que certains diplômes, de Droit notamment, se transforment en cash convector une fois l'impétrant introduit dans la place, quitte à ce que cette introduction se fasse par piston, ou bien n'ai-je encore rien compris, ce qui, dans ces matières, ne m'étonnerait guère ?
14 août 2012, 17:23   Crédit
"(...) ils avaient à honorer des kyrielles de crédits (...)"

Tout de même, n'avaient-ils pas le choix de ne pas les faire, ces kyrielles de crédits ? J'observe cette tendance à présenter les fameux "crédits" comme des fatalités, comme si avoir des crédits était analogue à avoir contracté une maladie ou reçu un pot de fleurs sur la tête en marchant dans la rue.

Cela donne d'ailleurs l'occasion à la perte de bon sens de se manifester. Des quidams protestent avec flamme contre leurs crédits comme si c'était quelqu'un d'autre qu'eux-mêmes qui les avait souscrits.
Utilisateur anonyme
14 août 2012, 17:27   Re : Sauvages
(Message supprimé à la demande de son auteur)
14 août 2012, 17:30   Re : Sauvages
Se suicider parce que le biscuit Lu ne sent plus aussi bon... Hum (comme on dit parfois ici).

Le suicide de ces employés est typique du drame qui survient (drame narcissiste et existentiel, comment le nommer ?) quand le sujet croit comprendre et se trouve persuadé

1/ qu'il a vendu sa vie pour des "avantages" (emploi à vie, protection sociale, refuge contre l'instabilité socio-professionnelle, etc.) qu'il voit menacés de lui être retirés sans contrepartie s'il fait le saut dans le vide en quittant "la boîte";

2/ qu'en vendant ainsi sa vie il a perdu son temps et qu'il ne dispose plus de suffisamment de force ni d'atout personnels (talents , appuis, imagination etc.) pour tout recommencer autrement.

C'est alors que, contraint par le malaise (harcèlement, sujétion, etc.) le saut dans le vide s'effectue tout de même mais par la fenêtre du bureau ou devant le TGV à l'approche du passage à niveau. Les mobiles d'un suicide peuvent être fort complexes; mais à l'instar de ceux de tout homicide, ils peuvent être aussi d'une simplicité désarmante.
Utilisateur anonyme
14 août 2012, 17:36   Re : Sauvages
(Message supprimé à la demande de son auteur)
14 août 2012, 18:09   Re : Sauvages
Le raisonnement comme ennemi de la compassion. Je ne conteste pas vos arguments, Francis, et vous reprenez en coeur ce que ces travailleurs ne cessent d'entendre : "Vous êtes le maillon faible" ; mais comme le dit Didier, les choses me semblent plus compliquées.
14 août 2012, 18:20   Re : Sauvages
Citation
Davoudi
Citation
Francis Marche
Non. Ce qui peut arriver de pire à une homme ou une femme est de faire des photocopies toute la journée dans un magasin de faubourg après avoir étudié Barthes et Benveniste pendant cinq ans.

Variante : atterrir dans un cabinet d'audit financier à La Défense après avoir pleinement goûté à La Recherche et à la façon de percevoir l'existence qui lui est consubstantielle.

Cela dit, il faudrait nuancer encore et encore. La plupart des jeunes gens qui "étudient" Barthes ou Deleuze de nos jours donnent l'impression de faire du théâtre, d'utiliser ces auteurs comme de simples postures permettant de jouer au pseudo-intello, en casant des mots comme "palimpseste" aussi souvent que possible. Car s'ils les ont lus de près, cela ne les empêche pas d'être totalement ignorants de tout le reste. L'étudiante en sémiotique est l'un des types humains les plus exaspérants que je connaisse. Et une fois le capes ou l'agrégation en poche, elle se jette ordinairement dans le bras du pédagogisme, avant de nous donner, cinq ou dix ans plus tard, du « c'est vrai qu'moi, en tant que maman... »

Ce fil de discussion, c'est bien normal, continue de laisser penser qu'il pourrait y avoir une suite logique entre diplôme et emploi, et que les jeunes diplômés seraient victimes d'un monde de l'entreprise invivable. Il y a certes du vrai dans cette proposition, mais sa teneur en vérité paraît disparaître à vue d'oeil sous l'influence de phénomènes plus profonds, liés à la Grande Déculturation.

S'il y bien une chose que j'ai comprise ces dernières années, c'est qu'il ne faut plus accorder la moindre considération aux diplômes, thèses et autres agrégations. Tout cela est devenu matière à un gigantesque et pénible cinéma. Les individus cultivés ne sont pas où on le croit ; et il n'y a rien de plus à attendre de la pseudo-légitimité universitaire que des journalistes du Monde.

Je suis entièrement d'accord avec vous, notamment avec ce que vous dites de cette façon bébête qu'ont certains sur-diplômés fauchés et autres artistes "transversaux" de singer Deleuze et consorts. Tout à l'heure, sur France Culture, un par ailleurs intéressant documentariste a parlé de "plan d'immanence" sans trop savoir ce que cela veut dire. Dans la foulée, il a été trahi par un bon vieux lapsus, lâchant cette phrase rédhibitoire: "Mes influences sont vagues, euh, vastes."

Pour ce qui est de la valeur des thèses et agrégations, j'ai souffert très directement de leur inexorable déclassement. A la fin de mon parcours du combattant doctoral, je ne savais plus trop qui étaient les plus nuls intellectuellement et les plus médiocres humainement: les professeurs ou les élèves.
14 août 2012, 18:31   Re : Sauvages
Que voulez-vous Philippien, si vous attendez de moi de la compassion pour des gens qui se suicident parce que l'odeur du nouveau biscuit Lu n'est pas la bonne, vous ne me trouverez pas. Je ne crois pas à la théorie des "micro-frustrations" : si elles conduisent à pareille issue, c'est que toutes les issues, les macro-issues, étaient bloquées par une macro-frustration.

Tenez, voici le cas d'un déboire de bureau comme vous n'en trouverez guère de comparables, dont j'ai été le témoin direct: une société de service de taille moyenne mais faisant de belles affaires (c'était dans la fin des années 80 à Hong-Kong) recrute un nouveau "responsable de marketing", un jeune homme de 28 ans, plein d'ambition et dynamique jusqu'à la caricature. On décide de "l'intéresser au chiffre", on lui représente que s'il parvient à décrocher un contrat en Chine (pays qui commençait à peine à s'ouvrir à l'investisseur étranger) pour une firme américaine de services informatiques numéro un mondiale dans sa branche et qui dans ces années là n'avait pas encore été détrônée par Microsoft, on lui verserait cash 10% du contrat. Le jeune homme part ventre à terre, se démène comme un beau diable et en moins d'un mois revient avec un contrat de 10 millions de dollars en poche. La directrice de la société de service en question, une Anglaise, le licencie sur le champ au prétexte "de conflits de personnalité (imaginaires) avec ses collègues". Le jeune homme n'avait rien signé de l'arrangement précédemment convenu avec elle. Et c'est la porte les mains vides, sans même une lettre de recommandation. L'Anglaise, ce jour-là, économisa un million de dollars.

Autre chose que le biscuit Lu et la "micro-frustration" de son odeur altérée, non ?

Or ce jeune homme est reparti dans la jungle de Hong-Kong se refaire, fort de son malheur, dans une économie où celui qui perdait son emploi le vendredi en trouvait un autre le lundi. Le désespoir n'eut pas le temps de le toucher. C'est tout ce que j'aurais à dire sur "les suicides au travail" en France, en laissant à chacun le soin de psychologiser ce fléau comme il l'entend.
14 août 2012, 19:21   Re : Sauvages
L'odeur de la biscuiterie n'a pas conduit au suicide. J'imagine que ceux qui y travaillaient étaient sincèrement tristes c'est tout. Je comprends cette tristesse. C'est la tristesse de ceux qui ne travaille plus que pour un salaire. J'ajoute que le profil de ces gens n'est pas tout à fait celui de votre "marketeur". Ils ont moins de ressources et par là, se trouvaient soumis à des ambitions un peu désuètes : Le bel ouvrage. J'admire votre marketeur pour son talent, mais si je reconnais ce talent, je n'en ai pas moins de tristesse pour les autres. Nous aurions tort de les opposer.
14 août 2012, 20:00   Re : Sauvages
Pour avoir fait plusieurs allers-retours entre public et privé (joies de la mise en disponibilité), il me semble que les comportements sont liés davantage à la taille des structures qu'au statut : à grande structure, façon feutrée et hypocrite de pousser les gens dehors (je le sais, je l'ai fait, et plusieurs fois). Cela s'est un peu arrangé avec les nouvelles formes de transactions.

Philippien soulève un point important : la perte d'autonomie du salarié.

Francis en soulève un autre : l'intérêt de s'expatrier. Je l'ai fait, étant jeune, en travaillant pour un groupe de BTP. Ce fut une remarquable expérience.
14 août 2012, 20:28   Re : Sauvages
Oui, il y a de cela, l’inflation des règles, des procédures à appliquer à partir de la prescription du travail par le « bureau des méthodes ». Dans les services, ce sont les « scripts comportementaux » où les téléopérateurs sont littéralement « interdits de communiquer ». Avez vous une idée de ce que cela peut représenter en micro-violence insuportable ?
Utilisateur anonyme
14 août 2012, 22:50   Re : Sauvages
« L'étudiante en sémiotique est l'un des types humains les plus exaspérants que je connaisse. Et une fois le capes ou l'agrégation en poche, elle se jette ordinairement dans le bras du pédagogisme, avant de nous donner, cinq ou dix ans plus tard, du "c'est vrai qu'moi, en tant que maman..." »

À vous lire, il semble que l'agrégation de lettres soit un concours facile à obtenir. Je pense que votre propos devrait être nuancé. Ci-dessous figure le rapport de l'agrégation externe de lettres modernes de 2011.

[cache.media.education.gouv.fr]
Au hasard, commentaires des copies par la malheureuse correctrice de la version anglaise (anglicistes du forum, regardez ailleurs, sinon vous allez souffrir et une nouvelle fois désespérer de vos compatriotes français):


L 31-32 : ‘I’m just a desk jockey, pushing papers around in an accounts department.’
Là aussi, il fallait tout simplement du bon sens pour éviter des traductions telles que : ‘je suis
un secrétaire en chef qui *ouspille le papier’, ‘je suis un jockey de bureau, je cravache des
papiers’, ‘un avocat de bureau qui tyrannise la paperasse’ ‘un lecteur de bureau’, ‘un coureur
de bureau’, ‘je fais tourner les papiers dans une compagnie de comptes’, ’je suis un
compilateur pour bureaux’, ‘un bureaucisien faisant tourner la paperasse’.


L 34-35 : ‘a young dark-haired guy with thick, black-framed spectacles, two days of stubble
and a fag hanging out of his mouth’
Ce pauvre homme a été encore plus malmené par les traducteurs que par Kate Atkinson :’un
costume noir de *spectacles’, ‘des lunettes à cadre noir… deux jours de mégots’, ‘‘il avait
deux jours de cravate… et la buée sortait de sa bouche’, ‘il avait un brin d’herbe dans la
bouche’.


[commentaire personnel: c'est bien ce que je craignais, des étudiants qui se présentent à l'agrégation d'anglais sans connaître plus d'anglais que pour prendre l'Eurostar, et encore, ne pas savoir comment se dit une clope ("a fag") en anglais, révèle qu'on n'a encore jamais mis les pieds en Angleterre. Orimont avait pointé ce phénomène il y a longtemps: des jeunes qui n'ont pas même conscience qu'ils ne savent pas, qu'ils sont ignorants de tout; l'ignorance de leur totale ignorance est elle-même totale.]
Utilisateur anonyme
14 août 2012, 23:17   Re : Agrégation : le niveau, comme la moutarde, monte
Et encore... la traduction aurait pu être bien pire encore pour a fag hanging out of his mouth
Sincèrement, Francis, je crois qu'une odeur douceâtre et écœurante inhalée à longueur de journées pendant longtemps peut tuer un homme, moralement et physiquement, beaucoup plus sûrement qu'un violent coup de poing asséné en pleine figure.
Je sais Alain, je sais. Je ne faisais que dire ce que d'autres, d'innombrables devanciers ont dit avant moi, et notamment ce cher Napoleon 1er: face à une odeur douceâtre et écoeurante inhalée à longueur de journée, une seule victoire: la fuite, lâche peut-être mais à mon sens préférable à une mort par suicide, souvent non moins lâche quant aux motifs.
Utilisateur anonyme
14 août 2012, 23:59   Re : Sauvages
Citation
Joseph
À vous lire, il semble que l'agrégation de lettres soit un concours facile à obtenir. Je pense que votre propos devrait être nuancé. Ci-dessous figure le rapport de l'agrégation externe de lettres modernes de 2011.
[cache.media.education.gouv.fr]

Sauf votre respect, vous ne m'avez pas bien lu, ou alors pas compris. Je fréquente de nombreux professeurs et étudiants, qui se présentent en effet à des concours ardus et/ou entreprennent des recherches pointues. Ce que je constate, ou crois constater, c'est que même si les individus travaillent avec beaucoup d'énergie à ces épreuves, celles-ci paraissent de moins en moins ancrées dans un rapport plus vaste à la "culture générale". On travaille à fond les épreuves du concours de lettres, mais on a jamais lu et on ne lira jamais Shakespeare car il n'est pas « au programme ». Ou alors on sait tout des sermons de John Donne, mais on n'a jamais pensé à ouvrir Tristram Shandy, tout en soutenant mordicus que les Beatles ont révolutionné la musique et que Bob Dylan était un génie.

Dans un récent rapport du jury de l'agrégation d'anglais, le président s'étonnait que des candidats n'aient jamais entendu parler de L'Enéide, et soient incapables de situer, même approximativement, Néron.

Bref, ce que je constate, c'est bien souvent une spécialisation prétentieuse qui, loin de couronner une culture générale riche et vaste, devient de plus en plus un prétexte pour ne pas en avoir, ou guère. Les gens continuent d'étudier et d'obtenir des diplômes, mais à des fins plus strictement professionnelles, et de moins en moins désintéressés.

Comme toujours, c'est une question de rapport au sens (sens du mot professeur, sens du mot culture, sens qu'on donne à sa vie, etc.)
Utilisateur anonyme
15 août 2012, 10:29   Re : Sauvages
Ma critique portait sur l'ensemble de votre message et sur les remarques de certains. Il est indéniable que la plupart des étudiants manquent de curiosité. Cependant, dire qu'il ne faut « plus accorder la moindre considération aux diplômes, thèses et autres agrégations », je trouve que c'est un peu fort. À l'agrégation de lettres modernes, par exemple, il y a ce que l'on appelle une « épreuve hors programme ». Le candidat doit, en une heure, faire une analyse détaillée d'un texte (extrait de roman, poème, nouvelle, autobiographie, etc.) et présenter son travail en quarante minutes devant les membres du jury. Il vaut mieux pour lui qu'il ait fait preuve de curiosité durant ses années de préparation car il peut aussi bien tomber sur un auteur du XVI° que du XX°. Pour ce qui est des épreuves écrites, cette année, par exemple, figurent au programme Maurice Scève, Madame de Sévigné, Rousseau, Musset, Gide, Flaubert, Goethe, Melville, Sarraute, Benjamin, Nabokov. Un candidat sérieux doit avoir lu la plupart des oeuvres de ces auteurs et connaître parfaitement les oeuvres au programme - je ne parle même pas des livres critiques. Si le CAPES ne signifie pas grand chose aujourd'hui, je pense tout de même que l'agrégation mérite un peu de considération.
15 août 2012, 11:00   Re : Sauvages
Pour qui pense qu'on ne peut être amené au suicide pour des raisons de relations dans l'entreprise, autrement que par faiblesse mentale, je me demande sur quels principes ou constat ils se fondent. Il est bien certain que la violence psychologique meurtrière existe, elle a pour nom perversité, et emprunte les chemins les plus divers dans l'unique finalité de détruire la personne que l'on vise, ce, "mine de rien". Elle est un moyen de management, spécialement en période de crise et dans les sociétés en voie d'ensauvagement.

Mon médecin qui était proche de mon lieu de travail et qui avait donc des patients assez nombreux dans l'administration qui m'employait, me demandait régulièrement ce qu'il s'y passait vu l'état dans lequel se trouvaient un nombre significatif d'employés qui venaient la consulter. Détruire quelqu'un est somme toute assez facile, en usant de tous les moyens immoraux de manière masquée et difficilement décelable par l'entourage de travail; le raisonnement de la victime se trouve alors paralysé car tel est l'objectif de cette méthode qui utilise des agressions psychologiques subtiles et bien ajustées. On tue par les mots.
15 août 2012, 11:12   Re : Sauvages
Je suis d'accord avec Ostinato. On peut détruire insidieusement quelqu'un surtout s'il se trouve dans une situation qui le fragilise.
15 août 2012, 11:24   Re : Sauvages
Et dans les situations de décomposition de la structure de travail, la fragilisation des employés tend à devenir prégnante voire dominante à des degrés divers..
Utilisateur anonyme
15 août 2012, 11:30   Re : Sauvages
Chère Ostinato, je travaille depuis trente ans dans le secteur privé, et à ce titre, j'ai eu à subir plus qu'à mon tour les violences psychologiques, les menaces, les spoliations, etc. Je ne prétends pas, loin de là, que cela fasse un modèle pour quiconque ; mais je n'ai jamais été tenté par le suicide, ni personne autour de moi, que je sache, parce qu'un patron me torturait psychologiquement : la plupart du temps, j'ai été viré, et n'ai pas eu le temps de macérer, parce qu'il me fallait réagir et trouver une nouvelle source de revenus. Il me semble que si l'on est vissé à un emploi, identifié à lui, on participe à une forme d'esclavagisme, on est ataché à la glèbe en somme, et l'on oublie sa liberté, et surtout celle mentionnée par M. Marche, de partir ailleurs, en dernier recours.
15 août 2012, 11:45   Re : Sauvages
Le Ministère de l'Education nationale dispose d'un service de statistiques dont les responsables publient chaque année les résultats d'enquêtes relatives au "devenir" des étudiants, diplômés ou non. Ce qui apparaît clairement quand on consulte ces résultats, c'est que le diplôme fait accéder à l'emploi et que quasiment tous les titulaires du grade de "master" (Bac + 5) finissent, parfois avec des délais un peu longs, par s'intégrer dans une petite ou moyenne entreprise, un service public, une collectivité locale, un office de tourisme, une association, etc. Certes, le salaire et les responsabilités ne sont pas à la hauteur du niveau d'études (lequel ne donne d'indication que sur la durée des études), mais l'accès à l'emploi se fait, qui rend possible une existence sociale. Quoi qu'il en soit, la condition de ces diplômés n'a rien à voir avec celle que subissent ceux qui n'ont rien obtenu, ni brevet, ni CAP, ni baccalauréat, ni licence, et qui n'ont reçu aucune formation professionnelle. Or, pour ce qui est des récriminations et du ressentiment, il est fait état un peu partout (médias, discours politiques, opinion) du mauvais sort fait à ceux qui sont diplômés ; jamais ou quasiment jamais de la désespérance ou de la résignation de ceux qui n'ont pas de diplôme - sauf s'ils sont immigrés ou issus de la cuisse de Jupiter.

Le concours de l'agrégation a pour objet et raison d'être de recruter des professeurs de l'enseignement secondaire (collèges et lycées). Ce qui y donne un peu de "valeur", ce n'est pas le "programme", ni les épreuves auxquelles se préparent les candidats, mais qu'il est un concours en temps limité et où les copies rendues sont anonymes. S'il y a cinquante places offertes, ce sont les cinquante premiers dans le classement final qui sont déclarés admis. Le principe du concours est parfaitement conforme à l'article 6 de la Déclaration de 1789 ("tous les citoyens (...) sont également admissibles à toutes dignités, places et emplois publics, selon leur capacité et sans autre distinction que celle de leurs vertus et de leurs talents") et il illustre bien ce que certains appellent "la République du mérite" ou "l'école du mérite". Ce mode de sélection devrait être étendu à tous les emplois publics dans les universités... : voeu "pieux" bien entendu et qui, les corporations y étant férocement hostiles, n'est pas près de recevoir, même dans des décennies, une esquisse de début de réalisation.
15 août 2012, 11:52   Re : Sauvages
Nous ne sommes pas de libres oiseaux, et la croyance que nous le sommes me semble relever de l'utopie d'époque sauf pour un nombre restreint, qualifié de nouveaux nomades qui ne peuvent constituer ni la norme ni l'idéal. Il me semble qu'au delà de la pression économique en période de chômage, et des problèmes familiaux et logistiques non négligeables, cette façon de résoudre les problèmes par la fuite, va à l'encontre de l'amélioration de la situation dégradée vécue, et sans être glébeuse, l'enracinement me semble une valeur qui a besoin d'être réhabilitée, du moins jusqu'à un certain point.
15 août 2012, 11:53   Re : Sauvages
Je crois que la torture commence avant l'action du patron ou du chef. La dernière fois que j'ai ainsi "senti la pression" sur mes épaules dans un bureau, celle d'un supérieur hiérarchique autoritaire, tyrannique et sadique, comme seules les comédies TV américaines peuvent en produire (c'était une société américaine mais le personnage en question était anglais), on en est venu presque aux mains, devant tous dans l'open plan. C'est moi qui ai gueulé comme une vache et l'ai renvoyé ramper sous son rocher (la cabine individuelle qu'il avait le privilège d'occuper). Il est devenu tout pâle (moi aussi), très surpris, et a obéi. Il s'était tout simplement trompé d'adresse. Ce fut une des scènes les plus violentes que j'ai vécues. Un meurtre aurait pu s'y commettre en un éclair. J'ai démissionné l'après-midi même sans avoir la moindre idée du chemin que prendrait ma vie le lendemain. Deux jours plus tard j'eus la satisfaction de trouver un courrier par porteur contenant des travaux à faire chez moi pour cette société accompagnée d'une lettre accommodante de sa part me priant de vouloir "poursuivre ma collaboration avec elle sans être tenu de le faire dans leurs locaux". Ma satisfaction fut plus grande encore de laisser moisir dans un coin de l'entrée de la maison ce courrier sans jamais y faire de réponse. J'avais des crédits sur le dos, un gros loyer à payer plus les obligations familiales d'un homme ordinaire. Avec le recul je me dis que si j'ai pu faire cela, qui n'est nullement un acte héroïque mais au contraire le geste d'un honnête travailleur, c'est parce j'étais fort de la valeur de mon travail, je savais, quoi qu'il arrive, que cette société, du moins à court terme, ne pourrait pas se passer de mes services, qui étaient de qualité et qu'il était extrêmement difficile de confier à un remplaçant unique. L'ouvrier devrait être attaché à la qualité de son travail davantage qu'à son patron, son CE, ses "avantages" et que sais-je, de cet attachement "intériorisé et indépendant" à la chose produite, il tirerait sa force de jeter le mot de Cambrone à la face du patron, du petit chef en faisant face ainsi à tout ce qui nous menace sans avoir aucun droit de ce faire. Les prédateurs et les tortionnaires ne s'intéressent qu'à ceux qu'ils "sentent" faibles et flottants intérieurement, ceux qui face à la tâche qu'ils ont eu le malheur d'accepter, sont déjà à la torture.
15 août 2012, 11:54   Re : Sauvages
Cher Bruno A. , personne ne dit que le suicide est la règle. Heureusemetn qu'il reste l'exception !
15 août 2012, 12:19   Re : Sauvages
‘un bureaucisien faisant tourner la paperasse’


Ce n'est pas mal trouvé...
15 août 2012, 12:19   Re : Sauvages
Cher Francis, les dieux vous protègent c'est évident. Mais vous pouvez exercer un travail très qualifié dont l'usage est éminemment utile mais dont il est jugé qu'il est au contraire gênant et ne correspond plus aux souhaits des structures employeuses.Une sainte colère comme celle que vous décrivez convient dans le contexte que vous analysez, mais dans d'autres situations n'aurait aucune utilité. Subir et pâtir, voilà la seule solution pour un grand nombre (le plus grand ?).
Utilisateur anonyme
15 août 2012, 12:48   Re : Sauvages
Ce qu'écrit Francis Marche me rappelle exactement une situation professionnelle où j'ai menacé physiquement un employeur et où j'ai vu en conséquence ma situation améliorée. Il ne me viendrait pas à l'idée de croire que c'est exactement le genre de rapport social que l'on doit promouvoir ou espérer, mais il est efficace. Il est vrai que n'ai jamais été employé dans une de ces structures anonymes où le pouvoir est diffus, mais toujours dans des PME où il est loisible de prendre au collet celui qui vous nuit.

En parlant de la "glèbe", je n'évoquais pas l'enracinement mais la sujétion à un employeur tout puissant. Je ne pensais pas devoir le préciser.
15 août 2012, 13:41   Re : Sauvages
"S'il y bien une chose que j'ai comprise ces dernières années, c'est qu'il ne faut plus accorder la moindre considération aux diplômes, thèses et autres agrégations. Tout cela est devenu matière à un gigantesque et pénible cinéma. Les individus cultivés ne sont pas où on le croit ; et il n'y a rien de plus à attendre de la pseudo-légitimité universitaire que des journalistes du Monde."

M. Davoudi réactualise brillamment ce que P. Valery disait en substance dans Le Bilan de l'intelligence (1935), ou même Nietzsche dans Sur l'avenir de nos établissements supérieurs (1872). Rien de nouveau dans la nuit de l'esprit...
15 août 2012, 15:40   Re : Sauvages
L'aventure que nous relate Francis Marche n'est peut-être pas aussi exceptionnelle qu'on pourrait le penser. Bien entendu, je ne voudrais surtout pas prescrire ce genre de confrontation comme méthode. J'ai moi-même, dans la fougue de la jeunesse, au commencement de ma carrière (je n'exerçais alors pas un travail très qualifié), sorti mon chef de derrière son bureau par le col. Parallèlement à l'aventure de Francis, quelle ne fut pas mon étonnement lorsque j'appris que le chef en question s'était démené pour que l'entreprise m'embauche et dans sa propre équipe.
Utilisateur anonyme
15 août 2012, 19:24   Re : Sauvages
Citation
Francis Marche
Position à nuancer cher Didier : si les diplômes n'ont aucune valeur sur "le marché de l'empois", comment expliquer que de jeunes avocats d'affaires parfaitement crétins gagnent 400000 euros par an avec un niveau de culture générale tout juste suffisant pour lire l'Equipe ? C'est bien que certains diplômes, de Droit notamment, se transforment en cash convector une fois l'impétrant introduit dans la place, quitte à ce que cette introduction se fasse par piston, ou bien n'ai-je encore rien compris, ce qui, dans ces matières, ne m'étonnerait guère ?

Le parfait crétin en question a assimilé une branche du droit (fusions acquisitions ou fiscalité d'entreprise) sans intérêt intellectuel, il ignore pratiquement tout du reste du droit, la culture n'en parlons même pas, mais ses connaissances extrêmement pointues, alliées au fait qu'il est capable de travailler comme un esclave, font qu'il rapporte beaucoup d'argent à son cabinet. Si ce n'est pas le cas il se fera débarquer très rapidement comme un malpropre, diplôme ou pas diplôme.
15 août 2012, 23:15   Re : Sauvages
Pour ce qui est des épreuves écrites, cette année, par exemple, figurent au programme Maurice Scève, Madame de Sévigné, Rousseau, Musset, Gide, Flaubert, Goethe, Melville, Sarraute, Benjamin, Nabokov. Un candidat sérieux doit avoir lu la plupart des oeuvres de ces auteurs et connaître parfaitement les oeuvres au programme

Mais Joseph, vous vous payez notre fiole, ou quoi ? Ce sont-là des auteurs que n’importe qui peut lire dans son bain. N’importe quel zigoto un peu cultivé du monde d’avant peut donc préparer et décrocher votre agrégation, moyennant un certain nombre de lectures et plusieurs bains (par exemple, Scève, Sarraute, Nabokov, pas lu, donc prévoir plusieurs séances balnéaires.)
Utilisateur anonyme
17 août 2012, 06:49   Re : Sauvages
Citation
Didier Bourjon
— on se dit que tout cela ne fait qu'un seul et même phénomène, celui de l'ensauvagement généralisé.

Le sauvage a encore de la dignité et même une certaine grandeur.

Je dirais plutôt : crapulisation, putanisation et pornocratisation de la société.

Ce n'est pas la barbarie car il y a de grandes civilisations barbares mais bien plutôt une sorte de "ruere un pejus" qui semble caractériser nos contemporains.

Si le "rien de trop" a pu caractériser un moment la civilisation française, c'est aujourd'hui un "de tout, le pire" qui semble être devenu sa marque.

A ce niveau et à une telle vitesse, c'est surnaturel.
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