Le site du parti de l'In-nocence

Jacques Brel

Envoyé par Gérard Rogemi 
13 septembre 2012, 23:09   Gesang ist Dasein.
Citation
Cassandre
Richard Millet dit que le chant est la source de la littérature, mais la source du chant quelle est-elle ?

L'Être ?


Un dieu le peut. Mais comment, dis,
l’homme le suivrait-il sur son étroite lyre ?
Son esprit se bifurque. Au carrefour de deux
Chemins du cœur il n’est nul temple d’Apollon.

Le chant que tu enseignes n’est point désir :
ni un espoir, enfin comblé, de prétendant.
Chanter c’est être. C’est au dieu facile.
Mais quand sommes-nous ? Et quand

met-il en nous la terre et les étoiles ?
Non, ce n’est rien d’aimer, jeune homme, même si
ta voix force ta bouche, — mais apprends

à oublier le sursaut de ton cri. Il passe.
Chanter vraiment, ah ! c’est un autre souffle.
Un souffle autour de rien. Un vol en Dieu. Un vent.


Rainer Maria Rilke
14 septembre 2012, 04:29   Re : Jacques Brel
Citation
Louis Chambon
Je voudrais revenir sur l'exemple de Bach et prolonger mon interrogation de cette après-midi.

On peut parfaitement "connaître" Bach grâce à une écoute attentive à la suite d'un long apprentissage.

Mais sans une formation à la théorie de la musique, sans le jouer, le pratiquer (avec ses mains, avec son corps), peut-on vraiment le comprendre, accéder à son univers, et l'aimer ?

Je ne sais pas si je me fais bien comprendre.

On peut parfaitement aimer, sincèrement aimer et goûter, ce qu'on entend, ou plus précisément l'effet que produit ce qu'on entend sur soi, mais rien en vérité ne garantit qu'éprouver cet effet reviendrait à "connaître" le compositeur.

Cela me rappelle une conversation que j'eus jadis avec un maréchal des logis-chef marseillais, à qui je faisais valoir, justement, que l'appréciation authentique d'une œuvre ne pouvait se faire qu'en la comprenant, en étant capable de l'expliquer, d'en percer à jour le mécanisme, de l'analyser, de la démonter, puis de la remonter... Ah mais, me dit-il, et si tu aimes une femme, Alaing, tu dois obligatoirement savoir comment c'est fait de l'intérieur, reconstituer le jeu des muscles et des tendons, suivre le mouvement des intestins, rendre compte de la mouscaille en formation, heing ??...
Oui vraiment, on se le demande...


Citation
Phénarète
Citation
Cassandre
Richard Millet dit que le chant est la source de la littérature, mais la source du chant quelle est-elle ?

L'Être.

Nous y revoilà : la trappe d'escamotage !
J'avais déjà cité ces toutes premières phrases du Livre à venir de Blanchot :

« Les Sirènes : il semble bien qu'elles chantaient, mais d'une manière qui ne satisfaisait pas, qui laissait seulement entendre dans quelle direction s'ouvraient les vraies sources et le vrai bonheur du chant. Toutefois, par leur chant imparfait qui n'était qu'un chant encore à venir, elles conduisaient le navigateur vers cet espace où chanter commencerait vraiment. Elles ne le trompaient donc pas, elles menaient réellement au but. Mais, le lieu une fois atteint, qu'arrivait-il ? Qu'était ce lieu ? Celui où il n'y avait plus qu'à disparaître, parce que la musique, dans cette région de source et d'origine, avait elle-même disparu plus complètement qu'en aucun autre endroit du monde : mer où, les oreilles fermées, sombraient les vivants, et où les Sirènes, preuve de leur bonne volonté, durent, elles aussi, un jour disparaître. »


(Et puisqu'il est tout de même question de Bach et d'écoute, je me permets de joindre ici le plus pratique, le lien d'un torrent de tous les enregistrements des Suites pour violoncelle jouées par Fournier, vraiment une trouvaille ; attention, gros fichier (2.70gb)...
Suites)
Utilisateur anonyme
14 septembre 2012, 05:36   Re : Jacques Brel
et pourquoi pas, tant qu'on y est, le C B T ?

Utilisateur anonyme
14 septembre 2012, 05:54   Re : Dardanus...
Citation
Francis Marche
Je ne crois pas pouvoir être d'accord avec ce qu'écrit Cassandre supra, cher Didier. Certains compositeurs sont apparus ces quinze dernières années qui continuent ce travail d'osmose avec la musique dite de divertissement. Le compositeur contemporain Anthony Turnage, par exemple (cf. son Blood on the Floor, inspiré de la musique de Miles Davis), cependant qu'un compositeur venu du Jazz, Anthony Braxton, compose de la musique savante depuis bientôt vingt ans. Ce ne sont que deux exemples parmi des dizaines d'autres que je n'ai pas le temps de vous rechercher. .

Oui exellent A Braxton, mais je le répette : la musique de film est la musique savante de nos jours .
Angello Badalmenti pour "Twin Peaks "



Lennie Niehaus pour " sur la route de Madison"
14 septembre 2012, 06:39   Re : Jacques Brel
Entièrement d'accord avec vous Dardanus. Quand on pense à tout ce que Hollywood -- à propos de divertissement de masse pour charcutière ! -- doit à Wagner... lorsqu'un soit-disant wagnérien vient péremptoirement nous déclarer la mutuelle étrangèreté de la musique savante et du divertissement populaire en arguant que celle-là plongerait ses racines dans le ciel de l'Idée...(c'est ce qu'il nous affirme, littéralement, à propos de Bach, en tout cas).
Utilisateur anonyme
14 septembre 2012, 07:48   Re : Jacques Brel
(Message supprimé à la demande de son auteur)
Utilisateur anonyme
14 septembre 2012, 07:55   Re : Jacques Brel
(Message supprimé à la demande de son auteur)
Utilisateur anonyme
14 septembre 2012, 09:01   Re : Jacques Brel
(Message supprimé à la demande de son auteur)
14 septembre 2012, 09:01   Re : Jacques Brel
Tiens, je croyais avoir terminé avec un point d'interrogation. Tant pis, voilà ce que c'est que de vouloir participer à l'in-nocence à des heures tardives!

L'Être comme source du chant, ou plutôt : le chant comme réponse "naturelle" à l'appel de l'Être, peut-être.

Je crois vraiment - mais ceci n'est qu'une impression, ou une intuition - que l'homme fut (et est toujours) un être chantant avant d'être un être parlant. Le chant n'est-il pas le père de la poésie et de la musique ? (Pensons aux aèdes antiques). Je crois aussi, et j'en terminerais là avant de trop me risquer à tenter d'expliciter tout cela en usant de concepts philosophiques que je ne maîtrise pas, que le chant, fut-il intérieur, est toujours présent à l'âme de celui qui sait vivre et s'émouvoir d'un magnifique jour de septembre.
14 septembre 2012, 09:02   Re : Jacques Brel
Pour le reste, cher Alain, je suis d'accord avec votre réponse à M. Chambon.
Utilisateur anonyme
14 septembre 2012, 11:47   Re : Jacques Brel
Ce qui m'aura le plus marqué, peut-être, dans cette discussion qui m'en a appris beaucoup sur certains membres de ce forum, c'est la façon dont est appréhendée l'idée de peuple — et la nécessité impérieuse de ne pas y toucher.

A lire mes plus virulents détracteurs, je me suis rendu compte que le peuple, ou le "populaire", était une espèce d'entité fixe, immuable au cours des siècles et des années. On dirait qu'on a affaire à Dieu.
Je l'ai déjà écrit, cette conception me paraît simpliste. Le peuple d'aujourd'hui, petit-bourgeois au pouvoir, n'est pas le peuple d'il y a quatre siècles. A les croire, les traces de formes populaires dans certaines grandes œuvres musicales (mais cela s'appliquerait aussi à la peinture) garantirait sa légitimité culturelle au cours du temps, et invaliderait l'idée que la culture savante a toujours tout fait pour s'en détacher. Et c'est ainsi que Bach avait un public, adorablement populaire évidemment (comme France Gall ou Florent Pagny ?). On aurait presque envie de chercher la lettre où il leur aurait déclaré : « ma plus belle histoire d'amour, c'est vous ».

Je crois sincèrement que les grands artistes, et notamment les grands compositeurs, se fichent du peuple. Même quand ils en étaient issus, leur destin n'a consisté qu'à s'en écarter, s'en défaire, pour se mettre au service de causes plus nobles : Dieu, l'art, et, dans le cas de Bach, l'art au service de Dieu (et peu importe, ou tant mieux, si le "peuple" ramasse quelques miettes au passage).

Autre phénomène remarquable : la manière qu'ont certains de plaquer allègrement le "populaire" d'une époque sur celui du vingtième siècle ou même d'aujourd'hui — encore et toujours cette grande entité immuable.

La musique de Mozart, qui pouvait çà et là contenir d'amusants accents populaires, ne relevait pas du peuple. A une époque où une immense majorité d'individus travaillait la terre sans jamais quitter sa province, et n'essayait que de subsister, il fallait, pour entendre cette musique, avoir accès au divertissement bourgeois, à l'opéra, au concert, posséder une tenue, être au courant des lieux, etc. Le populaire de Mozart est donc un populaire d'opérette, pour un public qui n'avait rien de populaire, lui. Et si "Mozart" ne convient pas, remplacez-le par n'importe quel autre compositeur de la fin du XVIIIème siècle, ou d'avant, ou d'après, et ce jusqu'au début du XXème siècle.

On en revient à cette idée fondamentale. Avant la Grande Déculturation, les oeuvres essentielles étaient le fait d'individus cultivés qui s'adressaient à un public cultivé (et qui a pu être, en des temps plus glorieux pour notre civilisation, assez nombreux).
Aujourd'hui, on le sent bien, la plupart des oeuvres produites le sont par des faiseurs incultes au profit d'un public tout aussi inculte — regardez le cinéma français actuel.

Le peuple, lui, n'a jamais été cultivé — c'est peut-être ce qui le définit de façon immuable, puisque certains y tiennent tant. Quand un individu issu du peuple se cultivait, il cessait d'en faire partie, au moins mentalement. Il devenait, de fait, un bourgeois. Mais aujourd'hui, on voit d'anciens bourgeois, ou leurs rejetons, revenir au peuple (avec, éventuellement, de l'argent et même des connaissances, là n'est pas la question).

Et pour en revenir à Jacques Brel and the likes... J'ai été frappé de voir certains membres du forum se mettre dans un tel état à l'idée qu'on puisse critiquer cette "génération" de chanteurs à textes, comme si j'avais insulté leur mère, en rappelant haut et fort qu'ils n'avaient rien à voir avec la variétoche de maintenant, pour ne rien dire du rap. Certes, je veux bien qu'il faille distinguer encore et encore. Brassens, en regard de ce qui se fait aujourd'hui, ne me rend pas malade, loin de là. Qu'un individu cultivé des années 50 ou 60 l'ait écouté de temps en temps, de façon marginale, pour se divertir, cela est bien évidemment attesté. Mais justement, il savait que ce n'était qu'un divertissement passager, et n'allait pas se persuader que c'était de l'art (ou alors un art tout à fait mineur, parce que limité dans ses sympathiques finalités et par ses petits moyens).

N'empêche, il s'agit, qu'on le veuille ou non, du même bloc, quand bien même ce bloc se serait considérablement dégradé depuis 30 ans : celui du divertissement, cette sphère qui ne demande aucun effort. La Grande Déculturation et le désastre allant s'accélérant, Brel, Brassens ou Ferré finissent par avoir une certaine noblesse, et donnent l'impression que leur auditoire principal était drôlement cultivé, ou du moins civilisé (et civilisé, il l'était très manifestement). Mais comme le dit très bien Didier Bourjon, il faut regarder ailleurs. Car après eux, qu'en sera-t-il ? Sera-ce au tour de Renaud de passer pour une grand chanteur à textes, circa 2040, quand les avocats de Brel ne seront plus là ? La construction de soi, de même que la Reconquête qui nous attend, ne doit pas céder au relativisme ambiant qui déforme tragiquement nos perceptions. Plus que jamais, et là encore je rejoins Didier Bourjon, il faut savoir ce que nous entendons par culture, classe cultivée, aristocratie de l'esprit, art, manières, civilisation.

Plus que jamais, il faut nous extirper, et de toutes nos forces, de cet immonde sac à chansonnettes où cherche à nous fourrer la petite-bourgeoisie, qui ne vous laisse pas le choix de ne pas avoir été sensible aux bêlements pénibles de Jacques Brel naguère, et aux vociférations monotones, pour parler comme Finkielkraut, des rappeurs demain. Car c'est là que tout se rejoint : dans l'absence de choix.

Plus que jamais, il faut être exigeant avec nous-même. Plus le désastre avance, plus il faut le combattre par la forme. Plus le divertissement s'étend, plus il faut le renvoyer à ce qu'il est, et, en effet, le snober en lui préférant l'art véritable (et la frontière finit toujours par apparaître clairement).

C'est un combat de tous les instants. D'aucuns me trouvent dur. Mais face à la tyrannie petite-bourgeoise, face à son mélange aggravé de gnan gnan et de brutalité, c'est précisément la dureté qui permet de résister. Refuser le gnan gnan. Etre aussi brutal, ou roide, hélas, que la petite-bourgeoisie s'il le faut. L'In-nocence ne saurait être une lâcheté. Nous n'en sommes plus à un stade où il est encore possible de faire des concessions. C'est trop tard.
14 septembre 2012, 12:06   Re : Jacques Brel
Vous me donnez à penser, je veux dire à me remettre en question et je vous en remercie, Monsieur.
14 septembre 2012, 12:15   Re : Jacques Brel
"Je l'ai déjà écrit, cette conception me paraît simpliste. Le peuple d'aujourd'hui, petit-bourgeois au pouvoir, n'est pas le peuple d'il y a quatre siècles "
Mais, cher Davoudi, nous sommes bien d'accord ! Ni même celui d'il y a un siècle. Au reste je maintiens qu'aujourd'hui, en France, il n'y a plus de peuple au vrai sens du terme, mais seulement des populations.
Utilisateur anonyme
14 septembre 2012, 12:41   Re : Jacques Brel
Mister Davoudi a bien résumé sa position, que je rejoins. La question de l'art, de la musique, de la culture est devenue une question éminemment politique et on ne saurait trop, désormais, être intransigeant (du moins dans le discours, dans ce qu'on affirme, dans ce qu'on montre aux autres, dans ce qu'on donne à voir).
14 septembre 2012, 13:01   Re : Jacques Brel
Je crois sincèrement que les grands artistes, et notamment les grands compositeurs, se fichent du peuple. Même quand ils en étaient issus, leur destin n'a consisté qu'à s'en écarter, s'en défaire, pour se mettre au service de causes plus nobles : Dieu, l'art, et, dans le cas de Bach, l'art au service de Dieu (et peu importe, ou tant mieux, si le "peuple" ramasse quelques miettes au passage).

Cela me semble discutable, plusieurs grands artistes, plusieurs grands compositeurs, ont pris le parti contraire.

Liszt a écrit par exemple "J'eusse voulu être tout au monde plutôt que musicien aux gages des grands seigneurs... à l'égal... du savant chien Munito" et a mis ce principe en application.

Haydn recueille à la fin du XVIIème plus de quatre cents chansons populaires écossaises et galloises, et procède à leur arrangement.

Beethoven fit de même pour l'éditeur Thomson d'Edimbourg.

L'immense ténor Adolphe Nourrit avait quant à lui proclamé "l'art pour le peuple et par le peuple".
Utilisateur anonyme
14 septembre 2012, 13:10   Re : Jacques Brel
Mais enfin, Jean-Marc, arranger des airs populaires et en tirer de grandes oeuvres ne s'oppose en rien à mes propos. Bien au contraire, cela les confirme.

Vous me parlez du Liszt pianiste, de l'exécutant. Moi, du compositeur, de l'artiste.

Quant aux déclarations d'amour au peuple de la part de grands artistes, notre époque a tendance à les prendre trop au pied de la lettre, comme elle le fait avec les notions de citoyenneté et plus encore de nationalité à la Révolution. Des moments d'exaltation, voire de pur théâtre, sont ainsi transformés en dogme, et ce jusqu'au dévoiement.
14 septembre 2012, 13:27   Re : Jacques Brel
Pour Beethoven et les chansons écossaises, ce n'est pas cela, voici ce que nous donne l'excellent site beethoven-haus-de, en matière d'exemple de partition, pour vous faire une idée précise :

14 septembre 2012, 13:27   Re : Jacques Brel
Davoudi, vous voyez deux alors que l'on pourrait voir trois - qui ne sont que des façons de voir dans un continuum complexe, mouvant.
Vous opposez la culture et le divertissement, le peuple et l'aristocratie. (Il me souvient d'Onfray, chez Taddéï, faisant la même césure, et ne voulant rien admettre de la "culture populaire", qui était pour lui une escroquerie).
N'y a-t-il pas un niveau intermédiaire, flou, ce qui permet à Didier Bourjon de signaler les flux atmosphériques, une zone de transmutations instables où s'influencent haute culture, culture populaire, peuple/élites etc. ?
N'y a-t-il pas des auteurs et des courants qui représentent cette zone de turbulence, Dumas, Duvivier, Ferré, le jazz...?
Maintenant, sur le langage lui-même ; "Vous qui passez sans me voir"... Cette phrase, à bien la considérer, me semble hautement élaborée. En ces quelques mots, tout est dit. Comment voulez-vous croire que c'est par l'effet d'une sous-culture qu'une telle simplicité et une telle densité de sens puissent se rencontrer ? N'est-il pas un peu trop extérieur à ce genre d'artisanat, celui qui le repousse dans la fosse de "la culture populaire" ?
(Cette discussion pourrait aussi s'appuyer sur la relation complexe entre "art" et "artisanat" ; et puis les petits vases grecs antiques considérés aujourd'hui comme de l'art, populaires ou élitistes ?).
(Essayez d'écrire des "chansonnettes". "C'est la mer qui prend l'homme, ce n'est pas l'homme qui prend la mer." Le plus simple est le plus complexe.)
Utilisateur anonyme
14 septembre 2012, 13:37   Re : Jacques Brel
On n'écrit pas soi-même de chansonnettes, donc on n'a pas le droit de les trouver, dans leur immense majorité, atrocement mauvaises ? C'est extraordinaire, cette façon d'arriver — ou de ne pas arriver, en l'occurrence — au jugement.
Pour le reste, que voulez-vous que je vous dise ? Si vous trouvez que « Vous qui passez sans me voir » confine à la plus haute poésie et à la plus belle langue, libre à vous. Quant à vos vases grecs, ce qui leur donne de la valeur, si j'ai bien compris, plus que l'objet en lui-même, ce sont les siècles qui nous séparent de lui, et le miracle qu'ils soient arrivés jusqu'à nous. Comme la poésie d'Hâfez (cf. L'Esprit des terrasses). Et puis ?

Pour le reste, j'admets volontiers qu'il existe ou a existé une vieille et belle culture populaire, faite de chansons, d'habitudes, d'arts ménagers, etc. Tout cela se perd et c'est tragique, d'autant plus qu'elle est de plus en plus remplacée par le consumérisme et l'hébétude. Mais il y a des choses plus belles, plus hautes et plus précieuses que cela — la culture savante, qui comprend cette culture populaire (dans les deux sens de comprendre).
14 septembre 2012, 13:46   Re : Jacques Brel
Vous aimez l'anglais, Davoudi, et qui est plus anglais comme compositeur qu'Elgar ?

Je cite souvent cet exemple, mais le grand compositeur Elgar écrivit par passion pour le club de football des Wolverhampton Wanderers un hymne à chanter dans le stade. Si cela n'est pas aller au peuple, qu'est-ce ?
14 septembre 2012, 13:46   Re : Jacques Brel
"Vous qui passez sans me voir" confine à une certaine densité de sens - pas à la haute poésie ! En cinq mots, on a compris une situation pour le moins complexe. Celui qui voudrait expliciter le contenu de cette phrase toute simple, aurait je pense besoin d'une bonne page.
Il ne s'agit pas d'écrire des chansons, mais du moins de saisir la difficulté technique que cela représente, quand il s'agit d'une bonne chanson. De perfection formelle, si vous préférez. (La contrainte etc.).

Quant au vase, même remarque. Le vase est simple, donc beau, donc à la fois "populaire" et "élitiste".

Vous semblez croire que "le complexe" s'oppose au "simple", c'est tout l'inverse. C'est là où la plus haute poésie n'est pas forcément celle qui devient hermétique, de même pour la musique ou le roman. L'hermétisme est bien souvent le signe de l'embarras, ou d'un voilement inutile.
Utilisateur anonyme
14 septembre 2012, 13:48   Re : Jacques Brel
« Vous aimez l'anglais, Davoudi, et qui est plus anglais comme compositeur qu'Elgar ? »

Hormis Purcell ou Dowland, pas grand monde.

« Je cite souvent cet exemple, mais le grand compositeur Elgar écrivit par passion pour le club de football des Wolverhampton Wanderers un hymne à chanter dans le stade. Si cela n'est pas aller au peuple, qu'est-ce ? »

Une exception, un écart, une idiosyncrasie, éventuellement aimable comme telle. Je me réjouis pour les Wolverhampton Wanderers, qui ont dû beaucoup y gagner. Et Finkielkraut aussi aime le football.
14 septembre 2012, 13:49   Re : Jacques Brel
Si vous aimez Purcell, tout n'est peut-être pas perdu...
14 septembre 2012, 13:59   Re : Jacques Brel
J'aurais aimé écrire des textes de chansons et même de chansonnettes toutes simples. Je m'y suis essayé et j'ai renoncé tant j'ai trouvé cela difficile. N'est pas chansonneur qui veut.
14 septembre 2012, 14:00   Re : Jacques Brel
Dowland est bien l'auteur de "Flow My Tears", probablement la plus connue des chansons anglaises des Temps modernes...
Utilisateur anonyme
14 septembre 2012, 14:06   Re : Jacques Brel
... chanson écrite il y a environ 400 ans. C'est peut-être cela qui la rend si belle et si émouvante, non ? Cela dit, elle reste un élément mineur, quoique très aimable, du répertoire (y compris vocal). Et personne n'a dit qu'il était aisé d'écrire une belle chanson.

Distinguer, encore et toujours.
14 septembre 2012, 14:35   Re : Jacques Brel
Naturellement, invoquer pour les besoins de la démonstration Bach et les peintres flamands vous font vous exprimer des plus incontestables et sublimes hauteurs... Mais enfin le monde, l’Europe n’ont pas manqué d’artistes dans les siècles qui ont suivi. Au passage et tout à fait dans le tréfonds de mon for intérieur (de crainte de paraître un peu comminatoire), j’aimerais assez demander à Davoudi s’il apprécie par exemple (à titre de pur exemple !) le mouvement Cobra. Ou des artistes tels que Wim Delvoye, ou Tapiés ou Kiefer, pour ne prendre que quelques-uns parmi les plus connus et parmi ceux dont il serait difficile d’ignorer l’amour de la haute culture. Ou des mises en scène de Sasha Waltz, je ne suis pas contrariante. Ou du compositeur Boesmans dont je parlais hier. Mais la question sous-tendue est celle-ci : pourquoi n’aller jamais puiser ses exemples dans l’Art d’aujourd’hui ? En lecteur fidèle de Renaud Camus, en homme cultivé, j’imagine qu’il éprouve quelque mal à rejeter en bloc l’Art de XXe et du XXIe Siècle (en Belgique, comme je l’ai déjà écrit, on met des majuscules partout où l’on peut !) ?
Utilisateur anonyme
14 septembre 2012, 14:48   Re : Jacques Brel
Je ne rejette nullement « en bloc l’Art de XXe et du XXIe Siècle », ce serait stupide, même s'il arrive qu'il me laisse de marbre (Warhol, Kiefer et même, hélas, Gerhard Richter). Je passe d'excellents moments avec la musique de Charles Ives, de Messiaen et de Dutilleux. Mais pour en revenir aux arts graphiques, à la chorégraphie, à la mise en scène la plus contemporaine, j'avoue avoir encore besoin sinon d'un mode d'emploi, du moins d'intercesseurs, pour essayer de mesurer la distance qui me sépare de ces œuvres. L'écrivain gersois d'origine auvergnate que vous avez cité est naturellement l'un des principaux, pour moi, en ce domaine.

J'ajoute que ce n'est pas moi qui ai mis Bach et les paysagistes flamands sur le tapis (ni englouti la terrine...)
14 septembre 2012, 15:05   Re : Jacques Brel
Oh, chez Richter, il y a parfois de belles toiles lyriques...
14 septembre 2012, 15:09   Re : Jacques Brel
Merci de votre réponse sincère. L'écrivain en question m'a fait connaître à moi aussi beaucoup de créateurs, notamment de compositeurs. J’aime le suivre dans ses visites d’expositions et constater à quel point il possède un vrai regard (même si je suis souvent déçue qu’il n’ait pas plus de temps pour nous parler de peinture en termes « picturaux »).
Utilisateur anonyme
14 septembre 2012, 16:10   Re : Jacques Brel
Comme pour l'affaire " Chevaline" quelqu'un a dit " ça fait beaucoup d'Anglais sur un petit chemin "
Cet engoûment pour les baroqueux ne date pas d'aujourd'huis, à l'époque de mon effance déjà les intellos se gaussaient des Anglais et le célèbre haute contre Alfred Deller tapotait les fesses de (sa femme) ? pour bien faire voir qu'il n'y a pas que des hommos dans leurs rangs ! Au moins Bach ..........
Utilisateur anonyme
14 septembre 2012, 16:33   Re : Jacques Brel
Citation
Phénarète
Je crois aussi, et j'en terminerais là avant de trop me risquer à tenter d'expliciter tout cela en usant de concepts philosophiques que je ne maîtrise pas,

En effet Pénarète, "les concepts philosophiques " ne manquent pas ici, mais ne cachent-ils pas ( à mes yeux ) un écran de fumée ou un noyer le poisson masquant un savoir musical scolaire ou universitaire, à défaut d'une longue et patiente expérience, mais à coup sûr YouYou tubesque et Wikiki !
OUI nous somme bien sur un fil Musical !
Ainsi questionnons nos philosophes sur un sujet qui ne manqera pas d'éveller leurs coriosités, et obtenir leurs réponses sans Wiki
: Digression sur l'esthétique Taoïste
14 septembre 2012, 21:59   Re : Jacques Brel
» Voilà, ça c'est fait, on va passer à autre chose

Cher Didier, bien volontiers...

P.S. Kant, c'est la reprise de l'ontologie, contre sa mésalliance (réciproque) avec la théologie. Pas la Raison raisonnante en ses limites. Réponse à votre concession ultime, du bout des lèvres, après avoir d'abord massivement nié : le "système" de Kant n'est pas clos, s'il semble "fini"...

"Massivement nié" ?? Jamais de la vie, Didier : nous disputâmes des facultés logiques et rationnelles, lesquelles sont constitutives de l’élaboration du monde "phénoménal" dans la Raison Pure , c'est ce monde-là qui est "clos" ; pour ce qui est du système "complet" et qui concerne donc aussi la Deuxième Critique, j'ai tout au contraire prétendu l'inverse, puisqu'elle décrit la voie d'accès au "supra-sensible" et fait de la morale le moyen d'une transcendance possible, ce qui est incompatible avec un verrouillage quel qu’il soit, vous en conviendrez... Je vous rappelle ceci, qui fut adressé à Loïk et écrit avant notre échange : "Kant n'opère pas une scission entre la raison et la foi, mais entre la raison spéculative et la raison pratique ; vous semblez avoir une fâcheuse tendance à oublier purement et simplement la Deuxième Critique, dans laquelle la raison joue un rôle considérable, puisqu'elle est à la fois le moyen de l'autonomie, de la liberté et donc de l'accession au supra-sensible...")
Utilisateur anonyme
14 septembre 2012, 22:08   Re : Jacques Brel
(Message supprimé à la demande de son auteur)
14 septembre 2012, 22:37   Re : Jacques Brel
Eh bien cher Didier, j'en suis désolé ; au moins il y avait de l'ambiance...
14 septembre 2012, 22:41   Re : Jacques Brel
Didier,


Davoudi et moi vous prions d'écouter ceci, afin de vous faire changer d'avis :



14 septembre 2012, 22:42   Re : Jacques Brel
Je vais encore me faire lyncher, mais j'ai parfois l'impression, ou l'intuition, je ne sais, que le rap, certain rap, pourrait davantage avoir affaire avec l'"art", que la chanson dite à texte.
J'en suis désolé, mais c'est comme ça : tout simplement parce que c'est un moyen d'expression plus brut, plus brute, plus abrupt, situé plus près des bords, de la limite, du cri, de l'impulsion et de l'éructation, même si ce bord se trouve en apparence du côté opposé à la concertation savante.
Cliché on ne peut plus éculé, mais il a la peau dure. L'entre-deux, comme l'écrivait Nabokov, ne sera jamais qu'une petite sœur ancillaire de l'Art.
14 septembre 2012, 22:48   Re : Jacques Brel
Alain,

Est-ce à ce rap hiérosolymitain que vous faites allusion ?


14 septembre 2012, 23:02   Re : Jacques Brel
Plutôt à ça, alors...


14 septembre 2012, 23:08   Re : Jacques Brel
L'usage du chapeau se perd...
15 septembre 2012, 16:14   Re : Jacques Brel
Le problème qu'il est difficile d'évacuer est que la grande culure, la culture savante, n'a empêché ni Auschwitz ni le goulag. Certains des plus grands intelellectuels de du xxème siècle ont pactisé avec les idéologies mortifères qui ont produit l'un l'autre quand ils ne les ont pas carrément conçues. Lénine était un bourgeois cultivé et l'on sait qu' Hitler, qui n'était pas inculte lui-même, et les nazis adoraient la musique classique.

Je ne dis pas cela pour rabaisser la grande culture -- loin de moi cette idée ! -- mais je dis que, malheureusement, elle ne peut pas tout et qu'avant elle sera toujours primordiale la qualité propre à chaque individu, laquelle reste un mystère.
Utilisateur anonyme
15 septembre 2012, 16:20   Re : Jacques Brel
Elle n'a jamais prétendu tout pouvoir, et elle a effectivement tout à voir avec cette chose si précieuse qu'est l'individu.

Mais on touche là un aspect profond de la Grande Déculturation : la confusion entre le nécessaire et le suffisant. Puisque la culture n'est pas suffisante (contre les totalitarismes, par exemple), eh bien il a été décrété qu'elle n'était plus nécessaire. On peut en dire autant de la Beauté, de la syntaxe, des paysages, des manières de tables — et de tout ce qui fait que la vie mérite d'être vécue.
Utilisateur anonyme
15 septembre 2012, 19:09   Re : Jacques Brel
Citation
Cassandre
Le problème qu'il est difficile d'évacuer est que la grande culure, la culture savante, n'a empêché ni Auschwitz ni le goulag. Certains des plus grands intelellectuels de du xxème siècle ont pactisé avec les idéologies mortifères qui ont produit l'un l'autre quand ils ne les ont pas carrément conçues. Lénine était un bourgeois cultivé et l'on sait qu' Hitler, qui n'était pas inculte lui-même, et les nazis adoraient la musique classique.

Je ne dis pas cela pour rabaisser la grande culture -- loin de moi cette idée ! -- mais je dis que, malheureusement, elle ne peut pas tout et qu'avant elle sera toujours primordiale la qualité propre à chaque individu, laquelle reste un mystère.

Madame,

Pardonnez-moi d'être si plat mais la culture n'ayant rien à voir avec le bien mais tout avec le beau la désolation sur l'impuissance de la culture à endiguer le mal me semble résulter d'une confusion faite entre ces ordres.

Des civilisations barbares ont su aussi produire du beau. Ce n'est pas seulement une question de qualité de l'individu.
Utilisateur anonyme
16 septembre 2012, 00:40   Re : Pour Aline



Pour Aline
Chère Aline,
C'est toujours le même plaisir lumineux de vous retrouver. Personne n'a mieux parlé d'art sur ce site que vous.
Votre admirateur dévoué
16 septembre 2012, 11:36   Re : Pour Aline
Puisque la culture n'est pas suffisante (contre les totalitarismes, par exemple), eh bien il a été décrété qu'elle n'était plus nécessaire. On peut en dire autant de la Beauté, de la syntaxe, des paysages, des manières de tables — et de tout ce qui fait que la vie mérite d'être vécue." ... pour les personnes ...cultivées : on en revient , cher Davoudi, à la case départ et la discussion se mord la queue.

En fait je pense que si l'on avait pu la dénombrer, on se serait aperçu que la proportion de personnes incultes qui ont servi la barbarie est la même que celle des personnes cultivées. Sans vouloir faire le procès de la haute culture à laquelle je suis moi même très attachée, il me semble que ce constat mérite quand même que l'on s'y arrête un peu.


"Pardonnez-moi d'être si plat mais la culture n'ayant rien à voir avec le bien mais tout avec le beau la désolation sur l'impuissance de la culture à endiguer le mal me semble résulter d'une confusion faite entre ces ordres. "

Je ne crois pas, cher Brunetto, que la culture n'ait à voir qu'avec le Beau même si cet aspect est important. Elle a aussi à voir avec la recherche du Savoir sous toutes ses formes et celle de la Sagesse, autrement dit de la philosophie, laquelle, du moins à ses débuts, essayait de répondre aux questions fondamentales que se posent tout être humain et donc, d'une certaine façon, d'endiguer son mal existentiel.
16 septembre 2012, 15:49   Re : Jacques Brel
La figure du "nazi cultivé" n'est-elle surfaite, et due essentiellement à certains films américains ?
"Lorsque j'entends le mot culture, je sors mon revolver."
On sait que lorsque les nazis arrivèrent au pouvoir, c'est une partie de la pègre qui vînt aux affaire (les juges trouvaient tout à coup comme leurs supérieurs leurs anciens prévenus).
Hitler ne semble pas non plus un parangon de culture, même s'il apparaît (dans ses entretiens avec Rauschning par ex.) comme étant "habité" par une vision et raisonnant sur le pouvoir, les foules, les Jésuites etc.
Utilisateur anonyme
16 septembre 2012, 17:02   Re : Jacques Brel
(Message supprimé à la demande de son auteur)
16 septembre 2012, 17:20   Re : Jacques Brel
Il y eut des nazis "intellectuels", Hannah Arendt les décrit très bien.

Beaucoup d'entre eux furent des professeurs d'université, on voit aussi très clairement dans le Journal de Klemperer comment ils se disputent les places des juifs expulsés.

Un exemple de nazi de haut vol, très intellectuel mais peu connu, est le recteur de l'université de Vienne, Eduard Pernkopf, anatomiste remarquable dont l'atlas d'anatomie fait encore autorité. On pense que 1400 déportés, à peu près, participèrent involontairement à la rédaction de l'atlas.


Parmi les nazis de premier plan, citons Heydrich, musicien de bon niveau, Rosenberg et Speer.
Utilisateur anonyme
16 septembre 2012, 17:21   Re : Jacques Brel
(Message supprimé à la demande de son auteur)
16 septembre 2012, 17:31   Re : Jacques Brel
Un commentaire d'Hannah Arendt, d'une grande acuité, à propos des intellectuels allemands et du nazisme :

"En 1933, j'ai pu constater que chez les intellectuels l'alignement était de règle (mais pas chez les autres...) D'aucuns y ont cru vraiment ! Pas longtemps, certains pas longtemps du tout. Parce qu'ils avaient une théorie sur Hitler, des idées éminement intéressantes, figurez-vous, des théories fantastiques, passionnantes, sophistiquées ! Des choses qui planaient bien au dessus du niveau de réflexion habituel ! Pour moi c'était grotesque. Ces intellectuels ont été piégés par leurs propres théories. Voilà ce qui s'est passé en fait."

Du danger des théories...
16 septembre 2012, 17:34   Re : Jacques Brel
Je ne pensais pas qu'aux nazis. Presque totue l'intelligentsia frnaçaise ,comme on disait à une certaine époque, a été communiste -- ou compagnon de route du communisme -- ou maoïste ou polpotiste.
16 septembre 2012, 17:36   Re : Jacques Brel
Oui, il semble qu'il y a une propension des intellectuels à embrasser les idéologies malfaisantes.

C'est sans doute le défaut de chercher midi à quatorze heures, celui d'échafauder des théories.
Utilisateur anonyme
16 septembre 2012, 17:40   Re : Jacques Brel
(Message supprimé à la demande de son auteur)
16 septembre 2012, 17:43   Re : Jacques Brel
Didier, Cassandre soulève une question fort juste : pourquoi une grande partie de nos intellectuels embrassa-t-elle, par exemple, la cause communiste ?

Pourquoi y a-t-il des "intellectuels de gauche", quelques "intellectuels de droite" et quasiment pas d'intellectuels centristes ?

Parce que les intellectuels sont coupés du pays réel, vont à l'abstraction et, par radicalisme (pas celui d'Alain, un des rares intellectuels modérés) rejoignent les extrêmes.
Utilisateur anonyme
16 septembre 2012, 17:47   Re : Jacques Brel
(Message supprimé à la demande de son auteur)
16 septembre 2012, 18:49   Re : Jacques Brel
Pourquoi vous obstiner à supprimer ses h à Hannah Arendt, cher Jean-Marc ?
Utilisateur anonyme
16 septembre 2012, 19:15   Re : Pour Aline
Citation
Cassandre
Je ne crois pas, cher Brunetto, que la culture n'ait à voir qu'avec le Beau même si cet aspect est important. Elle a aussi à voir avec la recherche du Savoir sous toutes ses formes et celle de la Sagesse, autrement dit de la philosophie, laquelle, du moins à ses débuts, essayait de répondre aux questions fondamentales que se posent tout être humain et donc, d'une certaine façon, d'endiguer son mal existentiel.

Madame,

Pardonnez-moi mais le mal ne me semble pas être l'objet de la philosophie. L'objet de la philosophie est selon moi la vérité.

La présence du mal dans le monde n'est pas un sujet de réflexion mais de combat. Réfléchir sur la mal n'a jamais fait reculer le mal d'un pouce et la "Sagesse" (païenne notamment) n'a jamais rien pu contre le mal.

Seule la religion y a pu quelque chose.
16 septembre 2012, 20:25   Re : Pour Aline
Cher Michel, je vous remercie pour votre si aimable compliment. Je ne sais que répondre ou plutôt si: j'ai aimé parler de ce que j'aime. Et tenté de contrer l’idée avancée par quelques-uns à savoir que l’Art contemporain est un désert aride. C'était vraiment trop déprimant.
Je suis heureuse de vous revoir en ces lieux.
16 septembre 2012, 20:37   Re : Pour Aline
Pour tenter de réagir à la fois aux propos de Brunetto et de Cassandre.
La culture n’a pu empêcher Auschwitz, elle n’a pas nécessairement tout à voir avec le Beau. L’œuvre d’Anselm Kiefer (avec ses matériaux hétérogènes et même « triviaux ») n’a rien à voir avec le Beau mais tout à voir avec la grande culture. Elle s’exprime après Auschwitz, oui, alors que la question se pose souvent de la pertinence d’encore créer, écrire, peindre après l’Horreur. L’œuvre de Kiefer est lourde d’une douloureuse culpabilité, c’est évident (même s’il fut mal compris à ses débuts). Et ainsi que j’ai tenté de le mettre en évidence il y a longtemps déjà, cette œuvre complexe, pleine à craquer de références se réclame non seulement de la haute culture mais de la haute fonction de l’artiste telle qu’on la conçoit déjà à la Renaissance. C'est-à-dire donner à voir, à comprendre, incarner les grands mythes. Cette œuvre gigantesque, labyrinthique, mêle en une matière extrêmement présente, physiquement, envahissante parfois, somptueuse toujours, sa mythologie personnelle aux grands mythes germaniques, au mysticisme juif, à la a mythologie grecque à la littérature, à la poésie, notamment de Celan.
16 septembre 2012, 22:19   Re : Pour Aline
» Beaucoup d'entre eux furent des professeurs d'université, on voit aussi très clairement dans le Journal de Klemperer comment ils se disputent les places des juifs expulsés.

J'ai vraiment été étonné du nombre d'intellectuels et d'universitaires que comportaient les cadres des Einsatzgruppen, qui dépendaient je crois du SD, le service de renseignement de la SS, véritable pépinière de Doktore en tout genre, des juristes, économistes, linguistes etc.
Le livre de Littell, au moins très bien documenté sur ce point, en rend parfaitement compte. Un Ohlendorf, par exemple, était le type même du national-socialiste idéaliste et intellectuel, froid tueur par conviction, par moralité nazie, bien qu'il n'approuvât en son fond pas l'extermination proprement dite, paraît-il, et... brillant.
L'hypothèse du type nazi lobotomisé, taré et monstrueusement, passionnellement pervers ne tient en fin de compte pas tellement la route non plus...
16 septembre 2012, 22:43   Re : Pour Aline
Il y a, à mon avis, que la culture, dans sa version strictement intellectuelle, telle que pratiquée par certains Nazis, non seulement est compatible avec la bêtise et la barbarie mais elle permet d'assimiler sans honte et la bêtise et la barbarie (sans même s'apercevoir qu'on est bête et barbare.)

Dans les camps, je ne crois pas que les orchestres aient accompagné les suppliciés avec des "chansons" au son desquelles, a-t-on pu dire, "tout finit" en France...
16 septembre 2012, 22:56   Re : Jacques Brel
Alain Eytan, avez-vous lu le témoignage de Rauschning? Les discussions avec Hitler n'étaient pas à proprement parler "culturelles". Les monologues d'Hitler concernaient surtout la manipulation des foules, les problèmes du parti, et il méprisait les "complexités" de l'économie. Il décrit ses cadres comme tout, sauf des intellectuels ; plutôt des brutes amorales. (N'y avait-il pas une sorte de ressemblance entre Hitler et Saddam Hussein ; qualifierait-on Tarek Aziz "d'intellectuel" ?).

Dans le fil, il est évoqué le ralliement d'intellectuels et d'universitaires au régime nazi ; mais y a-t-il eu tant d'intellectuels dans ses rangs, avant la prise du pouvoir ?
Cette image de l'intellectuel-musicien-cultivé-nazi va un peu (un peu trop ?) dans le sens de l'opprobre jetée sur la culture occidentale : "Voyez comme elle crée des Monstres, au moins un jeune qui fait du foot, lui, ne deviendra pas un nazi !"

(Notons que beaucoup d'intellectuels furent séduits par le fascisme italien ; Mussolini méprisait Hitler, se considérant lui comme le véritable théoricien de la bande. Le livre L'illusion fasciste dépeint un nombre impressionnant d'intellectuels qui furent intéressés par Mussolini. Valéry l'a rencontré - mais n'a pas été "sous le charme". Huxley s'est inspiré de Mussolini dans un de ses romans, Contrepoint, dont l'une des intrigues est l'assassinat de ce leader fasciste par un chimiste communiste.)

PS. Jünger et beaucoup de membres de l'aristocratie cultivée allemande étaient, semble-t-il, mitigés. L'attentat contre Hitler etc.
16 septembre 2012, 22:59   Re : Pour Aline
Reste à savoir si la culture dans sa version surtout non-intellectuelle est nécessairement moins bête.
Je gage que c'est un peu kif-kif...
16 septembre 2012, 23:17   Re : Pour Aline
À propos de Hitler peut-être avez-vous raison, cher Loïk, mais la question qui nous occupait surtout, me semble-t-il, était de savoir si la culture, en un sens général qui contient l'instruction, une certaine érudition, un goût pour les arts et le sentiment et l'intelligence qu'il faut pour lier, maîtriser et vivre sincèrement tout cela, si cette culture pouvait réellement constituer un garde-fou à l'adhésion à des idéologies de type nazi.
Et la question reste ouverte...
Utilisateur anonyme
17 septembre 2012, 01:40   Re : Pour Aline
Citation
Alain Eytan
À propos de Hitler peut-être avez-vous raison, cher Loïk, mais la question qui nous occupait surtout, me semble-t-il, était de savoir si la culture, en un sens général qui contient l'instruction, une certaine érudition, un goût pour les arts et le sentiment et l'intelligence qu'il faut pour lier, maîtriser et vivre sincèrement tout cela, si cette culture pouvait réellement constituer un garde-fou à l'adhésion à des idéologies de type nazi.
Et la question reste ouverte...

La culture n'a pas été un garde-fou à l'adhésion à cette idéologie. Mais elle n'a en outre pas empêché des hommes de haute culture de décider, organiser et commettre ces atrocités.

Une graine de rose qui tombe sur un tas de fumier peut donner une rose mais n'a jamais transformé le fumier en rosier.

Plutôt que Littell il vaudrait mieux lire Browning et son "101ème bataillon de réserve de police". On y verra que ces réserviste étaient aussi de bons pères de famille. Cela non plus ne les a pas empêchés de commettre ces tueries.
Utilisateur anonyme
17 septembre 2012, 01:43   Re : Pour Aline
Citation
Aline
Pour tenter de réagir à la fois aux propos de Brunetto et de Cassandre.
La culture n’a pu empêcher Auschwitz, elle n’a pas nécessairement tout à voir avec le Beau. L’œuvre d’Anselm Kiefer (avec ses matériaux hétérogènes et même « triviaux ») n’a rien à voir avec le Beau mais tout à voir avec la grande culture. Elle s’exprime après Auschwitz, oui, alors que la question se pose souvent de la pertinence d’encore créer, écrire, peindre après l’Horreur. L’œuvre de Kiefer est lourde d’une douloureuse culpabilité, c’est évident (même s’il fut mal compris à ses débuts). Et ainsi que j’ai tenté de le mettre en évidence il y a longtemps déjà, cette œuvre complexe, pleine à craquer de références se réclame non seulement de la haute culture mais de la haute fonction de l’artiste telle qu’on la conçoit déjà à la Renaissance. C'est-à-dire donner à voir, à comprendre, incarner les grands mythes. Cette œuvre gigantesque, labyrinthique, mêle en une matière extrêmement présente, physiquement, envahissante parfois, somptueuse toujours, sa mythologie personnelle aux grands mythes germaniques, au mysticisme juif, à la a mythologie grecque à la littérature, à la poésie, notamment de Celan.

Alors disons que l'objet de l'art est le beau ou le sublime.
17 septembre 2012, 02:21   Re : Pour Aline
» Une graine de rose qui tombe sur un tas de fumier peut donner une rose mais n'a jamais transformé le fumier en rosier.

Certes. Mais c'est la possible transformation du rosier en tas de fumier qui semble choquer...
Utilisateur anonyme
17 septembre 2012, 11:08   Re : Pour Aline
Citation

Presque toute l'intelligentsia française, comme on disait à une certaine époque, a été communiste – ou compagnon de route du communisme – ou maoïste ou polpotiste.

Pourquoi "ou", chère Cassandre ?

La prétendue intelligentsia français a été majoritairement en faveur de l'idéologie communiste, puis maoïste, puis structuraliste et, mais alors de manière assez minoritaire, certains yeux ayant fini pas se dessiller, polpotiste. Je ne suis pas sûr que l'on retrouve le même phénomène d'aveuglement majoritaire dans d'autres pays.

Juste en passant, permettez-moi de relever la lucidité d'un André Gide lors de son voyage en URSS. Et pour tout vous dire, ma thèse est que les minoritaires, que ce soit pour cause d'orientation sexuelle, de religion ou que sais-je encore, sont souvent plus lucides que les majoritaires, car peut-être voit-on mieux les choses depuis les marges du consensus social.
17 septembre 2012, 11:22   Re : Jacques Brel
Dans la catégorie "majoritaire enfermé dans l'aveuglement magna cum laude", Breton.
Utilisateur anonyme
17 septembre 2012, 11:29   Re : Jacques Brel
Oui.
Dans la catégorie minoritaire "pied-noir" : Albert Camus
17 septembre 2012, 11:48   Re : Jacques Brel
"Et pour tout vous dire, ma thèse est que les minoritaires, que ce soit pour cause d'orientation sexuelle, de religion ou que sais-je encore, sont souvent plus lucides que les majoritaires, car peut-être voit-on mieux les choses depuis les marges du consensus social. "
C'est, en effet, possible.
Utilisateur anonyme
17 septembre 2012, 15:25   Re : Pour Aline
Citation
Alain Eytan
» Une graine de rose qui tombe sur un tas de fumier peut donner une rose mais n'a jamais transformé le fumier en rosier.

Certes. Mais c'est la possible transformation du rosier en tas de fumier qui semble choquer...

Mais justement le coeur de ces hommes "était plein d'ordures" et n'avait rien d'un rosier.
Utilisateur anonyme
18 septembre 2012, 18:18   Re : Pour Aline
Utilisateur anonyme
18 septembre 2012, 20:46   Re : Pour Aline
Heuh....
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