Réponse à M. Chatterton, scientifique et homme de Lettres :
Avec votre suffisance habituelle ("quand on ignore tout de la question", "Pour votre gouverne") assez peu in-nocente, vous dites, à propos de ce que j'appelais « les revirements de l'Eglise concernant l'adhésion de la Turquie à l’Europe", que "La position de l’Église n’a jamais varié au sujet de la Turquie : il faut que celle-ci respecte le droit des minorités religieuses (i. e. des chrétiens), ce qui n’est pas le cas à l’heure actuelle (c’est un euphémisme !). Après, on peut toujours interpréter la déclaration de tel ou tel prélat qui fait état de progrès plus ou moins sensibles, ou de frémissements qui indiqueraient la possibilité d’un tel progrès."
Je constate donc que vous me donnez raison concernant l'incapacité pour l'Eglise catholique "de penser ce que peut être la défense d'une identité culturelle particulière contre les dangers du "village universel"" : en effet, s'il suffit pour l'Eglise que la Turquie respecte le droit des chrétiens pour que celle-ci puisse prétendre adhérer à l'Union européenne, cela prouve bien que pour l'Eglise catholique l'Europe n'a pas de frontières "culturelles", que son identité "chrétienne" ne serait pas affectée par l'adhésion de la Turquie, que l'Europe pourrait donc accueillir n'importe quel Etat du moment qu'il respecte les chrétiens...
Autrement dit, contrairement au P.I. et quelques chrétiens qui pensaient que l'Europe avait des frontières "culturelles", "civilisationnelles", héritées du christianisme, l'Eglise catholique ne fait pas selon vous du refus de l'adhésion de la Turquie à l'UE une question de principe.
Ce faisant elle paraît bien céder à une prise d'otage....
Concernant la position de l'Eglise sur la démographie, je veux bien que l'on puisse trouver des appels à l'abstinence dans la prose papale : mais quel fut leur poids par rapport au message traditionnel inverse ? Pour connaître d'assez près les associations familiales d'origine catholique (UNAF, Famille de France par exemple) qui siègent dans les différents conseils qui sont consultés par les pouvoirs publics (CNAF et le Conseil économique, social et environnemental par exemple), j'ai pu constater que le message sur l'abstinence était passé plutôt inaperçu, alors que ces personnes sont réputées être assez intéressées par les prises de position de l'Eglise sur le sujet...
Mais si l'Eglise est devenue décroissantiste en matière de démographie, c'est en effet une bonne nouvelle.
Réponse à Francis Marche :
Votre réaction ne m'étonne pas : chaque fois qu'il est question de l'histoire de l'Europe ou de l'Occident, vous considérez que le débat ne doit pas avoir lieu, que les questions ne doivent pas être posées. Ce que fut la colonisation de l'Algérie : "considérations anachroniques" ; l'absence de bombardement des camps d'extermination nazis par les Alliés : "nous sommes des nains et nous n'avons pas à juger des géants". Et pour vous justifier, vous avancez toujours le même argument : ouvrir le débat, faire l'inventaire de notre héritage disais-je, ce serait faire le jeu de l'Adversaire musulman, ce serait justifier la "marchandisation" des valeurs et des biens culturels, contribuer à la démoralisation de nos héritiers. À une autre époque, vous m'auriez sans doute accusé de porter atteinte au moral de l'Armée.
Ma position est radicalement inverse, pour trois raisons :
- d'abord, parce que le propre de notre civilisation est sa capacité d'auto-critique : suspendre celle-ci, c'est renier la plus belle part de "l'actif" de notre héritage. Pour le coup, c'est se comporter comme l'adversaire, c'est-à-dire se conduire exactement comme il souhaite que nous agissions ;
- ensuite, parce que, comme l'a très bien souligné Pierre Rosanvallon, s'inspirant de la formule de John Rawls, dans nos sociétés occidentales le "voile d'ignorance" est irrémédiablement déchiré : nous ne pouvons plus faire
comme si nous ne pouvions pas chercher à savoir ;
- enfin, depuis les années soixante tous les mouvements de résistance à la bien-pensance ont échoué parce qu'ils ont voulu au contraire se réfugier dans une mythologie et celle-ci n'a pas résisté à sa mise à la critique (et il faut s'en féliciter concernant le "racialisme", l'ethnicisme de la Nouvelle Droite)