C'est fort pertinent.
Enseignant la philosophie, j'ai pu maintes fois constater qu'en ce qui concerne les matières "littéraires" quasiment tout le monde s'estime compétent (les élèves les plus mauvais au premier chef) pour reprocher au professeur ses méthodes et critiquer le contenu de ses cours…
Par contre, on s’interroge rarement sur les raisons intellectue
lles pour lesquelles tant de jeunes gens, par ailleurs intelligents et curieux, "bloquent" sur les mathématiques. Je parle d’une vraie réflexion épistémologique, qui ne se limite pas aux seules études sur la psychologie génétique de l’enfant (issues de Piaget puis des sciences cognitives), études certes fort utiles mais qui n’ont de pertinence que pour les très jeunes enfants).
Peut-être faudrait-il s’interroger sur le fait que cette matière est trop souvent enseignée comme l'égrenage d'une suite d'
évidences, le cours "théorique" (en fait une suite de théorèmes et de consignes...) étant immédiatement suivi d'exercices répétés
ad nauseam.
Pour le dire autrement, on fait comme si les mathématiques et les sciences de la nature ne relevaient pas
aussi de la culture mais de simples capacités techniques ne réclamant qu’un esprit discipliné et une forme d’intelligence innée. De sorte que rares sont les professeurs (il y en a, heureusement) qui mènent dans leur métier une vraie réflexion sur la nature de l'erreur mathématique.
Pourtant, depuis Bachelard, on sait bien que le progrès dans la connaissance passe avant tout par le dépassement des pseudo-savoirs hérités du sens commun et qu’il faut donner à l’élève le goût de réformer son entendement en lui faisant ressentir cette joie particulière qu’on éprouve lorsqu’on vainc ses limitations intellectuelles.
Il y a là, certainement, une voie de dépassement de l’éternelle et vaine querelle opposant
plaisir et
discipline dans l’enseignement.
Encore faut-il pour cela ne pas considérer son travail de professeur comme un « boulot » comme les autres…