La Goutte-d'Or, c'est très bien, mais cela ne saurait être qu'un avant-goût d'un
trek ethnique véritable : le dépaysement n'y est pas total. Je veux dire qu'en cas de brusque nostalgie du pays natal, un petit tour de métro, et hop, vous revoici en quelques minutes dans le Paris intact et touristisé de vos rêves. C'est presque de la triche. Non, ce qu'il conviendrait de conseiller à tous ces explorateurs en herbe du Désastre, c'est d'aller s'exiler au bout d'une ligne paumée de RER, au fin fond de la cambrousse, d'emprunter pour y aller le train à l'heure de pointe, de préférence, afin d'apprécier les multiples saveurs des patois locaux, la courtoisie légendaire qui y a cours, etc., de descendre, après vingt ou trente minutes de trajet, au milieu d'une banlieue triste et insalubre où l'on pourra observer à loisir les nouveaux autochtones mener leur petite vie à eux, et barboter tranquillement dans le monde qu'ils ont petit à petit réédifié autour d'eux à leur image ; on ira côtoyer la population locale au Rapid Pizza hallal du coin ou dans une boutique de téléphonie internationale, et pourquoi, Messieurs, ne pas offrir à Madame une coupe afro exotique chez Nassim coiffure, ou un épis de maïs grillé, qu'on aura soin, après l'avoir dégusté en amoureux au pied de la tour 3 de l'allée des Pâquerettes, de jeter dans le caniveau, comme il convient ?