Samedi, entre midi et une heure, le journaliste très très très très bien pensant et au catéchisme de béton armé, P-L Basse, a animé, au cours de "son" émission (dont j'ai oublié le titre), un "débat" entre Alain Finkielkraut et Alain Badiou, débat qui n'en a jamais été un et qui s'est résumé à une simple profession de convictions opposées : mes convictions contre les tiennes.
Dans un média comme un Europe 1 et avec un animateur comme Basse, il ne fallait pas s'attendre à autre chose. Mais qu'est-ce qu'AF est allé faire dans cette galère ?
Vers midi et demi, Basse a fait s'exprimer ses deux invités sur le slogan (car pour lui, ce n'est qu'un slogan de com) "Marx est mort", et les deux invités ont embrayé, chacun son tour, en contestant cette mort de Marx, de façon irréfléchie, sans avoir pris soin d'exposer à peu près fidèlement la pensée de celui qui, le premier ou parmi les premiers, à savoir J-M Benoist, a développé cette thèse dans un livre homonyme. La thèse, pourtant, est connue. Le marxisme est "mort" et ce sont les marxistes qui l'ont tué, JM B ne faisant que constater la disparition du marxisme, comme croyance, comme explication du monde, comme fondement d'Etats et de politiques, dans les pays de l'Est. En un mot, personne n'y croyait plus, et tout le monde avait renoncé au marxisme. Seules subsistaient quelques enclaves dans les universités d'Occident ou dans les médias où l'on tenait encore la pensée de Marx pour vivante, bien qu'elle ait été invalidée, selon J-M B (c'est sans doute l'aspect contestable de sa thèse) par le structuralisme.
Badiou s'est lancé dans une longue harangue en deux points :
a) aucune pensée ne meurt, ni Platon, ni Aristote ne sont morts, leur pensée est toujours féconde (sans jamais dire en quoi elle l'est), oubliant que ni Platon, ni Aristote n'ont voulu changer la société de leur temps, leur pays ou les réalités du monde, n'ont créé de parti politique, n'ont annoncé l'instauration proche d'une société parfaite, sinon de façon purement conceptuelle (cf. La République);
b) Marx est (ou serait) plus vivant que jamais, ce qu'il a affirmé mordicus, sans ironie, ni distance; et, pour preuve de ce Marx ressuscité, il a asséné la vérité suivante (sans qu'AF éclate de rire) : "nous sommes aujourd'hui en 1848", oubliant qu'une des pensées les plus justes de Marx, énoncée à ce moment-là et imprimée dans La Lutte des classes en France, 1848-49, porte justement sur la répétition impossible des situations historiques, sinon dans un registre bouffon.
C'est justement le registre favori des philosophes quand ils "causent dans le poste" et qu'ils se croient obligés de confirmer Marx, non seulement sur l'histoire qui ne se répète pas, mais aussi sur la misère de la philosophie.