M. Guillebaud s'emploie dans cet entretien à nous bien asséner, bien faire comprendre que la richesse se trouve dans les marges, dans les marges des civilisations. La paroi poreuse des cellules territoriales, des civilisations, serait le lieu béni de toutes les richesses échangistes. On aime le concept. On le trouve aguichant.
Les cosmologues goûtent les métaphores alimentaires pour faire comprendre au public, dans leur louable effort de vulgarisation, à quoi ressemble le cosmos, selon les dernières nouvelles du jour: tantôt une galette, tantôt une grosse bombe glacée, et dernièrement, un
doughnut. Oui, un doughnut, savoir une couronne en trois dimensions, ainsi serait organisé le grand tout orbital. Bien.
Qu'on me pardonne de leur emboîter outrageusement le pas en vous disant que le schéma des civilisations est celui du
camembert. Oui, du camembert: plus riche, plus onctueux, plus chargé de ferments en sa périphérie, mais aussi, dans la même marge: plus coulant, plus croulant, plus putride, plus prêt à l'effondrement que nulle part ailleurs dans son corps. Tel est le schéma des aires civilisationnelles: la diaspora, c'est la richesse périphérique et la coulure du camembert, l'affaissement aux premières pressions du centre continental (les armées révolutionnaires et correctrices de le nation chinoise ont TOUJOURS attaqué la périphérie décadente et corrompue par le coeur centrasiatique, depuis le premier empereur Qin Shi Huang Di mais je crois même avant lui) ou aux premiers assauts idéologiques des forces extérieures; la périphérie, la marge et le synapse civilisationnel qu'elles constituent sont certes le lieu de tout ferment intellectuel mais aussi de l'ineffable trahison des élites, de leur fuite outremer et du ventre mou général qui cède au premier haussement de ton des ayants-droits du territoire central.
Alger, puisqu'il est question de la France, fut, au moins deux ou trois décennies, un second Paris de par sa vie intellectuelle et artistique, et même politique pendant l'Occupation. Voyez la suite.