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Synthagmatique paradygmatique

Envoyé par Quentin Dolet 
Une liste de "perles" commises par des candidats au CAPES de Lettres classiques en 2005, dénichée sur un forum. (Les commentaires entre parenthèses sont ceux du correcteur.)

Sujet de dissertation : lecture et relecture ("Relire n'est pas lire une seconde fois, c'est nouer un rapport nouveau avec ce qui s'est fait reconnaître comme texte", citation de Claude Lefort dans sa préface du Discours sur la servitude volontaire de La Boétie).


ON ÉCRIT COMME ON PARLE (ET ON NE SAIT PAS PARLER)

Cette ouvrage (souvent)
Un paysage hostil
Les échelons sociales
Prise de contacte
Il pourrait être intéressant de comprendre comment cette ambiguïté a-t-elle pu…
Le théâtre de l'absurde, dont Ionesco et Beckett en sont les plus grands représentants
Comment envisager la littérature s'en prendre en compte la lecture ?
Calderon, dramaturge espagnole
Boulversement (fréquent)
Nous suivons le fils du texte
Évènement (dans la plupart des copies)
Quoiqu'il en soit (idem)
Exhaltant (…)
Désué
La pérénité
Un playdoyer
Dans toute l'acceptation du terme (très fréquent)
"soit-disant" (aussi)
Synthagmatique (…) paradygmatique (dans plusieurs copies… ils sont aussi censés avoir fait du grec, non ?)
L'Iliade et L'Odyssée, empruntes de tradition orale…
Le commentaire composé déscelle les finesses du texte
"à priori" (CAPES de lettres classiques !!!)
La "mos majorum"(…), la furor
Un rapsode
"docere, placere, emouere" (CAPES de lettres classiques !!!)
"pallier à " et parfois même "palier à"
le délivrement du message que voudrait faire passer l'auteur


L'OUTRECUIDANCE DES NÉOPHYTES

Seules les œuvres contemporaines sont polysémiques.
Les œuvres romantiques sont faites pour ne pas être relues.
Les personnages de En attendant Godot sont bêtes.
Le lecteur naïf se fie à ses connaissances. (no comment)
La poesie des poetes petrarquistes est une poesie avec de nombreuses figures de style.
Les références scatologiques dans le D. Juan de Molière.
Les fables de La Fontaine sont appelées à être récitées, ce qui leur vaut leur place en primaire et au collège. (Miam, ça sent bon l'IUFM)
Corneille a été mis en butte par Racine.
Mallarmé veut amener le lecteur à une lecture passive.
Robbe-Grillet prône une littérature de la lecture émotive, pour faire ressentir le fugasse. (aux anchois ?)


CULTURE LITTÉRAIRE : LA CONFUSION LA PLUS TOTALE !

Basil de Césarée
Amphitrion (CAPES de lettres classiques, ne l'oublions pas !!!)
L'Énéïde
Servantès
Les fables de Lafontaine (plusieurs fois dans la copie)
Les fables de La Fontaine comportent toutes une morale à la fin : "Rien ne sert de courir, il faut partir à point".
La mort d'Hyppolite (il passe quel CAPES, déjà ?)
Titus et Bérénice de Racine
Robinson Crusoé de William Dafoë
Saint-Priest et M. de Vermer, héros de La Nouvelle Héloïse …
Dans L'Ingénue, le Héron…
On peut endosser le personnage de Candide ou de son maître (?)
L'ironie de Montesquieu dans Les Lois
Renée de Chateaubriand
Fabrice à Vaterlot
Une soirée perdu de Vigny
Avec L'Education sentimentale, Flaubert a voulu faire "un livre sur rien"
Le roman expérimental, avec Benjamin Constant …
Mallarmé, poète abscond
Dans l'Education sentimentale, Frédérique (plusieurs fois dans la copie)
Le Vallon de Rimbaud
Beaudelaire (depuis le collège, sans doute…)
Les textes de Beaudelaire sont souvent le résultats du hachish
Théophile Gauthier fait parti de la veine des surréalistes qui pratique une écriture mécanique
Dans Les Rougon-Macquart, Balzac dit que…
Au début du roman éponyme, Madame Bovary fait l'acquisition d'un nain de jardin (MA PRÉFÉRÉE !! JE M'EN REMETS PAS !!! IL DOIT CONFONDRE AVEC AMÉLIE POULAIN !)
L'Assomoir (parfois L'Asomoir, voire L'Assomoire)
L'absente de tout bouquet, comme dit Lautréamont
Dans le Nouveau Roman, Gide…
Huit-clos de Sartre (Sarthre, dans d'autres copies, voire Sarthe)
La Route des Flandres de Michel Butor
Le mille-pattes dans Le labyrinthe de Robbe-Grillet
Les Essais critiques de Bakhtine
Psychanalyse des contes de fée, de Jung
Le Vampire du CDI (???!!!) est un roman très intéressant
Marine d'Appolinaire (Chantre ???)
Philippe Soulpault
Aragon s'insurge contre la montée du totalitarisme dans Retour d'URSS : ce texte préfigure les Goulags et les exportations massives en Sibérie.
Zazie dans le métro, texte de facture surréaliste, reproduit une histoire selon différents points de vue…
"Et rose elle a vécu ce que vivent les roses / l'espace d'un printemps"
"Abeli bibelot…"
Les Chattes de Baudelaire (J’ADOOORE)
Le Chaplin décoiffé de Boileau
L'Amant de Marguerite Yourcenar
La Cigale et la foumis
Le banquier et le savetier
Monsieur Madelaine
Les Verdurins


REGISTRE DE LANGUE

Qui n'a pas relu cette tirade, pour, à nouveau, être emballé ?
La petite fille qui se ballade seule dans la forêt
Proust débute la Recherche…
Le "vous" débute La Modification
L'auteur mène son lecteur par le bout de son nez.
On peut relever Stéphane Mallarmé (MAIS DANS QUEL ÉTAT !!!)
Le père Goriot se laisse démolir par sa gentillesse.
L'auteur se rappelle du passé


TENTATIVES DE DISCOURS CRITIQUE ("LA VOIX DE SON MAÎTRE…")

Relire sous-entend l'acte physique de relire plusieurs fois.
La critique a consacré ses études sur la notion d'auteur : l'être humain a tendance à le définir (…) mais le critique, lui (…), critique.
La lecture est en fait le premier contact que le lecteur a avec le texte de l'œuvre.
La lecture est une des premières approches de l'oeuvre après l'avoir choisi.
Depuis qu'il a été donné à l'homme de communiquer, il produit des textes.
Lire est déjà bien assez difficile à définir, alors, lorqu'il s agit de donner un sens précis et bien déterminé de "relire", cela l'est encore plus.
J'accuse est un article de journal dont la relecture est à relire une seconde fois.
Il faut relire pour ne pas se laisser tromper par l'auteur (quelle idéologie !!! on sent le Viala là-dessous…)
Ce n'est pas toujours en comprenant qu'on découvre les meilleurs aspects.
La relecture du mythe d'Amphitrion est relue par Giraudoux afin de dénoncer, en s'en moquant, de l'audace des hommes.
Dès le début du XXe siècle, il y a un grand changement aux theories litteraires.
Tout texte littéraire est destiné à quelqu'un ou à quelque chose, et délivre des signifiants et des signifiés.
Tu as bien fait de partir, Arthur Rimbaud, la parataxe profuse et déstabilise le lecteur ; néanmoins, ce que le texte apporte au lecteur est réciproquement possible.


ET POUR LA BONNE BOUCHE, UN EXTRAIT DE LA COPIE DU MAIRE DE CHAMPIGNAC :

"Le livre, tel une cloche qui frissonne encore, teintant son œil de différentes émotions…"


…CELLE DE M. DE LA PALISSE :

"Proust s'illustre par ses périodes proustiennes qui nous emmènent dans l'univers proustien."
"L'éclairage d'informations complémentaires qui illumine le texte…"
"Les Antiquités de Rome abordent des thèmes liés à l'Antiquité."


ET LES ILLETTRÉ(E)S DE SERVICE (QUI, POUR SE PRÉSENTER AU CAPES, ONT, RAPPELONS-LE, OBTENU LEUR LICENCE)

D'autres lectures d'ouvrages ayant étudiées le texte, permet un éclairage à chaque fois pour le lecteur à chaque fois
Chez les Anciens de l'Antiquité, à leurs élèves, ils leur faisaient apprendre par cœur L'Odyssé d'Homere (…) et la Tôra
On pourrait rapprocher cette relecture aux premiers poèmes (…) qu'on ne sait pas vraiment ce qu'ils veulent dire
Une relecture où on en développe des hypothèses de sens.
Les œuvres romantiques sont faites pour ne pas être relues.

Admirable.
Pourriez-vous donner la source de cette mine d'inhéritage ?
Je l'ai trouvée par hasard (ou presque) sur cette page d'un forum de professeurs.

Il y a peu, j'ai eu l'occasion de corriger quelques copies d'étudiants en master d'informatique, dans le cadre d'une petite formation à la recherche bibliographique. Le geste graphique lui-même semble faire défaut ; et l'écriture d' une phrase rudimentaire semble poser des problèmes inouïs. Il ne faut pas chercher de sujet ou de verbe, les mots mal orthographiés sont alignés sans ponctuation, fluctuant sur une ligne vague et incertaine. Lier deux phrases relève de l'exploit. Cela dit, je ne suis pas professeur et certains membres de ce forum pourraient peut-être nous confirmer ce délabrement de l'écriture spécifique aux filières non littéraires (y compris sur le plan du geste scriptural).
Merci beaucoup.
Et Homo Debilus vint... Bientôt, l'exploration fonctionnelle en neurologie permettra d'objectiver les inédites connexions neuronales qui agitent son étrange cerveau. De son côté, la psychanalyse gagnerait à examiner ce matériau empirique en reprenant la métaphore du point de capiton (ou désagrafage du signifié et du signifiant), utilisée par Lacan pour percer le mystère, toujours intact, des psychoses. Car martyriser ainsi la langue, faire dire n'importe quoi aux mots, même de manière non intentionnelle, relève du délire.
(Il semble que "évènement" et "événement" soient tous deux acceptés.)
Utilisateur anonyme
02 mars 2013, 21:25   Re : Synthagmatique paradygmatique
Cette liste de "perles" ne m'étonne pas. Il suffit de lire les rapports du CAPES et de l'Agrégation pour se rendre compte que le niveau est au plus bas. Je connais une jeune femme qui a obtenu le CAPES de lettres modernes l'an dernier, et je suis persuadé qu'elle a fourni de plus belles "perles" à ses correcteurs. J'ai le souvenir qu'en deuxième année de Master, il lui était pratiquement impossible d'écrire une phrase sans fautes d'orthographe. Sa culture littéraire se résumait à Boris Vian, Frédéric Beigbeder et Philippe Delerm. Fournier, Margerit, Blanchot lui étaient inconnus. J'ai pu constater que cette année le CAPES de lettres modernes a été simplifié. En ancien français, par exemple, la question de phonétique historique a été, pour la première fois, supprimée. L'orthographe d'un poème de Malherbe a été modernisée pour l'épreuve de grammaire. De plus, le sujet de dissertation - extrait d'un bel essai de Louis-René des Forêts - ne posait aucun problème de compréhension.
Citation
Francis Marche
Les œuvres romantiques sont faites pour ne pas être relues.

Admirable.

La cloche, elle, frissonne pourtant chaque fois qu'on se la tape.
J'écris "événement", mais je pense qu'il est aussi légitime d'écrire (depuis 1990, je crois) "évènement".

On m'a en outre appris qu'on devait écrire "à priori" en caractères romains, mais "a priori" en caractères italiques.

Ce "correcteur" devrait préciser que certaines de ces "erreurs" sont admises par l'usage.
Citation
Alain Eytan
Citation
Francis Marche
Les œuvres romantiques sont faites pour ne pas être relues.

Admirable.

La cloche, elle, frissonne pourtant chaque fois qu'on se la tape.

Le frisson (forme masculine de la fiction), qui devrait être réservé à la musique (ou, si l'on préfère, la friction des organes), est aussi étranger à la valeur littéraire qu'à l'ingénierie de la pensée et des actes :

Is it not monstrous that this player here,
But in a fiction, in a dream of passion,
Could force his soul so to his own conceit
That from her working all his visage wanned,
Tears in his eyes, distraction in his aspect,
A broken voice, and his whole function suiting
With forms to his conceit? And all for nothing.


Hamlet, II.2

Note: her working : les travaux de l'âme
Il est recommandé d'écrire "évènement" depuis 1990, en effet, même si l'usage ancien est toléré. Le commentaire du professeur prouve bien que les règles apprises dans l'enfance ont la vie dure. J'ignorais également, plus de vingt ans après les préconisations officielles, qu'il fallait (ou que l'on pouvait) désormais écrire "portefeuille", "tictac", "douçatre", "boursouffler", "je cèderai", "cout", ou encore "ambigüe". La dictée de Mérimée, écrite selon les nouvelles normes, contient aujourd'hui douze corrections par rapport au texte original.
La banquise de la langue craque de toutes parts sous l'effet du réchauffement syntaxique...
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