C'est à l'aune de leur syntaxe qu'il faut juger les hommes qui prétendent à la parole, car il arrive bien plus souvent qu'on ne croit que la vérité d'un être soit tout entière contenue dans la forme de sa phrase. Nul sens, nulle vérité, nulle beauté, nul sentiment, nulle émotion ou sensation, nulle trace que le monde laisse en nous, ne peut survivre, ni même faire illusion très longtemps, à l'abandon délibéré de la syntaxe ; de même que nulle civilisation - au moins française, c'est-à-dire d'essence littéraire - ne peut réchapper du rejet des formes, du mépris des contraintes, de l'ignorance des règles les plus élémentaires de sa langue par tout un peuple de locuteurs approximatifs, ostensiblement débraillés et volontiers orduriers.
M. Miné m'a reproché, fort gentiment il est vrai, d'avoir tenu des propos trop vifs à l'encontre du dénommé Arthur, qui d'ailleurs ne s'appelle pas Arthur, a-t-il pris de soin de nous indiquer de prime abord, moyennant quoi j'ai en effet pris la liberté de l'appeler ici Arthur (acht Uhr !).
En vérité, il apparaît que mes observations, au demeurant strictement fondées, et m'a-t-il-semblé nécessaires, étaient encore bien trop pondérées au regard des dernières insanités injurieuses que cet incongru visiteur a cru bon de laisser derrière soi sur le "forum des propositions". Les éventuels amateurs de piteux quolibets et de crachat anonymes s'y reporteront ; les masochistes, s'il en est, y trouveront leur petit bonheur d'un jour, hélas pour eux de courte durée (ils sont prévenus). N'empêche, encore une fois la syntaxe - ou plutôt le défaut de syntaxe, l'incorrection de la langue, le négligé de la parole - disait vrai quant à la valeur morale de l'individu. Certes l'homme méchant peut parfois avoir de la syntaxe (sans doute existe-t-il un art de la méchanceté), mais l'homme bête en est toujours cruellement dépourvu, c'est à cela qu'on le reconnaît à peine ouvre-t-il la bouche.
N'empêche, j''en connais qui se sont fait copieusement houspiller et même interdire de forum pour bien moins que ça... et pas toujours à juste titre, ce me semble (la censure n'est pas mon fort...).
Monsieur Miné (qu'on me pardonne ce message un peu personnel quoiqu'à la vue de tous),
je saisis l'occasion qui m'est ici donnée de vous interpeller personnellement pour vous remercier des mots bien trop aimables que vous avez eus récemment, sur un autre ''fil'' que celui-ci, au sujet de ma pauvre prose qui semblait avoir l'heur de ne pas trop vous déplaire. Ayant été absent de ces lieux durant une dizaine de jours, je n'ai pas pu le faire au moment opportun ; si je vous avais remercié après coup, cela aurait automatiquement remis en tête de ce forum, et donc de manière quelque peu indécente, un ''fil'' qui visiblement ne déclenchait pas l'enthousiasme des foules scripturaires, nonobstant en effet quelques tentatives potaches d'y faire suite ou plutôt d'y couper court, comme vous l'avez d'ailleurs noté. Cependant (car à toute chose il y a toujours un cependant...), après réflexion, je me dis que si d'un côté vous me dites apprécier mes interventions et que de l'autre vous ne trouvez rien à redire d'emblée, ni même après coup, à l'insupportable et malveillant baragouin dudit Arthur, c'est un peu comme si vous nous disiez être tout à fait chaviré par la ténébreuse et déchirante beauté du
Concerto pour violon "à la mémoire d'un ange", quoique vous ne dédaigniez pas non plus, de temps à autre, vous
éclater à donf en faisant grave la teuf sur les hits technoïdes de Lady Gaga (mettons). Toutes proportions gardées, cela va de soi. Il y a surtout que je ne voudrais point par cette présomptueuse comparaison passer pour plus orgueilleux que je ne suis (quoiqu'on ne l'est jamais trop, comme dirait mon maître Flaubert), ni par cette blague stupide passer pour moins hostile à l'humour petit-bourgeois que j'aime à me réputer. J'ajoute, pour finir, que vos opinions très défavorables à l'égard de De Gaulle me laissent un tant soit peu pantois ; à ces mots, les vôtres en l'occurrence, je crois bien qu'une partie du sang de mes ancêtres regimbe dans mes veines (ce n'est pas désagréable de m'en sentir ainsi l'héritier viscéral). Dieu merci, n'ayant pas l'insigne bonheur d'être de gauche, je ne suis nullement sectaire et ne songe pas à vous en tenir rigueur.