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Langue française : l'insidieux massacre quotidien par la journalisterie

Envoyé par Francis Marche 
C'est un entrefilet paru dans le Figaro.fr. Une "traduction de l'AFP". Je dépose la chose ici dans son intégralité pour sa valeur d'exemple, d'objet d'étude et d'illustration de l'insidieux massacre, de l'achèvement quotidien du français par le travail de sape qui s'opère de la main des journalistes-traducteurs qui ignorent absolument tout des règles stylistiques de base de la traduction de l'anglais en français. Il ne s'y trouve pas de "barbarisme" à proprement parler, ni de contresens, rien qui fasse sourire ou hurler, seulement une usure perverse, un mépris affiché de toutes les tournures du français vivant. Ces gens sont en train de fabriquer une fausse langue française, une langue morte, pis que morte : une sous-langue, un babil d'enfant qui n'a jamais existé ça et là que chez les préscolaires et qui remplace peu à peu celle qui se meurt. Sous l'effet de ce travail de sape, peu à peu, nous nous trouvons tous à ne plus savoir parler que comme ça, par des calques stylistiques affligeants et dans l'ombre d'une langue étrangère :


Clint Eastwood, célèbre pour ses rôles de justicier au cinéma, est aussi un héros dans la vraie vie : il vient de sauver celle d'un convive qui s'étouffait lors d'une réception en Californie (ouest), en pratiquant la manoeuvre de Heimlich.

"Clint a sauvé ma vie", a affirmé Steve John, au Carmel Pine Cone, le journal de la ville californienne de Carmel dont l'acteur a été maire. Lors d'une réception cette semaine à l'occasion du tournoi, l'homme discutait en mangeant quand un morceau de fromage est resté coincé dans sa gorge. "Tout d'un coup, je ne pouvais plus respirer", raconte-t-il le patron du tournoi de golf AT&T Pebble Beach National Pro-Am en Californie. "Clint est arrivé derrière moi et savait exactement quoi faire", ajoute-t-il.

L'acteur et réalisateur de 83 ans a raconté au journal comment il avait vu dans les yeux de Steve John la "panique de ceux qui se voient mourir. J'ai donné trois coups brusques, et c'est sorti. Et puis je lui ai fait boire un grand verre d'eau avec un peu de citron pressé".

"L'inspecteur Harry", du nom d'un de ses plus célèbres rôles, a confessé n'avoir jamais pratiqué la manoeuvre de Heimlich, "sauf en exercice". Cette manoeuvre consiste à se placer derrière une personne qui s'étouffe et compresser brusquement le creux de son estomac.


Il existe une règle élémentaire que l'on enseignait jadis avant même le baccalauréat dans les cours de version anglaise : le possessif anglais des parties du corps ne se traduit pas tel quel en français, langue dans laquelle on use de l'article défini et du datif : I cut my finger : je me suis coupé le doigt.

Cette règle est manifestement inconnue de ces rédacteurs de l'AFP et du Figaro : "Clint a sauvé ma vie" est de la langue de préscolaire, d'enfant de cinq ans pour "Clint m'a sauvé la vie"; et de même "un morceau de fromage est resté coincé dans sa gorge" pour "un morceau de fromage lui est resté coincé dans la gorge"; et "compresser brusquement le creux de son estomac" pour "lui compresser brusquement le creux de l'estomac".

"dans la vraie vie" : calque de "in real life" qui, en français de presse nationale devrait se dire "à la ville";

"savait exactement quoi faire" : là encore, langue d'enfant de cinq ans au lieu du français adulte "savait exactement que faire" ou "savait exactement ce qu'il fallait faire";

"tout d'un coup" pour "tout à coup" (suddenly);

"du nom d'un de ses plus célèbres rôles" : calque de "one of his most famous roles" qui pose l'adjectif avant le nom comme l'exige l'anglais alors que le français le postpose : "du nom de l'un de ses rôles les plus célèbres"

"a confessé", calque de l'anglais "to confess" qui signifie avouer qq chose et non le confesser;

"la manoeuvre de Heimlich" (Heimlich maneuver) qui en français devrait être "le geste de Heimlich", le terme de "manoeuvre" connotant tout autre chose en français qu'un geste susceptible de sauver une vie.

Voilà ce qu'il y aurait à dire sur ce billet, trois fois rien donc. Mais qu'on ne s'y trompe point : ces petits riens, diffusés à doses quotidiennes, sont en train de nous rendre aphasiques, de nous priver de parole et d'articulation de notre discours et de notre pensée, de nous rendre l'esprit débile, d'infantiliser, de babiliser l'expression de tous les Français, jusqu'aux ministres de la République.

Si rien n'est fait pour ré-enseigner à ces "journalistes" le peu de français qui nous reste en isolement du peu d'anglais qu'ils connaissent, notre langue finira par nous échapper, par nous fuir pour de bon et le français langue nationale tombera dans nos bouches au niveau qui était le sien au Québec dans le début des années 60 (avant les efforts de la Belle Province pour la rétablir dans ses droits).
C'est ce que Renaud Camus appelle, depuis quelque temps, "parler anglais en français".
Ils disent tous à présent enjoindre [les députés] de... ou enjoindre [les députés] à.

Cette construction transitive directe, calquée sur l’anglais (enjoin [someone] to do [something]), s’est répandue comme une traînée de poudre et est devenue très générale.

On n’a d’ailleurs pas tellement l’impression d’une faute, mais plutôt d’une commodité, introduite par convention tacite. Un courageux s’est lancé, tout le monde a trouvé que ça passait très bien, et c’est tellement plus pratique, puisqu’on peut décalquer presque mot à mot les dépêches-source.
oui, "enjoindre de"; et à la trappe "sommer de".

L'autre jour, sur France 24 (qui n'est pas la pire des chaînes télévisuelles sur ce plan), un "envoyé spécial" à la Conférence de Montreux du 22 janvier dernier qui nous dit micro en main que "la Russie a un motif ultérieur lorsqu'elle déclare ceci ou cela".

Ce monsieur manifestement ignore tout du sens véritable de l'expression anglaise "ulterior motive" dans sa langue, le français. Mais le pire est encore qu'il ignore ou se fiche de savoir que "motif ultérieur" n'existe pas en français, n'est pas une notion, ne véhicule aucun concept, n'a strictement aucun sens et porte injure à l'auditeur francophone qui peut à bon droit considérer qu'on se fiche de lui, qu'on le prend pour une andouille, un péquenot à qui il est admis que l'on puisse dire n'importe quoi qu'il gobera par principe parce que ça le dépasse. Il y a double injure : à la profession, au public francophone et secondairement à l'émetteur, l'acteur anglophone originel visé dans le rapport de la part de ce journaliste professionnel subventionné qui ne sait pas que l'ulterior motive de l'anglophone c'est l'arrière-pensée du francophone et strictement rien d'autre.

Il existe un Office de la Langue Française, un Haut-Commissariat à la Francophonie, qui doivent à l'heure qui l'est s'occuper (en sus de la répartition des prébendes) de valoriser l'usage de quelques termes créoles, des îles, d'Afrique dans le français courant, et bien entendu de promouvoir la sacro-sainte "diversité", toujours la même (!)

Mais rien n'est fait par personne contre ce mal que personne jamais ne dénonce : le mal de l'incompétence et de la dégénérescence des moyens linguistiques du locuteur français autorisé, le politique, le journaliste, les représentants et porte-parole du Pouvoir qui s'expriment partout comme des concierges dans les années 60, qui babillent dans une sous-langue digne d'enfants en âge préscolaire.

Je suis convaincu, mais c'est évidemment très difficile à prouver et à argumenter, qu'une des raisons premières de la désespérance de ce pays, la France à la population surmédicamentée aux anti-dépresseurs est cela même : le sentiment terriblement "frustrant" (anglicisme), contrariant et désespérant d'être pris pour des cons à longueur d'antenne et de papier imprimé par les gens de pouvoir qui s'adressent à eux dans une langue dont tout leur indique depuis l'enfance qu'ils devraient avoir honte, dont leur grand-mère et parfois leur mère aurait eu honte d'user, et la rage morbide de constater qu'eux-mêmes, dans leurs capacités et leurs moyens d'expression, en sont réduits, par force, à les imiter et à les rejoindre dans l'égout et le grognement.
Les journalistes peuvent en tout cas se dire qu’ils vont dans le sens de l’Histoire. Dans le multiculturalisme tel qu’il est mis en place par l’actuel régime, il s’agit de doter « les immigrants, dès l’accueil, d’un apprentissage minimum mais suffisant... de la langue française », comme l’écrit excellemment Mme Tribalat sur Atlantico. Autrement dit il s’agit de créer, sur la base du français, une langue véhiculaire, une sorte de créole, ou de pidgin, ou de sabir, permettant au locuteur, une fois qu’il en possède les rudiments, de brailler pour réclamer des droits et des passe-droits.

Il n’est pas surprenant que cette langue véhiculaire emprunte, afin de simplifier la vie des usagers, les structures syntaxiques de la langue internationale qu’est l’anglais.
de brailler pour réclamer des droits et des passe-droits.

Comme cet Africain qui, hier matin, à la Poste, hurlait que c'était son tour dans une langue incompréhensible, cela après avoir insulté et menacé avec son parapluie (!) un Français sidéré par tant de sauvagerie?
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